Accord fondamental entre le Saint-Siège et I’État d’ Israël
Jérusalem, 30 décembre 1993
mardi 5 octobre 2004
Texte de l’accord fondamental entre le St Siège et Israël
signé à Jérusalem le 30 décembre par Mgr Claude Maria Celli, représentant de la
secrétairerie d’Etat et de Mr Yossi Beilin, vice-ministre israélien des
Affaires étrangères.
L’accord fondamental entre le Saint‑Siège et l’État d’Israël se
présente comme un accord signé entre deux sujets de droit international :
le Saint‑Siège, d’une part, ( et non pas l’Église catholique) et l’État
d’Israël ( et non pas les autorités du judaïsme comme tel). Mais ce n’est pas
pour autant un accord diplomatique comme un autre, par exemple entre deux États
représentant deux nations ou entre deux peuples au sens où l’on entend ce mot
habituellement. Car il est clair que le Saint‑Siège représente bien l’Église
catholique, même si celle-ci ne s’identifie pas au Saint-Siège. Et Israël est
un Etat membre des Nations Unies.
Yossi Beilin et Mgr Claude Maria
Selon le canon 361 du Code de droit canonique, le Saint‑Siège
désigne « non seulement le Pontife romain mais les autres institutions de
la curie> et le canon 360 précise que la curie est l’administration centrale
de l’Église, « dont le Pontife suprême se sert habituellement pour traiter
des affaires de l’Église toute entière et qui accomplit sa fonction sous son
nom et sous son autorité pour le bien et les services des Eglises ». Cette
définition est de nature interne à l’ Église. Elle est corroborée par la
situation historico-juridique de l’Église catholique et la place du Saint‑Siège
sur la scène internationale lui confère une autorité qui tient au statut
international qui lui est reconnu.
Quant à l’État d’Israël, ses décisions lui sont propres en droit
public mais elles engagent aussi d’une certaine manière la communauté juive
tout entière. L’accord fondamental répond donc à une situation originale et
d’une certaine manière tout à fait unique et inédite.
A cet égard le bref Préambule est d’une importance particulière.
Il y est question du « caractère unique et de la signification universelle
de la Terre saint », expression étonnante employée par les deux parties
bien que celles-ci attachent à ces mots sans doute des interprétations fort
différentes. Le texte, d’autre part, évoque le « processus historique de
réconciliation », la compréhension et l’amitié mutuelle croissante non pas
entre les deux parties contractantes, comme on devrait s’y attendre dans un
accord diplomatique usuel, mais entre les catholiques et les juifs comme tels.
Par ailleurs, l’article 2 qui suit évoque la coopération dans la lutte contre
toutes les formes d’antisémitisme et, de la part du Saint-Siège, la
condamnation d’actes qui sont commis bien au-delà et en dehors du ressort de
l’État d’Israël.
D’autre part, la plupart des commentateurs ont noté la portée
politique de cet accord fondamental en soulignant non lien dans le temps avec
la conférence de Madrid et avec les premiers accords de paix entre Israël et
les Palestiniens, certains allant jusqu’à conclure abusivement qu’il n’avait
pas d’autre dimension que ces objectifs politiques.
Il est évident que ces événements politiques, dans la mesure où
ils concernent la recherche de la paix, sont suivis attentivement par le
Saint-Siège et que ceux-ci ont facilité la conclusion de l’accord. Mais cet
accord n’est pas seulement politique.
On doit remarquer par ailleurs que le Saint-Siège qui a lui-même
établi une distinction entre le problème de la souveraineté de la ville de
Jérusalem, dont il ne dit pas être le protagoniste, mais qui ne prône plus la
thèse de l’internationalisation jadis défendue par l’O.N.U., et le respect des droits
des communautés, qui le concerne au plus haut point, considère son rapport avec
l’État d’Israël dans le cadre plus large des relations entre les juifs et les
Eglises. L’accord ne fait pas seulement référence aux déclarations juridiques
internationales comme la Déclaration universelle des droits de l’homme, mais il
cite Dignitatis Humanae et Nostra Aetate (article 1 § 2 ). Il
aborde le problème des pèlerinages (article 5), le droit de l’Église à la
propriété et évoque son magistère moral et spirituel [1].
PRÉAMBULE.
