Mercredi 18 Juin 2008
La directive de la honte
Prier… [1] si vous voulez vivre comme des justes… autrement, il n’y a pas de récompense pour vous auprès de votre Père qui est aux cieux. A première lecture, c’est le résumé de ce que je n’ « aime » pas dans une religion quelle qu’elle soit, caricature de dévôts assoiffés d’une rétribution, qui évidemment n’est pas obtenue dans ce monde-ci dont nous subissons les règles, mais en compensation de nos macérations, nous tombe du ciel… quand nous y sommes enfin, tirés de la vallée de larmes. L’agnosticisme ou le défaut de foi ou de pratique quelconque, me paraît moins incompréhensible – de loin – que ces vies qui ont été bâties ou le sont encore sur une évaluation narcissique, suis-je juste, vais-je vers la perfection ? Et devant l’âne, la carotte pour qu’il avance, la récompense dans l’autre monde, l’inversion des rôles selon le Magnificat et les Béatitudes… et le dessous du panier tiendrait ici jusqu’au renversement final, le riche enfin assoiffé en enfer. De même que Dieu nous établit dans des commandements que nous pouvons lire, entendre, visualiser, de même il y a donc ce discours simpliste. Je n’en fais pas un obstacle, si j’ai à mesurer quoi que ce soit dans ma vie, ce n’est pas mes progrès et mes reculs, mais l’avance radicale dans le bonheur, c’est-à-dire selon les grâces et les dons que je reçois, et essaie de partager, qui sont tous les confirmation d’un Dieu aimant, notre Père. Dans ce mouvement intime, résonne alors l’incise de cet enseignement du Christ : évitez d’agir devant les hommes pour vous faire remarquer. Tu les caches au plus secret de ta face, loin des intrigues des hommes. Le seul regard qui compte est celui de Dieu : ton Père voit ce que tu fais en secret. Mais nous, nous ne le voyons habituellement pas. Elisée courant après son maître : Mon père ! mon père ! char d’Israël et coursiers ! ou l’imitant pour traverser le Jourdain, il ne lui reste que le manteau, comme il nous resta la croix, nos manières de nous attacher sont pauvres mais Dieu en est touché : il frappa encore une fois, les eau s’écartèrent, et il traversa.. Elisée continue la mission, et Elie, mystérieusement « enlevé aux cieux », a marché à son destin en toute connaissance.Le Christ et ses apôres, la passion et l’ascension. La prière d’Elisée, comme celle de Salomon, mais l’octroi gratuit sans notre demande selon l’évangile : le don de la sagesse, de l’Esprit : que je reçoive une double part de l’esprit que tu as reçu ! Véritable mystère et centre de notre condition terrestre, être de chair à recevoir un supplément d’âme, notre identité et notre force, la vie en plus, en abondance. Je suis venu pour qu’ils aient la vie en abondance. Reste cette semence-là, dont témoigne le passage difficile à pénétrer : l’enlèvement d’Elie, comme celui d’Enoch, comme l’ « ascension » du Christ – point du dogme chrétien (et il monta aux cieux) mais il me semble que la fin terrestre du prophète de l’Islam est de cet ordre aussi à vérifier, comme la fin du Bouddha – trouvaille de l’auteur inspiré puisqu’une mort et une disparition par corruption biologique est d’un ordre trop commun ? Le Christ, incarné, se disant toujours d’ailleurs et vivant lié à son Père qui est dans les cieux, le mouvement est conséquent, mais Elie, mais Enoch : le sort du juste ? l’assomption de Marie ? questions que je ne résouds pas, mais qui ne m’embarrasse pas, la réponse accessoire est dans l’ensemble qui m’enveloppe et que comme l’embryon je ressens sans le voir, le perçois seulement. On ne voit que de l’extérieur, mais on ne vit que de l’intérieur.
La directive de la honte… l’appréciation de ce qui a été adopté par le Conseil de ministres à Bruxelles – donc, négocié entre administrations et gouvernements des Etats – ne se répand qu’aujourd’hui parce que le Parlement européen l’a adoptée à son tour. Ce qui ne paraissait pas acquis. Ainsi, l’Europe – longtemps attendue comme facteur de l’équilibre mondial, puis comme moyen pour chacun des Etats-membres de reconquérir indépendance et puissance en faisant pot commun – restait au moins un certain recours moral : ce n’est plus. L’argument de la droite européenne est de dire qu’en adoptant une législation commune, on en impose aux Etats qui n’en avaient pas en matière d’immigration et de répression de l’illégalité, que d’une certaine manière prévoir pour les sans-papiers c’est un progrès dans les pays où la détention pouvait être illimitée. Comme c’est spécieux : était-il donc impensable d’aller directement, sans transition à l’humain et à la compassion ? est-il de bonne législation que d’aligner sur le plus mauvais les partenaires qui avaient déjà quelque chose et pouvaient craindre une partie de leur opinion publique, ceux que la gauche européenne appelle les « gens de cœur » ?
Demain et après-demain, Conseil européen. La France se pavanera-t-elle : 1-4 face aux Pays-Bas et 0-1 face à l’Italie ? une Union pour la Méditerranée que la plupart de nos partenaires tolère mais n’apprécie pas et que l’Algérie et la Libye vont bouder ? 37% de popularité – que de lauriers au front présidentiel. Le vrai sujet sera-t-il enfin abordé ? et à l’initiative de qui ? des Tchèques ? des Britanniques ? ou de la France en langue de bois, continuons à la manière de Xavier Bertrand, plaisant au possible quand il commente une manifestation de rue : je ne lâcherai rien.
Les Européens ne se reconnaissent pas ni dans la manière ni dans le fond des politiques et des décisions européennes ; l’Union est loin des peuples. Et leurs gouvernants semblent n’avoir plus qu’un projet : la politique extérieure et l’O.T.A.N. Pour tout le reste, le pilotage – libéralisme et dérégulation – est automatique.
François Mauriac en Septembre 1945 :
C’est de l’Europe qu’il faut leur parler. Nos grands alliés ne sauraient blâmer l’Europe d’aspirer de nouveau à tourner vers eux un visage qui ne soit plus hagard. Ce n’est pas leur intérêt d’avoir affaire à un client besgneux et qui se sent tenu : ils cherchent en nous un interlocuteur, un allié, un ami dont le cœur déborde de confiance et de gratitude.
Le général de Gaulle a défini, dans l’interview qu’il a accordée au Times, les conditions politiques et économiques d’une relative autonomie européenne. Il existe aussi des conditions spirituelles. En lisant cette maîtresse page, il me semblait voir le cœur de la catholicité, dessiné dans le filigrane.
Il y a la catholicité, il y a aussi le socialisme. En Europe où, si longtemps, ils furent antagonistes, peut-être les verrons-nous appelés à conjuguer leur action. Dans l’immédiat, en tout cas, ce sont les deux seuls terrains de rencontre, avec nos ennemis d’hier. Un catholique allemand, un socialiste italien appartiennent à une même patrie, et qui est aussi la nôtre. Nous avons un vocabulaire commun : nous pouvons commencer de poser des jalons ; le courant entre nous se rétablit dès les premières paroles. C’est alors que nous comprenons la portée de notre victoire : il a résisté, ce royaume invisible, qui était le véritable enjeu de cette guerre – la dernière des guerres de religion, s’il plaît à Dieu. [2]
[1] - 2ème Rois II 1 à 14 ; psaume XXXI ; évangile selon saint Matthieu VI 1 à 18 passim
[2] - Erançois Mauriac – Mémoires politiques (Grasset . 2ème trim. 1967 . 206 pages) pp. 227
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