mercredi 18 juin 2008

Inquiétude & Certitudes - mardi 17 juin 2008


Mardi 17 Juin 2008
Le dialogue sur la "réforme" de nos institutions : Robert Badinter et Edouard Balladur, dans Le Monde
L'essence des réformes voulues par Nicolas Sarkozy
Le Livre blanc sur la défense - la réintégration de la France dans l'O.T.A.N. - de Gaulle et Sarkozy
L'angoisse : la tolérance des Français

Prier… le dialogue entre le pécheur et son justicier : Tu m’as donc retrouvé, toi, mon ennemi ! Oui, je t'ai retrouvé. Etonnant que le XVIIème siècle n’en ait pas fait une tragédie, puis le XVIIIème un opéra, et que nous n’ayons pas eu une adaptation romanesque à l’écran, genre Cocteau. Les chiens dévoreront Jézabel sous les murs de la ville d’Israël. Des pouvoirs temporels sous le contrôle des prophètes de Dieu, la référence à des principes de conduite personnelle, la solidarité entre générations mais l’efficacité du repentir et de la conversion : il gardait le vêtement de pénitence pour dormir, et il marchait lentement. Dépression et mystique. David et Acab, des assassins. Oui, je connais mon péché, ma faute est devant moi. Le péché est un rapport à Dieu, felix culpa qui nos… nos moines le récitent à la sortie du repas, avant None. Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père. Dieu, persécuté et mis à mort, en la personne de son Fils, se conduit ainsi envers nous. Exhortation sidérante : soyez parfaits comme votre Père est céleste. Contempler la perfection de Dieu, elle n’est pas d’abord d’ordre esthétique et de la beauté, elle est bonté, justesse, justice. Et Dieu vit que cela était bon. Dieu évaluant le résultat de son activité créatrice, et s’en étonnant. Nos ancêtres et nos pères dans la foi contemplaient ainsi : l’anthropomorphisme, apporocher Dieu de nous pour que nous puissions discerner et comprendre (les dialogues de Dieu avec Adam puis avec Abraham). [1] Mais nous sommes pris à contre-pied : vous avez appris… moi, je vous dis…


Hier, Jacques Chirac, à nouveau au « pôle financier » : les emplois de complaisance à la Ville de Paris. Ils l’étaient tout autant au R.P.R. Il s’agissait – tel que je l’ai connu – d’aider des gens, dont il supposait qu’ils lui resteraient acquis et dont il ne pensait pas qu’il ruinerait en partie leur fin de vie par les procédures actuelles, cf. Robert Galley ou Marie-Thérèse Poujade, et évidemment Alain Juppé, qui a failli en avoir sa carrière politique brisée.

Je lis le débat Badinter-Balladur (Le Monde daté du jeudi 12 Juin, pp. 20 & 21), après avoir parcouru le compte-rendu des travaux de la commission des lois du Sénat.

D’emblée Edouard Balladur est maître sophiste : au fil des ans, avec son élection au suffrage universel jointe à la pratqiue du scrutin législatif majoritaire, le président de la République a été doté de pouvoirs plus importants encore que le prévoit le texte de la Constitution. … L’équilibre est une notion fondamentale dans toute démocratie ; il est très insuffisant en France depuis cinquante ans. La démocratie, c’est le mode de décision, idéalement la loi expression de la volonté générale, ce n’est pas le vis-à-vis de plusieurs mpouvoirs se contrôlant ou s’annulant, la théorie de Montesquieu a produit la décapitation du roi et nullement le fonctionnement d’un régime politique. Le tréfonds populaire – comme le souhait de toute partie à un procès – est que le pouvoir soit tout puissant pour faire justice contre l’injustice. Donc, une unicité de tous les pouvoirs et de toutes les institutions, au moins dans leur origine, ce que de Gaulle a excellemment exprimé dans sa conférence de Janvier 1964 – succédant juste avec la manifestation par Gaston Defferre qu’une partie au moins de l’opposition acceptait enfin les institutions plébiscitées par les Français depuis près de six ans. La démocratie instaure alors le véritable équilibre : le pouvoir originaire, celui du peuple, toujours Jean-Jacques Rousseau (contre l’aristocrate et sociologue Montesquieu), élit son man,dataire principal, le président de la République, et peut le renvoyer. De Gaulle à chaque scrutin national, qu’il soit législatif ou référendaire, mettait sa tête sur le billot. Au premier vote négatif, il est parti. Il souhaitait même placer la « barre » très haut et son succès en Octobre 1962 lui avait paru « médiocre et aléatoire ». C’est l’abus par ses successeurs de leur position, et la méconnaissance générale du pouvoir originaire – la sanction du peuple de toute responsabilité législative et exécutive – qui a amené le déséquilibre dont nous souffrons – aujourd’hui et depuis un an – sous jacques Chirac ou pendant les chabitations, ce dont nous souffrions, n’était pas « la surpuissance » du Président (Robert Badinter) mais l’impuissance organisée et révérée dans l’exécutif partagé.

C’est une abstraction que de dire que le projet pendant devant les Chambres consolide les institutions parce qu’il les rééquilibre (Edouard Balladur) : en quoi, le citoyen défend-il mieux ses droits ? une hypothétique initiative du referendum si un prohet recueille un million de signatures et si le Parlement – contrôlé de fait par le gouvernement régnant – ne traite pas lui-même et à la manière du gouvernement, la question dans l’année ? une saisine du Conseil constitutionnel à condition d’etre allé en cassation, soit des frais et des années de procédure ? Le Parlement existant de « manière plus autonome » ? mais ce n’est pas d’autonomie qu’il s’agit, d’indépendance au contraire. La représentation nationale n’est pas un octroi du pouvoir royal, elle est l’émanation du pouvoir originaire depuis l’été de 1789. Et Louis XVI le comprit et l’accepta : la caractéristique de la proposition capétienne encore aujourd’hui n’est pas dans l’exercice du pouvoir, mais dans le mode de dévolution de cet exercice (l’hérédité dans la Maison de France).

L’expression physique et personnelle du président de la République devant les assemblées du Parlement, l’une ou l’autre, ou les deux, réunies en Congrès… Robert Badinter a raison : caprice médiatique inspiré par l’exemple américaine… la moncratie en sortira encore renforcée, surtout si l’on songe au président actuel… L’Assemblée nationale, fondatrice de la République et rédactrice des lois de 1875 ayant fait la Troisième République et notre tradition parlementaire, se rangea aux observations du duc de Broglie, pourtant monarchiste (orléaniste). Je donne la discussion en pièce séparée. Edouard Balladur rétorque avec apparence de raison qu’hors période de cohabitation (pas) un seul président qui ne se soit pas comporté comme le chef d gouvernement. Je me souviens que le général de Gaulle était hostile au fait que l’on qualifie le Premier ministre de chef du gouvernement. Le Général signifiait par là que le gouvernement était « son » gouvernement, c’est-à-dire qu’il excluait que le gouvernement ne soit pas orienté par lui, qu’il excluait donc la « cohabitation » dont Edouard Balladur a été l’inventeur et, avec l’Elysée, le négociateur dès 1983. la réalité dont peuvent attester tous ses ministres – Jean-Marcel Jeanneney et Edgard Pisani sont toujours là et en pleine forme à tous égards – est que de Gaulle respectait pleinement la liberté et la personnalité, la manière de faire du Premier ministre, et notamment de Georges Pompidou, le seul dont Edouard Balladur a l’expérience personnelle. Deux mots de lui le montrent. En Conseil des ministres à propos des pleins pouvoirs à solliciter en matière de sécurité sociale notamment par le gouvernement auprès du Parlement, Edgard Pisani s’insurge : cette défiance envers la majorité certes étroite mais nouvellement élue est dangereuse. Le président-fondateur répond : je suis là pour contrôler la constitutionnalité de la procédure. Seulement… et au même qui réplique à de Gaulle que les retards dans le projet de loi d’orientation foncière tiennent au Premier ministre, le Général répond : je peux lui faire faire ce dont il n’a pas envie, mais je ne peux lui faire faire ce qu’il ne veut pas faire. En revanche, Edouard Balladur a bien compris l’article 20 : c’est le gouvernement dont ne saurait être dissocié le président de la République, présidant le Conseil des ministres, qui « détermine et conduit la politique de la nation » (lapsus d’Edouard Balladur ou infidélité de sa mémoire puisqu’il dit « définit »).

Robert Badinter – comme naguère François Goguel, conseiller discret et aulique du Général en matière constitutionnelle à la suite de son analyse des résultats du referendum d’Octobre 1962) – juge inutile la limitation du nombre des mandats présidentiels. Le pays privé d’un très bon président, la faible probabilité que quelqu’un puisse être élu trois fois dans un pays comme le nôtre. La réponse d’Eouard Balladur est faible : il s’appuie explicitement sur la boutade de Nicolas Sarkozy, présentant ses vœux à la presse place Beauvau, au moment où Jacques Chirac faisait le même exercice à l’Elysée : « quand on se préoccupe trop de durer, on se préoccupe moins d’agir ».

C’est se moquer que de prétendre (Edouard Balladur) que la révision produit un véritable encadrement des pouvoirs du président en matière militaire. Cela supposerait que Nicolas Sarkozy qui a décidé le renforcement de notre participation aux contingents de l’OTAN en Afghanistan sans consulter le Parlement, sauf « en catastrophe » par pression des élus, puis par dépôt d’une motion de censure, puis qui discourt – justement aujourd’hui – une réorentation totale en moyens et en doctrine de nos forces, sans le moindre débat parlementaire, changera de comportement par respect d’un texte nouveau ? il serait plus crédible, et ses thuréiféraires le seraient avec lui, si spontanément depuis sa prise de fonctions, il avait informé et consulté le Parlement. Robert Badinter, se refusant à la polémique, remarque que rien n’est prévu si les opérations se poursuivent.

Les nominations soumises au Parlement. Robert Badinter relève la dérive des propositions du gouvernement par rapport à celles du comité animé par Edouard Balladur. L’observation vaut d’ailleurs pour beaucoup des rédactions nouvelles proposées par le gouvernement ; dans leur ensemble, l’Assemblée nationale les a amendées pour revenir à celles d’Edouard Balladur. En fait, le système proposé maintenant laisse tout à la décision de la majorité gouvernementale. Et je fais la même observation qu’à propos des envois de troupes à l’étranger, que ne l’a-t-on pratiqué depuis la prise des fonctions présidentielles de Nicolas Sarkozy ? Louis Gallois, Guillaume Pépy et demain le PDG de la fusion Suez-Gaz de France ? Edouard Balladur convient d’ailleurs qu’il regrette le libellé gouvernemental, le sien prévoyait un avis, et d’un avis public, il est difficile de s’écarter.

Le partage de la priorité dans l’établissement de l’ordre du jour ? Edouard Balladur ironise, reconnaît que la rédaction gouvernemental est « elliptique », en fait ambiguë, ce qui n’induira aucun changement de comportement. Robert Badinter reste dans l’observation que la sociologie – la monocratie actuelle – aura raison de la novation des textes. J’ai le pressentiment d’autre chose. Une majorité parlementaire peut décrocher de son chef, si elle sent trop qu’il l’emmène à la déroute électorale : celle du général de Gaulle, qui était aussi celle de Georges Pompidou, à la suite des « événements de Mai », en 1968, abandonna l’homme du 18 Juin pour celui de Montboudif dont d’ailleurs l’éloge avait été prononcé par le Général lui-même. Je n’exclus pas cette issue du mandat actuel. Robert Badinter a raison de mettre en évidence que la réforme ne donnera à l’opposition la maîtrise de l’ordre du jour qu’une fois seulement par mois. Edouard Balladur fait contre mauvaise fortune bon cœur en prenant pour exemple d’une certaine autonomie de la majorité parlementaire vis-à-vis du gouvernement, précisément, le sort fait au projet gouvernemental de révision…

A propos du 49-3, l’observation est juste que le maintien du 44, laisse intacte la possibilité pour le gouvernement de demander un vote bloqué sur son propre texte. Mais – pour l’ensemble d’ailleurs du fonctionnement de nos institutions – je crois que ce sont les hommes et non les textes qui font les usages. Il s’agit de respect mutuel entre les représentants et les gouvernants, et l’un des critères est que les partis autant que les ministres respectent le vote de conscience et le souhaitent. Alors, les textes ne seront pas éphèmères et auront de l’âme. Pour l’heure et depuis longtemps, il ne s’agit que de réclame.

Le point commun entre Edouard Balladur et Nicolas Sarkozy – malheureusement, mais là est l’efficacité de leur alliance – est de s’en prendre aux habitudes quelles qu’elles soient et parce qu’elles sont des habitudes. Le goût de détruire ? le goût de fonder ? qui les fait – forcément – s’opposer au seul fondateur politique que nous ayons eu depuis la chute du Second Empire : Charles de Gaulle. Deux petits livres – pas assez connus – disent ce fonds commun, ils sont d’Edouard Balladur : Laissons de Gaulle en paix ! et Pour une union des Etats-Unis et de l’Union européenne.

Edouard Balladur et Robert Badinter s’accordent sur le confort des ministres remerciés. Pour moi, les deux dispositions qui nous font passer à un nouveau régime politique sont l’adresse personnelle du président de la République au Parlement, et la possibilité pour les membres du gouvernement démis ou démissionnaires de retrouver leur siège de parlementaire sans revenir devant leurs électeurs. La philosophie du « sarkozysme » c’est d’éviter toute consultation populaire : la seule qui reste obligée est le renouvellement du mandat présidentiel.

L’exception d’inconstitutionnalité est la véritable avancée – mais si modeste encore – du projet. Edouard Balladur révèle que la discusion a été ardue en commission et au gouvernement (ce qui indique qu’il a été personnellement associé à celle-ci) et Robert Badinter rappelle qu’il l’a proposée quand il était garde des Sceaux. Mais c’est Pierre Arpaillange qui a essuyé les plâtres et le refus des amis d’Edouard Balladur.

La composition du Conseil constitutionnel. Robert Badinter propose d’en exclure les anciens présidents de la République membres de droit à vie, au motif, qu’à terme ceux-ci feront la majorité… et alors ? l’observation me ferait presque revenir sur l’idée que je cultive depuis des décennies que les présidents et les anciens gouvernants sont sénateurs de droit et à vie, pour qu’ils aient non seulement une retraite décente, mais parce que leur expérience est utile.

Le referendum d’initiative parlementaire, chacun – Robert Badinter et Edouard Balladur – reconnaît que la procédure retenue par l’Assemblée nationale est complexe, qu’il y a un filtre. Tous deux n’aiment pas ce referendum. Nous sommes donc avertis. Fausse réforme parce que mal aimée de ceux qui la proposent et la voteront. Tant pis pour nous. Toujours pas de démocratie directe. Le propos d’Edouard Balladur est capital. La commission s’est fait surprendre, le groupe socialiste a imposé la chose à l’Assemblée nationale. Un début difficile, mais un début donc… décidément, ce dialogue organisé par « mon » journal – Le Monde dont je conserve l’exemplaire quotidien depuis Septembre 1960, mon entrée à Sciences Po., j’avais dix-sept ans – vaut publication de travaux préparatoires. Robert Badinter redonne l’argument contre l’initiative populaire du referendum : une offensive pour rétablir la peine de mort. Je suis d’avis qu’aucun texte ne fait durablement barrage quand le peuple est décidément contre. L’inviolabilité de la personne du roi en 1789-1792… l’Union française de la République et de ses territoires d’outre-mer … et je ne désespère pas de l’opinion de nos compatriotes : la cause des sans-papiers, la levée de protestations contre l’extradition de Marina Petrella ou l’amélioration, encore très insuffisante, de la condition carcérale de Nathalie Ménigon. Robert Badinter et la peur de beaucoup du Front national. Soit ! mais cette peur a conduit à la stratégie électorale de Nicolas Sarkozy en sorte que – par celui-ci – à défaut de Jean-Marie Le Pen qui s’est révélé incapable de campagne pour le second tour de l’élection présidentielle de 2002, les simplismes et l’autotarisme de l’extrême droite sont installées à l’Elysée, avec toutes les apparences de la légitimité.

A juste titre, Robert Badinter refuse l’institution du « défenseur des libertés », d’autres institutions ont fait leurs preuves qui – parce qu’elles sont spécialisées – sont efficaces. Mais une raison plus globale pourrait être aussi avancée : le président de la République lui-même doit être ce défenseur, et s’il est défaillant, il doit pouvoir être mis en cause par les assemblées parlementaires mais aussi par une saisine directe du Conseil constitutionnel par les citoyens – qu’ils soient eux-mêmes menacés, ou pour le cmpte de tiers. Le Conseil d’Etat, selon sa jurisprudence actuelle, nadmet pas le « recours populaire » ; j’essaie, en ce moment, d’obtenir – en faveur de Marina Petrella – une décision de revirement.

Sur le Conseil supérieur de la magistrature, Robert Badinter et Edouard Balladur s’accordent pour la réforme, déjà votée par l’Assemblée nationale. J’y suis hostile et entend l’argumentation de Pierre Arpaillange, lui aussi ancien garde des Sceaux, le groupe socialiste l’a fait sienne. La nomination des magistrats doit rester à la signature du président de la République pour leur prestige, qui est faible actuellement. Pour que la magistrature du siège soit indépendante et que l’ensemble du système juridictionnel échappe au contrôle politique des carrières, il faut fusionner les parcours et rendre interchangeables les rôles au parquet et sur le siège. J’y reviens dans un prochain blog. Même observation cependant que les nominations importantes ou l’envoi de troupes à l’étranger, que n’a-t-on respecter le corps judiciaire depuis un an, que ne l’a-t-on écouté ? Toute l’œuvre de Rachida Dati – saluée par Nicolas Sarkozy comme la seule de celles qu’il ambitionnait en étant candidat à la présidence de la République, vcraiment accomplie avec fidélité, célérité et énergie – a été produite contre son propre cabinet, contre les magistrats, contre les élus, et contre les usagers.

Le temps de parole du président de la Républque sur les ondes ? la discussion me paraît artificielle dans le dialogue Badinter/Balladur et dans la « classe politique ». Si quelqu’un a de l’éloquence et quelque chose de vraiment « sensationnel » à dire, le pluralisme de nos médias est tel qu’il y aura un écho, lequel amènerait les autres à se relayer en faveur de l’inventeur ou de l’iconoclaste. Olivier Besancenot qui ne représente rien en statistique électorale, se fait entendre au point qu’il est la personnalité politique la plusn populaire actuellement. La question de fond est de maintenir ce pluralisme et le paradoxe est aujourd’hui que le secteur privé audio-visuel est davantage soumis au pouvoir en place que le service public…

Mode d’élection du Sénat ? Edouard Balladur rappelle que la domination de la droite, désormais structurelle, est plus récente qu’on n’en a le sentiment et qu’elle n’existait pas dans les années 1970. C’est la confusion habituelle soit des amoureux de l’alternance démocratique – que je crois simplement la sanction d’un pouvoir ne se conduisant pas démocratiquement et qu’on remplace donc pour voir si un autre sera plus efficace et plus tolérant, plus près des gens – soit des personnalités de mauvaise foi, à propos de la place du général de Gaulle dans notre vcie politique. De son temps, le clivage n’était pas droite/gauche, mais ancien et nouveau régime politique. Pour ou contre ces institutions que maintenant la droite – principalement – veut détruire, « sous l’autorité et la signature » de Nicolas Sarkozy. De Gaulle fut mis en ballotage en 1965 et perdit le referendum de 1969 par défection d’une partie de la droite : pro-américaine, pro-israëlienne et ne comprenant pas que nous allions devoir à ses gouvernements les vrais fondations de l’entreprise européenne, les fondations du réalisme, du possible et de la future indépendance.

Pronostics des deux personnalités sur les chances d’adoption de la révision proposée ? réservés. Je pense que ce qui peut emporter la majorité des trois-cinquièmes, c’est la peur du lèse-majesté. Car l’échec de cette « réforme » – à laquelle tient tant Nicolas Sarkozy – placerait celui-ci devant la première et incontournable limite à sa manière d’exercer le pouvoir, à sa conception personnelle du pouvoir en politique.


La réforme, les réformes. En 1968, c’était manifestement pour ajuster l’orientation gouvernementale à ce que le vœu populaire – les « événements » – marquait comme nécessaire. Aujourd’hui, le même mot recouvre exactement le contraire. Les gouvernants administrent une contrainte aux citoyens – interdits de referendum sur les sujets décisifs que sont l’Europe et nos institutions – aux usagers du service public, aux contribuables, aux consommateurs. Nous sommes balladés d’une motivation à l’autre : les économies budgétaires sans que l’addition des sacrifices, le démantèlement d’un siècle parfois d’acquis ou d’investissements de la collectivité nationale entière méritent la moindre mise en perspectives des économies ainsi réalisées : ne dansent que deux chiffres, sur le fond rouge de celui de notre endettement public global, les 15 milliards de « bouclier fiscal » pour ceux qui n’en ont guère besoin et ne rapatrient rien pour autant, et les 73 milliards de « niches fiscales » chaque année, et sans que ces « dépenses fiscales » aient une retombée clairement explicitée.

Modèle du genre, le discours présentant le Livre blanc sur la défense. Apparemment aucun débat parlementaire, même à huis clos des commissions compétentes, alors qu’on nous abreuve – habillage du droit désormais pour le président de la République de s’adresser au Parlement à l’américaine – du renforcement des pouvoirs et des contrôles des assemblées sur l’exécutif. Coupes sombres, le quart ou le tiers des effectifs pour l’armée de l’air et pour la marine. Le porte-avions – dont nous savons depuis des années qu’en bonne logique stratégique et européenne et en bonne gestion budgétaire, qu’il nous faut le construire avec les Britanniques, et pourquoi pas avec les Allemands – est reporté à 2012… toujours cette date… alors qu’on avait raillé Ségolène Royal, en campagne présidentielle de nous y faire renoncer. Rachida Dati, examinatrice impavide de tous les dires de sa rivale et cheftaine de campagne de Nicolas Sarkozy, discrimination positive ou faveur autrement fondée puisqu’il faut que jeunesse se passe, la grande amie, la sœur de Cécilia Sarkozy dont la nouvelle maire du VIIème – déjà cumularde - refuse de marier le fils ou la fille… Economies donc. La plus absurde pour un pays qui veut se consacrer aux opérations extérieures, même si elles sont d’une efficacité douteuse : l’Eufor entre Tchad et Darfour…, est évidemment de réduire de 50.000 à 30.000 la disponibilité immédiates de nos troupes spécialisées. L’essentiel est la redite de notre retour dans l’O.T.A.N. sans doute est-elle conditionnée – très mezzo voce – à l’avancée de la défense européenne et ne signifiera-t-elle ni la fin de notre liberté d’appréciation ni notre mise sous tutelle en temps de paix. Mais ces conditions sont appréciées par le seul Nicolas Sarkozy et le serpent se mord la queue puisque la motivation de notre changement total d’attitude vis-à-vs de l’organisation intégrée, c’est-à-dire vis-à-vis de la manière dont les Etats-Unis fixent une stratégie, est que notre retour dans l’O.T.A.N. facilite la défense européenne, et enlève à nos partenaires toutes raisons de ne pas progresser vers cette défense.

Les arguments contre l’orientation – la décision – de l’actuel président de la République sont multiples et simples. D’abord, les Etats-Unis se f… que nous réintégrions l’O.T.A.N., cela ne change rien pour eux. C’est un simple porte-parole de la Maison blanche qui prend acte, non de nos conditions de Lilliput mais de notre venue à récispiscence. Nos partenaires européens n’en progresseront pas davantage vers une défense européenne autonome. L’habitude va se cristalliser encore davantage de considérer la question de cette défense traitée par l’O.T.A.N. Déjà, les soi-disant corps européens sont des éléments – européens – mis à la disposition des Européens, par l’O.T.A.N. (accord dit de « Berlin plus » dont s’étai délicité Hervé de Charrette au début du premier mandat de Jacques Chirac, quand se commença notre mouvement vers l’O.T.A.N., stoppé par Lionel Jospin et Hubert Védrine en 1997). On dira que notre subordination stratégique – à l’Irak près – est déjà totale : Iran, Afghanistan, analyse du terrorisme et inscription de celui-ci dans les clauses d’interventions communes, extension du champ territorial de l’Alliance, tout est déjà consommé, il ne manquait que l’apparence. Nous y sommes. Les responsabilités sont archi-partagées. Naguère, au temps de la guerre d’Algérie, une bonne part de nos hiérarchies militaires bichaient pour Israël : contre les Arabes bien sûr, contre l’ennemi supérieur en nombre bien sûr. Depuis ue quinzaine d’années, le temps que s’émousse le « gaullisme » dans les esprits à force d’en caricaturer l’expérience, les faits et l’expression, c’est l’Amérique qui est enviée et admirée, plus nous dépendons technologiquement (nos essais nucléaires désormais virtuels et selon des modèles américains, depuis 1995) et pour le renseignement, plus nous voulons être encore associés, assimilés, le rêve du colonisé dans la préhistoire de sa révolte.

Donc, notre réintégration. Sans que personne ne « moufte » vraiment. Le parallèle de Gaulle-Sarkozy – le premier imposant l’indépendance algérienne aux armées, et le second notre retour dans l’O.T.A.N., ce qui ferait grandir Nicolas Sarkozy à la hauteur de l’homme du 18-Juin qui sera sans doute visité demain au Mont-Valérien, après qu’aujourd’hui on ait détruit son œuvre – ne vaut que dans la forme, et encore, car l’armée se rebella contre de Gaulle, elle semble muette devant l’actuel président de la République. Car le fond est que de Gaulle nous entraînait à l’indépendance, nous y faisait revenir et prophétisait un monde meilleur, tandis que Nicolas Sarkozy nous fait revenir aux temps anciens de l’après-guerre, de la C.E.D. et de la subordination atlantique, sans discerner où va le monde.

Le général de Gaulle, en Conseil des ministres, le 19 juin 1963, concluant le commentaire de Maurice Couve de Murville, ministre des Affaires étrangères, sur un rapport de la commission des Affaires étrangères du Sénat américain (Que va choisir l’Europe entre la Communauté atlantique et l’Europe autarcique ?) : " Il n’y a pas de doute. Le problème s’est déjà posé au moment de l’institution de l’O.T.A.N. Il s’est posé aussi pour la C.E.D. C'est ce que les Européens appellent "l’intégration européenne", sans se préoccuper de savoir s'il y a une politique européenne. L’entrée des Anglais aurait évidemment anéanti cette Europe en train de se constituer de manière autonome. Le tout pour que les Etats-Unis puissent mieux gouverner l’Europe. Dans ce cas, l’Europe disparaît, la France est abolie. Ceux qui ont renoncé à la France depuis longtemps, cherchgent une situation qui noie la France dans des systèmes politiques où la France n’existerait pas. C’est pourquoi ils sont ivres de l’O.N.U., de l’O.T.A.N., de l’"intégration européenne". Ils se ruent pour faire entrer la Grande-Bretagne, alors qu’il savent qu’il n’y aura pas d’intégration si l’Angleterre est dans l’Europe. Cà leur est égal. Leur instinct est que la France est que la France disparaisse. Mais ils se font des illusions, ils ont commis une erreur sur notre capacité à les en empêcher ! C’est ce que tout le monde commence à admettre. "

Et, le 13 mai 1964, répondant à Alain Peyrefitte, à l’issue d’un autre Conseil des ministres : " Nous ne reviendrons pas sur le retrait de nos officiers de marine de l’OTAN. (…) Ces organismes internationaux sont bons pour y attraper la vérole. Nos représentants oublient le devoir d’obéissance à l’Etat. Ils y perdent le sentiment national. (…) Vous savez ce que ça veut dire, la supranationalité ? La domination des Américains ! L’Europe supranationale, c’est l’Europe sous commandement américain. Les Allemands, les Italiens, les Belges, les Pays Bas sont dominés par les Américains. Les Anglais aussi, mais d’une autre manière, parce qu’ils sont de la même famille. Alors, il n’y a que la France qui ne soit pas dominée.Pour la dominer aussi, on s’acharne à vouloir la faire entrer dans un machin supranational aux ordres de Washington. De Gaulle ne veut pas de ça. Alors, on n’est pas content, et on le dit à longueur de journée, on met la France en quarantaine. Mais plus on veut le faire, et plus la France devient un centre d’attraction. Vous nous voyez avaler la supranaionalité, nous ? " [2]

Si l’analyse de Nicolas Sarkozy – sans doute inspirée depuis plusieurs années par des éléments de nos armées, certainement identifiés par leurs pairs et que connaît Michèle Aliot-Marie dont le silence étonne – est si courte : l’Atlantique est le chemin de l’Europe… il doit y avoir une autre motivation. Poivre d’Arvor, sensible par comparaison avec les prédécesseurs à l’immaturité du nouveau-venu à l’Elysée, et ayant le culot de l’exprimer, aurait la réponse. Bibi Fricotin tentant dans les années 1930 comme des millions d’Européens à la fin du XIXème siècle et jusqu’en 14-18, de traverser l’Atlantique pour devenir enfin Américain, c’est-à-dire riche… Nicolas Sarkozy n’en finit pas de parvenir, il y a toujours cette dernière marche, grimpette bien caractérisée par Jean-Pierre Raffarin. Etre l’ami des Américains, et de Bush junior, c’est une promotion, c’est un pied de nez aux bourgeois et aux enkystés dans les dogmes et les habitudes. Les réformes sont un changement non pour ceux qui en sont l’objet et la victime, mais pour celui qui les décrète et les commentent – avec ce qui est devenu une éloquence particulière, ne tenant qu’à une tribune héritée et à des auditoires de plus en plus forcés – il est magnifique celui qui confond tabous (péjoratifs) avec imagination constructive, lucide, critique. 37% d’opinions favorables, et d’être remontés en un mois de 35% à 37% est vêcu comme un plébiscite.

Je retrouve mon angoisse – ou plutôt la même angoisse me rejoint : cf. la première esquisse de ce blog. le 24 Décembre 2007 – elle était : comment les Français supportent cela, comment s’abaissent-ils ainsi ? de fait, la participation aux manifestations de ce jour est en net recul sur celle du 22 Mai. Bernard Thibault ne rassure personne sur la mobilisation qui ne se fait pas, en promettant une « renterée sociale en fanfare » : pour quand ? pour 2012 ? Si la gauche, forcément conduite électoralement par les socialistes, n’est que la dispute entre candidats à la candidature, l’élection la plus « gagnable » sera une nouvelle fois perdue. Olivier Besancenot est en tête largement des cotes d’avenir, mais qu’est-ce que cela veut dire pour l’exercice du pouvoir, en ce moment ? et demain ?

[1] - 1er Rois XXI 17 à 29 ; psaume LI ; évangile selon saint Matthieu V 43 à 48
[2] - Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle ** (éd. de Fallois & Fayard . Octobre 1997 . 653 pages) pp.229-230 puis 216-217) – citations évoquées par l’Union populaire républicaine (François Asselineau : pgblache@wanadoo.fr) et que je reprends à la source et en les situant dans le texte de celui qui était alors le ministre de l’Information

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