Le Saint-Siège et l’État d’lsraël, attentifs au caractère unique
et à la signification universelle de la Terre sainte, conscients de la nature
unique des relations entre l’Église catholique et le peuple juif, du processus
historique de réconciliation et de la compréhension et de l’amitié mutuelles
grandissantes entre les catholiques et les juifs :
Ayant décidé le 29 juillet 1992 d’établir une commission de
travail bilatérale permanente afin d’examiner et de définir ensemble les
questions d’intérêt commun et afin de normaliser leurs relations,
Reconnaissant que le fruit du travail de cette commission est
suffisant pour conclure un premier accord fondamental,
Réalisant qu’un tel accord fournira une base solide et durable
pour un développement continuel de leurs relations présentes et futures et pour
le progrès du travail de la commission,
Conviennent des articles suivants
ARTICLE 1.
1 - L’État d’Israël, rappelant sa déclaration d’indépendance,
affirme son engagement continu à maintenir et à respecter le droit de chacun à
la liberté de religion et de conscience, ainsi que le soulignent la Déclaration
universelle des droits de l’homme et les autres actes internationaux auxquels
il est partie.
2 - Le Saint-Siège, rappelant la déclaration sur la liberté de
religion du second concile œcuménique du Vatican Dignitatis Humanae,
affirme l’engagement de l’Église catholique à préserver le droit de chacun à la
liberté de religion et de conscience, comme le soulignent la Déclaration
universelle des droits de l’homme et les autres actes internationaux auxquels
il est partie. Le Saint-Siège désire également affirmer le respect de l’Église
catholique pour les autres religions et leurs fidèles comme cela a été
solennellement déclaré par le second concile oecuménique du Vatican dans sa
déclaration sur les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes, Nostra
Aetate.
ARTICLE 2.
1 - Le Saint-Siège et l’État d’Israël prennent l’engagement de
coopérer de façon appropriée pour combattre toutes les formes d’antisémitisme
et toutes les formes de racisme et d’intolérance religieuse, et pour promouvoir
la compréhension mutuelle entre les nations, la tolérance entre les communautés
et le respect de la vie et de la dignité humaines.
2- Le Saint-Siège saisit cette occasion pour réaffirmer sa
condamnation de la haine, de la persécution et de toute autre manifestation
d’antisémitisme dirigées contre le peuple juif, et contre tout juif, où que ce
soit, en n’importe quelle circonstance et par qui que ce soit. En particulier,
le Saint-Siège déplore les attaques dirigées contre les juifs, et la
profanation des synagogues et des cimetières juifs, actes qui offensent la
mémoire des victimes de I’Holocauste, particulièrement lorsqu’ils sont commis
sur les lieux-mêmes qui en ont été témoins.
ARTICLE 3.
1 - Le Saint-Siège et l’État d’Israël reconnaissent que chacun est
libre d’exercer ses droits et son autorité respectifs et s’engagent à respecter
ce principe dans leurs relations mutuelles et dans leur coopération pour le
bien de leurs peuples.
2 - L’État d’Israël reconnaît le droit de l’Église catholique à
exercer ses activités religieuses, morales, éducatives et caritatives, à
disposer de ses propres institutions, et à former, nommer et disposer de son
propre personnel dans ces institutions ou pour exercer ces activités. L’Église
reconnaît le droit de l’État à exercer ses prérogatives, en particulier
promouvoir le bien-être et la sécurité de la population. L’État et l’Église
reconnaissent I’un et l’autre qu’un dialogue et une coopération sont
nécessaires pour les questions qui, par nature, les nécessitent.
3 - En ce qui concerne la personnalité juridique catholique selon
le droit canon, le Saint-Siège et l’État d’Israël mèneront des négociations
afin de lui permettre de s’exercer pleinement en conformité avec la loi
israélienne, après présentation d’un rapport d’une sous-commission mixte
d’experts.
ARTICLE 4.
1 - L’État d’Israël affirme le maintien de son engagement à
préserver et respecter le statu quo dans les Lieux saints chrétiens où il
s’exerce et les droits respectifs des communautés chrétiennes dans ces Lieux
saints. Le Saint-Siège affirme l’engagement continu de l’Église catholique à
respecter le statu quo et les droits mentionnés ci-dessus.
2 - Les dispositions qui précèdent s’appliqueront nonobstant une
interprétation contraire de l’un quelconque des articles de cet accord
fondamental.
3 - L’État d’Israël convient avec le Saint-Siège de l’obligation
de continuer à respecter et à protéger le caractère propre des Lieux saints catholiques :
églises, monastères, couvents, cimetières et autres.
4 - L’État d’lsraël convient avec le Saint-Siège d’une garantie
continue de liberté du culte catholique.
ARTICLE 5.
1 - Le Saint-Siège et l’État d’Israël reconnaissent qu’ils ont,
l’un et l’autre, intérêt à favoriser les pèlerinages chrétiens en Terre sainte.
Chaque fois que le besoin d’une coordination se fera sentir, les organismes
appropriés de l’Église et de l’État se consulteront et coopéreront selon les
nécessités.
2 - L’État d’Israël et le Saint Siège formulent l’espoir que de
tels pèlerinages seront l’occasion d’une meilleure compréhension entre les
pèlerins et la population et les religions en Israël.
ARTICLE 6.
Le Saint-Siège et l’État d’Israël réaffirment ensemble le droit de
l’Église catholique à établir, maintenir et diriger des écoles et des centres
d’études à tous les niveaux. Ce droit sera exercé en harmonie avec les droits
de l’État dans le domaine de l’éducation.
ARTICLE 7.
Le Saint-Siège et l’État d’Israël reconnaissent qu’il y a un
intérêt commun, d’une part, à promouvoir et encourager des échanges culturels
entre des institutions catholiques dans le monde et des institutions
éducatives, culturelles et de recherche en Israël, et, d’autre part, à
faciliter l’accès aux manuscrits, aux documents historiques et aux autres
sources comparables en conformité avec les lois et les règlements.
ARTICLE 8.
L’État d’Israël reconnaît que le droit de l’Église catholique à la
liberté d’expression dans la pratique de ses prérogatives s’exerce également
par l’intermédiaire des médias de communication de l’Église. Ce droit s’exerce
en accord avec les droits de l’État dans le domaine des médias de
communication.
ARTICLE 9.
Le Saint-Siège et l’État d’Israël réaffirment ensemble le droit de
l’Église catholique à mener ses activités caritatives par l’intermédiaire de
ses institutions hospitalières et sociales. Ce droit s’exerce en accord avec
les droits de l’État dans ce domaine.
ARTICLE 10.
1 - Le Saint-Siège et l’État d’Israël réaffirment ensemble le
droit de l’Église catholique à la propriété.
2 - Sans que cela porte préjudice aux droits des parties :
a) Le Saint-Siège et l’État d’lsraël négocieront de bonne foi un
accord global, apportant des solutions, acceptables pour les deux parties, aux
problèmes en suspens, non résolus ou qui font I’objet d’un contentieux, et qui
portent sur des problèmes de propriété et des questions économiques et fiscales
concernant l’Église catholique en général, ou des institutions ou communautés
catholiques particulières.
b) Pour ces négociations, la commission de travail bilatérale
permanente nommera une ou plusieurs sous-commissions bilatérales d’experts afin
d’étudier ces questions et de faire des propositions.
c) Les parties prévoient d’engager ces négociations dans les trois
mois qui suivront l’entrée en vigueur du présent accord, et ont l’intention de
parvenir à un accord deux ans après le début des négociations.
d) Pendant que se dérouleront ces négociations, toute action
contraire à ces engagements sera évitée.
ARTICLE 11.
1 - Le Saint-Siège et l’État d’Israël déclarent leur engagement
respectif à la promotion de la solution pacifique des conflits entre les Etats
et les nations, excluant la violence et la terreur de la vie internationale.
2 - Le Saint-Siège, tout en préservant en chaque occasion le droit
d’exercer son enseignement moral et spirituel, juge opportun de rappeler, en
raison même de sa spécificité, son engagement solennel à demeurer à l’écart de
tous les conflits uniquement temporels, ce principe s’appliquant en particulier
aux conflits territoriaux et aux frontières disputées.
ARTICLE 12.
Le Saint-Siège et l’État d’Israël continueront à négocier de bonne
foi la suite de l’ordre du jour agréé à Jérusalem le 15 juillet 1992 et
confirmé au Vatican, le 29 juillet 1992. Ils feront de même pour les problèmes
qui résulteraient des articles du présent accord, aussi bien que pour les
autres questions qu’il sera convenu de négocier.
ARTICLE 13.
1 - Dans cet Accord, les parties utilisent les termes qui suivent
avec la signification précisée :
a) L’Église catholique et l’Église - ce qui inclut, entre autres,
ses communautés et ses institutions.
b) Communautés de I’Église catholique - ce qui signifie les
entités religieuses catholiques considérées par le Saint-Siège comme Elise sui
iuris (de son propre droit), et par l’État d’lsraël comme communautés
religieuses reconnues.
c) L’Etat d’ Israël et I’État - ce qui inclut, entre autres, les
autorités instituées par la loi.
