vendredi 13 juin 2008

Inquiétude & Certitudes - mercredi 11 juin 2008

Mercredi 11 Juin 2008

73 mesures pour réformer l'Etat
la "première dame de France" et la "reconquête de l'opinion"
sacraliser le pouvoir ? ou celui qui exerce le pouvoir à titre électif, pour peu de temps
le problème en 2007, le résultat du traitement en 2008


La grâce entre une heure et deux heures du matin… ce matiin, m’envahit la pensée de ces jeunes mariés d’il y a un mois… la possible amputation de l’amant à dix-huit ans d’une jeune fille aux yeux verts : la jambe. Les cancers. La vie, la maladie. La mort ouvre, mais la maladie ? Prier…comme celle de l’amour, quand il n’a pas de vis-à-vis, qu’il n’est que nostalgoe, culpabilité, manque et supputation. Qu’au contraire, il soit vêcu par don, il est alors assomption.[1] Les personnages de l’Ecriture dont on ne sait que l’action, les hauts faits, à nous d’en éduire caractère et œuvre en eux de la grâce divine. Tout temps est fondateur. Informez-vous… et restez chez lui. Une pastorale, une manière d’être et agir dont nous sommes si loin, les antipodes, nos précautions et nos paresses à longueur d’existence, sans même évoquer quelque prosélytisme que ce soit. Sur votre route proclamez que le Royaume des cieux, or la suite vient à nous, l’accomplissement arrive à domicile. Votre paix retourne vers vous. Tout est efficace… communion des saints, hôpitaux, cimetières, maternités, lits d’amour, travail des champs, journées d’informatique, touts angoisses et joies, prophéties et paroles initialement mauvaises, situations incompréhensibles et fauses assurances d’accomplissements, tous états de nos âmes, bénissez le Seigneur. Et tournez tout en protection sous le regard de Dieu… jouez pour le Seigneur.

Les premières nouvelles du matin : conseil des politiques publiques, 73 mesures dont l’un des résultats attendus est la suppression de 150.000 emplois dans la fonction publique d’ici 2012, des économies de 7 ou 8 milliards d’euros, moyennant entre autres le traitement autrement que par le judiciaire des régimes matrimoniaux et du surendettement. – La constante confusion entre une approche budgétaire ponctuelle et une évaluation en perspective des investissements à consentir ou à entretenir. Et bien entendu le rapprochement « qui tue » entre la somme des niches fiscales chroniques et le bouclier fiscal caractérisant l’exercice actuel du mandat présidentiel : 73 plus 15 milliards d’euros chaque année, si c’est cumulable, et les produits de ces économies au dépens des hommes et des femmes employées, des usagers de tous types, et de la dignité de chacun peu considérée rétrospectivement quand l’emploi est supprimé. Approche miscrocopique.

En salle d’attente d’ophtalmologie, je vois Match (14-20 février 2008 n° 3065), couverture donnée à Carla Bruni-Sarkozy. Titre « les premiers pas de la première dame ». C’est – depuis Cécilia – ancré dans le commentaire : titre même de courtoisie, jamais usité en France, en tout cas jamais répétitivement. Elle ne renonce pas à chanter, notre sondage : 66% des Français sont pour. Pages intérieures, la photo. avec Le Canard enchaîné déployé, le fox en laisse-chaîne à l’arrière-plan, un banc au jardin du Ranelagh… que je connais bien, mon enfance à partir de 1947, mes trois ans… Lundi 11 février, près de chez elle, partant enregistrer son prochain album, Madame Sarkozy affronte le soleil sans lunettes … mais en attendant, c’est dans son œuvre et ses cmpositions personnelles, plus que dans les affaires de l’Etat qu’elle entend donner le la. Tandis que Nicolas Sarkozy est en voyage officiel en Guyane, sa femme ne change rien à ses projets et prépare son dernier album en studio. Dans le genre des variations protocolaires, elle saura placer sa voix déjà si singulière. Côté cour, elle est l’épouse du président, côté jardin, elle reste ce qu’elle n’a jamais cessé d’être : un esprit libre et indépendant. Au diapason du rythme présidentiel, Carla déteste les temps morts. Annonce de la sortie de l’album à bonne date. – J’avais, l’an dernier, lu de la même encre, mais dans Elle, le portrait de la première « première dame », Cécilia alors Sarkozy.

