vendredi 4 juillet 2008

Inquiétude & Certitudes - vendredi 4 juillet 2008



Vendredi 4 Juillet 2008


Ingrid Bétancourt, libérée, notoire - que faire d'une notoriété


Les deux points forts de la Chine

Privatisation de La Poste


Prier… [1] comme Jésus était à table à la maison… le bonheur immédiat. C’était une table ouverte, celle de Dieu toujours… voici que beaucoup de publicains et de pécheurs vinrent prendre place avec lui et ses disciples. L’initiative ne semble pas venir de Jésus, il n’est qu’attirant. Or, il n’enseigne pas les pécheurs, sauf la femme adultère : ne pèche plus, sauf les malades qu’il guérit : tes péchés sont pardonnés. Son enseignement s’adresse à ces soi-disant justes pour lesquels censément il n’est pas venu. Il renvoie simplement au psaume : c’est la miséricorde que je désire. La relation entre les hommes, pas tellement celle des hommes avec moi, Dieu, votre Dieu. Elle va de soi, celle-là, mais entre vous ? repas de fête : la vocation de Matthieu, retournement de vie, de situation, de perspective est ainsi fêtée par ce qui ressemble à l’Eucharistie, présence réelle, festoiement humain, enseignement. De tout mon cœur, je te cherche, Seigneur : garde-moi de fuir tes volontés. La bouche grande ouverte, j’aspire, assoiffé de tes volontés. Un autre comportement, de calcul immédiat et tout humain, mène à la catastrophe. Projets et portrait intime, vous qui écrasez le pauvre pour anéantir les humbles du pays, car vous dites… quand arrivera mon jour… voici venir des jours… on se traînera d’une mer à l’autre, marchant à l’aventure du nord au levant, pour chercher en tout lieu la parole du Seigneur, mais on ne la trouvera pas. Chercher Dieu a ses préalables. J’ai choisi la voie de la fidélité, je m’ajuste à tes décisions. Ainsi soit-il ! pour moi et les miens, pour tous ceux que j’aime et qui me porte, ou qu’il m’est donné, nous est donné à ma femme et à moi, à notre fille déjà, implicitement, d’aider, de porter dans notre prière et notre cœur. Caravane de la prière mutuelle. Visage de tous, vivants et morts, abandonnés et abandonnants. Tous.

. . . matin

Tandis qu’Ingrid Bétancourt est en vol vers la France, faut-il déjà voir le président de la République à la coupée de l’envoi, le couvert mis à l’Elysée, la grand-croix de la Légion d’honneur passée autour du cou de l’héroïne, puis la descente des Champs-Elysées en voiture découverte pour quelques points de remontée dans les sondages de la mouche du coche ? mais imité par toute la « classe politique », tous bords confondus, et se pressant pour figurer sur le maximum de clichés. Bien entendu, la couverture de tous les magazines… Cette femme qui héroïquement tenu pour elle-même, pour l’honneur et pour les siens, quoi est-elle ? une mère de famile (recomposée ou pas), en tout cas l’épouse de plusieurs hommes, titulaire de plusieurs passeports et nationalités. Femme politique dans son pays, candidate de témoignage il y a six ans (contre Uribe, donc) ou candidate ayant des chances sérieuses. Dans des affaires aussi tragiques que celle-là, il y a le mystère de la « victime », ainsi celui de Claude Erignac. Maintenant, celui d’Ingrid Bétancourt, occulté par l’affreuse simplification de la captivité dont l’issue était imprévisible, en tout cas l’heureuse issue d’aujourd’hui.

Accessoirement, les Etats-Unis au courant, mais pas leur « ami ». Ingrid assure qu’elle va lutter pour la libération des autres otages, plusieurs centaines encore. Interviendra-t-elle pour le Tibet ? Bush et Sarkozy en vol, déjà – mentalement. Union européenne et droits de l’homme : déjà la directive immigration qui nous a, collectivement, mis à dos l’Amérique latine, plus encore que l’Afrique. Le Parlement européen, dernier élément de démocratie et peut-être de morale, a alors failli, le 18 Juin (…) dernier. Les dirigeants des 27 vont-ils préférer que leur « président en exercice » s’abstienne, ou lui donneront-ils la satisfaction qu’il recherche : pouvoir dire aux Chinois qu’à lui seul il a plaidé et faut gagner la Chine en Europe ? François Mitterrand stigmatisant « le petit télégraphiste » que fut, selon lui, Valéry Giscard d’Estaing au sommet européen de Venise, à propos de l’invasion soviétique de l’Afghanistan.