2 - Nonobstant la validité de cet accord entre les parties, et
sans déroger aux règles juridiques générales s’appliquant aux traités, les
parties conviennent que cet accord ne préjuge pas des droits et des obligations
résultant des traités liant l’une ou I’autre partie à l’un ou l’autre des
États, et qui sont connus et en fait accessibles aux deux parties au moment de
la signature de cet accord.
ARTICLE 14.
1- A la signature de cet accord fondamental et pour préparer
l’établissement de pleines relations diplomatiques, le Saint- Siège et l’Etat
d’Israël échangeront des représentants spéciaux, dont le rang et les privilèges
sont précisés dans un protocole annexe.
2 - A la suite de l’entrée en vigueur et dès le début de la mise
en application du présent accord fondamental, le Saint-Siège et l’État d’Israël
établiront de pleines relations diplomatiques au niveau de la nonciature
apostolique, pour le Saint-Siège, et de l’ambassade, pour I’État d’Israël.
ARTICLE 15.
Cet accord entrera en vigueur à la date de la dernière
notification de ratification par l’une des parties.
Signé à Jérusalem, le 30 décembre 1993, correspondant au 16 tevet
5754.
Mgr Claudio Maria CELLI,
sous-secrétaire pour les relations avec les Etats, secrétairerie d’ État du
Saint-Siège ;
M. Yossi BEILIN,
vice-ministre des Affaires étrangères de l’État d’Israël.
La délégation du Saint-Siège était composée des membres
suivants :
Mgr Andrea Cordero Lanza di Montezemolo, délégué apostolique à
Jérusalem ; le Père Marco Brogi, ofm, sous-secrétaire de la Congrégation
pour les Eglises orientales ; Mgr Luigi Gatti, de la Section pour les
Relations avec les États, de la Secrétairerie d’État ; le Père David
M. Jaeger, ofm, Vicaire juridique à Austin (Texas), conseiller de la
Délégation apostolique à Jérusalem.
Les membres de la délégation de l’État d’Israël étaient :
Aviezer Pazner, ambassadeur d’Israël à Rome ; Israël Lippel,
Premier conseiller au Ministère des Affaires religieuses ; Eitan Margalit,
conseiller du Ministre des Affaires interreligieuses, Ministère des Affaires
étrangères ; Shlomo Gur, Ministre conseiller, Bureau du Vice-ministre,
Ministère des Affaires étrangères ; Miriam Ziv, Ministre conseiller de
l’Ambassade d’Israël à Rome ; le Rabbin David Rosen, conseiller de la
Commission ; Avraham Talmor, sous-directeur, Département international,
Ministère des Finances ; Yuval Rotem, assistante du Vice-ministre,
Ministère des Affaires étrangères.
(1) Le présent Accord a été suivi peu après par l’ouverture de
relations diplomatiques entre le Saint-Siège et I’Etat d’Israël. Mgr Andrea di
Montezemolo délégué apostolique à Jérusalem, a été nommé, le 19 janvier 1994,
représentant spécial du Saint-Siège en Israël et, le 28 juin, nonce apostolique
à Jérusalem, avec siège à Jaffa. M. Shmuel Hadas, nouvel ambassadeur de
I’Etat d’Israël auprès du Saint-Siège, exerça les fonctions de « représentant
spécial » à Rome dès le 10 février 1994. Les discours échangés lors de la
remise des lettres de créance, le 29 septembre 1994, à Castelgandolfo ont été
publiés dans La Documentation catholique n° 2103, du 6 novembre 1994, pp.
923-926.
Au cours de cette réception Jean-Paul II a rappelé sa Lettre
apostolique du 20 avril 1984 et exprimé le souhait que la cité de Jérusalem,
ville des trois religions, soit l’objet de garanties internationales pour
garantir le libre accès de tous les croyants à la Ville sainte.
*****************************************************************************************************
Voir sur le sujet également :
EN EXCLUSIVITÉ. Yossi Beilin
raconte comment on parvint à la signature Les dix ans de l’Accord
Fondamental :
http://www.30giorni.it/fr/articolo.asp?id=2347
http://www.30giorni.it/fr/articolo.asp?id=2347
Dixième anniversaire de
"l’Accord fondamental" entre le Saint-Siège et Israël.
Discours de Jean-Paul II au nouvel ambassadeur d’Israël :
http://www.zenit.org/french/visualizza.phtml?sid=47488
Discours de Jean-Paul II au nouvel ambassadeur d’Israël :
http://www.zenit.org/french/visualizza.phtml?sid=47488
|
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire