Un patrimoine industriel qui n’est plus
défendu par les gouvernants, un patronat qui n’est plus que cooptation sans
esprit d’entreprise et que recel d’émoluments faramineux protégés fiscalement
par l’établissement à l’étranger, une jeunesse sans aucun repère ni mentor
partagée entre deux « idéaux » extrêmes : l’émigration et le
djihadisme, des partis ne sachant pas animer le débat public ni débattre entre
eux dans les médias et dans les enceintes constitutionnelles, une soi-disant
alternance au pouvoir qui n’est que dans les listes gouvernementales.
Une totale continuité entre le
quinquennat de Nicolas Sarkozy et celui de François Hollande : même abus
de la fonction présidentielle au détriment des ministres, même absence de
collégialité, même « hyper-présence » médiatique et surtout mêmes
orientations politiques. La même option pour une soumission au dogme libéral
d’un endettement à la discrétion des marchés et des agences de notation, même
abaissement des prérogatives de l’Etat, même proposition de réforme
territoriale, négociation et signature par l’un d’un pacte de stabilité
contraire à toute nécessité démontrée par la crise mondiale persistant depuis
l’été de 2008, et ratification par le second contrairement au ton sinon à la
lettre (complexe) de sa campagne présidentielle.
Résultats patents : la France
expropriée d’elle-même en patrimoine et en mémoire identitaire, sans la moindre
prise dans les relations internationales et les fonctionnements européens, la
paupérisation des Français, leur émigration mentale ailleurs que dans un
devenir national auquel il ne leur est plus possible de croire.
Les fins de mandat de Jacques Chirac,
l’immobile, et de Nicolas Sarkozy, l’agité, avaient encore quelque lumière, celle
d’une possible élection du contraire de ce qui était alors vécu. Les deux ans
d’exercice du pouvoir par François Hollande ont révélé un homme tout simplement
« pas au niveau » et particulièrement entêté dans le maintien d’un
cap que l’ensemble du magistère économique et sociologique considère impossible
à tenir et erroné. Une politique de récession économique, de diminution de la
dépense publique, de coupes budgétaires asséchant les collectivités locales
alors même que sur elles se défausse de plus en plus l’Etat, et mettant même à l’encan
nos institutions, gage de décentralisation et de proximité de l’exercice
démocratique. Un pouvoir solitaire malgré une pléthore couteuse de conseillers,
une communication gaffeuse et une pédagogie qui a cessé de convaincre quand la
personnalité l’administrant a manifestement et personnellement failli dans de
décisifs tête-à-tête : Peugeot, Mittal, General Electric, et dans des
circonstances aussi précises qu’une sous-information à propos de la disposition
des Britanniques et des Américains à opérer des frappes sur la Syrie de Bachar
El Assad. Une personnalité sans âme, ce que l’apparente symétrie des
successions féminines dans la chronique de l’Elysée sous Sarkozy comme sous
Hollande, ne saurait dissimuler : le prédécesseur, sans doute prédateur à
ses débuts, était « plaqué », tandis que l’actuel plaque et trompe.
La conduite avec Julie Gayet a montré d’une part que le président de la
République n’est pas d’esprit ni de corps au travail vingt-quatre heures sur
vingt-quatre, et que d’autre part il n’est pas de parole, même tardive (ses
soixante ans bientôt), puisque le mariage annoncé semble devenu hors programme.
Même manque d’égards avec les ministres et avec le Premier ministre des
commencements. Insister sur le physique de chacun de nos deux représentants
nationaux successifs, serait sans doute déplacé, mais les Français apprécient –
puisqu’il y a vedettisation – que celui qui s’exhibe en leur nom, ait de la
présentation et de la
présence. Le général de Gaulle bien entendu mais chacun de
ses successeurs à sa manière propre jusqu’en 2012, particulièrement François
Mitterrand, honoraient le pays. J’ai voté, en 2007, pour Ségolène Royal en la
voyant comme la parfaite incarnation de la France au féminin.
Ces obstinations et ces travers,
protégés censément par la sacralisation constitutionnelle, font détester
maintenant les institutions de la Cinquième République.
Celles-ci, placée sous l’obédience constante du suffrage
populaire, directement sollicité, selon le fondateur de 1958 à 1969, sont
aujourd’hui un carcan abaissant toutes les instances, toutes les procédures,
toutes les enceintes, fermant le jeu, figeant tout pour cinq ans – loin de
l’évolution des opinions.
Ce n’est plus tenable. La France va à sa
perte comme jamais en tant de paix depuis des siècles.
Les partis représentés au Parlement et
se succédant sans créer aucune alternative, sans susciter le moindre consensus,
sans provoquer le moindre sursaut de l’imagination ou de l’écoeurement, ne sont
plus un exutoire. L’U.M.P. pour la droite a montré que son fonctionnement est
corrompu par l’argent, tant pour les élections qu’en recel d’abus de position gouvernante :
vols et détournements, particulièrement illustrés et encore impunis quand ont
été confondus les fonctions de ministre du Budget et de trésorier du parti majoritaire.
L’affaire de Karachi a montré que la rétrospective peut aller loin et celle de
Bygmalion que le refus des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy par le
Conseil constitutionnel au titre de 2012, était encore plus justifié qu’on pouvait
le croire. Quant au financement de 2007, aussi bien l’affaire Bettencourt que l’assassinat
de Kahdafi, montrent qu’il a corrompu jusqu’aux relations internationales de la France. Je sais pour ma
part que le soutien français à un putsch africain (la Mauritanie du 6 Août
2008) a été acheté en liquide au secrétaire général de l’Elysée, à l’époque. Le
Parti socialiste pour la gauche a montré qu’il ne représente plus une famille d’esprit
française, une alternative de doctrine et d’orientation politique et sociale.
