lundi 9 juin 2008

Inquiétude & Certitudes - dimanche 8 juin 2008


Dimanche 8 Juin 2008
Repas de kermesse et désorientation d'une France emmenée où elle ne veut pas aller : les niches fiscales ou les acquis pas seulement en droits divers, mais en infrastructures et en conception du bien commun
Le Zimbabwe, affaire de deux bataillons, et l'Irak pour combien de générations en intervention ?

Prier dans l’action de grâce et la communion. Les trois proches et aimés, d’une manière particulière, ensemble, ma chère femme et moi… qui sur leur lit d’hôpital ou dans l’agonie commencée de l’un, spirituellement, avec son épouse sur le lit d’hôpital qui sera celui de sa mort, ce frère spirituel et ses inquiétudes, et notre inquiétude, ce personnage décisif de Mai 1968 qui m’honore, d’un coup, au premier accueil, de sa confiance et qui accepte mon affection, et me fait le cadeau décisif de considérer ce que j’ai écrit sur cette époque… sur ceux ainsi dont la vie m’est donnée à voir et que nous pouvons accompagner… sur le monde qui nous est contemporain… la prière de louange qui est la plus efficace, la prière de supplication de qui donne toute son indigence, la prière… espérant contre toute espérance, cette vraie rencontre de l’homme et Dieu, Dieu nous prodiguant son attractivité totale et mystérieuse, et nous répondant par ce qu’Il nous donne : espérance et foi, donc liberté d’aller à Lui. Il ne tomba pas dans le doute et l’incrédulité : il trouva sa force dans la foi et rendit gloire à Dieu – l’assertion d’expérience de mon frère spirituel : puissance, « efficace » (lui-même est si simple qu’il est concret au possible, que le spirituel est concret quand il en témoigne, tout en se gardant de rien décrire car du surnaturel on ne sait seulement que c’est surnaturel, les pas de Dieu et ceux du démon, au-dessus de nos têtes et dans nos cœurs obscurcis) – car il était pleinement cnvaincu que Dieu a la puissance d’accomplir ce qu’il a promis. La grâce insigne dont Abraham bénéficia fut que Dieu lu parla et lui promit explicitement… tout. Notre histoire entière, à commencer par la sienne. Trop vieux pour avoir des enfants… l’homme se leva et le suivit. L’appel du Christ, les paroles de Dieu à Abraham : nous sortons subitement de nous-mêmes, de toutes nos équations de vie, de nos contraintes et, ce qui est tout autant des astreintes et des limitations, nous sortons aussi de nos projets propres, de nos échéances. L’apôtre reçoit son maître. Humour de tout l’évangile : les pécheurs pour lesquels explicitement Jésus est venu, sont, dans le fond, bien plus « justes » que ceux réputés justes. Car c’est l’amour que je désire, et non les sacrifices. Mais Dieu nous demandant ainsi l’orientation de tout nous-mêmes, de toute la joie de nos forces quand elles sont éployées avec efficacité, nous sait et connaît : votre amour est fugitif comme la brume du matin, comme la rosée qui s’évapore à la première heure. Du moins, sommes-nous aimés en connaissance de nos intermittences et de nos limites : Dieu les accepte, nous accepte bien mieux et plus que nous ne nous acceptons nous-mêmes [1].