Sondage : des réponses cumulant à plus de 100% puisque l’interrogé a droit à deux réponses. 51 % la trouvent élégante avant tout, 66% pensent qu’elle peut (ou doit ?) poursuivre sa carrière, 54% qu’elle se consacre à l’humanitaire (Cécilia en Mai 2007, y était conviée à 62%, cf. ensuite les infirmières bulgares), 50% qu’elle reste en retrait (Cécilia : 31%), 44% qu’elle joue un rôle classique (Cécilia : 35%), ambassadrice de la France à 29% (Cécilia : 42%), conseillère politique de son mari à 9% (Cécilia : 15%), ce que fut certainement et explicitement dans les dernières années Bernatette pour Jacques Chirac. Image de Carla : 51% donc élégante, moderne 39%, indépendante 28%, capricieuse 25%, rêveuse 16%, rebelle 12%, dynamique 11%. Suite du portrait : dans l’amour de la musique et de la littérature, elle pourra en remontrer à son mari et faire de l’Elysée un salon digne de la France. L’élégance, qualité dominante selon les sondés, est prisée particulièrement dans ce que l’hebdomadaire appelle « les classes populaires » : 56% chez les émployés, 52% chez les ouvriers et 55% en milieu rural.

Je répète tout cela alors que je considère que le choix d’épouser Carla Bruni est le premier bon choix du président régnant – surtout en politique. C’est une femme de communication (les affectations de fonds reçus en procès divers), d’un naturel sachant cependant se faire conseiller (les différents papiers qu’elle a signés depuis son mariage) et selon ma femme, Nicolas Sarkozy a un visage bien plus reposé qu’en début de mandat quand on peut considérer – rétrospectivement – que tout devait être négociation ou scène avec l’épouse de l’inauguration. Réfugiée en France pour échapper à ceux de ses compatriotes qui y ont – eux aussi, mais plus explicitement – trouvé asile, sous François Mitterrand, que pense-t-elle du décret que vient de signer François Fillon et de Marina Petrella nommément. Quand Khouchtchev vint en France, le seul moment non calculé ou protégé de sa visite à de Gaulle, fut cette apostrophe d’une femme dont le mari – au mieux – croupissait au goulag… elle était destinée à Nina Khrouchtcheva : celle-ci ne put répondre. Carla Bruni sait répondre.