L’impasse ? La réponse des Français
– qui aurait pu, aurait dû être une révolte, une révolution comme celles de Mai
1968 (qui paradoxalement rendit la main à la droite pour écarter un de Gaulle
trop indépendant d’elle) et de Novembre-Décembre 1995 (qui analysa avec
justesse le tournant libéral avec la mise en cause du service public et le dédoublement
exploitation/infrastructure de nos grands établissements économique à caractère
industriel et commercial sur lequel il est si difficile de revenir : EDF,
SNCF) – n’est que dans l’abstention et le vote pour le Front national. Elle est
jour après jour de plus en
plus vers le souhait d’un « coup de balai », quitte à risquer la mise
au pouvoir d’un mouvement politique aussi simpliste que les apparitions sans
lendemain jusqu’à présent d’un intégrisme chrétien capable de mobiliser dans la rue. En regard, les
syndicats, l’extrême gauche et bien entendu un Parti socialiste « installé »
dans des niveaux de vie pour ses personnalités et une pratique du pouvoir local
analogues à ceux de la droite, n’ont aucune capacité mobilisatrice.
L’urgence est cependant certaine. L’endettement
continue, les manipulations budgétaires et fiscales n’ont que peu d’incidences
sur les déficits publics. La corruption se découvre partout : Areva… Nos
interventions en Afrique susbsaharienne, fierté résiduelle du président en
exercice, tournent au fiasco et nous y sommes de fait engagés en solitaires :
la sécession nordiste se confirme au Mali même si elle n’est plus accompagnée
des excès et des barbaries d’il y a trois ans tandis qu’en Centrafrique la
guerre religieuse l’emporte même sur les séparatismes. Dans les deux cas, nos
troupes sont débordés et notre expertise africaine est obsolète.
Quelques propositions des partis cependant,
mais incertaines. Le triumvirat gérant la « transition » à l’U.M.P.
est capable d’audit interne et de civiliser des mœurs occultes depuis quarante
ans, mais François Fillon a tout signé de ce que Nicolas Sarkozy décidait en
réactivité sytématique et Alain Juppé cabra le pays entier pendant deux mois
dès le début du septennat d’un Jacques Chirac, tant attendu par ses militants.
Il faut un homme (ou une femme) de grande expérience, de liberté mentale mais
aussi de vraies structures intellectuelles, qui ne soit cependant pas inféodé, et
même n’ait pas déjà … à son passif, un exercice du pouvoir discutable. Le
principal éliminé est Nicolas Sarkozy qui, en deux ans de préparation de son
retour à l’élection puis à l’Elysée, a été incapable de composer la mémoire et
la justification de son quinquennat et encore moins, soit au coup par coup,
soit en quelque forte synthèse, de publier ce qu’il ferait maintenant s’il était
resté président de la République et ce qu’il fera éventuellement s’il le
redevient. Entre un Nicolas Sarkozy qui chaque semestre de son quinquennat
assurait avoir changé et se « présidentialiser » et un François
Hollande, affirmant au contraire ne pas changer, se confirmant de semaine en
semaine en comportement et en âme, mûré dans ses convictions du résultat
desquelles nous serions interdits de juger avant la campagne de 2017, il n’y a
de choix qu’un renvoi dos à dos et à leur passé respectif.
L’U.M.P. pourrait discerner un candidat
tout autre que le kaléidoscope actuel mais venant quand même de ses rangs. Ce
pourrait être Michel Barnier si celui-ci devenait président de la Commission
européenne pour départager les deux champions actuellement affichés. Intègre, d’expérience,
efficace (les Jeux Olympiques d’hiver), ce serait une candidature
présidentielle en 2017 ou avant, présentant beeaucoup d’analogies avec celle
manquée en 1994, de Jacques Delors, et potentiellement très riche de consensus.
Le P.S. si les « 41 » du vote
sur les « 50 milliards » persistent, font contagion, pourraient –
sans aucun précédent – initier un retour aux sources et une novation du Parti
socialiste à partir d’une idéologie enfin musclée et contraignante. Naturellement,
un candidat tout nouveau pourrait être pré-désigné. Un putsch contraignant président
de la République et paradoxal rival – François Hollande et Manuel Valls qui l’assume
– à faire anticiper par leur aveu d’impuissance et d’erreurs, donc leur
démission ensemble, serait légitime pour beaucoup de gens de gauche et de Français.
Les schémas actuellement agités d’une
investiture de l’actuel Premier ministre en substitution de dernier moment à
une candidature du Président sortant, vouée à l’échec, ou d’une prise de contrôle
de l’appareil U.M.P. par Nicolas Sarkozy comme il y était déjà parvenu à l’automne
de 2005 seront désavoués aussi bien par les électorats concernés – la gauche en
majeure partie ne peut se
reconnaître en Manuel Valls, même s’il n’avait pas été nommé
à Matignon, et donc encore moins maintenant qu’il persévère dans la médication « hollandaise »,
et la droite en bonne partie, le centre certainement, ne peuvent se reconnaître
dans une réédition « sarkozyste ». L’une et l’autre feront assez défection
pour que Marine Le Pen, présente au second tour, ne soit plus un repoussoir
mais la candidate du changement à tout prix. Prix imprévisible, dans quelque
sens que ce soit, car l’élection de la fille de Jean-Marie Le Pen n’aura pas
seulement la dialectique propre à la famille mais elle suscitera une
dialectique hostile que n’ont jamais encore provoqué à leurs dépens ni Nicolas Sarkozy
ni François Hollande.
Qu’imaginer d’autre ? le temps le
permettrait, mais les Français n’en peuvent plus, et la France entre en coma.
à relire et peut-être à augmenter
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