jeudi 29 mai 2014

la relation entre le Saint-Siège et l'Etat d'Israël




Accord fondamental entre le Saint-Siège et I’État d’ Israël

Jérusalem, 30 décembre 1993
mardi 5 octobre 2004

Texte de l’accord fondamental entre le St Siège et Israël signé à Jérusalem le 30 décembre par Mgr Claude Maria Celli, représentant de la secrétairerie d’Etat et de Mr Yossi Beilin, vice-ministre israélien des Affaires étrangères.
L’accord fondamental entre le Saint‑Siège et l’État d’Israël se pré­sente comme un accord signé entre deux sujets de droit international : le Saint‑Siège, d’une part, ( et non pas l’Église catholique) et l’État d’Israël ( et non pas les autorités du judaïsme comme tel). Mais ce n’est pas pour autant un accord diplomatique comme un autre, par exemple entre deux États représentant deux nations ou entre deux peuples au sens où l’on entend ce mot habituellement. Car il est clair que le Saint‑Siège représen­te bien l’Église catholique, même si celle-ci ne s’identifie pas au Saint­-Siège. Et Israël est un Etat membre des Nations Unies.
JPEG - 13.9 ko
Yossi Beilin et Mgr Claude Maria
Selon le canon 361 du Code de droit canonique, le Saint‑Siège désigne « non seulement le Pontife romain mais les autres institutions de la curie> et le canon 360 précise que la curie est l’administration centrale de l’Église, « dont le Pontife suprême se sert habituellement pour traiter des affaires de l’Église toute entière et qui accomplit sa fonction sous son nom et sous son autorité pour le bien et les services des Eglises ». Cette défini­tion est de nature interne à l’ Église. Elle est corroborée par la situation historico-juridique de l’Église catholique et la place du Saint‑Siège sur la scène internationale lui confère une autorité qui tient au statut interna­tional qui lui est reconnu.
Quant à l’État d’Israël, ses décisions lui sont propres en droit public mais elles engagent aussi d’une certaine manière la communauté juive tout entière. L’accord fondamental répond donc à une situation originale et d’une certaine manière tout à fait unique et inédite.
A cet égard le bref Préambule est d’une importance particulière. Il y est question du « caractère unique et de la signification universelle de la Terre saint », expression étonnante employée par les deux parties bien que celles-ci attachent à ces mots sans doute des interprétations fort différentes. Le texte, d’autre part, évoque le « processus historique de réconciliation », la compréhension et l’amitié mutuelle croissante non pas entre les deux parties contractantes, comme on devrait s’y attendre dans un accord diplomatique usuel, mais entre les catholiques et les juifs comme tels. Par ailleurs, l’article 2 qui suit évoque la coopération dans la lutte contre toutes les formes d’antisémitisme et, de la part du Saint-Siège, la condamnation d’actes qui sont commis bien au-delà et en dehors du ressort de l’État d’Israël.
D’autre part, la plupart des commentateurs ont noté la portée politique de cet accord fondamental en soulignant non lien dans le temps avec la conférence de Madrid et avec les premiers accords de paix entre Israël et les Palestiniens, certains allant jusqu’à conclure abusivement qu’il n’avait pas d’autre dimension que ces objectifs politiques.
Il est évident que ces événements politiques, dans la mesure où ils concernent la recherche de la paix, sont suivis attentivement par le Saint-Siège et que ceux-ci ont facilité la conclusion de l’accord. Mais cet accord n’est pas seulement politique.
On doit remarquer par ailleurs que le Saint-Siège qui a lui-même établi une distinction entre le problème de la souveraineté de la ville de Jérusalem, dont il ne dit pas être le protagoniste, mais qui ne prône plus la thèse de l’internationalisation jadis défendue par l’O.N.U., et le respect des droits des communautés, qui le concerne au plus haut point, considère son rapport avec l’État d’Israël dans le cadre plus large des relations entre les juifs et les Eglises. L’accord ne fait pas seulement référence aux déclarations juridiques internationales comme la Déclaration universelle des droits de l’homme, mais il cite Dignitatis Humanae et Nostra Aetate (article 1 § 2 ). Il aborde le problème des pèlerinages (article 5), le droit de l’Église à la propriété et évoque son magistère moral et spirituel [1].
PRÉAMBULE.