"Tout le monde le sait, c'est une opération colombienne rondement menée qui a bien marché, qui prouve que les négociations avec les Farc étaient inutiles et n'avaient débouché sur rien", a estimé Mme Royal en visite à Québec, affirmant qu'"une récupération politique serait décalée".[2] Ségolène Royal, quoiqu'elle ne m'honore que d'une ligne de couriel tous les dix mois, me plaît de plus en plus. Je reste convaincu qu'elle sera un bon président de la République, car elle sera acculée à gouverner collégialement - et ne pourra éventuellement dominer que par le referendum. La réalité - selon ce qu'a entendu ma chère femme sur France-Infos. est qu'Ingrid Bétancourt a remercié tout de suite ses "amis" Jacques Chirac et Dominique de Villepin, puis un peu plus tard, et très séparément, le "président Sarkozy" . L'AFP se confond en flatteries et montages - fait une dépêche exprès pour récapituler les efforts antérieurs de Nicolas Sarkzy. Après l'audio-visuel public, elle se sait la prochaine cible du pouvoir, Devedjian, Goasguen et les éminents de l'U.M.P. réclament sa privatisation. Le piquant est que Ségolène Royal ayant depuis deux ans multiplié les propos et rencontres indépendantistes avec les Québécois, ce qui m'a rempli de joie, mais fait crier les gaullistes à l'incompétence diplomatique (!), est - à Québec - l'invitée "personnelle" de François Fillon. - Je regrette d'autant plus de n'avoir pas fait partie de l'avionnée.

La Chine… l’événement de ces dernières semaines est la reprise des liaisons aériennes directe entre Taüwan et le continent : pour la première fois, depuis 1949. Ce que la Chine possède politiquement et économiquement, et elle seule au monde : des possibilités de régimes divers à tous égards sans que ce soit pourtant une autonomie (le Tibet en sait quelque chose), ainsi Macao, Hong-Kong et de plus en plus probablement Taïwan – une diaspora dans le monde entier, mais surtout en Europe occidentale et aux Etats-Unis, assez nombreuse pour peser sur l’ordre public et pénétrer les secrets de l’étranger – qui lui – n’a pas de « colonie » en Chine, n’est donc une pression éventuelle que du dehors, jamais démographiquement ou par infiltration, et n’a aucun regard propre localement.

. . . après-midi

Réécriture, par l’AFP, pour l’atterrissage en France, d’une otage libérée. "Je veux embrasser le président (Nicolas) Sarkozy pour lui dire que je l'admire et que je lui dois le fait d'être là aujourd'hui", a-t-elle dit. "C'est une histoire incroyable avec une fin heureuse", et "je veux venir en France pour remercier tous les Français et partager ce moment de bonheur avec eux (...) je suis dans un état second, merveilleux, c'est un miracle", a encore déclaré Ingrid Betancourt. [3] Je retiens l’assassinat d’Uribe père en 1983 et du père d’Ingrid en 2002, quelques mois à peine après l’enlèvement de sa fille.

Les versions… l’impeccable opération d’infiltration, de renseignement… une rançon de vingt millions de dollars pour retourner quelqu’un ou quelques-uns ou la hiérarchie des FARC, avec mise en scène ensuite (on ne voit pas alors l’intérêt de la mise en scène pour les FARC valorisant Uribe)… des honoraires pour une officine de sécurité, montée à Bogota, par deux anciens officiers supérieurs israëlens, dix millions de dollars…

L’atterrissage… seize heures, l’A 319 présidentiel. Texte de Nicolas Sarkozy, ton de l’enfant de chœur correspondant au visage affiché pour l’élection présidentielle et aussi composé (efficacement) pour le face-à-face du mercredi soir 2 Mai 2007. Il est commenté qu’il parle au nom de toute la France, sans jamais dire moi ou je, de manière à éviter la polémique naissante sur une tentative de récupération (commentaire France-Infos.) : signature, çà sert toujours de se battre, il n’y a pas de fatalité. Cela vaut-il pour pour tous les Français qui contestent le cours donné à notre politique nationale depuis un an, et qui ne parviennent pas jusqu’à présent à le limiter ? réponse, longue, d’Ingrid Bétancourt, très habile et balancée, une femme qui s’effondre en fin de texte, d’émotion, mais qui en cours d’énoncé est sans faute… "Je dois tout à la France", a lancé la Franco-Colombienne. "Je regarde cet homme extraordinaire qui a tant lutté pour moi et je regarde aussi à travers lui toute la France", a-t-elle poursuivi en saisissant la main du président Sarkozy [4] . . . un rêve, rencontrer Bertrand Delanoë que je ne connais pas et décrocher avec lui mon portrait. . . le produit de votre lutte. . . . le fruit de la réflexion franco-colombienne.

Conférence de presse après cet échange de discours sur la piste de Villacoublay. "Charmeuse", (commentaire de France-Infos.) une femme politique. Journée-marathon. Deux heures encore de cérémonies à l’Elysée. Demain le Val-de-Grâce. La semaine prochaine, benoît XVI. Deux personnes manifestement au courant. Uribe se donnant la possibilité, il y a quinze jours, d’une anticipation de l’élection présidentielle (un troisième mandat, le précédent acquis en 2006), et Benoît XVI ayant fait de cet événement, le thème de sa prière, la semaine dernière. Prix Nobel de la paix, à la clé. Exemple donné : tenir, condamnation universelle : les FARC, le terrorisme, les prises d’otages. Al Qaïda ne prend pourtant pas d’otage. Et évidemment, adversaire numéro un d’Uribe pour une campagne présidentielle en Colombie. Thème de diversion pour le président de la République, une tournée en Amérique latine avec Bernard Kouchner pour résoudre la question des otages restant… cela, le tour de France, la visite du Pape à Lourdes et à Paris… tandis qu’en session extraordinaire de plein été seront votées les lois de modernisation sociale et économique, ainsi que la révision constitutionnelle.

Sortis avant… l’Express donne sa couverture sans image à une affiche : le système Carla, son rôle au cœur du pouvoir, Le Point en fait autant et prétend donner à ses lecteurs tout ce que dit Sarkozy « off », suite de noms propres et aussi ce que pense le président de la République du magazine lui-même. La fascination continue d’être présumée par les metteurs en scène et les rédactions.

Vers la privatisation de La Poste. Notre plus grande entreprise publique, plus de 300.000 agents, mais pas tous fonctionnaires, tandis qu’il reste de ceux-ci chez France-Télécom. Un preésdent impopulaire, une mécanique européenne impopulaire continuent imperturbablement imposer ce que ne veulent pas les gens.

Dans tout cela, il est peu parlé du Québec. Ségolène Royal, ayant, par un thème tiers, rappelé qu’elle y est précisément avec le Premier ministre et deux anciens Premiers ministres. Au courrier, un mot de François Fillon m’expliquant la contrainte de taille pour sa délégation. Soit.

La Pologne en cohabitation. Le président de la République fait écho à l’Irlande et donne argument à son homologue voisin pour bloquer la ratification et donc la mise en oeuvre du traité de Lisbonne. Le nouveau Premier ministre, quoique « pro-européen » ou parce qu’il est le seul des 27 à avoir vraiment compris ce qu’est être « Européen » aujourd’hui, s’oppose au bouclier anti-missile américain, c’est-à-dire au défi lancé à la Russie. Du beau travail…

La Ligue des droits de l’homme demande à Nicolas Sarkozy d’offrir l’asile politique aux FARC et à… Marina Petrella.

. . . soir


Dans trente ans, notre fille – qui aura peut-être encadré une photographie de Pierre Messmer, dialoguant avec elle à ses dix-huit mois – dira que le soir de l’arrivée d’Ingrid Bétancourt en France, elle était au cirque avec son père (le cirque William Zavatta, et à la suite du spectacle, de magnifiques et très esthétiques numéros d’équilibre et de force sur des chaises superposées, de la chambrière coupant du papier aussi précisément qu’une paire de ciseaux, et deux lions de dix-huit mois se couchant au signal et faisant du saut et du tabouret excellemment), et qu’ensuite elle a été accueillie par les femmes du voyage. Celles-ci m’ont pris pour un imaginaire sénateur-maire et ont diagnostiqué une vocation certaine de notre fille pour le soin des animaux. D’autres président, aussi précocement, un groupe politique au conseil général le mieux doté de France.

Joie d’une otage libérée et espérance de centaine d’autres à ne pas décevoir. Causes du monde, n’en oublier aucune, surtout les oubliées. Union nationale comme au soir de la coupe du monde de foot-ball, en 1998. Pauvreté de notre territoire et de nos registres.

Phénomène de la notoriété, il faut à terme une coincidence entre le mythe et l’acteur. De Gaulle sut s’incarner en 1944. Ingrid Bétancourt bénéficie d’un formidable investissement politique et médiatique, peut-être sans précédent dans l’histoire contemporaine – depuis l’enlèvement puis l’assassinat d’Aldo Moro, mais l’ancien président du Conseil italien, était notoire bien auparavant. Quel retour sur investissement, quel choix personnel ? ou bien un capital exploité par d’autres. Que faire d’une notoriété, qui pour l’intéressée a coûté si cher ? qui attire telle qu’elle est toutes velléités d’annexion possible.


[1] - Amos VIII 4 à 12 ; psaume CXIX ; évangile selon saint Matthieu IX 9 à 13

[2] - QUEBEC (AFP) - 04/07/08 09:49 . Ingrid Betancourt à Paris
France: polémique après des propos de Royal sur le rôle de Sarkozy

[3] - PARIS (AFP) - 04/07/08 09:29 . Ingrid Betancourt attendue à Paris

[4] - PARIS (AFP) - 04/07/08 22:16 - Ingrid Betancourt respire à nouveau l'air de sa "douce France"


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