La fête à l’école de notre fille, hier après-midi et le soir. Une vie villageoise, l’arrière-fond passager mais rude des campagnes municipales, les images de qui est candidat ou maire sortant et les votes ne se répondent pas forcément, les rôles ne sont pas prévisibles. La fratrie des parents d’enfants dans les petites classes maternelles ou cours préparatoires ; j’ai du mal à apprendre les appellations actuelles. Conversation avec un couple dont nous connaissons : elle. Assistante maternelle ou puéricultrice à la « maison de l’enfance », structure nouvelle dont nous profitons à pleine pour notre fille. Elle évoque les changements de formation qui n’affectent pas seulement les filières des écoles et les I.U.F.M., et surtout la privatisation latente, le modèle allemand, des associations parentales dont la conséquence est évidente, les riches entre eux (et pour eux). Lui est chauffeur d’autobus, à la R.A.T.P., les fins de semaine en famille, la Bretagne, quatre jours d’affilée en région parisienne, sa ligne n’ouvrant par hypothèse que s’il est au travail, il doit s’y rendre en voiture. La privatisation est aussi la rumeur et l’ambiance, donc des lignes à peu de fréquence ou supprimées selon la chalandise. Ce qui m’explique ces deux agents, boulevard de Port-Royal, jeudi dernier qui faisaient « à la main » le comptage des montées et descentes à la station. Toute la réorganisation du pays se fait contre le sentiment populaire – « les acquis de la Libération » et en fait sous tous nos gouvernements depuis cent cinquante ans – et contre les commodités ou astreintes immédiates de chacun. Les 73 milliards de dépenses fiscales – j’apprends le concept en écoutant vendredi dernier l’expert socialiste en finances publiques. Certaines niches fiscales bénéficient à tous, les cotisations ou dons aux associations… mais le total, énorme, suréquilibrerait notre budget national. On détruit des vies de pays en enlevant l’école ou le chemin de fer, c’étaient les enjeux d’il y a vingt ans, Georges Pompidou avait commencé avec les lignes « d’intérêt secondaire », étant Premier ministre… le Cantal et Florac… mais depuis six mois, ce sont le tribunal d’instance, la caserne, l’hôpital. Chaque fois pour une économie de quelques millions au plus. La réorganisation, soit ! mais elle ne signifie que deux choses : les licenciements de personnes (des vies changées ou brisées, le dédain parfait pour ce à quoi elles étaient adonnées et se consacraient) et les mises à la casse d’infrastructures et d’équipements, parfois neufs, ainsi l’appareil judiciaire à Montbéliard. Et cela se dit sous les fameux « préaux d’école » dont – il y a quelques décennies – on parlait davantage, c’était des causeries et débats du soir pour les élections, que des marchés arpentés par des candidats n’y mettant, autrement, jamais les pieds et filmés pour la télévision locale ou nationale. L’attitude obligée est le repli sur ce qui dépend de nous : le bonheur familial, les responsabilités conjugales, le groupement associatif pour ce qui dépend de nous. Alors, la politique… pourtant elle commence là, la piscine du canton, la déviation au nord ou pas de l’agglomération chef-lieu de département, se décident en communauté d’agglomération. Les sans étiquettes renforçant les présidences inamovibles vers la droite ou la gauche d’étiquette quand le temps grossit ou que le patron local se singularise : François Goulard succédant prestement à cinquante ans de règne d’un Raymond Marcellin qui venait de la Marne et était censément avocat, des enfants sans qu’on ait su jamais son mariage ou vu sa femme, et sans qu’il réside sur place, autrement qu’en boîte postale et grâce à un factotum. Celui-ci, placé au rez-de-chaussée : pied de l’escalier montant au cabinet du préfet. Le commandant (fallait-il des guillemets ?) Lépagnot à Pontarlier pour Edgar Faure. Renouvellement tous les cinquante ans. Pour ce « villepiniste » affiché qui vota François Bayrou, un quinquennat présidentiel est un clin d’œil auquel on survit politiquement. Comment déchiffrer, de la table à tréteaux d’une kermesse sous chapiteau démontable au vote solennel du Congrès réuni à Versailles ? En d’autres lieux, mais aujourd’hui plus qu’hier, l’hérédité républicaine : j’ai appris la dynastie Méhaignerie, les Baudis, les Léotard, les Poniatowski, les Montesquiou (mais cela remonte à toujours…), les Giscard d’Estaing (quoique finalement ce ne soit pas Henri, dit Riton ans la période où son père était au pouvoir et où il chercha à Blois) sont connus. Une statistique à faire. Emmanuelle Devos n’est cependant pas la fille de Raymond. Les Brasseur, à l’écran et sur les planches, ont commencé la troisième génération.

Le Zimbabwe. Deux poids, deux mesures. Deux bataillons de parachutistes mettraient à la raison un homme qui fut populaire et méritant, quoique le véritable père de la résistance et donc de l’indépendance était Josua N’Khomo, dont mon mentor dans les choses de l’Afrique, du développement et de la décolonisation – Moktar Ould Daddah de Mauritanie – pensait du bien. On laisse Mugabe participer au sommet de Rome, emprisonner son rival pour un second tour à une élection présidentielle qu’il avait perdu dès le premier, et maintenant coffrer des diplomates accrédités chez lui. Tandis que pour l’Irak, une coûteuse coalition, une guerre civile qui redoublera après le départ des Américains, maintenant ou dans dix ans, et forcément une dictature militaire ou religieuse, ensuite.


[1] - Osée VI 3 à 6 ; psaume L ; Paul aux Romains IV 18 à 25 ; évangile selon saint Matthieu IX 9 à 13

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