La sacralisation – non même du pouvoir, mais de l’homme qui y est – n’est ni démocratique, ni réaliste, ni féconde. Le maréchal Pétain, averti des ventes de son portrait et du « culte de la personnalité » dont il était l’objet, l’été de 1940, grommela : on exagère, les Français ne sont pas si bêtes… Lui ou de Gaulle – voire Georges Pompidou, élu sur son attitude en Mai 1968, Valéry Giscard d’Estaing exposant le budget, chiffre par chiffre, sans la moindre note à la tribune du Palais-Bourbon, quand il était tout jeune secrétaire d’Etat aux Finances, François Mitterrand sans qui la gauche n’aurait jamais gagné une élection présidentielle (et il en gagna deux), avaient, chacun, un passé tel qu’il y avait quelque légitimité à les tenir sur le pavois. Mais le gagnant d’une compétition de deux ans et selon une image plus que des faits, selon une espérance, fondée ou non, est un citoyen comme un autre, au mandat éphémère. A lui de mériter un prestige indépendant de la fonction qu’il a reçu, et qui ajoute ce que la Constitution et les suffrages lui confient. La République a cette essence. Sinon, nous jouons aux marionnettes en habillant en roi qui n’en a ni l’ascendance ni l’indépendance. En oubliant que Nicolas Sarkozy a organisé presse et image, alliances avec les pouvoirs parallèles à ceux de l’Etat et prétendûment hors du champ de la politique, et qu’il continue de veiller à tous moyens de pérenniser et implanter l’image de son exercice du pouvoir, il apparaît que la responsabilité est partagée entre le président régnant et le système actuel de nos médias. Responsabilité que je compte montrer – a contrario – dans la destruction, au printemps de 1996, de l’homme censément le plus populaire de France, qu’il était à nouveau à sa mort : l’Abbé Pierre dans l’ « affaire Garaudy » Car entre les thuriféraires et les procureurs, il peut y avoir un point commun : l’idée, démocratique au possible, que l’opinion se modèle et que un à un nous sommes gouvernés, ainsi que les consommateurs, par la loi du nombre, par la statistique, par le mimétisme. De l’applaudissement au haro ! et retour. Nous l’avons vêcu cet hiver, quand Nicolas Sarkozy chuta en quelques semaines de trente points de popularité.

Sacraliser pour oublier la précarité et la réversibilité des votes et plus encore la volatilité des sondages. C’est excessif. Là est notre défaut et notre contradiction : nous avons détruit l’hérédité et le sacre là où il les fallait, et nous les multiplions là où il faudrait contrôle et mutualisation des responsabilités.

Reportage ensuite sur une réunion, présentée comme quotidienne à l’Elysée de huit heures, les conseillers du Président et le Président, seul en bras de chemise… revue de presse et agenda présidentiel, Claude Guéant en face de Nicolas sarkozy, à la droite de celui-ci François Pérol (fils de Gilbert ? l’ambassadeur et le gaulliste certain), Raymond Soubie, le doyen (était avec VGE dans ces lieux, et à la gauche du Président, Henri Guaino, « conseiller spécial » (titre inauguré par Jacques Attali, impensable auparavant), Jean-David Lévitte, « sherpa » et conseiller diplomatique. Là encore, le porteur tibétain remonte à la fin de 1981, pour Cancun, Jean-Marcel Jeanneney, qui avait été ministre du général de Gaulle, assista François Mitterrand. De telles réunions inimaginables, elles aussi, avec de Gaulle. Celui-ci recevait un à un quatre collaborateurs, tous les soirs, un quart d’heure environ : le secrétaire général, le directeur du cabinet, le chef de l’état-major particulier, Jacques Foccart enfin. L’ordre variait. Texte illustrant les photos, aphorismes recueillis par les proches ou familiers : Le problème du chef de l’Etat réformateur, est qu’il a derrière lui un parti de chauffeurs de taxis et notables de province… Un « fin connaisseur » : en clair, l’UMP ne correspond pas sociologiquement à sa volonté de réformer le pays. La présidentialisation à outrance énerve, d’autant que la promesse du pouvoir d’achat s’est évanouie. Le président bling bling a besoin de s’entourer de politiques qui contrebalancent cette image. Conclusion de la réunion : les conseillers vont veiller à l’application de ses décisions. L’habituelle répartition des rôles : la faute aux gouvernés… les électeurs ne comptent qu’une fois tous les cinq ans, les médias privés se cultivent par amitié, les publics s’étiolent faute de ressources, du foot, du loto. et des feuilletons de rêve. Ainsi est le peuple. L’appareil politique sans lequel on ne serait pas où l’on est n’est qu'un ramassis d’immobiles et de c… cf. page 3 du Canard, depuis des décennies que les propos du président en place quel qu’il soit, peuvent être rapportés sans démenti… bien entendu, le président régnant est surmené par son activité entièrement dédié au bien commun et chaque jour tombe une libéralité, des « crédits débloqués », des « enveloppes ouvertes », comme si le trésor public, et les budgets de l’Etat et des collectivités locales étaient une cassette unique, celle du prince, puisant généreusement sur ses fonds propres et privés. Jadis, il s’y ajoutait la note de relations extérieures : le grand dessein d’émanciper l’Europe de l’Amérique mais de ne pas y parvenir, la faute aux partenaires.

