dimanche 22 juin 2008

Inquiétude & Certitudes - samedi 21 juin 2008

Samedi 21 Juin 2008


Carhaix, Champ-de-Mars : CRS et bombes lacrymogènes, Lunéville : garnison, Saint-Affrique : hôpital
Qu'est-ce qui fait Mai 68 et pas Mai 2008 ?
Autour de la Chine, le silence des frémissements populaires réprimés

Prier [1] … les doubles appartenances détestables en toutes circonstances, état de vie et pour n’importe quel objet, les apparentements électoraux sous la IVème République, l’argent qui est forcément une double appartenance même pour les plus simples ou les plus « religieux », les vies doubles sentimentalement et/ou sexuellement, nos occupations et nos urgences nous détachant du soin de qui nous aimons, je le vois bien pour le temps que je donne ou que je refuse à notre fille… à ma chère femme, les horaires minima pour être disponibles l’un et l’autre dans les lieux de convivialité et de mutuelle affection, la table, notre sommeil… la recette de Jésus, la voie de la disponibilité ne sont pas une réorganisation volontariste de notre existence ou des dépouillements parfois déraisonnables ou impossibles, c’est une autre manière d’être et de voir : ne vous faites pas tant de souci pour votre vie, au sujet de la nourriture, ni pour votre corps, au sujet des vêtements. La vie ne vaut-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? Le dialogue avec Marthe et avec Marie… Votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez d’abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par-dessus le marché. Jésus conclut par ce qui est devenu l’adage du sens commun : à chaque jour suffit sa peine, lui qui passa sa vie terrestre dans le dénuement et aussi dans la projection de chaque instant vers un avenir qui était le sens de sa venue parmi nous et avait rendu « nécessaire » son incarnation… Ainsi, le mouvement d’abandon autant que l’ardeur au travail de manière à apporter à ceux dont nous avons la charge, selon les hommes et selon Dieu plus encore, st-il autant naturel que spirituel. Mais nous ne tenons pas les deux bouts, et nous laissons absorber par ce qui est second. Je le sais et le vis, à chaque instant de ma vie. Nous avons toutes les lumières nécessaires pour nous bien « conduire », et marchons en aveugles, décidément. Joas et le peuple d’Israël avaient eu leur chance avec le coup d’Etat renversant Athalie, et ils ne l’ont pas jouée, dans des circonstances que ne dit pas le texte : châtiment tout naturel, une guerre perdue et un nouveau coup d’Etat. Commentaire du psaume qui éclaire toute la liturgie d’aujourd’hui : Si ses fils abandonnent ma loi, et ne suivent pas mes volontés, s’ils osent violer mes préceptes, je punirai leur faute en les frappant. S’ils ne gardent pas mes commandements, je châtierai leur révolte, mais sans lui retirer mon amour, ni démentir ma fidélité. Présence de Dieu dans l’Histoire et dans nos histoires.

CRS et bombes lacrymogènes à Carhaix où près de mille manifestants avec leurs élus manifestent depuis des semaines pour garder leur hôpital. Il y avait eu – à l’automne – le même désespoir à Saint-Affrique. Deux mille personnes à Lunéville pour exprimer, député-maire UMP en tête, qu’il est inconcevable de supprimer la garnison de neuf cent homme. Observation du député-maire : j’essaie de susciter l’espérance plutôt que la révolte, mais aussi le territoire qui naguère vivait du textile et de la mécanique en a vu la disparition sans bénéficier des aides à la sidérurgie, plus au nord de la Lorraine. Aides en pure perte puisque Mittal… sauf pour l’hériter des Wendel, Antoine Seillères de Laborde qui vient, à Bruxelles, au nom du patronat européen, de s’inscrire en faux pour toute atteinte aux lois du marché pétrolier.

CRS et bombes lacrymogènes au Champ-de-Mars : les « monomes » ne se font plus, à la sortie des épreuves du bac. au Boul’Mich. Il est prétendu que ce sont des casseurs s’en prenant aux magasins de la rue du Commerce… ce qui est bien loin, qui ont fait intervenir la police.

Je saisis informatiquement mon journal manuscrit – pour la période Mai 68 . Juin 69 : le départ du général de Gaulle et l’installation à l’Elysée d’un solide conservatisme, qui se lassera du réformisme (la « nouvelle société ») de Jacques Chaban-Delmas. Question latente : qu’est-ce qui fait les ingrédients d’un mouvement tel que celui que nous avons vêcu il y a quarante ans ? Le sens de la vie, la vie quotidienne avec la « péri-urbanisation » des sites d’emploi autant que de logements, mais pas aux mêmes endroits, la nécessité aujourd’hui absolue de deux salaires pour qu’un foyer vive… un système des médias mensonger puisque l’apparence libertaire est confinée à l’écrit, à l’oral et au visuel dans un secteur public menacé en budget et en statut des télévisions à l’Agence France Presse… une opposition moins crédible aujourd’hui qu’à la suite des élections de 1967… une guerre américaine, aujourd’hui celle d’Irak, aussi détestée que celle du Vietnam naguère, mais avec des médias mieux verrouillés… une occupation israëlienne indûe de territoires conquis en 1967 et toujours pas érigés en Etat quinze ans après les accords d’Oslo. Qu’est-ce qui empêche l’explosion ? La peur. Pourtant les installés, les riches, les possédants – que ce soient les Etats-Unis en tant qu’hégémonie, ou les privilégiés chez nous par hérédité, cooptation, défiscalisation – ont encore plus peur de décaniller que le commun des mortels ou des nations. La loi d’autonomie des universités – comme si la loii Edgar Faure, votée à l’unanimité en Novembre 1968, ne l’avait pas déjà décidée – n’a suscité que des manifestations et grèves de principe. Le pouvoir d’achat … la France est en récession, en profond déséquilibre de ses finances publiques, en fin de cycle d’une désindustrialisation aussi contagieuse qu’avait été il y a cent cinquante ans la « révolution » industrielle, et rien ne se passe… On appelle réforme ce qui est démantèlement de toute protection légale, ce qui est destruction des investissements collectifs et des services publics érigés par l’épargne et le consensus de cinq ou six générations.

Il se passe des « choses » autour de l’Himalaya. Pékin libère quelques quinze cent interpellés au Tibet pendant le début des manifestations de Mars dernier, la flamme olympique passe dans ce pays aussi escorté que sur les boulevards des Maréchaux à Paris. Les maoistes qui ont renversé par les urnes la monarchie népalaise – apparemment guère sympathique – quittent le gouvernement. La Thaïlande manifeste contre le Premier ministre en place en faveur du précédent, pourtant d’image contrastée, corrompu pour les uns, populaire pour les autres. La Birmanie a donné l’exemple à la Chine : manifestations de bonzes et réprobation internationale, émissaires des Nations Unies, rien n’y a fait, le prix Nobel de la paix est toujours emprisonnée et sans accès aux médias, les militaires se reproduisent au pouvoir depuis deux générations et font même plébisciter une Constitution, nonobstant une calamité naturelle sans précédent dans le pays.


[1] - 2ème Rois XXIV 17 à 25 ; psaume LXXXVIII ; évangile selon saint Matthieu VI 24 à 34

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