mercredi 4 juin 2014

très simples et brèves réflexions sur " la réforme territoriale "




Le sujet est immense, touche à toutes les questions physiques, mentales, économiques, psychologiques, questions de personnes pas seulement de notoriété ou d’influence, questions de vivre ensemble et en identité. Seule l’Histoire – se disant en mémoire, en expérience, en projet, en volonté intensément consensuelle – légitime l’existence et la perpétuation d’une organisation de peuple, d’un ensemble de personnes (et de biens), en pays, en nation, en région…

La création d’une entité : pays, région, commune, collectivité, ne peut s’entreprendre isolément des autres entités, voisines soit dans le temps, soit dans l’espace. Elle est un fait collectif, elle est une réponse, elle est un constat. Elle se raisonne et se justifie concrètement et mentalement. L’organisation française actuelle est le legs de deux périodes très différentes, mais répondant à ces exigences. La Révolution, et nommément l’Assemblée constituante, sans doute l’Assemblée française la plus librement et la plus brillamment, intelligemment composée avec le préalable intense que furent le débat et l’écriture des « cahiers de doléances », dont les Français ont de nouveau envie mais qu’au gouvernement n’a encore eu la mémoire-culture-réflexe d’organiser depuis et particulièrement de nos jours. Les nécessités de la pénurie et du maintien de l’ordre – guerre avec Vichy, reconstruction à la Libération, voire tentatives insurrectionnelles de 1947. Donc, les départements, facteur d’administration plus directe et proche, plus homogène, facteur donc d’unité nationale et même mentale au lieu des anciennes provinces souvent millénaires. Donc, les régions dans leur version actuelle à superficies comparables, à compétences uniformes mais publiquement méditées à la fin du règne du général de Gaulle, et cherchant toujours leur relation avec l’Etat-nation et avec l’Europe, elle-même en mal de formulations ethniques ou identitaires et de pratiques démocratiques.

En manière, en origine, en gestation, en relation avec notre esprit national, en mémoire des personnes et de leurs ensembles, l’organisation décentralisée de la France est inséparable de celle-ci, et décide en grande part de sa démocratie et de son identité.

Y toucher n’est rien enfreindre. Mais y toucher seul, sans consultation qu’à huis-clos et dans un moment où le pays et le gouvernement affrontent des problèmes précis, requérant tout l’effort mental d tous les acteurs de la vie nationale selon tous ses aspects, est se mettre hors sujet et risquer ce qu’il reste de reconnaissance de la légitimité de l’actuel président de la République.

Si, comme il est probable selon un tempérament (est-ce un caractère ?) que les Français (et moi…) ont découvert progressivement et avec stupeur : une propension insolite à s’enfoncer dans des comportements, des schémas, des orientations de plus en plus décriés et inefficaces… le Président ne veut pas surseoir à la proposition et au débat de cette réforme territoriale, il est impossible qu’elle ne soit pas sanctionnée par le suffrage universel, c’est-à-dire le referendum. Si la méthode d’improvisation et de prise de court, faisant douter de tout l’art de gouverner et même de penser, ne change pas, il est certain que le projet évoluera vers de plus en plus d’interventions de couloir, de marchandages et donc de moins en moins de cohérence. « La grande pensée du règne » deviendra l’illustration – dramatique pour ceux qui partagent la responsabilité gouvernementale actuellement – d’une transgression de ce qu’il y a de plus élémentaire pour entreprendre, diriger et faire aboutir une réforme.

La réforme territoriale n’est pas urgente. Celle de l’ouverture du du mariage aux personnes de même sexe, ne l’était pas davantage (même si je l’ai approuvée pour ce qu’elle était, mais certainement pas pour le moment choisi). Dans les deux cas, c’est une dispersion de l’attention publique, qui est inopportune.

Le motif – ou l’habillage – d’un « redécoupage » des régions et de la suppression du niveau départemental des débats, des gestions et des financements nationaux, serait les économies ainsi permises ou dégagées : dix milliards. Chiffre-fétiche, que rien, dans l’état actuel de l’information publique, ne justifie : « au doigt mouillé ». La B.N.P. doit dix milliards à la justice américaine (même si ce sont des dollars). Le « mondial » va injecter dix milliards dans l’économie du Brésil. Quel que soit le montant, simplement, sèchement, les institutions françaises – nationales ou locales – ne sont pas à vendre ou à brader comme l’habitude s’en est criminellement prise pour notre patrimoine industriel de l’imagerie médicale Thomson en 1987 à Alstom en 2014, pour tant de nos hauts-fonctionnaires en recel de carnets d’adresses et d’expériences acquis grâce à l’Etat national et à ses frais : François Pérol, le fiscaliste de Bercy : Lieb, Clara Lejeune-Gaymard.

La question des compétences des institutions locales, celle de leur relation financière avec l’Etat et avec leurs administrés, celle de leur meilleure adaptation aux vœux et aux pratiques démocratiques est posée. En fait, en permanence, et il est nécessaire que ces questions soient traitées en évolution, en perspective et que les décisions législatives soient davantage le constat des expériences et la prise en considération des souhaits qu’une décision autonome. C’est sous cet angle et de cette manière qu’à mon sens, la réforme territoriale doit être abordée. Mais sans urgence, à proportion-même qu’elle est complexe, multiforme et qu’il la faut unifiante pour les Français et exigante pour nitre démocratie.

Découpage territorial. A rapprocher de la question des compétences. Ce ne peut plus être sur un modèle uniforme. Mais à la carte, donc selon des consultations à organiser concurremment par l’Etat et par chacune des collectivités concernées. – La mûe du vocabulaire est inquiétante. Paradoxalement, alors qu’ont été abolies les institutions, les urgences et les façons de penser qu’a été l’aménagement du territoire, couplé en « ardente obligation » avec la « planfication souple à la française », deux éléments de notre génie national mis à jour dans les années 30 tant à gauche qu’à droite, et décidés par la Résistance et la Libération, on ne parle plus de collectivités, mais de territoires. C’est sec.

Donc, des régions de taille inégale, certaines par agrandissement ou par annexions d’autres, selon des vouloirs communs, certaines par consentement national à des particularismes locaux, quasi-nationaux et donc de taille très exigue. Ce qui fut accordé à la Corse pourra l’être ainsi au Pays Basque. Les évidences normande et bretonne sont autant légitimes qu’historiques. Le débat qui peut durer quelques législatures et qui peut n’être pas conclu sur tous les sujets ou à propos de toutes les régions en même temps, fera également réfléchir sur les composantes de notre histoire nationale. Et de la réflexion sur le mouvement de notre agrégation française, on pourra élargir nos connaissances et nos affections à ce que nous a apporté en culture, en ethnies et en augmentation spirituelle notre outre-mer quand quelques-uns issus de ses populations, naguère assujetties, choisissent de s’établir chez nous, choissssent notre esprit, notre histoire, nous.

Aucun esprit de système, aucun critère autre que le goût de s’établir en région. Les compétences à la carte selon les problèmes, les responsabilités, les voisinages de chacune des régions. Un tronc commun de compétences et donc d’obligations en échange des concours de l’Etat. Inventer… selon les besoins, les traditions, ne rien taire. Etablir la carte de France selon des modalités différentes d’être Français, d’adhérer au projet national, de répondre de notre devenir mais avec des contruibutions, des apports qui peuvent varier, des responsabilités aussi. A étudier chacune des régions actuelles, cs diversités se diraient et se justifieraient.

Toute motivation, en organisation ou en diverses statistiques (poids écnomique, démographique ou volume de ressources notamment) qui s’établirait sur des comparaisons européennes ou sur des calculs pour peser ou de faire couloir dans les fonctionnements institutionnels européens, sera – à mon sens – une erreur. Ce serait substituer, au moins en partie, à l’Etat-nation et à notre démocratie nationale, le rôle de vivre, discuter la souveraineté partagée entre Etats-membres de l’Union et d’y participer. Vouloir égaliser la Rhénanie-Westphalie ou l’Ecosse est une abstraction. Les modes de gouvernement et de gestion locales sont souvent chez nos voisins européennes antérieurs à leur constitution-même en Etat, c’est d’un nature, d’un ordre différent. Si c’est plus efficace en gestion locale et en unité nationale, ce n’est pourtant pas imitable. La mondialisation – si elle est un dessein, et de qui ? – serait achevée pour le grand mal du genre humain si un pays comme le nôtre devait reproduire des modèles étrangers et se préparer en peu de générations à une uniformisation totale de ses institutions, de son art de penser, donc à tout abandonner de ce qui l’a fait et continue de lui faire plaisir et du bien…

Les départements. Ils sont proches physiquement des adminstrés et des Français. Ils sont équipés en institutions et en patrimoines, ils ont des compétences sociales : le système est bien rodé, la mixité Etat-collectivité et plus importante encore ; autorités élues et autorités nommées fonctionne depuis longtemps, les réformes de 1964 ont été bien assimilées. Les « supprimer » sera priver les Français de repères et d’un champ très pratique et familier de démocratie et de gestion.

Les convivialités, les familiarités sont municipales, communales, départementales. Les régions sont un possible pouvoir économique. La société a besoin d’être locale. Les mœurs politiques en se dégradant ont éloigné les Français de leurs institutions, c’est moins que jamais le moment de leur en enlever de très éprouvées.

L’improvisation présidentielle – soulignée inopportunément par la présentation-même de la lettre adressées par l’Elysée à la presse quotidienne régionale : des blancs pour ce qui se prête à chiffres ou pour ce qui appelle des noms propres – pose une question pas traitée ni même énoncée chez nous. Et qui me paraît à la racine de l’exercice du pouvoir politique, très pratiquement.

Nous sommes – ce qui n’est pas, à mon sens, le système ni le plus démocratique ni le plus efficace – en régime d’alternance. Chaque côté du champ politique, droite/gauche, sait qu’au prochain tour ou en tout cas un tour prochain, il reviendra au pouvoir. Les grands partis sont à égalité d’expérience. Qu’ils soient depuis longtemps frères siamois en orientation et en exécution de projets présidentiels, toujours dits en termes de rupture, et toujours appliqués en continuité d’un gouvernement à l’autre.

Or, deux improvisations dont celle de maintenant sur la réforme territoriale, modèlent l’exercice du pouvoir politique. L’opposition a cinq ans, parfois dix, pour se préparer non seulement en resources humaines et en diverses propagandes, mais pour travailler des projets ou ds réformes, et le faire d’une manière qui serait visible, qui serait – justement – opposable au cours du moment. Des propositions de loi, des contre-projets déposés à mesure des échéances gouvernementales et dès la nouvelle majorité acquise et organisée, serait soumis au vote parlementaire ou référendaire. Quand le Parti socialiste s’est opposé à la réforme territoriale, version Sarkozy, pourquoi n’a-t-il pas déposé un projet qui aurait été débattu pendant la campagne présidentielle et voté aussitôt par la nouvelle Assemblée ? Le temps d’opposition devrait être un temps de travail législatif et réglementaire, voire même un temps de planification en chronologie, en calendrier, en financement pour l’exercice du mandat brigué.

L’autre improvisation est la formation du gouvernement. Dans la plupart des pays comparables au nôtre, l’exercice est très médité et s’étend sur plusieurs semaines ou mois. La vraie transition démocratique, la transmission des acquis, des données, voire le dialogue sur l’expérience du mandat qui s’achève, une structure de consultation avec les prédécesseurs, manquent en France. La place de l‘imagination et la place de l’expérience sont curieusement inversées et l’on aboutit à la continuité dans la stérilité ou la foucade, et à l’amnésie sur les échecs, les tentatives de l’exercice précédent du pouvoir  et sur ls critiques qui en étaient faites par les nouveaux tenants du pouvoir. Ainsi n’avance-t-on pas… sauf ministre entreprenant, ayant pensé de longue date à ce qu’il ferait si… et qui dispose d’une aura ou d’un domaine le protégeant ou n’intéressant personne parmi ses possibles hiérarchies politiques, ou concurrents.

Du temps gaspillé : celui de la situation d’opposant, et la constitution d’une équipe dont l’expertise et la cohésion doivent faire machine exécutive pendant plusieurs années, s’opère en quelques heures, en même temps que sont réparties les responsabilités et les ressources de l’Etat plus pour de l’affichage que pour l’efficacité./.

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