mardi 3 juin 2008

Journal - dimanche 2 juin 1968

extraits politiques de mon journal intime - publication commencée au 16 mai 1968
(cf. blog. du 16 Mai 2008 & son avertissement)

+ Dimanche 2 Juin 1968


Midi trente

De Gaulle est maintenant maître de la crise .
sans qu’elle soit pour autant dénouée .
Le discours du 30 Mai est destiné à figurer parmi les
plus importants de sa carrière . à l’égal du 18 Juin 1940
ou du 23 Avril 1961 .

Il lui appartient de « profiter » de sa victoire .
au mieux de la France .
S’il est de bonne stratégie . de dénoncer une entreprise totalitaire
pour clarifier la crise et gagner les élections .
il faut qu’il comprenne – sans doute . l’a-t-il compris
à en croire le discours du 24 Mai – qu’il y a une mutation
à faire sur le plan de + l’organisation sociale . et surtout
la vie pratique au sein de l’entreprise
+ l’’organisation de l’Université
+ la participation des citoyens à l’avenir du pays
Il a tous les moyens . de promouvoir les réformes les plus
audacieuses . et de faire dans les quatre années de mandat
qui lui restent . une révolution politique et sociale .
qu’il est seul à pouvoir faire dans l’ordre et dans la liberté .
Qu’il la fasse . et la France épouse son siècle .
Qu’il ne le comprenne pas . et il sera balayé tôt ou tard .
lui ou le régime .

Dans l’immédiat . après le bâton . – qu’il faut d’ailleurs
continuer de brandir – il faudrait la carotte
c’est-à-dire un discours . ou un entretien radiotélévisé .
montrant qu’il a vraiment compris le malaise social et le malaise
étudiant.
L’autorité de l’Etat . la France rétablie dans le monde .
sont pour moi l’essentiel .
Mais je fais partie de ces gens favorisés . qui n’ont rien à
demander d’autre . puisque la société et l’Université
les satisfont . et ont été . au fond . comme « créées » pour eux .

Excellent article de Fontaine . dans
Le Monde .
montrant comme de Gaulle a gagné .

En tout cas . il a mené la bataille avec des méthodes
directement empruntées à celles de la stratégie et qui ne diffèrent
guère de celles qu’il a employées en d’autres temps :
contre ses grands alliés du temps de guerre . contre le général Giraud .
contre les communistes en 1944 . contre la IV° République . contre le
« quarteron » d’Alger . contre l’URSS dans la crise de Berlin .
contre l’Angleterre dans celle du Marché Commun . voire contre les Allemands
à l’intérieur de l’Europe des Six . C’est la méthode de la crise .
de l’épreuve de force . du quitte ou double . appliquée par
un homme qui a une confiance absolue dans la supériorité de
ses nerfs et ne se laisse pas impressionner par l’adversaire.

Dans de telles parties . où il s’agit de gagner sans faire
couler le sang . la ruse joue évidemment un rôle essentiel .
Le Général y excelle . Le scenario du départ pour Colombey .
les bruits de retraite . la visite aux armées . les mouvements de
troupes . le coup de théâtre du discours de jeudi après-midi
avec l’accompagnement du rassemblement des Champs-Elysées .
sont du meilleur dramaturge . En face d’une pareille orchestration .
il est évident que la gauche n’avait ni les moyens . ni l’audace .
ni l’unité . ni l’imagination nécessaires. Elle nourrit ses rêves
de mots au moment où de Gaulle s’en sert . sans se soucier de
nuances ou d’exactitude . pour revigorer ses partisans et
décontenancer ses adversaires . Il fut un temps . où . à ce jeu
Staline . puis M. Khrouchtchev . faisaient figures de maîtres ;
ils n’ont aujourd’hui que de bien pâles émules .

Dernière mais essentielle similitude avec la guerre froide .
qui exclut toute hypothèse de victoire franche . totale :
l’acceptation du compromis . facilitée par l’aptitude des parties en
cause à transformer la concession en succès .
Là encore personne ne peut espérer rivaliser avec le Général de Gaulle .
« j’ordonne la dissolution ! » s’est-il écrié : on n’avait cessé de la
lui réclamer . Il a renoncé au referendum . sacrifié des ministres
impopulaires . abandonné – en matière sociale – un joli bout de
terrain . Au ton dont il a parlé . on ne s’en aperçoit guère .
Il n’empêche que – sans tout ce lest lâché . l’affrontement avait de
sérieuses chances . de tourner au drame .
De leur côté . les communistes . qui n’ont rien fait pour lancer le mouvement
de grèves . vont s’attribuer tout le mérite des avantages obtenus pour les
salaires . alors que sans l’agitation d’étudiants qu’ils sont
prompts à expédier à l’asile des « enragés » . rien . sans doute . ne se
serait passé.



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Sur le plan pratique .
- de Gaulle va faire le plein des voix de droite . et du centre
Modéré .
- la Fédération n’est pkus à égalité devant le PC .
Elle a complètement échoué dans la crise . Au pied du mur .
Mitterrand s’est révélé insuffisant . même pour la seule gauche
non communiste . Et PMF n’a soulevé aucune lame de fond .
et n’était accepté que par peu . même à gauche .
- le PC . devient donc la force de gauche . essentielle .
mais son attitude « légaliste » dans la crise . et le
fait de n’avoir nullement contribué ni à la grève ni au mvt
étudiant . font qu’il va être maintenant doublé à gauche
par les tenants de la révolution « pure et dure » et pratiquement
par les « pro-chinois » .
Le PC . va donc – toute proportion et nuance gardées –
dériver vers le centre .

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