Le Saint-Siège et l’État d’lsraël, attentifs au caractère unique et à la signification universelle de la Terre sainte, conscients de la nature unique des relations entre l’Église catholique et le peuple juif, du processus historique de réconciliation et de la compréhension et de l’amitié mutuelles grandissantes entre les catholiques et les juifs :
Ayant décidé le 29 juillet 1992 d’établir une commission de travail bilatérale permanente afin d’examiner et de définir ensemble les questions d’intérêt commun et afin de normaliser leurs relations,
Reconnaissant que le fruit du travail de cette commission est suffisant pour conclure un premier accord fondamental,
Réalisant qu’un tel accord fournira une base solide et durable pour un développement continuel de leurs relations présentes et futures et pour le progrès du travail de la commission,
Conviennent des articles suivants
ARTICLE 1.
1 - L’État d’Israël, rappelant sa déclaration d’indépendance, affirme son engagement continu à maintenir et à respecter le droit de chacun à la liberté de religion et de conscience, ainsi que le soulignent la Déclaration universelle des droits de l’homme et les autres actes internationaux auxquels il est partie.
2 - Le Saint-Siège, rappelant la déclaration sur la liberté de religion du second concile œcuménique du Vatican Dignitatis Humanae, affirme l’engagement de l’Église catholique à préserver le droit de chacun à la liberté de religion et de conscience, comme le soulignent la Déclaration universelle des droits de l’homme et les autres actes internationaux auxquels il est partie. Le Saint-Siège désire également affirmer le respect de l’Église catholique pour les autres religions et leurs fidèles comme cela a été solennellement déclaré par le second concile oecuménique du Vatican dans sa déclaration sur les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes, Nostra Aetate.
ARTICLE 2.
1 - Le Saint-Siège et l’État d’Israël prennent l’engagement de coopérer de façon appropriée pour combattre toutes les formes d’antisémitisme et toutes les formes de racisme et d’intolérance religieuse, et pour promouvoir la compréhension mutuelle entre les nations, la tolérance entre les communautés et le respect de la vie et de la dignité humaines.
2- Le Saint-Siège saisit cette occasion pour réaffirmer sa condamnation de la haine, de la persécution et de toute autre manifestation d’antisémitisme dirigées contre le peuple juif, et contre tout juif, où que ce soit, en n’importe quelle circonstance et par qui que ce soit. En particulier, le Saint-Siège déplore les attaques dirigées contre les juifs, et la profanation des synagogues et des cimetières juifs, actes qui offensent la mémoire des victimes de I’Holocauste, particulièrement lorsqu’ils sont commis sur les lieux-mêmes qui en ont été témoins.
ARTICLE 3.
1 - Le Saint-Siège et l’État d’Israël reconnaissent que chacun est libre d’exercer ses droits et son autorité respectifs et s’engagent à respecter ce principe dans leurs relations mutuelles et dans leur coopération pour le bien de leurs peuples.
2 - L’État d’Israël reconnaît le droit de l’Église catholique à exercer ses activités religieuses, morales, éducatives et caritatives, à disposer de ses propres institutions, et à former, nommer et disposer de son propre personnel dans ces institutions ou pour exercer ces activités. L’Église reconnaît le droit de l’État à exercer ses prérogatives, en particulier promouvoir le bien-être et la sécurité de la population. L’État et l’Église reconnaissent I’un et l’autre qu’un dialogue et une coopération sont nécessaires pour les questions qui, par nature, les nécessitent.
3 - En ce qui concerne la personnalité juridique catholique selon le droit canon, le Saint-Siège et l’État d’Israël mèneront des négociations afin de lui permettre de s’exercer pleinement en conformité avec la loi israélienne, après présentation d’un rapport d’une sous-commission mixte d’experts.
ARTICLE 4.
1 - L’État d’Israël affirme le maintien de son engagement à préserver et respecter le statu quo dans les Lieux saints chrétiens où il s’exerce et les droits respectifs des communautés chrétiennes dans ces Lieux saints. Le Saint-Siège affirme l’engagement continu de l’Église catholique à respecter le statu quo et les droits mentionnés ci-dessus.
2 - Les dispositions qui précèdent s’appliqueront nonobstant une interprétation contraire de l’un quelconque des articles de cet accord fondamental.
3 - L’État d’Israël convient avec le Saint-Siège de l’obligation de continuer à respecter et à protéger le caractère propre des Lieux saints catholiques : églises, monastères, couvents, cimetières et autres.
4 - L’État d’lsraël convient avec le Saint-Siège d’une garantie continue de liberté du culte catholique.
ARTICLE 5.
1 - Le Saint-Siège et l’État d’Israël reconnaissent qu’ils ont, l’un et l’autre, intérêt à favoriser les pèlerinages chrétiens en Terre sainte. Chaque fois que le besoin d’une coordination se fera sentir, les organismes appropriés de l’Église et de l’État se consulteront et coopéreront selon les nécessités.
2 - L’État d’Israël et le Saint Siège formulent l’espoir que de tels pèlerinages seront l’occasion d’une meilleure compréhension entre les pèlerins et la population et les religions en Israël.
ARTICLE 6.
Le Saint-Siège et l’État d’Israël réaffirment ensemble le droit de l’Église catholique à établir, maintenir et diriger des écoles et des centres d’études à tous les niveaux. Ce droit sera exercé en harmonie avec les droits de l’État dans le domaine de l’éducation.
ARTICLE 7.
Le Saint-Siège et l’État d’Israël reconnaissent qu’il y a un intérêt commun, d’une part, à promouvoir et encourager des échanges culturels entre des institutions catholiques dans le monde et des institutions éducatives, culturelles et de recherche en Israël, et, d’autre part, à faciliter l’accès aux manuscrits, aux documents historiques et aux autres sources comparables en conformité avec les lois et les règlements.
ARTICLE 8.
L’État d’Israël reconnaît que le droit de l’Église catholique à la liberté d’expression dans la pratique de ses prérogatives s’exerce également par l’intermédiaire des médias de communication de l’Église. Ce droit s’exerce en accord avec les droits de l’État dans le domaine des médias de communication.
ARTICLE 9.
Le Saint-Siège et l’État d’Israël réaffirment ensemble le droit de l’Église catholique à mener ses activités caritatives par l’intermédiaire de ses institutions hospitalières et sociales. Ce droit s’exerce en accord avec les droits de l’État dans ce domaine.
ARTICLE 10.
1 - Le Saint-Siège et l’État d’Israël réaffirment ensemble le droit de l’Église catholique à la propriété.
2 - Sans que cela porte préjudice aux droits des parties :
a) Le Saint-Siège et l’État d’lsraël négocieront de bonne foi un accord global, apportant des solutions, acceptables pour les deux parties, aux problèmes en suspens, non résolus ou qui font I’objet d’un contentieux, et qui portent sur des problèmes de propriété et des questions économiques et fiscales concernant l’Église catholique en général, ou des institutions ou communautés catholiques particulières.
b) Pour ces négociations, la commission de travail bilatérale permanente nommera une ou plusieurs sous-commissions bilatérales d’experts afin d’étudier ces questions et de faire des propositions.
c) Les parties prévoient d’engager ces négociations dans les trois mois qui suivront l’entrée en vigueur du présent accord, et ont l’intention de parvenir à un accord deux ans après le début des négociations.
d) Pendant que se dérouleront ces négociations, toute action contraire à ces engagements sera évitée.
ARTICLE 11.
1 - Le Saint-Siège et l’État d’Israël déclarent leur engagement respectif à la promotion de la solution pacifique des conflits entre les Etats et les nations, excluant la violence et la terreur de la vie internationale.
2 - Le Saint-Siège, tout en préservant en chaque occasion le droit d’exercer son enseignement moral et spirituel, juge opportun de rappeler, en raison même de sa spécificité, son engagement solennel à demeurer à l’écart de tous les conflits uniquement temporels, ce principe s’appliquant en particulier aux conflits territoriaux et aux frontières disputées.
ARTICLE 12.
Le Saint-Siège et l’État d’Israël continueront à négocier de bonne foi la suite de l’ordre du jour agréé à Jérusalem le 15 juillet 1992 et confirmé au Vatican, le 29 juillet 1992. Ils feront de même pour les problèmes qui résulteraient des articles du présent accord, aussi bien que pour les autres questions qu’il sera convenu de négocier.
ARTICLE 13.
1 - Dans cet Accord, les parties utilisent les termes qui suivent avec la signification précisée :
a) L’Église catholique et l’Église - ce qui inclut, entre autres, ses communautés et ses institutions.
b) Communautés de I’Église catholique - ce qui signifie les entités religieuses catholiques considérées par le Saint-Siège comme Elise sui iuris (de son propre droit), et par l’État d’lsraël comme communautés religieuses reconnues.
c) L’Etat d’ Israël et I’État - ce qui inclut, entre autres, les autorités instituées par la loi.
2 - Nonobstant la validité de cet accord entre les parties, et sans déroger aux règles juridiques générales s’appliquant aux traités, les parties conviennent que cet accord ne préjuge pas des droits et des obligations résultant des traités liant l’une ou I’autre partie à l’un ou l’autre des États, et qui sont connus et en fait accessibles aux deux parties au moment de la signature de cet accord.
ARTICLE 14.
1- A la signature de cet accord fondamental et pour préparer l’établissement de pleines relations diplomatiques, le Saint- Siège et l’Etat d’Israël échangeront des représentants spéciaux, dont le rang et les privilèges sont précisés dans un protocole annexe.
2 - A la suite de l’entrée en vigueur et dès le début de la mise en application du présent accord fondamental, le Saint-Siège et l’État d’Israël établiront de pleines relations diplomatiques au niveau de la nonciature apostolique, pour le Saint-Siège, et de l’ambassade, pour I’État d’Israël.
ARTICLE 15.
Cet accord entrera en vigueur à la date de la dernière notification de ratification par l’une des parties.
Signé à Jérusalem, le 30 décembre 1993, correspondant au 16 tevet 5754.
- Mgr Claudio Maria CELLI, sous-secrétaire pour les relations avec les Etats, secrétairerie d’ État du Saint-Siège ;
- M. Yossi BEILIN, vice-ministre des Affaires étrangères de l’État d’Israël.
La délégation du Saint-Siège était composée des membres suivants :
Mgr Andrea Cordero Lanza di Montezemolo, délégué apostolique à Jérusalem ; le Père Marco Brogi, ofm, sous-secrétaire de la Congrégation pour les Eglises orientales ; Mgr Luigi Gatti, de la Section pour les Relations avec les États, de la Secrétairerie d’État ; le Père David M. Jaeger, ofm, Vicaire juridique à Austin (Texas), conseiller de la Délégation apostolique à Jérusalem.
Les membres de la délégation de l’État d’Israël étaient :
Aviezer Pazner, ambassadeur d’Israël à Rome ; Israël Lippel, Premier conseiller au Ministère des Affaires religieuses ; Eitan Margalit, conseiller du Ministre des Affaires interreligieuses, Ministère des Affaires étrangères ; Shlomo Gur, Ministre conseiller, Bureau du Vice-ministre, Ministère des Affaires étrangères ; Miriam Ziv, Ministre conseiller de l’Ambassade d’Israël à Rome ; le Rabbin David Rosen, conseiller de la Commission ; Avraham Talmor, sous-directeur, Département international, Ministère des Finances ; Yuval Rotem, assistante du Vice-ministre, Ministère des Affaires étrangères.
(1) Le présent Accord a été suivi peu après par l’ouverture de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et I’Etat d’Israël. Mgr Andrea di Montezemolo délégué apostolique à Jérusalem, a été nommé, le 19 janvier 1994, représentant spécial du Saint-Siège en Israël et, le 28 juin, nonce apostolique à Jérusalem, avec siège à Jaffa. M. Shmuel Hadas, nouvel ambassadeur de I’Etat d’Israël auprès du Saint-Siège, exerça les fonctions de « représentant spécial » à Rome dès le 10 février 1994. Les discours échangés lors de la remise des lettres de créance, le 29 septembre 1994, à Castelgandolfo ont été publiés dans La Documentation catholique n° 2103, du 6 novembre 1994, pp. 923-926.
Au cours de cette réception Jean-Paul II a rappelé sa Lettre apostolique du 20 avril 1984 et exprimé le souhait que la cité de Jérusalem, ville des trois religions, soit l’objet de garanties internationales pour garantir le libre accès de tous les croyants à la Ville sainte.
*****************************************************************************************************
Voir sur le sujet également :
- EN EXCLUSIVITÉ. Yossi Beilin raconte comment on parvint à la signature Les dix ans de l’Accord Fondamental :
http://www.30giorni.it/fr/articolo.asp?id=2347
- Dixième anniversaire de "l’Accord fondamental" entre le Saint-Siège et Israël.
Discours de Jean-Paul II au nouvel ambassadeur d’Israël :
http://www.zenit.org/french/visualizza.phtml?sid=47488



Aucun commentaire: