vendredi 21 novembre 2008

journal - vendredi 22 novembre 1968

+ Vendredi 22 Novembre 1968



9 h 20


Dévaluation du franc .

Certains pays étrangers ricanent !
Et des Français . oubliant qu’ils le sont . (il est vrai que c’est
ceux-là mêmes qui spéculaient) . affichent leur satisfaction
que « Monsieur de Gaulle » échoue . . .

Conséquences imprévisibles
– dans le domaine monétaire international
dollar ? situation économique et sociale en Allemagne ?
– en France : domaine politique et social
hausse des prix .
et toute la campagne du patronat contre le Gvt et la participation .


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18 h 00

Quelle année pour le Général de Gaulle
– « événements » de Mai : déception sur la solidité des
Français et leur capacité de résister aux mirages
(il est vrai que sur ce point . il ne devait pas se faire
beaucoup d’illusions) .
– Tchécoslovaquie : échec de la politique vers l’Est
c/ libéralisation de l’Europe de l’Est
c/ détente Est-Ouest
– crise monétaire et dévaluation du franc
c/ réforme du système . la France menant la danse
contre le dollar .
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Et pour moi . ce soir . pour la première fois . depuis trois
semaines . abattement . et solitude .
Tristesse .
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23 h 20

Les nouvelles de 20 h . à la TV . ont été consacrées
« à la crise monétaire . que traverse niotre pays et d’autres » .
Si les correspondants de Bonn et de Londres ont parlé de
dévaluation . celui de New-York l’a mentionné comme incertaine .
Ortoli se serait refusé à toute déclaration sur la dévaluation ou son taux .
Quant au commentateur des studios parisiens . le mot de
dévaluation n’a pas été prononcé . non plus que par Rueff .euir
interviewé ce soir . Ce dernier considérant que tt redémarrait
et qu’on pouvait être raisonnablement optimiste jusqu’à la crise actuelle .
et qu’on pouvait . il y a encore seulement quelques jours .
espérer un redressement sans dévaluation .

Brunet
[1]. Avant le dîner . chez de Gaulle .
Demain à 15 h . Conseil des Ministres .
La dévaluation est-elle certaine ?
Il me semble qu’un coup de théâtre reste possible .
Après tout . de Gaulle peut rester du même avis que
la semaine dernière .
Que la spéculation ait atteint un montant invaisemblable :
1.600 millions de dollars dans la semaine !
soit.
mais une dévaluation l’arrêterait-elle ?
Et ne continuerait-on pas à spéculer sur la réévaluation du DM
Et si le taux français est faible . on attendra une seconde dévaluation .
et s’il est fort . la livre et le dollar sautent .

Quoi qu’il en soit .
Le Gvt a le défaut d’être anonyme depuis quelques
semaines . Ni Ortoli . ni Couve . n’ont gagné l’opinion
Il est grand temps que le contact soit repris .
sinon la crise de confiance pourrait s’étendre des milieux
économiques à la nation entière .
D’autre part . il me semble qu’il faut jouer à fond
la carte de gauche : la participation . la tenue des
prix . et stigmatiser les spéculateurs . le capital
et le patronat . dont la lettre de la semaine dernière
et la déclaration d’aujourd’hui : la spéculation s’arrêtera
si vous renoncez à la participation . est d’une netteté et d’une
violence jamais vue .
La déclaration du P C F . eût pu être signée par l’U D R . :
« Non à la dévaluation qui fait le jeu du grand capital . et
défavorise les petits » .

De toutes façons . le Gvt doit reprendre le contact .
avec l’opinion .

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[1] - Jacques Brunet (à ne pas confondre avec l’ambassadeur Jean-Pierre Brunet), gouverneur de la Banque de France – contemporain de Maurice Couve de Murville – à la réorganisation de la rue de Rivoli par Yves Bouthillier, aux débuts du « régime de Vichy », en Septembre 1940, le premier est nommé directeur du Trésor et le second directeur des Changes : ils ne s’aiment pas, et le Premier ministre aura satisfaction personnelle et politique en lui donnant comme successeur son alter ego notoire Olivier Wormser qui sera le critique constant de 1969 à 1974 de la ligne économique et monétaire suivie par Valéry Giscard d’Estaing, redevenu ministre de l’Economie et des Finances avec l’élection de Georges Pompidou à la présidence de la République

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