Le problème français en 2007 paraissait consister assez simplement en réveiller le pays, lui redonner confiance en lui-même et en ses dirigeants, remettre en route l’appareil de production et si possible rapatrier capitaux, organigrammes et centres de décision. Ce qui se constate en 2008 est le manque de concertation et de perspective, rien ne se voit à terme et les efforts au jour le jour comme les annonces pluri-hebdomadaires ne figurent jamais en sorte que l’on mesure les progrès, les coûts, les économies, bref le redressement. L’impact des réformes n’est ni économique ni financier, il est social et idéologique. C’est un dépaysement des Français, invités à adopter des recettes de l’étranger, soi-disant gagnantes comme si tout ce que nous sommes et savons faire n’avait plus d’application. Quels sont réellement les gains et allègements des charges publiques en fermant des hôpitaux, des casernes, des tribunaux, en accélérant la privatisation des services publics et bientôt des procédures publiques (vg. les régimes matrimoniaux passant du judiciaire au notariat) ? pas de chiffres, en tout cas cela ne se compte que par centaines de millions, or les « niches fiscales » sont un moins-perç par l’Etat de 73 milliards, soit une augmentation de 50% en cinq ans, et le bouclier fiscal accordé en début de mandat est un moins-perçu de 15 milliards par an. Le risque est une démobilisation psychologique. Le corps social est criblé de coups, les réformes sont au mieux subies. Le bilan, un an après l’élection de l’homme d’énergie et de libre pensée, est celui d’un pays maussade faisant face à une situation qui empire, alors que la conjoncture mondiale – la politique est aussi avoir de la chance – est mauvaise, que l’Europe n’est pas émancipée mentalement ni par rapport aux Etats-Unis, ni relativement aux idées à la mode. L’Europe non seulement n’est pas une référence pour le nouveau président ni le cadre de son action, sauf à se faire valoir personnellement : traité de Lisbonne et semestre français, mais elle-même pèche autant. La directive sur les sans-papiers est pire que les règlementations nationales, les gouvernants sont enfin dédouanés en se fondant dans un ensemble dont ils sont cependant politiquement et juridiquement responsable (la Commission n’est qu’exécutante, et les textes n’ont portée de loi que si les Etats l’ont voulu en conseil de ministres). Enfin, l’O.T.A.N. a la préférence de tous, des nouveaux comme des anciens. Rien ne permet, dans de tels corsets, que respirent une imagination et des analyses, pas tant nouvelles que réalistes. Car l’entente des personnes à la tête des Etats et des gouvernements est peut-être pour chacune plaisante, même valorisante en apparence devant une opinion nationale conviée à regarder les magazines mais guère à décider : l’Irlande seule ratifie ou pas les traités européens, par referendum… mais elle ne construit ni une opinion ni une adhésion. Or, aucune politique en aucune matière ne peut réussir si les Européens ne sont pas adultes, citoyens.

Les mots qui circulent. Sur François Fillon, à l’Elysée. « Quand Nicolas fait, il ne fait pas. Quand le Président ne fait pas, il ne fait pas non plus ». Cette constatation manque de perspicacité car elle est d’une part inexacte et – si elle a quelque fondement – c’est catastrophique pour le Président d’abord. Jean-François Copé, président du groupe parlementaire majoritaire à l’Assemblée nationale : « il ne peut pas me virer ».


[1] - Actes XI 21 à 26 & XIII 1 à 3 ; psaume XCVIII ; évangile selon saint Matthieu X 7 à 13

Aucun commentaire: