mercredi 5 novembre 2008

journal - du 14 juillet au 7 novembre 2004



la décrépitude de notre Etat - en France - et de notre esprit public... la signature de la Constitution européenne à Rome... la candidature de Nicolas Sarkozy à la présidence de l'UMP et une élection présidentielle aux Etats-Unis



j'écrivais cela en 2004



en marge de notre mariage : 18 Juin, et de la naissance de notre fille : 22 Novembre





Paris, au 96, mercredi 14 Juillet 2004

Politique… La décrépitude de notre Etat. D’abord parce que le débat budgétaire est interne au gouvernement et que tout est bon pour l’alimenter. La Cour de justice européenne dans un arrêt qu’il faudrait lire in extenso désavoue le conseil Ecofin. dans sa décision de passer outre aux propositions de la Commission et de ne pas sanctionner l’Allemagne et la France pour déficit excessif au regard des critères de Maastricht. Les commentateurs varient : question de forme, parce que le Conseil s’est décidé sans demander à la Commission une nouvelle proposition alors qu’il ne peut le faire proprio motu, ou question de fond, le respect des critères. Communiqué de Matignon, cela ne changera rien à la politique budgétaire de la France, ce qui est peu « européen » et surtout pas clair, car quelle est cette politique. Querelle entre MAM et SARKOZY sur les économies à faire, défilé du 14-Juillet, que je trouve à présent puéril, question pas tranchée des missions de l’armée aujourd’hui, s’agit-il d’une défense européenne, indépendamment de l’O.T.A.N. à terme aussi rapproché que possible ? ou de missions humanitaires subordonnées à de multiples autorisations, votations et paramètres ? Ensuite, c’est la fameuse agression dans le RER-D. Celle qui est apparue comme un mythomane ayant fait sa mise en scène avec son compagnon et récidiviste du fait, a piégé tout le monde pendant deux ou trois jours, se faisant téléphoner puis recevoir par la secrétaire d’Etat aux droits des victimes (je ne m’étais pas aperçu que ce ministère avait été créé, dévaluation de la fonction ministérielle et complication des circuits administratifs dont on a décrété l’insuffisance) et provoquant un larmoiement de JPR sur toutes les mamans et leurs bébés susceptible de passer aussi à la moulinette et sous les injures antisémites de Maghrébins et d’Africains. Enfin, c’est l’enquête du Monde mollement et à demi-démentie à l’UMP et à Matignon : JPR aurait, pour préparer l’après-Matignon, brigué la place de Romano PRODI et serait candidat aux sénatoriales, donc à la succession de PONCELET. – Les relations internationales. Les conflits qui ne se résolvent pas en Afrique, tout ce qu’il y a autour de l’ex-Zaïre, le Darfour maintenant et la chronique du Sahara occidental dont j’ai relevé l’actualisation hier. La difficulté de qualifier chaque conflit : géocide, catastrophe humanitaire, nettoyage ethnique, guerre civile, tentatives de coup d’Etat. Le journalisme devient une des professions les plus éthiques. Le film de Michaël MOORE est-il une référence, à première vue oui, mais n’est-il pas lui-même soit manipulé, soit manipulateur. Je n’ai pas encore vu le film, mais une de ses thèses serait la complicité des médias américains. En sus de la reconstruction de la complicité entre les deux familles BEN LADEN et BUSH. Ce dont on ne s’étonne pas sur le coup et qui est ensuite tabou : qu’un fils succède à son père en République, les BAUDIS à Toulouse, les BUSH aux Etats-Unis, que JC n’ouvre pas la portière à sa femme, ou du moins ne la laisse pas s’installer la première, images en direct à la fin du défilé militaire de ce matin. – Autre décision de justice, l’avis consultatif de la Cour internationale de La Haye qui comme il fallait s’y attendre tranche contre la légalité de la « barrière » en Cisjordanie, on ne dit plus « mur ». Dans ce contexte, les travaillistes peuvent-ils pactiser, sauf à vouloir le pouvoir pour le pouvoir : un côté d’ombre de Shimon PERES que je ne lui connais pas ?




Reniac, mardi 27 Juillet 2004

Politique, je ne prends plus l’AFP pour ne pas perdre de temps, je m’y remettrai une fois mes travaux adressés, mais Ahmed QOREÏ st parvenu à une entente avec ARAFAT : on ne dit pas assez que l’élection du Conseil législatif et du président de l’Autorité palestinienne a déjà huit ans d’ancienneté et s’est jouée dans un tout autre climat, quoique au lendemain juste de l’assassinat de RABIN. Convention démocrate aux Etats-Unis : le soutien de deux anciens présidents a-t-il un précédent ? Le parti s’accroche au mythe KENNEDY, alors que c’était de son vivant très discuté au plan intérieur. En France, clochemerle pour l’essentiel et le projet de décentralisation adopté sur 49-3 puis motion de censure, donc sans débat : tout le monde sait qu’en cela aussi, l’Etat se désengage et envoie le maximum de dépenses ailleurs. Ce qui n’est ni une politique ni une réforme. JC en vacances à la Réunion via Madagascar.



Ibidem, mardi 17 Août 2004


J’ouvre au hasard l’autobiographie de CLINTON que j’ai achetée vendredi, en même temps que le J’élève mon enfant de Laurence PERNOUD, la classique, offert à Edith mais dont je tirerai profit. Des traits touchants, il renonce à la candidature en 1987-1988 pour laisser à leur fille le temps de grandir en famille et ne pas laisser passer un été de vacances ; les adieux à sa circonscription : l’Arkansas mais en se remémorant les propres adieux de LINCOLN aux siens avant d’aller à la Maison Blanche ; la mort de sa mère. Il y a quelque chose d’immature et de convaincu à la fois, marquant une très grande différence avec les gouvernants européens. Le renouvellement de son équipe, l’ambiance la plus concrète plutôt que l’inventaire des questions lors de sa réélection, dont il fait une question de personne : Après les élections de 1994, j’avais été tourné en dérision, certains me considérant comme un personnage insignifiant et voué à la défaite en 1996. La notation, quoique au premier degré, vaut la peine, elle rappelle effectivement une certaine commisération pour lui, son successeur le met en valeur, à son époque qui lui a donné en fait de « gérer » l’après-guerre froide sans chercher un dérivatif ou une nouvelle structure aux relations internationales par de grandes initiatives – il a simplement impliqué les Etats-Unis dans chacun des conflits du moment, sans hégémonisme excessif. A le parcourir, on entre en Amérique, la vraie, où la politique intérieure l’emporte et de beaucoup sur la politique extérieure, où l’équipe rapprochée du pouvoir est appréciée directement du patron, qui admet ne pouvoir rien faire sans elle. On a le sentiment d’une équipe soudée, impression que ne donnent pas, du dehors sans doute pour l’étranger autant que du dedans pour nous, nos gouvernants.
Ibidem, vendredi 20 Août 2004
Politique… reprendre l’observation après s’être interrompu trois semaines fait ressentir le surplace des grandes questions. La Commission prochaine commence déjà à se roder et ses membres à s’entre-connaître, mais on ne sait plus ce que fait l’actuelle ; c’est un profond renouvellement, non seulement parce qu’on passe de 20 à 25, ce qui n’est pas un saut qualitatif, les « grands » ayant renoncé à avoir la paire, mais surtout parce que trois commissaires seulement de la nouvelle Commission font partie de l’actuelle. Rien sur les calendriers prévisibles de la ratification dans les différents Etats-membres. Rien non plus sur la désignation d’un « ministre des Affaires étrangères » européen, le test sera la reconduction ou pas de Javier SOLANA, synonyme de non émergence. En Irak, on a manifestement l’affrontement à terme mais sera subtil et à rebondissement entre le pouvoir civil mis en place par les Américains et qui leur est naturellement dévoué et les religieux chiites lesquels ont l’habileté d’avoir deux hommes et deux politiques, celle de SISTANI et celle de SADR, avec en sus le voisinage iranien. L’Europe est forcément impliquée non seulement parce que l’intervention en Irak l’a divisée, mais sans finalement que cette mésentente contamine les autres sujets, mais parce que la région va devenir la frontière commune quand tôt ou tard la Turquie sera intégrée. Des conflits qui éclosent et d’autres qui se règlent. La crise au Darfour met en cause le Tchad, déjà vulnérable sur sa frontière libyenne, comment de tels Etats peuvent-ils vivre ? Katmandou serait assiégé par des « maoïstes ». La campagne présidentielle tourne à la déroute de KERRY qui n’a plus qu’un point ou deux d’avance ; deux électorats sur lesquels il aurait dû compter, les anciens combattants et les catholiques ne lui donnent pas la majorité. Les thèmes sont peu ceux de la politique étrangère. Je ne connais que superficiellement les Etats-Unis, une teinture du Massachussets et de la lecture, mais il me semble que le commun américain doit se sentir fier d’être une puissance indépendante de toutes les autres et même de la coalition mondiale des opinions publiques, l’isolement favorise le messianisme et dans une première période la confiance en soi ; la question d’Irak n’est pas vraiment impopulaire, elle est présentée en terme de mission et de devoir, avec un certain mépris pour ceux (les Européens) qui n’ont pas le courage de remplir les leurs ; très certainement, les Américains se trouvent davantage encore que les Européens des raisons pour ne plus croire à des valeurs communes de part et d’autre de l’Atlantique. – La France est désolante. JPR est en crise d’autorité puisqu’en quinze jours il doit revenir sur deux annonces de sa part, une amnistie fiscale partielle et un étalement des augmentations du SMIC ; la gauche raille pour la forme et se réjouit pour le fond, mais depuis le quinquennat de JOSPIN, la conviction de la plupart des Français est certainement qu’elle gouvernerait de façon peu différente de la droite. Le sujet est la « guerre de succession » à l’U.M.P. ; je comprends de moins en moins que cela occupe tant les commentateurs, ou alors est-ce le signe du vide, d’une scène peu occupée par le Président de la République, et médiocrement jouée par le Premier Ministre ? je ne vois pas non plus ce qu’il y a de sensationnel chez SARKOZY, car se faire une réputation de celui qui maintient ou augmente le niveau de vie des Français à lui tout seul, c’est vraiment puéril ; il fait des coups et dans le vide médiatique cela résonne un peu. Nous ne brillons pas aux J.O. – Finalement, le grand sujet de chaque été est le dérèglement climatique, ces tempêtes à répétition, les ouragans qui ne sont plus seulement ceux des Caraïbes mais qui ont pour la première fois sévi au Brésil.



Ibidem, dimanche 22 Août 2004


Politique… deux parties qui se jouent et dont l’Amérique n’est pas absente. Au Venezuela, dimanche, le referendum « révocatoire » de CHAVES a recueilli une majorité de non, soit donc la prolongation régulière de son pouvoir jusqu’à expiration du mandat. La commission ou l’instance de contrôle rend un audit assurant qu’il n’y a pas eu fraude. L’opposition qui va des conservateurs aux extrêmes gauches prétend au contraire que le vote électronique a donné lieu à des réglages bloquant les machines quand le oui « révocatoire » atteignait tel score. De l’agitation et peut-être du drame à venir. En Israël, SHARON a perdu le contrôle de son parti et n’a pas de majorité qui lui soit propre, NETTANYAOU se tait. Le plan de l’actuel Premier ministre est de troquer l’évacuation de Gaza contre une annexion de ce qui peut faire bloc dans les colonies juives en Cisjordanie, lesquelles représentent 250.000 personnes ; les Palestiniens affirment que cette dernière prétention revient à bloquer le processus de paix. La campagne électorale américaine est évidemment un avantage tactique pour SHARON forcément couvert par l’électorat juif aux Etats-Unis. En face, Shimon PERES, maintenant 81 ans, remis à la tête des travaillistes l’an dernier pour que soit tentée une remise à jour du parti après le désastre de Février 2003 ; il est aux manettes jusqu’en Décembre 2005 et s’estime mandaté pour le poste de Premier ministre, au cas d’élections anticipées [1]. Si Le Canard du 18 Août dit vrai, nous avons beaucoup perdu en ne présentant pas Pascal LAMY – manifestement populaire dans la jeunesse si j’en crois le nombre de mes étudiants qui l’avaient choisi en fiche de lecture - pour la présidence de la Commission européenne : BLAIR, SCHRÖDER, ZAPATERO et l’Irlandais l’auraient soutenu. Au contraire, BARROSO incarnerait une prise de pouvoir des libéraux pro-américains. Citation d’un « eurocrate » français, anonyme : JC n’a pas de politique européenne, et s’est mis à dos les « petits » pays tandis que VGE et FM avaient une politique ; DdeV préférait l’ONU à Bruxelles ; nous avons envoyé une demi-portion à la Commission. Je retrouvais en triant et classant des cageots de papiers les propagandes électorales : en 1988, FM avait la France civique avec lui et aussi les prudents, le slogan était de savoir où l’on allait. Irak… le seul fait de la présence américaine est belligène ; sans doute, des élections libres et le départ du protecteur amèneraient au pouvoir des religieux et probablement une guerre civile à la clé, les minorités kurdes et sunnites refusant les chiites. Mais l’Irak avec les Américains n’est tout simplement pas viable. Et l’occupation n’est pas même synonyme de stabilisation des cours du pétrole.


Ibidem, mardi 24 Août 2004


Najaf continue de faire l’événement, les Américains bombardent par avion et la garde nationale irakienne fait le coup de feu, on va d’ultimatum en nouveaux délais, sur fond d’enlèvements de nouveaux otages et surtout d’un prix du baril de pétrole, jamais vu, on approche des 50 dollars. On voit là la puissance putative de l’Irak, les monnaies d’échange dont disposent les Russes, et l’impact du personnages qu’est CHAVES du Venezuela



Ibidem, mercredi 25 Août 2004


Dans les livres venant de chez Michel DEBRE, tombé sur une recension d’entretiens du Général avec DULLES, EISENHOWER, KENNEDY, RUSK selon les archives américaines ouvertes pour un diplomate-historien anglais [2]. Là est la grande différence avec maintenant. Au temps de DG, il y avait à la fois des objectifs, proprement français ou européens par procuration, et des moyens. Nous n’avons plus d’objectifs et nous opposer aux Etats-Unis a été totalement inopérant l’an dernier. Nous serions au contraire partis de cette prévision que rien n’empêcherait les Américains « d’y aller », que nous aurions eu une tout autre attitude, et surtout une attitude conséquente. Il semble aussi qu’à l’Elysée et au Quai d’Orsay, on n’ait aucune mémoire. Il était certain que les Anglais iraient en Irak, eux aussi, si les Etats-Unis intervenaient ; on ne peut oublier à Londres qu’on eut le mandat des la Société des Nations sur ce pays en 1919, que l’indépendance de 1930 ne fut que nominale et que l’influence britannique n’a été ruinée qu’avec la chute de Fayçal III et de Noury Saïd en 1958 ; un peu comme si nous nous désintéressions de l’Algérie alors que les Américains cherchent manifestement à s’y implanter. En l’occurrence, la politique française aurait dû avoir comme axe et priorité la concertation et l’union entre Etats-membres ; ce qui aurait signifié une vive action franco-allemande en direction des Britanniques. Il est probable qu’à sa manière assez gaullienne BLAIR, tout en étant cynique et réaliste, est probablement le Premier ministre le plus « européen » à Londres depuis HEATH, et nous ne savons qu’à demi jouer avec lui. Ne pas oublier non plus que le Koweit faisait partie du mandat et n’a reçu l’indépendance des Britanniques qu’en 1960.


Ibidem, vendredi 27 Août 2004


Politique… SISTANI impose son arbitrage, Moktada SADR évacue mais ne pose pas les armes, l’otage italien exécuté dans des conditions troubles, car l’Italie continuait de négocier. Grand bruit pour peu de texte, une proposition de loi sur le droit à une mort digne, présentée en conclusion d’une commission parlementaire d’enquête par un député du midi, LEONETTI ; cela ne règle pas le « cas Vincent IMBERT » ; il y aurait plus de 150.000 suspensions des traitements et soins, par an en France. Pas question de légaliser l’euthanasie. Tout cela est du mi-chemin. Conférence des ambassadeurs, c’est devenu un rite depuis la première à laquelle je participai en 1993 ; mais à entendre les échos à la radio. il apparaît bien que l’exercice est moins que jamais un partage d’expérience et d’analyse entre « la centrale » et les « postes ». JC en profite pour faire « un discours de politique étrangère », et BARNIER pour développer son « idée » du ministre des Affaires étrangères, ministère d’influence. Rien de cela ne peut vraiment « mobiliser » nos diplomates, d’autant que les crédits ne suivent pas, qu’il n’y a pas la moindre vision. – Campagne américaine : démission de l’agent ayant organisé la campagne de dénigrement du passé combattant de KERRY, conjoncture économique fléchie de moitié au second trimestre, les chiffres du troisième seront publiés quelques jours à peine avant l’élection présidentielle, 52% des Américains estiment que BUSH gère mal les dossiers économiques.


Ibidem, mardi 31 Août 2004


Politique… elle est dominée pour nous et sans doute pour tout le Proche-Orient par l’enlèvement de deux journalistes, l’un correspondant du Figaro et l’autre de Radio-France. Disparus depuis dix jours alors qu’ils se rendaient à Najfa pour « couvrir » le dénouement, ils seraient aux mains d’une « armée islamique d’Irak » qui menace de les exécuter si la loi sur le voile n’est pas abrogé. L’événement met en lumière une foule d’aspects de la crise contemporaine dont on peut dire qu’elle est caractérisée par le terrorisme comme les années 1930 l’avaient été par le totalitarisme et les années 1950-1960 par le défi soviétique. Tout d’abord, manifestation d’unité nationale en France, et notamment de la communauté musulmane se disant d’abord française, comme la communauté juive avait su réagir aux propos de SHARON il y a un mois ; unisson aussi bien des autorités représentatives élues que des manifestants. Une ambiance assez proche de celle de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle en 2002 ; il y a un accord sur quelques points précis en France. Plus que le terrorisme, ce qui est stigmatisé c’est que des tiers viennent se mêler de nos lois et usages ; il en avait été de même, mais plus modérément après l’invite de SHARON aux Juifs de France d’émigrer au plus vite en Israël. Au Proche-Orient, où Michel BARNIER est parti faire de la figuration depuis la nuit du dimanche au lundi, c’est l’unanimité des autorités religieuses musulmanes des différentes confréries ou voies de l’Islam qui se manifeste : un hommage presque direct à la France et à nos valeurs, à nos positions sur les grandes questions de Palestine et d’Irak. Mais il apparaît aussi que l’extrêmisme n’est contrôlé par personne et qu’il n’y a pas de filière pour vraiment entrer en négociation avec qui que ce soit. Si nos compatriotes sont exécutés, ce sera la démonstration que notre époque dérive vers la folie ; s’ils sont libérés (suspense qui avait été celui de l’élection présidentielle en 1988, déjà), ce sera une singulière marque d’estime pour la France parmi les nations occidentales analogues. Tout cela change de la brigue de la présidence de l’U.M.P. avec ses communiqués contradictoires sur la compatibilité de celle-ci avec Bercy, de l’université d’été à droite et à gauche, des préparations d’alternance au P.S. ou de la course à l’Elysée pour SARKOZY. Dans cette ambiance, deux faits à long terme sont en train de s’établir. La tendance en Allemagne et en France à allonger la durée du temps de travail, sans réelle augmentation de salaires avec chantage à la délocalisation dans les pays de l’Est ou en Chine ; en France, il y a le verrou légal des trente-cinq heures que tente de contourner le gouvernement, s’attaquant manifestement à ce chantier avec autant de détermination qu’il a traité au premier semestre la Sécu. et l’an passé les retraites. A chaque fois, les syndicats sur la défensive sont débordés et les manifestations n’aboutissent pas, les textes en revanche passent. En Allemagne, le chantage est crû à la délocalisation principalement et dans l’automobile. La Bourse reste en Europe maussade et il est acquis que si la croissance a repris un peu en Europe, elle est moindre aux Etats-Unis que prévu ce qui devrait nous faire retomber dans le marasme, d’autant que le cours du pétrole n’a jamais été aussi élevé : incertitudes vénézuéliennes, russes et irakiennes.


Ibidem, mercredi 1er Septembre 2004


Politique : l’affaire de nos otages montre une forte santé de la nation française quand on atteint les vraies questions. La communauté musulmane fait bloc et le monde arabe est avec nous. Succession d’union nationale et crédit de politique extérieure. Mais cela ne sauve personne car il semble que personne n’ait vraiment, sinon le contact, du moins une véritable autorité sur les ravisseurs. L’exécution signifierait l’autonomie des groupes extrêmistes pour qui la question d’Irak n’est qu’abcès de fixation et qui recrutent internationalement, voulant la confrontation globalement avec l’Occident sans analyse ni distinction. La libération signifierait une certaine structuration implicite des mouvements de revendication, les inscrirait dans des logiques de libération nationale et de pétition identitaire : réponse sous peu. Parallèlement, prise de quelques centaines d’otages en Ossétie du nord à l’occasion de la rentrée des classes ; le « commando » serait de 17 à 20 et menace de tout faire sauter si des prisonniers tchétchènes ne sont pas libérés par les Russes. La probabilité est d’un assaut comme pour le grand théâtre de Moscou, avec un bain de sang, mais renforçant la crédibilité du Kremlin. Quatorze Népalais exécutés en Irak après avoir été pris en otage, émeutes de rétorsion à Khatmandou et incendie de la mosquée locale. La question du nucléaire iranien continue d’être paradoxale : le même rapport de l’AIEA est jugé très alarmant par Washington et très satisfaisant par Téhéran… on ne parle plus de la Corée du nord, il est vrai que celle-ci est adossée à la Chine, qu’elle est voisine du Japon et que sa jumelle du sud, d’une certaine manière la protège. L’Iran est seul…Reste pour moi la question philosophique, de quel droit certains Etats disposent-ils légitimement de la bombe atomique, et au nom de quoi empêcher les autres de l’acquérir. S’il s’agit de maturité, j’ai toujours pensé qu’une puissance atomique sécrète forcément une intelligentsia scientifique telle qu’elle modère les politiques locaux. S’il s’agit de mettre en péril la planète, l’évidence est qu’actuellement, ce sont les Etats-Unis qui tiennent le rôle…


Ibidem, jeudi 2 Septembre 2004


Politique… à chacun son échelle. La France joue aux présidentielles sans attendre 2007 : SARKOZY annoncera sa candidature à la chefferie de l’UMP quand il y aura de la place dans l’actualité, un communiqué ou une prise de parole devant des militants, ce serait demain en Haute-Savoie ; LJ s’invite à l’université d’été de La Rochelle, celle du PS, on voit assez le jeu de dominos, HOLLANDE départage DSK et FABIUS mais manque de consensus et l’on en appelle à l’ancien Premier ministre, qui a au moins à son actif l’honnêteté personnelle, aucun scandale et de surcroît, ce qu’il ne sait cependant pas vendre, d’avoir fait expérimenter à la France, sinon à la Cinquième République, le contrat de législature. Aux Etats-Unis, en marge de la convention républicaine, il apparaît que la situation économique n’est pas aussi bonne que le souhaiteraient les électeurs et que la politique étrangère va dominer l’issue de la campagne [3] : seulement 26 % des Américains considèrent que l’économie est ce qu’il y a de plys important. Politique étrangère donc ; sondage rassurant sur un bons sens qu’on aurait autant outre-Atlantique qu’en Europe. 67% des sondés estiment que l’Amérique est moins respectée qu’auparavant, 49% que les Etats-Unis devraient davantage tenir compte des intérêts de leurs alliés alors que seulement 37% sont d’avis de se fonder surtout sur les intérêts américains propres. En revanche, la machine BUSH est de plus en plus inquiétante : morceaux sur un Karl ROVE qui a inventé George W. : le reportage du Monde a les mêmes photos que News Week [4]. Le bonhomme né en Décembre 1950 serait un co-président et n’aurait qu’une stratégie, tout doit servir à la réélection et lui être subordonné. A vrai dire, c’est le système JC chez nous, à ceci près qu’on ne connaît pas de soigneur ou d’inventeur de JC qui ait eu l’influence décisive sur trente ans. La principale différence entre la politique américaine et la politique française, en ce qui concerne les destins présidentiels, c’est que chez nous la course dure la moitié d’une vie, alors qu’aux Etats-Unis elle tient en une décennie au maximum. Rangeant ma bibliothèque de politique contemporaine, je m’aperçois que je suis assez pauvre sur JC : pas dix titres et aucun ne donne la clé du personnage. Or, il faut bien qu’il y ait un facteur déterminant chez cet homme pour être en passe de battre les records de longévité en politique et surtout celui du nombre de campagnes présidentielles : FM y était entré en 1942-1943 et a donc duré cinquante ans, JC y serait depuis 1965-1966, soit plus de quarante ans en 2007. SARKOZY fait un parcours analogue, mais on n’en est qu’au début. J’ai la conviction qu’hors du gouvernement, il perdra toute cote sauf à mener une guerre – très peu Cinquième République – depuis le parti contre le Premier ministre quel que soit celui-ci. Point commun entre FM et JC : ils n’ont qu’une influence modérée et qu’ils n’exercent pas sur leur succession. – Plus sérieusement, l’intégrisme ou l’extrêmisme se disant chrétien dans la majorité portant BUSH et le cynisme du patronat et du gouvernement réunis en France pour en imposer au mouvement social, faire passer en relative force des projets décriés : acquis sociaux et service public (privatisation de France Télécom lundi dernier), et qui, ce qui est le pire, ne résolvent cependant rien.


Ibidem, samedi 4 Septembre 2004


Politique… hier dans la journée, les Russes ont donné l’assaut à l’école d’Ossétie du nord, cent cinquante mort et près de six-cent blessés, surtout des enfants, les preneurs d’otages morts ou en fuite, seule une femme parmi les terroristes s’est faite sauter. Toujours rien pour nos deux compatriotes. DdeV fait valoir les relations qu’il a conservées au Proche-Orient, façon de dénigrer son successeurs, JPR visite une laiterie tandis que par une transaction de moitié, producteurs et transformateurs se sont accordés. Atrocités et pusillanimité.
JPR se rebiffe ; il a mis sa démission dans la balance pour imposer le départ de ROUSSELY à l’EDF et y nommer son candidat, l’actuel PDG de Gaz de France ; il donne quelques lignes sobres au Monde pour épingler plus encore DdeV que SARKOZY, avec une bonne formule, de l’ambition à la prétention, la frontière est vite franchie. Le bilan en Ossétie du nord serait de 350 morts et de plus de 700 blessés, discours vaseux de POUTINE annonçant des réformes dans le fonctionnement des services de sécurité, une dictature s’est installée qui n’obtient pas de résultat sur le front le plus visible, le terrorisme. Je ne comprends pas bien pourquoi la Russie s’accroche au Caucase, bien moins stratégique que les pays baltes qui faisait son européanité. Aux Etats-Unis, BUSH dans les transes de son auditoire et avec des appuis ouvertement extrêmistes tant politiquement que religieusement annonce qu’il reculera encore les frontières de la liberté, climat de croisade empêchant le libre examen et même en niant la légitimité. Rien de nos otages, j’augure mal, car il apparaît bien que personne n’a vraiment contact avec les ravisseurs et encore moins autorité. Discours proclamatoire dit d’une voix peu belle, SARKOZY devant l’université d’été, ou la réunion des jeunes de l’UMP : on ne commente pas ce qui est pourtant la grande évidence de l’année dans le camp chiraquien, l’effacement de JUPPE que plus personne n’évoque. Comme l’UDR passant à GP, puis le RPR fondé tout exprès, le culte du chef et des muscles continue d’être le véritable esprit, si l’on peut donner ce terme à un phénomène si fascisant, de ce qui est le parti dominant la droite depuis 1976.


Ibidem, lundi 6 Septembre 2004


Politique… BUSH aurait onze points d’avance sur KERRY à l’issue de la convention républicaine, ce qui semble le plus fort écart de la campagne jusqu’à présent. Il a manifestement un programme fortement caractérisé et surtout collant avec ce qu’il a déjà fait : les déficits budgétaires sont du social, contrairement à la doctrine jusques là dominante chez les conservateurs – à noter que la presse anglo-américaine emploie ce vocable plutôt que le classique et originel adjectif républicain - le gouvernement fédéral étend son emprise dans le pays pour précisément propager les thèmes et interdits conservateurs. Cette présidence devient carrément une conversion des Etats-Unis, la projection en politique extérieure expéditive autant que messianique n’en est qu’un des éléments. En regard, KERRY semble sans contre-attaque et sans programme vraiment articulé. J’ai eu, dès que sa candidature a émergé, l’impression surtout qu’il était trop vieux pour se battre et inspirer l’optimisme. – Russie, la dictature sans l’ordre, l’honnêté ni la sécurité. Cela veut-il dire que le communisme s’il revenait au pouvoir serait une situation plus démocratique que l’actuel pouvoir de POUTINE : je ne suis pas sur place pour l’évaluer, mais depuis le Kazakhstan j’ai toujours considéré que le communisme sur sa fin était collégial tandis que les pouvoirs qui lui ont succédé sont le fait d’un homme et de sa tribu au sens propre ou figuré. – Les otages français toujours pas libérés, des interventions de mouche du coche de différents membres de notre gouvernement donnant le sentiment d’une rivalité entre eux exactement comme au temps des prisonniers au Liban en 1986-1988. Les règnes de JC buttent toujours sur des incidents de même type, comme si l’homme faute d’être imaginatif et n’excellant qu’à tromper l’électeur ne pouvait se faire avoir que par écueils, toujours les mêmes. Les « affaires », les élections et consultations intermédiaires, les otages, la rivalité pour la direction du parti et de la droite. – Consultant l’AFP, je m’aperçois que l’on ment à l’opinion française, ce qui n’est pas étonnant, sur les otages : les conditions seraient non seulement une rançon ce qui se subodore aisément, mais l’arrêt de différentes attaques américaines et irakiennes sur des sites tenus par les « rebelles », et il y aurait une troisième condition qui n’est pas connue. – JPR et HOLLANDE rééditent sur RTL le débat de l’automne 1985 entre JC et FABIUS, mais ce qui n’est pas non plus dit à France Infos, c’est que le Premier Ministre à 37% de cote de confiance, est candidat aux sénatoriales. Ce qui laisse augurer la suite. Remplacement plus probablement par Jean-Louis DEBRE que par DdeV qui dans l’emploi sera tellement romantique et personnel qu’il deviendra le JUPPE de JC en termes d’impopularité.


Ibidem, vendredi 10 Septembre 2004


Politique… c’est le temps des révélations. La première est la confirmation que l’Amérique ne « tient » pas l’Irak ; les combats dans lesquels elle est engagée sont toujours des actions de bombardements et rarement des mouvements sur le terrain, quand elle en fait, cela produit l’impasse de Najaf et un retrait ordonné ; les oléoducs sont souvent sabotés. Mais l’électorat réagit-il ? On a passé le chiffre symbolique de mille morts. Les enlèvements d’otages sont plus éloquents que les attentats ; la sécurité n’est pas assurée même dans Bagdad, aucune nationalité ni aucune mission ne sont à l’abri. A vouloir choisir son terrain, ses thèmes et à mettre en place elle-même les autorités de substitution aux régimes qu’elle renverse, l’Amérique n’a plus d’interlocuteur ni de prise. Des lectures de hasard en rangeant mes livres me donnent une explication que je crois adéquate de la geste américaine actuelle. CHAUNU citant un auteur, VEYNE, sur l’empire romain, relève que l’extension aux limites du monde connu du système de la cité-métropole n’est pas tant une hégémonie que de l’isolationnisme, on ne veut d’interlocuteur que soi-même ou selon son modèle [5]. Un livre, réédité en France pendant la Grande Guerre, du prince de BÜLOW, ancien chancelier, donne cette réflexion qu’une civilisation supérieure ou se croyant telle se crée un droit politique vis-à-vis des autres ; il évoque la Révolution française et la légitimité avec laquelle celle-ci a prétendu exporter ses idéaux [6]. Rapportés aux Etats-Unis contemporains, ces deux éclairages sont vifs [7]. L’Amérique n’a pas changé de nature par rapport à la puissance isolationniste qu’elle était foncièrement jusqu’en 1940 ; au contraire, son hégémonisme est la forme contemporaine de l’isolationnisme qu’elle pratiquait auparavant en forme d’abstention, et qu’elle a adopté en une forme innovante aujourd’hui, celle d’imposer son modèle et ses politiques au monde entier. L’originalité de John W. est que le système ne vaut pas seulement en politique extérieure, mais bien à l’intérieur même des Etats-Unis dont la société et les institutions sont en voie de conquête par une minorité extrêmiste, qui se sert du patriotisme et du nationalisme ataviques pour propager le discours conservateur et messianique. Il est douteux que KERRY puisse faire valoir un dessein alternatif, il faudrait beaucoup d’acuité dans l’analyse du système qui se met en place pour ne pas prendre à contre-pied une opinion qui croit à la grandeur naturelle de l’Amérique. Le système ne sera donc pas vaincu de l’intérieur mais de l’extérieur, par l’impasse irakienne. Le dessein initial était une conversion de force de l’ensemble des Etats arabes à une démocratie de type importé mais peu défini, l’Irak qui a son poids spécifique et qui dispose du pétrole était le champ-école tout indiqué, à croire rétrospectivement qu’en envahissant le Koweit, Sadam tomba dans un piège : l’ambassadeur américaine ne lui avait-elle pas dit que les Etats-Unis y seraient indifférent, et n’est-elle pas curieusement décédée dans un accident de voiture alors qu’elle se rendait au Capitole pour y témoigner ? Non négligeable, l’Afghanistan dont il semblerait qu’une bonne partie échappe au contrôle de Kaboul et des Américains. L’évolution de l’ensemble des relations internationales est maintenant dominé pas seulement en discours mais surtout en événements par le terrorisme, l’affrontement mondial voulu par John W. a effectivement commencé ; éradiquer le terrorisme, alors même qu’on prétend en occuper les bases territoriales et moins explicitement en assécher les ressources financières, est tout autre chose que mener une guerre classique.



La seconde révélation est au Proche-Orient. La droite israëlienne ne suit plus SHARON depuis que celui-ci espère faire accepter le mur de séparation et une colonisation résiduelle en Cisjordanie par l’évacuation de Gaza, qui semble militairement une solution sage. Une pétition serait à circuler et l’armée invitée, en conscience, à désobéir sur ce sujet ; la guerre civile est carrément évoquée. Il est clair qu’une telle hypothèse rendrait le devenir des Israëliens étrangement analogue à l’évolution des Palestiniens, eux-mêmes en guerre civile larvée, conduirait à de nouveaux équilibres et foyers d’incendie qui pourraient à terme signifier la fin de l’Etat hébreu. Il n’est plus question semble-t-il d’une participation gouvernementale des travaillistes ni déjà de nouvelles élections anticipées.


La troisième est sur la scène française. Il se confirmerait que l’élection présidentielle suppose la maîtrise d’un parti dominant, il n’y en a que deux, l’UMP dont SARKOZY a déjà le contrôle mental, ayant déclenché des réflexes tels que JC en bénéficia pendant près de trente ans, et le PS auquel FABIUS cherche à donner l’assaut. Numéro deux, il n’a d’adversaire que HOLLANDE, mais si celui-ci tient l’appareil, rien n’est fait en termes de notoriété et de popularité personnelles dans le pays. Ce n’est pas à dire que FABIUS ait tellement d’atouts pour le suffrage universel, l’ « affaire du sang contaminé » continue de le marquer. L’angle d’attaque, le non au projet de Constitution européenne, est risqué. La cause est populaire, et elle ne tolère pas le simplisme. Pour ma part, je voterai oui, car elle permet de nouvelles habitudes de vivre et gérer ensemble, qu’elle reste ouverte à l’avenir, et que je ne crois pas qu’il puisse y avoir un consensus alternatif pour un texte vraiment différent. La vérité est que FABIUS et sa tendance se réveillent tard, l’Europe sociale ne s’obtiendra pas à propos de la Constitution, elle était à conquérir au moment du traité d’Amsterdam, ce que LJ n’a ni compris ni tenté. Reste que ce dernier, en cas de dissensions à gauche sera le meilleur fédérateur pour l’élection présidentielle. N’étant aux manettes de rien, il peut ne pas prendre position sur la Constitution. Plus inquiétant est ce courant qui semble s’amplifier et qu’incarnerait Arnaud MONTEBOURG au PS, celui d’une révision d’ensemble de la Constitution pour aboutir à une VIème République. La vérité est qu’on y est déjà depuis l’abrègement de la durée du mandat présidentiel, ramené à la même durée que celui de l’Assemblée nationale, et assorti de la désuétude du droit de dissolution et de toute responsabilité politique du Président de la République ; le mandat de législature a été pratiqué sous LJ à l’état intégral. Pour revenir à la Vème République, il faut au contraire organiser et imposer la responsabilité présidentielle et sa mise en jeu, et pour que le peuple rentre dans le cercle du pouvoir, instaurer le referendum d’initiative populaire.



Anecdotiquement, les nominations à l’E.D.F puis à Gaz de France seraient une reprise de mains de JPR, imposant ses candidats ; je n’ai pas revu ou réentendu l’information selon laquelle le Premier ministre serait candidat aux sénatoriales, s’il l’est c’est bien entendu pour obtenir la présidence du Sénat ; son successeur à Matignon ne peut être que Jean-Louis DEBRE ; l’équation de DdeV est trop éloignée de toute base militante et populaire. – Plus structurellement, la tentative de légiférer sur la continuité du service public… d’abord, c’est une révérence faite au service public, alors qu’il n’est questions que de privatisation et d’ouverture du capital des entreprises publiques ; ensuite, les associations d’usagers d’accord sur le principe de la continuité redoutent l’effet contre-productif d’une législation contre laquelle il sera abondamment manifesté et fait grève. Après les retraites et l’assurance-maladie, ce thème est le troisième que traite la droite en discontinuité avec des traditions et des « acquis » remontant à la Libération. La majorité actuelle ne craint rien au Parlement et la manière dont les choses sont conduites par le gouvernement n’est en rien dérangée ni par l’opposition politique (la gauche, et singulièrement le P.S.) qui ne présente aucune alternative d’ensemble et a découragé son électorat par sa propre manière de 1997 à 2002, ni par les syndicats. Jusqu’à présent, cela avance sans conflit majeur ni généralisé ; la véritable critique que l’on pourrait faire, est que dans un climat social aussi calme, en grande partie par intimidation et remontée du chômage, les solutions qu’ « impose » le gouvernement n’en sont guère, et qu’il faudra tout reprendre d’ici peu : de même que le gouvernement de LJ n’avait pas su profiter d’une reprise de la croissance et d’une détente du marché de l’emploi, de même celui-ci ne fait pas profiter au pays pour le long terme de cette détente sociale et de cette ambiance de consentement résigné. – Accessoirement, les projets tendant à augmenter considérablement les franchises d’imposition sur les successions aboutissent à très peu de différence avec l’existant ; effet d’annonce, préparation du tableau d’affichage du candidat SARKOZY mais au fait, rien. Le vrai seuil serait de 100.000 euros, seul le conjoint en bénéficierait ; les enfants ne verraient leur franchise passer que de 46.000 à 50.000 euros.



Strasbourg, rue Redslob, vendredi 17 Septembre 2004



Politique… la « course » à la présidence de l’U.M.P. est très médiatisée, DUPONT-AIGNAN et Christine BOUTIN se présentent aussi ayant recueilli les 3.500 signatures de militants requises. SARKOZY en a 35.000 et depuis Rennes, où il a trouvé le moyen de s’introduire – aussi – dans le milieu agricole, il trompette que sa candidature est celle d’une équipe, que naturellement il veut changer la politique et y faire entrer tous les talents et toutes les bonnes volontés. Cela sur un fond d’annonce hebdomadaire, cette semaine étant celle des quotités cessibles aux enfants ou petits-enfants sans payer de droits de succession. En fait, c’est un ramassis de petits ajustements que l’on fait passer pour des novations. Ainsi, la baisse des prix dans les grandes surfaces, ayant censément pris effet à la rentrée. C’est du JC mais bien plus méthodique, puisque ce dernier promet mais ne tient pas. C’est aussi toute la méthode de l’actuel gouvernement dont les réformes soi-disant de fond et prises dans un climat de lassitude, à défaut d’adhésion et de consensus, ne règlent ni le court terme (l’assurance maladie et ses 12 milliards d’euros de déficit pour 2003) ni le long terme. – Le vice de la spéculation boursière contemporaine est d’être au second degré et de porter sur les indices (les produits dérivés) et plus encore de n’être plus sensible qu’à l’imprévision. Ainsi, si le « consensus » prévoit une baisse d’un titre ou des résultats d’une entreprise, ou anticipe le diagnostic d’une enquête, tout cela aux Etats-Unis, le marché réagit avec bonheur si les chiffres correspondent à ce qu’on attendait, même en négatif, et avec dépit si les analystes se sont trompés. En fait, on n’évalue plus les entreprises, non plus les climats à la consommation, à l’investissement mais bien la capacité des analystes. Tout se joue donc sur des notoriétés plus ou moins fondées. – Je regarde une chaîne allemande. A-t-on parlé en France d’une chute de 25% du titre de Volkswagen, et cette dépression du premier construction automobile européen semble n’avoir aucune incidence sur la bourse française, alors qu’une sembable aventure arrivant à General Motors aurait eu des retentissements en Europe. – Nouvelles prises d’otages en Irak. A prétendre venger la ruine des deux tours du Worl Trade Center en envahissant Afghanistan et Irak, les Américains redevenus apparemment invulnérables sur leur territoire national ont offert à leurs ennemis un champ de confrontation et avec des règles du jeu telles qu’ils ne peuvent l’emporter. Israël est dans la hantise des attentats, les étrangers en Irak dans celle d’enlèvement dont on ne sort pas vivant. – Russie. POUTINE profite de l’ambiance de la prise d’otages en Ossétie du nord pour changer le mode de désignation des gouverneurs de province qui ne seront plus élus au suffrage universel mais nommés par lui. Il se fait lui-même élire président de la C.E.I. ; je ne sais si cette institution est nouvelle, en tout cas il fait avaliser sa prédominance, le poids aussi du Kazakhstan puisque la réunion d’hier s’est déroulée à Astyana (ex-Akmola, ex-Sélinograd), et enfin sa guerre contre les Tchétchènes. On ne parle officiellement pas de rébellion ou de guerre d’indépendance, mais d’un des aspects du terrorisme international. La cause commune avec les Etats-Unis se renforce et DELANOË en visite officielle à Moscou montre qu’on ne peut plus se rendre en Russie sans être invité à cautionner cette analyse de l’affaire tchétchène. C’est évidemment complaisant et malsain. Le dépassement des Etats et la péremption des frontières par le terrorisme est aussi le fait des trafics de drogue, d’armes et des circuits d’ « argent sale » ; or, de ces trois faits éminemment pernicieux et qui font le lit du terrorisme, on ne parle que peu, sauf par à-coups, quelque enquête parlementaire, et on ne semble pas vraiment lutter contre. – Ce qui relativise SARKOZY, c’est l’expérience de la chute des vedettes dans le « chiraquisme » : PASQUA avec son fils réfugié en Tunisie, et lui-même échappant de peu à la garde à vue, hier après des perquisitions à son domicile (Neuilly) et à « son » université, dont le doyen lui est coffré pour blanchiement… ce qui plombe sa candidature sénatoriale après qu’il ait été incapable de se présenter à la présidentielle de 2002 et ait fait fiasco aux européennes. Naguère, en 1988, l’élan de Michel NOIR flanqué de Michèle BARZACH tentant de rénover le parti après le désastre électoral de JC contre FM. Les irrésistibles occupant l’opinion et les médias ne résistent pas aux revers, sauf JC, précisément. A la vitalité monstrueuse : hormis son accident d’auto et sa jambe cassée en 1977 ou 1978, il n’a jamais été alité depuis qu’il est monté sur scène. A suivre… car ce pourrait être cela, l’événement politique changeant tout : l’accroc soudain de santé et l’ouverture


Ibidem, samedi 18 Septembre 2004


It can’t happen here, roman de Sinclair LEWIS en 1935, celui-ci est l’époux de Dorothy THOMSON, journaliste américaine expulsée par HITLER le 25 Août 1934 après avoir séjourné en Europe depuis 1920. L’hypothèse d’un régime fasciste aux Etats-Unis, prix Nobel en 1930.


De retour à Reniac depuis la veille, mercredi 22 Septembre 2004


Politique… - Le Monde titrait jeudi dernier : comment les Etats-Unis perdent le contrôle de l’Irak. Le second otage américain décapité hier soir. Il est question de libérer une ou deux des femmes incarcérées, ce qui sauverait sans doute l’otage britannique. Trois Anglais sur quatre souhaitent un calendrier de retrait. Les deux aspects devenus courants du terrorisme : les attentats suicides en Israël et en Irak, les enlèvements d’otages en Irak. Cela finit par créer une psychose de tension quotidienne très vite cumulative et insupportable ; cela ne peut se combattre qu’en s’attachant aux causes, donc en cherchant un règlement politique. Israël ne le cherche pas officiellement puisque SHARON renouvelle ses menaces contre ARAFAT personnellement et physiquement, les Américains en Irak non plus. La probabilité est d’un retrait qui ne se dira pas mais qui se verra sur le terrain, un rayon d’action terrestre de plus en plus limité, des représailles par bombardements aériens. Le désengagement psychologique de l’opinion américaine ne devrait pas se faire d’ici l’élection présidentielle ; il faut considérer celle-ci comme gagnée par George W. et ce qu’il convient dès lors d’examiner c’est si cette « fascisation » de l’Amérique, très prévisible a posteriori puisque c’est une projection à l’intérieur du pays de l’hégémonie à l’extérieur, dont j’ai déjà fait la remarque qu’elle est la forme contemporaine de l’isolationnisme d’antan, est ou non accidentelle. Si elle est structurelle, la succession à George W. se ferait dans son cas et même son entourage. En regard, l’altermondialisme trouve sa vraie scène et ses champions, les Nations unies et le secrétaire général actuel. Carrément Kofi ANNAN affirme que la lutte contre le terrorisme ne peut se faire au préjudice des droits de l’homme : on est dans le sujet tant en Irak qu’en Tchétchénie. Il est seul à s’exprimer ainsi quoiqu’il y ait eu peu de démonstrations compassionnelles hors d’Amérique pour le troisième anniversaire du Onze-Septembre, tandis qu’il devient coûtumier pour les visiteurs de Moscou d’acquiescer au couplet sur le terrorisme tchétchène. Evénement majeur : Allemagne, Japon, Inde et Brésil d’accord pour se soutenir mutuellement en vue d’obtenir chacun un siège permanent au Conseil de sécurité et pour préconiser qu’un siège aussi soit attribué à l’Afrique. La France ne prend pas position, et nous ne savons pas jouer la carte d’un vrai soutien des ambitions allemandes en ce domaine ; d’ailleurs depuis une acmée à l’automne de 2003 dans les relations bilatérales au point qu’on évoqua même une union d’Etats à deux, il n’y a plus grand chose. Simplement parce qu’on ne parle pas assez, on ne s’écoute pas assez dans les arrière-pensées que ne peuvent prévoir des ordres du jour ni acter des procès-verbaux et des communiqués, simplement aussi parce que les dirigeants n’ont pas d’affinités particulières entre eux. – Peu de commentaires ici des élections régionales en Allemagne : le Brandebourg et la Saxe où l’extrême droite et les néo-communistes font des progrès considérables, ce qui affaiblit SCHRÖDER sans rapprocher la CDU-CSU du pouvoir. – France : nouveaux effets d’annonce de SARKOZY quoique ce soit le Premier Ministre qui ait donné lui-même les grands traits et objectifs du budget. Le ministre des Finances se fait l’apôtre de la rigueur et de la réduction des déficits. Constitution européenne : 67% de oui au referendum s’il avait lieu maintenant mais les abstentions seraient nombreuses, je n’en ai pas retenu le taux.



Ibidem, samedi 25 Septembre 2004


Politique : les sénatoriales. Outre le Premier Ministre, quatre membres du gouvernement dont un seul accepterait de siéger au palais du Luxembourg, BADINTER 75 ans, PASQUA 77 ans, VOYNET et HUE candidats entre autres. Pour 128 sièges, plus de 1100 candidats. Rien ne montre mieux que la politique est une profession et qu’elle doit donc rétribuer ceux qui la pratiquent, les caser. Rien non plus pour signifier l’avidité des tenants du pouvoir pour mesurer leur popularité. En fait, on se f… du suffrage universel puisqu’on se présente, dans le cas des gouvernants, avec l’intention par avance de ne pas siéger finalement. En fait aussi, les repères vacillent. JPR une fois élu ne va-t-il pas partir à la conquête de la présidence du Sénat qu’il pourra ensuite conserver quasiment à vie plutôt que de se cramponner sans pouvoir à Matignon quelques mois encore. Quant au referendum européen, les socialistes ont parfaitement établi qu’il pourrait n’avoir pas lieu si avant sa date survenait dans un autre Etat-membre un vote négatif. C’est d’ailleurs la faiblesse du projet de traité que de n’entrer en toute hypothèse en vigueur qu’en 2009 et d’être soumis à l’unanimité des Etats-membres et de leurs électorats respectifs. – Cela bouge en Irak. Probable exécution de l’otage britannique, enlèvements en série et sans distinction de nationalités, raids et coups de main américain uniquement par voie aérienne. Surtout, dires de RUMSFELD qu’à la fois les élections pourraient n’être pas « parfaites » ni se dérouler dans tout le territoire vu l’insécurité de certaines zones, et qu’un retrait partiel des troupes américaines pourrait avoir lieu d’ici là. Ce dernier point me paraît à l’évidence pour l’usage électoral interne aux Etats-Unis. La dizaine de morts ou plus chaque semaine doit certainement peser sur l’opinion américaine. – La mort hier de Françoise SAGAN est un événement personnel pour beaucoup de ses lecteurs ; sans doute, sa vie n’était-elle pas heureuse ni linéaire comme celle de la plupart des écrivains de maintenant, tranquilles salariés de leur éditeur, mais je n’y ai pas vraiment prêté attention ; ce qui a compté pour moi, ce sont ses livres et ses pièces, tous parfaits, même s’il y avait des faiblesses sur la fin, tel La femme fardée. Obsession du politique de s’accrocher à tout ce qui est notoire pour s’y faire voir, ne serait-ce qu’accessoirement, les appréciations communiquées par JC, par JPR et par DONNEDIEU de VABRES… parfaitement inutiles et peu adéquates. Dans un autre genre, un film sur la dernière année de FM, qu’interprêterait, selon BENHAMOU, Michel BOUQUET.


Ibidem, mardi 28 Septembre 2004


Politique… hier soir, tombé sur deux paraboles des événements actuels. L’une est de Dominique de ROUX, ancienne de trente ans, et présentant, à propos de Faulkner, l’opposition blé-maïs, vie et mort, et en fait la bataille menée par les Etats-Unis (dernier avatar les O.G.M.) pour imposer leur mode de production, notre dépendance et en fait leur genre de vie [8]. L’autre est de Jean-Paul SARTRE, éclairant tout le débat droite-gauche et l’impossibilité pour la gauche de rester la gauche quand elle est au pouvoir [9].


Evénement lumineux en Irak. Les « terroristes » auraient le génie de comprendre que des actes de mansuétude – les deux Italiennes viennent d’être relâchées – les mettront en position avantageuse dans les opinions « occidentales » au regard des Etats-Unis et de leurs différents raids en Irak. Les anglo-américains (discours de BLAIR devant les militants du Labour, à Brighton) ont maintenant comme argumentaire de leur intervention d’avoir renversé Sadam HUSSEIN.


La France ne sait décidément pas débattre. La candidature de la Turquie occulte le projet de traité constitutionnel européen ; voici BARNIER prenant position pour, et l’évidence est qu’on ne peut faire autrement, pour deux raisons, les Allemands sont à fond favorables, et le relevé des décisions et communiqués du Conseil européen depuis 1997 a toujours mentionné la vocation à l’adhésion. – Sénatoriales, je suis content que VOYNET, PASQUA, HUE soient tirés d’affaire ; quitte à ce que la politique soit une profession, ils méritent d’être casés pour une bonne suite et fin de vie, sinon de carrière. J’ai depuis longtemps préconisé le système des sénateurs inamovibles et nommés par le Président de la République ; solution à bien des cas de personne et refaisant du Sénat quelque Chambre des Pairs. Des gens dont l’expérience et une certaine longévité ou originalité en politique méritent considération et prise en charge, sans compter l’association aux décisions publiques. Mais il y a beau temps – depuis 1789 – que nous ne sommes plus capables en France d’institutions conservatrices pour le meilleur.


Ibidem, samedi 2 Octobre 2004


Politique… le débat BUSH-KERRY semble avoir tourné au léger avantage de KERRY mais au prix d’un engagement de celui-ci à demeurer en Irak jusqu’à la victoire. On ne peut qu’espérer qu’il s’y prenne autrement que l’actuelle administration. Je n’exclus pas la surprise – bonne – de son élection, mais rationnellement je n’y crois pas. La politique de BUSH flatte les Etats-Unis dans leur nationalisme et leur autisme : dire à quelqu’un qu’il est assez fort pour se passer du reste du monde et pour édicter de nouvelles lois internationales unilatéralement selon lesquelles son jugement et son appréciation des faits valent droit d’intervention, flatte forcément. On en est là. De surcroît, ce qui commence de s’appeler l’insurrection en Irak et l’enlisement qui va avec et qui ressemble à celui des Israëliens dans la question palestinienne, appelle plutôt une réaction de revanche et de raidissement. En Angleterre, BLAIR, devant le congrès travailliste, non seulement parvient à éviter un vote hostile à sa politique en Irak, mais obtient un vote favorable ; la perspective d’un troisième mandat au printemps prochain a dû beaucoup faire serrer les rangs et rendre vaine la plaidoirie de la gauche du parti : l’homme n’est plus fragile que de santé, intervention chirurgicale à nouveau dès la fermeture congrès, problèmes cardiaques, et dit-on stress à propos de l’otage anglais. L’homme n’a que 51 ans. JC est de vingt ans plus âgé que lui et d’au moins dix de plus que SCHRÖDER. Une fois n’est pas coûtume, notre président a bien manœuvré : annonce hier d’une révision constitutionnelle tendant à prévoir la tenue obligatoire d’un referendum pour tout élargissement de l’Union européenne, ce n’est pas seulement répondre aux objections sur l’adhésion turque – et en ce sens, dire avec EMMANUELLI et VILLIERS que c’est se f… des gens d’annoncer une consultation en fin de processus donc dans les quinze ans, n’a pas de sens : on ne peut décider qu’une fois tout le processus accompli, précédent britannique – mais surtout préparer le referendum sur la Constitution. Celle-ci n’est pas parfaite, mais on ne voit pas comment obtenir un consensus autre que sur le texte de la Convention à peine amendée par le Conseil européen, cela se signe ces jours-ci à Rome. Et le moment venu, je voterai oui. Toute Constitution aboutit à une pratique évolutive ; sur bien des points, la pratique de ces bientôt quarante ans de fonctionnement de la Communauté est modifiée, le champ des compétences est devenu universel, le Parlement a un droit d’avis et de contrôle de plus en plus contraignant. Certes, « l’identité » de défense et de politique extérieure n’est toujours pas là, mais elle ne l’est pas non plus dans les faits. Celle-ci constituera un tel changement dans les affaires mondiales qu’il n’est peut-être pas mauvais que cela mûrisse encore ; il vaut mieux rien ou peu que de faire croire que les communiqués-fleuves et les commentaires aussi incessants qu’impuissants sont une politique extérieure commune. En revanche, la loi BORLOO et l’exhortation de JC devant un parterre de fonctionnaires d’autorité sont peu lisibles et du genre trompe-l’œil. En face, la critique de HOLLANDE en journées parlementaires est aussi creuse, de l’ironie sur l’absence du « chef de l’Etat » sur la scène intérieure ou sur les calendriers que se donne JPR ; le relais médiatique est faible puisqu’il n’est que rétrospectivement que l’idée d’inscrire dans la Constitution le referendum sur les élargissements, serait de lui.



Le brut à 50 dollars le barril au marché de New-York est commenté en termes lénifiants. On ne serait pas aux 80 dollars du second choc pétrolier, la dépendance vis-à-vis de l’or noir serait très diminué par rapport aux années 1970, cela toucherait donc peu la croissance. C’est vrai et faux. Vrai en ce sens que la croissance est handicapée par bien d’autres facteurs, que la hantise de maintenant n’est plus même la stagnation des économies européennes, ou les « dégraissages » des seuls coûts salariaux, mais bien les délocalisations qui semblent ne profiter qu’un peu aux pays de l’Est et beaucoup à l’Asie du sud-est et bientôt à la Chine. Faux en ce sens que le pire ennemi de l’économie c’est l’imprévisibilité, or le cours du pétrole est l’un des indicateurs sur lesquels on spécule le plus et qui en commande d’autres, également spéculatifs.


Edith parcourt Le Monde et je suis dans Pascal QUIGNARD dont l’entretien à la radio, il y a un an ou deux déjà, m’avait empoigné : l’homme a su choisir son genre et l’imposer aux éditeurs, sinon aux lecteurs. ROSANVALLON et la « démocratie négative » que démontre la campagne présidentielle américaine : pas vraiment de programme mais dénigrer l’adversaire ; une pétition partie d’Angleterre pour qu’on cesse d’embrasser POUTINE et qu’on le reconnaise pour ce qu’il est, un dictateur en voie accélérée de le devenir, sous prétexte de lutte contre le terrorisme. A Bordeaux, réunion de magistrats européens, présidée par un membre de la Cour constitutionnelle italienne : l’obsession de sécurité se fait aux dépens des droits de l’homme et des libertés fondamentales. AJ dès qu’il aura été blanchi en appel du procès des emplois fictifs re-deviendra « présidentiable » et sera la référence de tous ceux qui veulent la peau de SARKOZY.


Ibidem, dimanche 3 Octobre 2004


Politique… l’affaire JULIA est étrange. Sans que cela ait été répété ni commenté, il a été dit avant-hier que les otages avaient été libérés et étaient placés dans une seconde voiture suivant celle de l’homme du député, resté à attendre en Syrie. Interception sur la route, par des Américains qui ont retenu la voiture des otages et laissé continuer l’intermédiaire. L’accusation est grave. Aujourd’hui, LELLOUCHE intervient : pas d’ennuis ni de provocations avec les Américains. Il faut savoir qui provoque qui ? Discours réprobateur et sentencieux des « techniciens » que sont censément BARNIER et le secrétaire général du Quai, LAFFONT (COLIN de VERDIERE n’aura donc fait qu’un court passage dans ces fonctions) : prudence, discrétion extrême. La vérité est que notre diplomatie n’a rien obtenu en quarante-cinq jours et que nous n’avons guère que de l’argent à offrir, le secrétaire général doit être porteur de ces fonds en Jordanie.


Ibidem, jeudi 7 Octobre 2004


Politique… le prix Nobel de littérature inconnu du grand public en France comme la plupart des lauréats. Mondialisation peut-être, mais de façon mécanique ; dans le domaine de l’esprit, tout reste cloisonné, nos cultures restent villageoises et nos raisons endogamiques, c’est pour cela que tant de conflits dégénèrent et que l’on ne sait comment traiter les grandes affaires du monde, on ne se connaît toujours pas de nation à nation, les dirigeants s’instrumentalisent et se schématisent mutuellement mais ne pénètrent pas l’âme du pays vis-à-vis. Le rapport-avis de la Commission sur la candidature turque est de facture à satisfaire ou mécontenter tout le monde ; il en ressort que la Turquie est mise en tutelle et placée en observation, le processus de négociations pouvant à tout moment être interrompu s’il y a des atteintes ou des reculs dans l’état de droit. Crise au Cambodge, sans qu’on y voit clair : Norodom veut-il imposer sa succession, à 80 ans passés ? sortir de sa marginalisation ? faire un énième retour ? L’homme est fin au point de faire oublier qu’il a du caractère, DG et MoD l’ont apprécié. Le dollar à 53 dollars le baril : les oracles déclarent que cela n’a aucune incidence sur la « croissance » mondiale ; causes, les ouragans dans le golfe du Mexique et la demande chinoise. On voit qu’on est ici bien loin des schémas théoriques et d’une science économique et de la gestion vraiment exacte.


Ibidem, vendredi 8 Octobre 2004


Politique… les attentats de Taba sont attribués à Al Qaïda et non pas à des Palestiniens ; tournant dans la crise décennale israëlo-palestinienne et début d’un retour à la confiance réciproque ? Irak, les sunnites veulent le report des élections et estiment que les opérations menées à Samarra et à Falloujah sont une manière d’étouffer l’opposition politique. Ce soir, nouveau duel BUSH-KERRY : à nouveau l’Irak, chaque jour depuis les séances au Conseil de sécurité à l’automne de 2002, montre que BUSH ment sciemment quoiqu’il croit certainement à ce qu’il dit, auto-intoxication d’un personnage sous influence ; cette influence est celle de son passé psychotique et de la manière dont il a été élu ; tout remonte à son imprévision des attentats du 11 Septembre à propos de quoi il semble peu attaqué, et aussi à un rapport avec son père et avec la tâche de ce dernier laissée inaccomplie. - Une autorité morale universelle : les Nations unies, nécessairement, même si elles ne le sont pas aujourd’hui, mais l’académie Nobel certainement, sagesse des choix pour la littérature et aujourd’hui pour la paix, une Kényane ayant pris concrètement au sérieux la lutte contre la déforestation. Conception nouvelle et excellente de l’action de paix, l’action sur la nature. Equilibre il est vrai entre les nationalités, puisque systématiquement les prix de médecine, de chimie, de physique reviennent à des Américains. Ainsi sont jugées les nations ; les Etats-Unis seront peut-être rachetés dans l’esprit des générations à venir pour leur action scientifique, véritable apport à l’humanité qui pèserait finalement plus lourd que la déprédation des relations internationales, de l’économie et de l’écologie mondiale ; somme toute, c’est mettre en cause le système politique américain. Déjà, l’on revient à des critiques du système électoral, des machines à voter et du système-même de l’élection indirecte puisque les voix ne comptent pas par elles-mêmes mais pour désigner en liste bloquée les grands électeurs dans chaque Etat.


Ibidem, dimanche 10 Octobre 2004


Actualité… mort de Jacques DERRIDA [10]dont je crois n’avoir rien lu. Une vie accidentée et pionnière, un groupe de penseurs des années 1960-1980 qui ont relayé les maîtres des années 1950 SARTRE et CAMUS : DELEUZE, LACAN, FOUCAULT, ALTHUSSER.. Pour « mon » agrégation, faire une fiche synthétique sur la pensée de chacun, y ajouter RICOEUR et BOURDIEU, TOURAINE, revenir à Raymond ARON, SCHNAPPER bien sûr, François PERROUX. Travailler cela… - En Afghanistan et en Irak, la vérité crûe. Un réel progrès à Kaboul même si les talibans n’ont pas désarmé ; sans doute les élections les plus libres de toute l’Asie centrale depuis que le concept d’élections existe, même si la plupart des candidats, distancés par Hamid KARZAÏ, crient à la fraude. Une population qui vit en guerre depuis cinquante ans et qui ne dispose d’aucune des structures des démocraties occidentales, et qui reste quadrillée par une sociologie et des solidarités traditionnelles, ne pouvait, je crois, faire mieux. Pour l’Irak, c’est définitif : les Américains reconnaissent qu’une quarantaine de villes leur échappent et ambitionnent d’en rendre le contrôle au pouvoir qu’ils ont mis en place, d’ici les élections, mais les rapports rédigés par des experts nommés selon l’administration BUSH décrivent crûment que la réalité en matière de désarmement irakien est totalement différente de ce que le pouvoir avait fait croire pour justifier l’invasion. Sans doute Saddam rêvait d’une revanche, mais c’est un fait qu’il avait à peu près obtempéré aux destructions demandées par les Nations Unies en 1991-1992. BUSH et BLAIR ont menti, c’est confirmé mais qui en avait douté ? BLIX réenfonce le clou. Réponse dans les urnes américaines d’ici trois semaines ; il semble que KERRY marque des points à chacune des joutes télévisées. – La visite de CHIRAC a des aspects incantatoires, résorber le chômage en France par les exportations en Chine, mais des effets positifs ; il « colle » bien avec la mentalité des dirigeants chinois, ce qui n’a été le cas d’aucun de ses prédécesseurs, le contact avec DG n’ayant été qu’une relation diplomatique, certes audacieuse pour son époque et son contexte, mais fait seulement d’admiration et de considération mutuelles. JC comprend l’Asie à sa manière, qui doit être fruste, mais il est compris et sans doute apprécié ; probablement parce qu’il est pratique et concret. Je suis d’ailleurs de plus en plus à penser que le phénomène JC mérite une étude approfondie tant le personnage aura marqué la Cinquième République et notre pays depuis la fin des années 1960. A l’égal de FM et sans doute plus profondément, car même en cohabitation, c’est bien sa manière d’être qui massivement (du fait des affaires aussi) occupait la scène. En revanche, la présence internationale est un effet d’affiche mais n’a pas de racines, on le voit dans les rapports franco-allemands et d’une certaine manière dans les affaires du Proche-Orient.


Ibidem, mercredi 13 Octobre 2004


Politique… les sondages aux Etats-Unis mettent les deux candidats à égalité, l’élection va donc se jouer émotivement et au dernier moment. Un vrai succès en Irak ou sur le front du terrorisme assurera la réélection de BUSH, celui-ci doit y travailler. La rumeur était dès avant l’été qu’on sait très bien où aller prendre BEN LADEN mais qu’on ne fera l’opération qu’à coup électoral sûr. De fait… nos otages. La rumeur serait que la libération, comme la capture, des deux Italiennes auraient été montées par les Américains pour démontrer que les Etats de la coalition sont plus respectés et crédibles que ceux qui ont refusé d’en faire partie : pourquoi pas ? Le problème de JC ou avec JC c’est que même quand il voit juste – ainsi l’importance cardinale de la Chine – il ne parvient pas à rendre contagieux son point de vue, parce qu’il manque d’autorité morale et intellectuelle ; il n’a pas de prestige propre, il a celui de la France et celui de sa fonction, « seulement ». Notre politique intérieure va se traîner piteusement jusqu’en 2007. Le président régnant a de moins en moins d’autorité sur ses troupes, ce qui ne veut pas pour autant dire que SARKOZY tienne la corde, le Premier ministre en place n’a plus aucune audience, les ministres jouent chacun seul, il n’y a pas de communication gouvernementale. Economie… des thèses exposées par Raymond ARON il y a quarante ans dans ses leçons sur la société industrielle valent à nouveau aujourd’hui : en quoi un choix philosophique pour une organisation de la production conduit à un type d’économie structurant une société. Nous y sommes. Le modèle du jour, Péchiney racheté par l’étranger, sucé et dépecé. Le gouvernement allemand attaqué sur sa protection de l’indépendance de Volkswagen telle qu’une loi de 1960 l’organise : on comprend qu’il regimbe, car avec le libéralisme on n’aurait bientôt plus qu’un seul fabricant en Europe, lequel se délocaliserait pour toutes les sous-traitances non pondéreuses et à forte valeur ajoutée. La bataille se joue à Bruxelles, elle n’a pas encore commencé alors que le cours libéral a déjà une bonne vingtaine d’années. L’Europe ne peut exister selon ce modèle parce qu’elle est contraire au sentiment public. Elle ne peut non plus se faire respecter parce qu’elle n’est pas conséquente et qu’elle est la seule – parmi les grandes puissances que sont les Etats-Unis, la Russie, la Chine et le Japon – a ne pas vouloir vouloir ; tant qu’elle sera émolliente, les Etats-Unis seront préférés par la Russie et la Chine, quelques voyages qu’on fasse.


Ibidem, jeudi 14 Octobre 2004


Politique… au procès, JUPPE se fait petit et humain, se dit bouleversé, reconnaît des erreurs et l’âpreté de la présidente semble augurer, une fois le supplice du grill administré, un quasi-acquittement par compassion ; le résultat sera indifférent, l’ancien Premier ministre est hors jeu, JPR l’est tout autant qui ne peut être apprécié par JC dans sa conduite de la polémique turque, à l’intérieur de la majorité présidentielle. Le troisième et dernier échange télévisé BUSH-KERRY semble avoir encore tourné à l’avantage de KERRY mais cela décide-t-il vraiment l’élection ; l’administration sortante est tellement vérolée, totalitaire et menteuse que l’impossible sera tentée par elle afin de ne pas perdre, les coups les plus tordus et les allégations les plus mensongères, faussement étayées selon des preuves promises pour après l’élection devraient abonder ces trois dernières semaines. Reste l’essentiel : BUSH réélu sera encore plus nuisible, KERRY élu, c’est l’inconnu et sans doute la velléité. A lire les commentaires – sévères – de la presse américaine, aucun des deux candidats n’a osé traité le fond des questions économiques et sociales hier soir. La destruction d’emplois tant aux Etats-Unis qu’en Allemagne est la donnée principale de cette fin d’année, bien davantage que le brut à 54,60 $ sur le marché de New-York (cours le plus haut depuis l’apparition de l’indice en 1983).


Ibidem, mardi 19 Octobre 2004


Politique… le fait du jour est la remise et la publication d’un rapport coiffé par Michel CAMDESSUS et fruit des travaux d’un groupe de travail que SARKOZY lui avait demandé de constituer. Dans la forme, est-ce le successeur à Bercy que se choisit SARKOZY, est-ce le manifeste économique et social du prétendant à l’Elysée ? Dans le fond, c’est comme toute la droite le serine depuis vingt ans, une étrange incompréhension de la nature du pays et de ce que les gens peuvent accepter. La prétention de restreindre le coût et donc les moyens de l’Etat apparaît comme un démantèlement de protections que l’évolution libérale et les licenciements boursiers rendent nécessaires et très souhaités. Comme s’il l’avait prémédité, SARKOZY prend donc position au moment où RAFFARIN a lâché du lest sur un projet de loi qui portait spectaculairement sur les licenciements. Bien entendu, c’est un document à lire et qui semble avoir pris les choses dans leur ensemble. Mais la grande leçon de ces vingt ans, c’est le chômage persistant à 10%, c’est aussi que les périodes de croissance n’ont pas créé d’emplois, et l’on peut soutenir que développés comme les Etatst-Unis et la Grande-Bretagne, ou sous-développés, les pays à plus forte croissance sont aussi ceux où les inégalités sont les plus grandes. SEILLERE n’a pas encore affiché une préférence entre le Premier Ministre et un prétendant à l’Elysée, faute de Matignon, mais il annonce la couleur en dénonçant l’immobilisme du gouvernement dans des termes que ne récuserait pas CAMDESSUS. Dans les présentations biographiques de celui-ci, on omet de mentionner qu’il fut directeur du Trésor pendant des gouvernements de gauche : point à vérifier en détail, car son ton ce soir n’était pas de cette tendance, ainsi sa répartie sur le syndicaliste CGT ayant fait partie de son groupe et qui a des idées, heureusement, libres d’appartenance. – De nouveaux sondages donnent à BUSH huit points d’avance ; cela me paraît rapé alors que l’opinion publique européenne sinon mondiale est hostile à cette réélection. Mais comment l’Américain moyen à qui l’on explique que l’on ne peut faire confiance au reste du monde pour sa sécurité et son bien-être, désavouerait-il celui qui incarne les Etats-Unis forts, respectés, nonobstant n’importe quelle autre puissance ? L’Irak est un bourbier mais il n’est pas aussi meurtrier et usant que le fut le Vietnam.


Ibidem, mercredi 20 Octobre 2004


Politique … la partie reste indécise, selon les sondages, aux Etats-Unis mais il apparaît que KERRY ne fait pas le plein de l’électorat noir à la manière d’AL GORE et que BUSH prend dans cet électorat. Mon pronostic, tout en espérant me tromper, est la victoire de BUSH : les Américains ne sont pas prêts de désavouer des simplismes, un messianisme qui leur forme de patriotisme, voire de civisme. Quant à l’Irak, c’est le mystère dans les deux camps. Les enlèvements de journalistes ou de responsables d’ONG ne sont que du sabotage et de la contre-propagande : les résistants devraient, pour être convaincants, ne s’en prendre qu’aux troupes d’occupation mais ni à leurs compatriotes ni à ceux qui les aident ou qui font l’opinion internationale. Il est également étonnant que les Américains aient besoin de ren,forts britanniques dans le nord, alors qu’ils ont des effectifs censément démesurés sur place ; il est aussi étonnant qu’il n’y ait qu’un millier d’Américains au sol pour la bataille de Falloujah. La réalité sur le terrain est qu’on veut faire une guerre qui ne soit pas dangereuse, on fait des raids aériens, on cible prétendûment, exactement comme les Israëliens à Gaza.- Le procès JUPPE se continue après un intermède, les obsèques de sa mère, en présence d’un Gotha politique, DdeV, la femme du Premier Ministre, etc… Il y a vraiment deux races en France et deux positions, que signalait fort bien dans son essai de Janvier 2002 RAFFARIN lui-même, la France d’en haut et la France d’en bas. Mon pronostic est un verdict de clémence laissant JUPPE éligible et donc en situation de contrer les ambitions de SARKOZY pour rendre la main à JC.


De retour à Paris, le soir mercredi 27 Octobre 2004


22 heures 18 + Route sous la pluie depuis Reniac. Nous n’arrivons que maintenant, toujours sous la pluie, Paris par la porte d’Orléans et le Chatelet puis le boulevard de Sébastopol, la gare du Nord sa façade en travaux. En boucle, sur France-Infos., la reculade de José Manuel BARROSO ce matin devant le Parlement européen, quand il s’est avéré hier soir qu’il existe contre la Commission telle qu’il la constitue une opposition majoritaire. Comme au Palais-Bourbon, les U.D.F. votant avec les socialistes, les communistes et les Verts ont fait charnière. On met en avant surtout Rocco BUTTIGLIONE mais les autres commissaires dont l’audition a révélé failles ou faiblesses sont également cités, au total 5 sur 25 ce qui est beaucoup. BARROSO se donnerait quelques semaines pour recomposer l’équipe selon ce qui est nécessaire et suffisant. C’est sa seule communication à laquelle Jacques BARROT, commissaire désigné pour les transports n’a rien pu ajouter. Du côté du Parlement, c’est une Nicole ROURE, présidente de la commission des libertés, qui s’avère en l’espèce un poste-clé, qui explique qu’enfin BARROSO a montré qu’il n’était pas autiste. La suite est difficile à prévoir, le Parlement investit, donne sa confiance ou la refuse, mais les commissaires sont nommés par les gouvernements et l’Italie a fait savoir qu’elle ne retirait pas BOTTIGLIONE. Rien des Pays-Bas, de la Lithuanie, de la Hongrie dont les ressortissants respectifs sont également mal notés. Commentaires en Allemagne, le Chancelier : confiance à l’entier de la Commission et souhait qu’elle se mette vite au travail, en Pologne, c’est un diagnostic de crise grave dans la presse, en Angleterre, la chose est trouvée plutôt positive. Heureusement, nous nous taisons à Paris. Que penser de l’événement qui n’est ni un épisode ni une péripétie, il y a le précédent de la censure de la Commission Santer. Il est excellent que les commissaires soient auditionnés et que nommés par les gouvernements, répartis en compétences selon le président de la Commission, lui-même désigné au consensus des Etats-membres, ils soient éventuellement sanctionnés. Les motifs de récusation sont solides parce que divers et adaptés à chaque cas, telle n’a pas la carrure, la Danoise chargée de la politique agricole, tel pas la compétence, l’ancien ministre des Affaires étrangères hongrois, telle sera prise dans des conflits d’intérêts et sera dépendante pour l’accès aux dossiers de son directeur général (mauvais ficelage de BARROSO), enfin la Lettonne ou la Lithuanienne chargée du budget est manifestement dépassée. L’évidence est qu’il doit y avoir quinze commissaires vraiment excellents, ceux venant des Quinze, et que les nouveaux venus doivent être sérieux et non pas casés. Curieusement, BARROSO lui-même ne serait pas en question, or il vient de démontrer qu’il était peu manœuvrier, n’avait pas le sens du possible ; de centre-droit portugais, il a organisé le sommet BUSH-AZNAR-BLAIR, il n’est pas en phase avec l’opinion majoritaire européenne ; c’est à mon sens, un échec personnel, il n’a pas vu venir le coup que dans le dernier instant, il n’a pas su distribuer les portefeuilles. Pascal LAMY dont nous avons manqué sciemment la désignation que les Allemands acceptaient, eût été plus fin, et surtout il est éminemment médiatique. A tout prendre, Romano PRODI aurait pu redoubler, mais il veut la peau de BERLUSCONI en Italie. On en revient là. Un Etat peut-il aujourd’hui imposer un des siens aux autres Etats et surtout au Parlement ? Réponse d’ici peu, pour moi elle n’est pas douteuse, toutes les avancées européennes, au moins sur le plan institutionnel ont été le fait du Parlement, c’est lui qui aura raison d’une obstination italienne, qu’il fallait saluer ce soir mais qui ne saurait tenir. Bien entendu les appréciations du Vatican ou le jugement de Philippe de VILLIERS ne tiennent pas, il n’y a rien d’anti-chrétien à demander à un futur commissaire de mesurer ses propos et de n’être pas provocateur, d’être en dehors des mouvements d’opinion, surtout quand il a les compétences qu’il devait avoir.


La prise de position de Laurent FABIUS – que je ne partage pas – a le vrai mérite de lever les tabous et d’ouvrir la discussion. Elle masque le fait que si le referendum sur la Constitution européenne est douteux en France, il est certainement négatif en Grande-Bretagne, et le traité ne prévoit rien qu’une saisine du Conseil européen, si dans les deux ans il y a des retardataires ou des hostilités à la ratification, du texte qui est signé après-demain à Rome. Bien entendu, Laurent FABIUS a choisi un terrain pour s’opposer à HOLLANDE et pré-compter en vue de l’élection présidentielle ses soutiens et ses adversaires. Je doute que ce soit une bonne stratégie, sauf si le referendum n’a finalement pas lieu ou si tout est torpillé par la Grande-Bretagne, en ce cas il devient le patron, l’un des patrons d’une réécriture du traité. A ne juger que selon les points de vue français, on perd presque toujours le fil de la vérité et des probabilités pour ce qui est de l’Europe. Il y a les révélations de caractère, un des plus moches est Manuel VALLS, qui doit tout à Lionel JOSPIN dont il était l’un des collaborateurs (la communication, où il s’est montré, me semble-t-il, particulièrement arrogant, comme AMBIEL ensuite auprès de JPR) et par qui il est devenu député dans les environs de Paris. Il se donne les gants de critiquer LJ quand celui-ci, dans le Nouvel Obs. a déclaré qu’il voterait oui au projet de Constitution. – Nouvelle trouvaille du gouvernement ? ou erreur de DdeV qui va entrer dans une phase de désaveu de la part de son créateur JC ? sortir du calendrier de 2007 les élections municipales et cantonnales, pour qu’on ne vote pas trop cette année-là. A juste titre, HOLLANDE pose qu’on ne peut élire les sénateurs en Septembre 2007 avec le corps électoral élu en Mars 2001. C’est un pas de clerc. En fait, le tableau se réorganise, JC se place au centre des familles d’esprit en laissant publier qu’il ne veut pas de retouches à l’ISF alors que l’UMP de base en propose en 26 amendements, et voudrait en fait le supprimer ; surtout il se place à gauche de SARKOZY sur le plan intérieur. Pour moi, ce qui est rédhibitoire chez ce dernier, c’est la mauvaise relation qu’il a avec ses collègues et homologues des Etats-membres, et particulièrement avec l’Allemand SCHILLY ; mauvaise relation parce qu’il fait cavalier seul et trop de retape.Sans doute, a-t-il le génie de la communication mais le discours devient de la vulgarité et du simplisme même au Palais-Bourbon : en fait, il fait du CHIRAC mais grossièrement et commet l’erreur de se situer très à droite. Bien sûr, JC en faisait autant du temps de FM mais il ne renouvela pas l’erreur de 1988 en 1995. Le populisme fait approcher du pouvoir mais ne le donne pas, dans un pays comme la France dont les rébellions ne se produisent que par manque de visibilité sur l’avenir. DG fut perdu quand la visibilité dans sa majorité, bien plus réactionnaire qu’il ne fut jamais, même pendant les temps où il tolérait l’immobilisme de POMPIDOU, fut retrouvée avec celui-ci. SARKOZY apparemment comme JC joue sur le réflexe du culte du chef, il tente aussi, à la ROCARD sans la référence bien sûr, de « parler vrai », mais il commet de vraies fautes : ainsi, le budget établi sur les deux hypothèses d’une croissance de 2,5% et d’un prix du baril de pétrole à 35 dollars. Je ne crois ni en son avenir ni en son équilibre : la lecture d’une lettre ouverte au Monde a confirmé un égotisme que je ne croyais pas aussi développé. Il est vrai que c’est le ton de la plupart des ministres actuellement, sur mot d’ordre, que de parler fermement à la première personne du singulier. Cela fleure le droit divin et non la démocratie où le gouvernant censément dépend du gouverné. C’est ce qui rendrait sympathique JPR s’il ne dérivait autant sur la plupart des sujets, reculait sur beaucoup et s’il savait communiquer clairement. – Erreur que nous commettons, celle de trop répandre à huit jours du scrutin que KERRY est flou et que son élection ne changerait rien aux problématiques frictionnelles franco-américaines. Il eût mieux valu se taire et se donner discrètement mais vraiment les moyens d’évaluer KERRY. C’est une lacune de notre Ambassade à Washington que de n’avoir pas assez renseigné le gouvernement pour que celui-ci laisse filtrer un bonnet blanc-blanc bonnet. – Israël, tout va aller vite et profondément ces semaines-ci. L’Autorité palestinienne programme enfin des élections, il n’y en a plus eu depuis celles de Janvier 1996. SHARON a été lâché par sa base militante, il va l’être de quatre de ses ministres dont NETTANYAHOU et n’a obtenu l’appui de la Knesset pour l’évacuation de la bande de Gaza que par le vote favorable des travaillistes et particulièrement de Shimon PERES. Celui-ci peut-il gagner les élections anticipées, je le souhaite pour lui et pour Israël.


Ibidem, jeudi 28 Octobre 2004



20 heures 42 + VGE interrogé à Rome, il crève l’écran et le vieillissement intense de son visage ne le diminue pas, le don de la clarté et qui, avec l’âge, n’est plus une habileté ou du camouflage comme antan, mais une réelle conviction. Nous avons perdu à ce qu’il soit écarté de nos affaires depuis bientôt vingt-cinq ans.
… déjà la « crise » européenne du fait du sursis à se présenter devant le Parlement qu’a opéré hier matin BARROSO cède le pas à l’état de santé d’ARAFAT qu’on transporte vers Paris, sans doute le Val-de-Grâce. Succession ouverte. La probabilité est que ce ne sera qu’un très lent changement de donne dans le conflit israëlo-palestinien, car personne n’aura de prime abord assez de charisme, de légitimité et d’emprise pour imposer un accord avec Israël, SHARON de son côté n’a plus de pouvoir que du fait des votes travaillistes, qu’il va bien falloir monnayer et Shimon PERES qui, à très juste titre, veut un couronnement politique à une carrière souvent avortée, est trop âgé pour ne pas être pressé de revenir au pouvoir.


Ibidem, vendredi 29 Octobre 2004


… la signature ce matin au Capitole de Rome du traité constitutionnel, VGE passe à France-Infos. pour le commenter, et JC annonce une saisine du Conseil constitutionnel tout en confirmant la procédure référendaire pour la ratification. VGE se dit convaincu que tous les Etats ratifieront, même ceux qui ont recours au referendum pourvu qu’on n’y mêle pas d’autres questions, qu’on ne procède à aucun nouvel élargissement, etc. Il y voit la première figuration politique de l’Europe, jusques là seulement économique et monétaire. Les réarrangements au sein de la Commission vont donner lieu à tractations dans la discrétion : pas question en tout cas de désavouer BARROSO. KERRY « dans la dernière ligne droite » a deux arguments providentiels qui lui sont donnés, le vol de trois cent tonnes d’explosifs depuis un site militaire pourtant gardés par les Américains en Irak, l’estimation du Lancet qui fait autorité mondiale médicalement, à 100.000 morts depuis l’installation de la coalition… La France serait un des éléments de la campagne, repoussoir pour BUSH, exemple de clairvoyance et de l’isolement américain pour KERRY. Le lien dialectique entre isolationnisme et hégémonie est patent.


Ibidem, samedi 30 Octobre 2004


Régis DEBRAY interrogé sur son livre à propos du troisième âge et du « jeunisme » ; rappel de son parcours avec le Che puis auprès de FM. Hier, présentation de pas moins de six biographies de BHL.


Ibidem, dimanche 31 Octobre 2004


… il est acquis que le vote aux Etats-Unis n’a pas la transparence et la fidélité des scrutins européens. Le système donnant tous les délégués d’un Etat à celui qui y emporte le maximum de suffrages, et laissant à une assemblée de délégués la votation finale, fait que l’on peut largement gagner en voix et perdre en nombre de délégués. Il semble qu’aucune réforme – qui n’aurait pas été de l’intérêt de BUSH junior – n’a été tentée depuis 2000. On peut pronostiquer la victoire de BUSH, celle de KERRY souhaitée par le monde presque entier sera une surprise. Je ne m’y attends pas, l’homme a quelque chose qui edst le contraire du charisme et les bouts d’images et de phrases donnés ces derniers temps à la télévision montrent un vocabulaire à peine différent de celui de BUSH sur le « terrorisme » et les barbares. C’est une ambiance « patriotique » que BUSH entretient depuis le 11 septembre, et il n’y a pas de raison que ce ne soit dans quelque pays que ce soit le lit de l’adhésion unanime ou quasi-unanime et donc de la victoire. Il faudrait une singulière introspection à l’Amérique pour qu’elle accepte de se dédire, car là est l’argument implicite de BUSH : ne pas me réélire c’est vous diminuer vous-même. Il ne semble pas que KERRY ait su mettre à mal cette équation et surtout lui en susbtituer une autre.


Ibidem, mardi 2 Novembre 2004


… l’Amérique vote, c’est maintenant le paroxysme mais avec une moyenne de cinquante ou soixante pour cent d’abstentions, et un tel manque de transparence. Le système des délégués par Etat, le système de contestation et de contrôle des élections, les machines à voter, que de motifs de suspicion. KERRY n’a pas convaincu le monde, on le préfère parce que l’on veut la déconfiture de BUSH mais c’est d’autant moins un vote positif qu’on le sent indécis de tempérament et indécis sur les grands thèmes ; la force d’inertie, les positions acquises sont telles que rien ne devrait changer vraiment, du moins sera-t-on débarrassé de ce cauchemar messianique et de ces mensonges constamment ajustés. Je ne crois pas à une élection serrée, je crois à un véritable départage des deux candidats, sans pouvoir prévoir pour qui se lèvera la vague de fond, les deux paraissent possibles : cette Amérique du centre qui vote pour BUSH, je veux dire du centre géographique, alors que les deux rives maritimes et celle des Grands Lacs seraient plutôt démocrates, les intellectuels, les dynasties, les ouvriers, tandis que la civilisation agraire serait républicaine, cette Amérique-là n’a que faire du reste du monde considéré comme sauvage et couard exactement comme nous aurions tendance à juger les Etats-Unis sauvages et régressifs ; et l’autre Amérique, plus fine, plus subtile, celle de STEVENSON et de KENNEDY. – TF1 avec PPDA qui s’est fait payer la traversée outre-Atlantique diagnostique selon son correspondant à Washington quelques signes d’inquiétude dans le camp républicain ; la mobilisation démocrate impressionnerait et elle aurait des financements désormais supérieurs.


22 heures 37 + Intuition… ce sera KERRY, mais nous aurons également du mal. Il faudrait que nous ayons une diplomatie de finesse et que l’Europe existe : deux éléments qui n’ont encore jamais qété réunis.


23 heures 30 + Sur France 3, déjà une tendance, l’abstention à l’un de ses taux les moins élevés. Coût de la campagne : un total d’un milliard et demi de dollars. VEDRINE interrogé par OCKRENT : les fondamentaux resteront, toujours l’unilatéralisme mais un changement de style. Prestation de LELLOUCHE qui joue KERRY, indication de la pensée à l’Elysée. Un Richard HOLBROOKE, parfaitement francophone et conseiller de KERRY : l’importance de la stratégie de recherche de 4 millions d’électeurs nouveaux, or ces électeurs d’extrême-droite font partie d’Etats déjà acquis. BUSH a mobilisé la base de KERRY. KERRY aurait perdu s’il avait annoncé un retrait d’Irak, il a au contraire dit qu’il atteindrait mieux et plus vite les objectifs américains. La situation sur place peut encore beaucoup évoluer d’ici le 20 Janvier prochain. Complexité de la tâche d’informer. TF1 donne des dialogues avec des militaires en Irak, ils sont tout dévoués au « commandant en chef », FR3 donne de tout autres dialogues, le mensonge sur les raisons d’y aller, les erreurs sur la conduite de la guerre. LELLOUCHE et VEDRINE : prévoir la demande d’aide de KERRY qu’il sera difficile d’éluder, répondre en regardant l’ensemble de la région (VEDRINE) et la Russie (LELLOUCHE). L’ancien ambassadeur à Paris de CLINTON : ROHATYN, parfaitement francophone. La tendance aussi bien des commentateurs que des proches de chacun des candidats : KERRY gagnant. VEDRINE : que faire du côté européen pour participer à l’élaboration de la nouvelle politique américaine.


Ibidem, mercredi 3 Novembre 2004


09 heures 49 + Les deux concurrents dans « un mouchoir de poche », la Floride serait restée à BUSH, l’Ohio est indécis, le sortant a 249 grands électeurs et KERRY 242. On pourrait ne pas savoir avant onze jours. Je me suis donc trompé : pas de raz-de-marée sinon une participation inhabituelle, estimée à 58%. – Rêvé que j’ai deux maisons, distante de quelques centaines de mètres dans un village à l’habitat dispersé, l’une moderne, l’autre genre chalet. Je discute sur une route en contre-bas, il ne me reste que ces bribes. – L’AFP confirme cet écart en grands électeurs et rappelle qu’AL GORE l’emportait d’un point en voix en 2000. Il resterait 250.000 bulletins à dépouiller en Ohio, ce qui ne peut se faire que dans onze jours. En somme, la carte électorale semble exactement la même qu’en 2000.


15 heures 14 + BUSH a 3,7 millions de voix d’avance sur KERRY Au mieux, celui-ci serait élu dans les conditions où le président sortant le fut en 2000 : minoritaire en voix mais ayant remporté l’Ohio où il est mené de 137.000 voix mais où il reste 200.000 bulletins à dépouiller. Progrès républicains dans les deux Chambres, l’Amérique colle à BUSH : celui-ci va-t-il changer, il n’y aurait que la raison des faits, c’est-à-dire l’échec patent en Irak.


20 heures 43 + KERRY a reconnu sa défaite, le parfait francophone qui fut l’ambassadeur de CLINTON chez nous dit que c’est une bonne décision. Les commentaires sont ici très négatifs, on refuse la réalité d’une Amérique différente de celle qu’on voudrait aimer. Pour moi, cette victoire de BUSH devrait être la meilleure incitation pour l’Europe à exister. Avec KERRY, on serait retombé dans la tentation fusionnelle qui, chaque fois que l’Amérique est sympathique, nous saisit. Une Amérique foncièrement différente pas seulement d’intérêts ou de poids, mais en substance est la meilleure partenaire possible pour l’Europe qu’elle force à se distinguer d’elle.


Ibidem, soir du vendredi 5 Novembre 2004


21 heures 32 + ARAFAT cliniquement mort mais on se donne partout le temps de préparer la suite, à commencer par les obsèques que la rue palestinienne veut évidemment à Jérusalem et sur l’esplanade des mosquées, refus hier de SHARON, silence des travaillistes. – Antienne de communion à la messe du soir à Saint-Vincent : fais-nous connaître la voie de notre vie, tu nous combles de ta présence. Texte que je ne retrouve pas. – Courriel d’Ahmed nous faisant part, communiqué, d’interpellations (la sienne en même temps qu’Haïdallah) et d’arrestations les 2 et 3 Novembre.


Reniac, soir du samedi 6 Novembre 2004


20 heures 25 + Politique… on ne glose déjà plus sur la réélection de BUSH comme si elle avait été universellement attendue, et simplifiait la donne : on connaît, ce ne peut être pire, en tout cas ce sera la même chose. La vraie question est de savoir si les Etats-Unis, ne parlons plus de leur poids en relations internationales, en gestion de la planète et en influence économique, sont pour eux-mêmes entrés dans une phase régressive, le patriotisme, l’obscurantisme et l’intégrisme allant de pair et les enfermant dirigeants et dirigés dans un autisme partagé, ou si après huit ans de BUSH peut-être écourtés dans le sang, il y aura une réaction positive. Mais de même que le scrutin du 2 Novembre a été sans précédent en participation et en écart de voix (il me semble qu’il y avait aussi un énorme écart entre JOHNSON et GOLDWATER, ce dernier du profil de l’actuel BUSH), de même l’abêtissement et le bourrage de crâne de tout un peuple est sans précédent. S’étonner de cette élection ? alors que c’est le même mouvement pour beaucoup d’aller vers une sorte de totalitairisme unanimitaire : POUTINE chez lui et notre élection présidentielle de 2002, des cartes forcées, des arguments simplistes. – ARAFAT donné mort cérébral, puis clinique hier et ce matin, aurait ouvert les yeux cette nuit. SHARON perd une occasion unique de pactiser fondamentalement et selon de forts symboles avec les Palestiniens en acceptant l’inhumation d’ARAFAT sur l’Esplanade des mosquées. – L’événement du jour, très grave, c’est le bombardement de positions françaises en Côte d’Ivoire par les forces de GBAGBO. Rupture du cessez-le-feu depuis deux jours, les Français de « Licorne » considérés comme des gêneurs ; CHIRAC aurait ordonné selon l’AFP de détruire les moyens aériens mis en œuvre ces jours-ci par GBAGBO. Nous avons droit et légitimité pour nous, sauf que nous ne sommes pas chez nous, et que le sort du pays n’est pas vital pour nous ; nous allons être entrainés dans une situation qu’on qualifiera très vite de guerre néo-coloniale, même si pour l’heure le président nigérian, président en exercice de l’Union africaine, donne tort à GBAGBO.


Ibidem, dimanche 7 Novembre 2004


10 heures 53 + Graves événements en Côte d’Ivoire : la réplique française n’est pas annoncée mais nos troupes auraient été assiégées par des milliers de manifestants tentant de « reprendre » l’aéroport international d’Abidjan que nous contrôlons. En sus des morts français (neuf et non plus huit) d’hier, un civil américain. Nous proposerions des mesures au Conseil de sécurité, qui a déjà condamné l’agression contre nous.


20 heures 53 + Côte d’Ivoire suite… les correspondances radio. sont faites au téléphone ou depuis Dakar. Les manifestations et exactions sont anti-françaises. Des communiqués des forces armées « loyalistes » recommandent de ne pas s’en prendre aux civils, mais pour préciser que si l’on n’est pas en guerre avec eux, on l’est en revanche avec les militaires français. RAFFARIN à Poitiers dont viennent cinq de nos neuf morts. Il est paradoxal que cet homme viscéralement régionaliste et menant les choses par une constante attention à son enracinement local n’ait pas réussi à donner à la France et à la classe politique cette fibre, c’est-à-dire à réconcilier les deux niveaux de politique, le local et le national ; chaque personnalité pratique ces deux niveaux – ainsi pour Hervé GAYMARD la présidence de Rhône-Alpes est plus objet de convoitise qu’un maroquin, il est vrai qu’il a l’un mais pas l’autre – mais cela ne se voit qu’au plan local, au plan national cela se résoud en conversations de cabinet et en supériorité du ministre sur les collaborateurs parce qu’il peut prétendre être à l’écoûte de l’opinion publique, du fait de sa circonscription. Côte d’Ivoire donc… le mal vient de loin, d’une succession d’HOUPHOUËT mort il y aura bientôt dix ans et qui ne fut pas préparée, surtout : pas appréhendée. Il est symptômatique de notre diplomatie, et cela fait écho à ma conversation d’il y a dix jours avec Christine ROGER, directrice du cabinet de BARNIER. On nomme des Ambassadeurs pour caser des gens et la gestion du personnel de ce niveau se fait pour résoudre des problèmes parisiens d’administration ; on ne considère en rien la psychologie, la personnalité et leur adéquation à une mission et à un pays précis. On pense que la diplomatie est tellement un métier, les services parisiens l’emportent tellement sur le jugement de l’Ambassadeur sur place que la personne de celui-ci est interchangeable, indifférente. Du coup, l’on a cette succession en Abidjan ou ailleurs, des êtres fantômatiques. Je crois la situation ivoirienne compromise autant pour nous, on ne reviendra pas sur l’excitation de sentiments anti-français même si les « expatriés » - en fait pour beaucoup nés là-bas ou établis depuis des décennies – reviennent après une seconde ou une troisième évacuation, et la Côte d’Ivoire est divisée de fait selon des critères claniques et probablement religieux : un charme et une raison s’en sont allés. L’analyse de cette catastrophe – dans un voisinage lui-même en ruine : le Liberia, la Sierra-Leone, l’ex-Biafra. Le système d’une mixité pluri-ethnique et d’une nationalité faite de nationalités et de conventions d’établissements, le Conseil de l’Entente version des années 1960, est probablement irréversiblement ruiné. Reste une interrogation, comment GBAGBO a-t-il pu ces jours-ci se sentir tellement en situation de force qu’il a donc tenté de reprendre le nord à main armée ? on n’a pas contrôlé ses armements ni ses moyens, il a également dû recevoir des assurances… des Etats-Unis ? son offensive est tout juste consécutive à la réélection de BUSH. Si l’on se dépayse (mais je ne connais la Côte d’Ivoire que par ouï-dire et n’ai rien lu de fondamental sur ses structures et son évolution, MESSMER y a été gouverneur après la Mauritanie), c’est-à-dire si l’on essaie d’entrer dans le point de vue de GBABGO et des siens, il y a une cohérence certaine, qui ne veut pas dire réalisme ni vraie conception de l’avenir, cette cohérence est de vouloir réunifier le pays et de s’en prendre aux Français qui en s’interposant concrétisent et même garantissent la division acquise depuis deux ans et deux mois. Est-ce réaliste ? c’est-à-dire sans les Français et les forces onusiennes, l’armée « loyaliste » ivoirienne y parviendrait-elle ? sans doute pas parce qu’il y a au moins la Haute-Volta derrière les « rebelles » et que le fond de l’affaire est une différence de conception de ce que doit être la Côte d’Ivoire : pour les uns, un Luxembourg ou une Suisse, accessibles aux frontaliers et de fait multi-raciaux, sans distinction entre étrangers et nationaux, pour les autres, les tenants de l’ « ivoirité », le pays doit être unifié et monolithique. Le conflit Islam-christianisme est-il également explicatif ? Je manque d’éléments là-dessus. Nos neuf morts émeuvent la France, on a prié pour eux à la cathédrale ce soir. JC va devoir s’expliquer. Pour le moment, la solidarité tant des Nations unies que de nos partenaires dans l’Union européenne est totale, mais cela ne durera pas : l’analyse des choses en conflit de décolonisation est trop tentante et si simple. – On ne parle plus ni de la conjoncture économique mondiale entre réélection de BUSH et incertitudes irakiennes, sinon nigérianes, sur le pétrole ; le dollar est au plus bas, sans que le pétrole soit au plus haut. La Tchétchénie ne fait pas parler d’elle. Les commentaires, de nos jours, ne se donnent qu’à un seul événement à la fois, c’est dire qu’on n’analyse peu les liens de causes à effets et encore moins les liens entre les crises, les questions.
Je remets en page ces notes politiques depuis la mi-Juillet. Ce dont on ne parle plus, nos otages retenus depuis près de trois mois : encore un beau succès de notre diplomatie. Qui chez nous fait l’évaluation de notre outil diplomatique qui devrait être axé sur des résultats de négociations avec nos partenaires ou pour dénouer des crises, au lieu d’être jugé par de grands électeurs, genre hommes d’affaires comptant sur l’Ambassade pour faire avancer leur propre pion. Oublié le lien de la « mission » JULIA, qu’on s’est bien gardé de « condamner », explications et rappels faits, avec GBAGBO : l’un arrivé à Amman dans l’avion de l’autre. Nous périssons en Europe faute d’être porteur d’une explication globale du monde contemporain ; cette explication, nos concurrents l’ont chacun pour leur compte, Etats-Unis et Russie notamment ; la notre en tant qu’Européens devrait emporter la conviction du grand nombre car nous sommes substantiellement, du fait de notre diversité mais aussi de la sincérité de nos points communs fait pour l’universel et la démocratie ; notre fonctionnement le prouve depuis cinquante ans. J’y reviens, il nous manque une analyse, il nous manque quelques grandes personnalités, l’une et les autres peuvent « faire » l’Europe enfin en quelques mois. Mais on en est si loin. Le rôle peut être, un temps, celui du ménage et du débroussaillage, tenu par le Parlement : une indication va être donnée, qu’il récuse à nouveau la Commsision BARROSO du fait que s’y maintiennent encore quatre membres qu’il a récusés.


Me touchant de près, les événements mauritaniens dont « la grande presse » ne fait état qu’en cas de putsch ou de tentative de putsch mais non au jour le jour d’une dictature démoralisante et apeurée, la mort du Père Louis BOUYER, mentor de beaucoup dont mon cher Dom MEUGNIOT. Eclairante nécrologie de TINCQ à la fin d’Octobre. Je ne le savais pas « grand converti » selon le chemin du Cardinal NEWMAN




[1] - AFP - Israël: Sharon persiste à vouloir rallier les travailllistesLe Premier ministre israélien Ariel Sharon persistait dimanche à rallier les travaillistes en vue du retrait de Gaza, avec le soutien implicite de l'administration américaine qui admettrait l'expansion "naturelle" de colonies en Cisjordanie."Je suis déterminé à appliquer le plan de désengagement unilatéral et à élargir le gouvernement, y compris aux travaillistes", écrit M. Sharon dans une lettre au dirigeant de cette formation, Shimon Peres.Il a adressé cette missive, publiée par le quotidien Yédiot Aharonot, sans apparemment tenir compte du vote de la convention de son parti, le Likoud (droite), qui s'est prononcée mercredi contre cette démarche. Selon un sondage de la radio publique, 57% des électeurs du Likoud demandent à M. Sharon de stopper ses contacts avec les travaillistes. Mais, sans l'appoint de ces derniers, son assise parlementaire est de 59 élus seulement sur 120, depuis que l'extrême droite a rejoint l'opposition en juin.Le Premier ministre bénéficierait du soutien des Etats-Unis à son entreprise. Selon un responsable américain anonyme, cité par le New York Times, Washington, qui affirme officiellement vouloir suivre la "feuille de route" prévoyant le gel de la colonisation, admettrait en même temps la "croissance naturelle" de certaines colonies de Cisjordanie. "Il semble que la politique officielle est à présent de s'accomoder de la réalité", a confirmé une source diplomatique américaine en précisant qu'il n'est pas question de donner carte blanche à l'expansion des colonies.Le ministre palestinien chargé des négociations avec Israël, Saëb Erakat, a en revanche assuré que la colonisation risque de "détruire" le processus de paix et a appelé Washington à "contraindre Israël à stopper toute activité de colonisation, y compris celle liée à la croissance naturelle". "L'Autorité palestinienne critique sévèrement le point de vue américain sur l'expansion des colonies israéliennes", a de son côté affirmé Nabil Abou Roudeina, principal conseiller de Yasser Arafat.En contrepartie du désengagement de Gaza, M. Sharon espère qu'Israël pourra annexer les blocs d'implantations regroupant la majorité des 240.000 colons de Cisjordanie, dans le cadre d'un règlement permanent avec les Palestiniens. Il fonde cet espoir sur des propos du président George W. Bush en avril affirmant que ce règlement prendra en compte "les réalités démographiques" dans les territoires occupés. Le maintien sous contrôle israélien de grands blocs de colonies en Cisjordanie avait déjà été envisagé à Camp David durant l'été 2000 par le Premier ministre travailliste Ehud Barak et M. Arafat, sous l'égide du président américain Bill Clinton.Le député Yossi Sarid, du parti de gauche Yahad, a accusé M. Sharon de "profiter" des présidentielles américaines pour relancer la colonisation. Les médias israéliens soulignent que M. Bush, à l'affût des voix, ne peut mécontenter ni le lobby juif aux Etats-Unis ni ses électeurs de prédilection, les dizaines de millions de chrétiens fondamentalistes qui sympathisent avec les colons. Passant outre l'hostilité que lui a manifesté la convention du Likoud, M. Peres, 81 ans, a pour sa part décidé de poursuivre ses tractations sur son ralliement au gouvernement, au risque de susciter une fronde au sein de sa formation.M. Peres a été élu à titre temporaire en juin 2003 à la tête de son parti pour le réhabiliter après son échec au dernier scrutin de février 2003, et son mandat a été prolongé jusqu'en décembre 2005. Mais il ne fait plus mystère de ses ambitions. "J'ai été élu pour diriger le parti jusqu'en 2005, et pour être son candidat au poste de Premier ministre", a-t-il affirmé samedi à la radio

[2] - Bernard LEDWIDGE, De Gaulle et les Américains . Conversations avec Dulles, Eisenhower, Kennedy, Rusk (Flammarion . Octobre 1984 . 154 pages)

[3] - sondages publiés par le New York Herald Tribune mardi 19 Août 2004

[4] - Le Monde diamnche 29 – lundi 30 Août 2004 et News Week des 6-13 Septembre 2004

[5] - Paul Veyne a de la conquête romaine une conception quelque peu paradoxale qui n’est pas sans séduction. L’Empire romain, l’espace rassemblé par Rome « est issu, nous dit Paul Veyne, d’une conquête qui fut moins un impérialisme à la façon d’Athènes ou d’Alexandre, qu’un isolationnisme archaïque, qui vise à régner sur tout l’horizon humain pour être seul à être ». Et Veyne précise : « La conquête a été une variété archaïque d’isolationnisme. Quand Rome soumet d’autres hommes, elle vise surtout à n’avoir plus à accomplir désormais que des actes unilatéraux en matière internationale et à ne plus avoir à tenir compte d’autres Etats, partenaires ou rivaux ». Je vois personnellement plus une conséquence qu’une cause d’une conquête que commandent des raisons économiques, culturelles, humaines, et une tradition commune. Ce qui compte c’est moins le mobile que les moyens. Rome a su se doter au service de mobiles assez communs, de moyens d’une très grande efficacité, dans un espace culturel organisé autour de deux langues dominantes en procès d’unification culturelle par acculturation. - Pierre CHAUNU, Histoire et décadence (Perrin . Octobre 1981 . 385 pages) p. 189

[6] - Une civilisation supérieure a, de tout temps, donné un droit politique. Lorsque la France de la grande Révolution inonda l’Europe de ses armées, elle se créa un droit à la conquête sur la base des prétendus bienfaits des libertés républicaines. Elle se sentait l’agent propagateur d’une civilisation politique supérieure vis-à-vis des autres peuples, et surtout des Allemands et des Italiens. Il y avait, particulièrement dans notre pays, assez de gens qui reconnaissaient ce droit, et qui ne furent guéris de leur erreur que par l’expérience amère du despotisme napoléonien. La mission civilisatrice de la Révolution française reposait sur une méconnaissance systématique de l’essence de la civilisation, au sein de la quelle, à côté de la religion, de la coutume, du droit et de l’instruction, les institutions politiques n’ont qu’une valeur secondaire, et elle se condamna elle-même par la brutalité croissante de la domination napoléoniennne. Mais il y a des missions civilisatrices justifiées. (…) Les nations sont convaincues de la valeur supérieure et, par conséquent, des droits prééminents de leur civilisation, et elles sont animées du désir pressant, semblable à une force naturelle ignorée, de conquérir à leur propre civilisation une influence de plus en plus étendue.Cette force, tous les peuples ne la connaissent pas. – Prince de BÜLOW, La politique allemande (Charles-Lavauzellle . 1916 . 309 pages) pp. 279 & 278


[7] - recopiant quinze jours plus tard seulement les deux passages ci-dessus, je vois dans BÜLOW une analyse qui éclaire très bien le processus mental de la colonisation au XIXème et encore au XXème siècle, et pas seulement le processus allemand de la première moitié du XXème siècle ou le processus américain depuis la Seconde guerre – Quant à CHAUNU, il éclaire une des causes de la future et à monsens inéluctable décadence de l’empire américain, c’est-à-dire de l’emprise américaine sur nos esprits, à nous qui ne sommes pas Américains de souche : Rome pratiquait une double langue – le grec et le latin – et elle s’assimilait tellement à ses conquêtes qu’elle se fit parfois gouverner par elles, ainsi les empreeurs gaulois ou rhénans. La solitude de l’anglais comme langue universelle est-elle une faiblesse ou une force ?

[8] - En effet, on peut dire que dans l’espace mental de l’agriculture, deux civilisations antagonistes se partagent la tragédie de la fixation. Celle du blé et celle du maÎs. Ne parlons pas ici du blé, de la frêle et mystérieuse Démètère, ni des îles perdues de l’occident antérieur. Le maïs, c’est l’Amérique originaire, la terreur et la hantise de la pourriture, de la mort éternelle. Le maïs ce sont les figures convulsionnaires, les totems du cauchemar Aztèque. Le maïs, c’est le soleil de la mort, de même que le blé représente le soleil de la vie. Par le blé, on communie sous les espèces de la vie. Par le maïs sous les espèces de la mort. Le génie de la mauvaise conscience, de la honte, de la nostalgie, et finalement, l’impuissance dans l’œuvre de Faulkner viendrait donc d’une trahison qui, par fidélité à sa nouvelle terrre, l’aurait poussé à trahir le blé, l’Occident antérieur, pour le maïs, pour les espaces terribles d’une Amérique qui, ayant liquidé, anéanti ses propres civilisations antérieures avec ses dieux, sa mémoire et sa conscience, cherche toujours à retrouver ses fondations détruites. – Dominique de ROUX, Ouverture de la chasse (L’Age d’homme . Juillet 1968 . 149 pages) p. 53

[9] - Au fond, le droit dans sa structure originelle est très exactement l’inverse de la valeur : celle-ci distingue soigneusementg l’être du devoir-être. Le devoir-être est précisément ce qui ne sera jamais et Hegel dit à raison que la morale réalisée s’évanouit. Au contraire le droit considère que ce qui est doit être. Cela n’est possible que comme exigence vis-à-vis d’autres consciences qui mettent en question ce qui est. Si tous s’accordent sur ce qui est, le droit disparaît, il reste le fait. Le droit est donc dans une société d’oppression l’exigence que les oppresseurs formulent vis-à-vis des opprimés : qu’ils aient à reconnaître l’être sous forme de devoir-être. Cela signifie réciproquement qu’ils doivent considérer pareillement le non-être comme ne devant pas être. Ce qui signifie que c’est l’être qui est la mesure du devoir-être. Mais, inversement, la raison d’être de l’être c’est son devoir-être. Nous sommes en présence de la causa sui. Une société formulant son droit se saisit elle-même comme étant-parce-qu’elle-doit-être. Ainsi l’évolution du droit va du concret à l’abstrait mais son sens demeure le même : le droit est d’abord concret parce qu’il s’adresse à des consciences pour exiger qu’elles reconnaissent la situation elle-même, c’est-à-dire le statut quo (droit divin, droit nazi, etc.). Dans ce statu quo il y a l’asservissement de catégories concrètes de personnes qui sont donc asservies de droit (Juifs, escalves, colonisés, etc.). La difficulté ici c’est la contradiction : si l’on exige des personnes asservies qu’elles reconnaissent leur asservissement, on les traite en libertés, mais l’asservissement consiste précisément à les traiter en objets. Le droit tout entier vicié par l’existe »nce d’esclave. Aussi s’universalise-tg-il mais du même coup il passe à l’abstrait et, par cette ruse dialectique, il revient à protéger encore le statu quo puisque, au nom de la liberté formelle, il défend de recourir à la violence. Ainsi la société réelle tombe en dehors de la sphère juridique. On ne dit point qu’elle est bonne mais simplement qu’on interdit de la changer. Cette fois on s’adresse à l’opprimé en tant que tel. Le voilà mystifié. Le droit du libéralisme est donc la mystification dans sa forme la plus pure. – Jean-Paul SARTRE, Cahiers pour une morale (Gallimard . Mars 1983 . 603 pages) pp. 152-153


[10] - Le philosophe français Jacques Derrida est mortLe philosophe français le plus commenté et le plus traduit au monde ces dernières années, notamment aux Etats-Unis, Jacques Derrida, mort dans la nuit de vendredi à samedi à l'âge de 74 ans, était célèbre pour son concept de "déconstruction".Selon ses proches, Jacques Derrida, auteur de quelque 80 ouvrages, est décédé "sans souffrir" des suites d'un cancer du pancréas dans un hôpital parisien où il avait été admis voici environ trois semaines. Il était le dernier survivant de ces penseurs des années 60, catalogués "penseurs de 68", (Althusser, Lacan, Foucault, Barthes, Deleuze, etc..), grands pourfendeurs de la notion de "sujet".Né le 15 juillet 1930 à El Biar (Algérie) dans une famille juive, plutôt à gauche et pied-noir, il entre en 1950 à Normale Sup, devient assistant à Harvard (Etats-Unis), puis à la Sorbonne. Il est en 1965 professeur de philosophie à Normale Sup où il occupe la fonction de "caïman" (directeur d'études). Il partage ensuite son enseignement entre Paris et diverses universités américaines, parmi les plus prestigieuses.En 1982, il est enfermé quelques jours dans une prison tchèque alors qu'il soutenait sur place les intellectuels dissidents de la Charte 77. Il engage alors une vaste réflexion critique sur l'institution philosophique et l'enseignement de cette matière, créant en 1983 le Collège international de philosophie qu'il préside jusqu'en 1985. En 1988, il dirige, avec Jacques Bouveresse, la commission de philosophie, dans le cadre d'une réflexion générale sur les contenus de l'enseignement, à l'initiative du ministère de l'éducation.Il a ensuite enseigné à nouveau aux Etats-Unis, puis à l'Ecole des hautes études en sciences sociales à Paris. "Je n'ai jamais fait de longs séjours aux Etats-Unis, le plus clair de mon temps ne se passe pas là-bas. Cela dit, la réception de mon travail y a été effectivement plus généreuse, plus attentive, j'y ai rencontré moins de censure, de barrages, de conflits qu'en France", déclarait-il récemment au journal L'Humanité.Parmi ses très nombreux livres, qui constituent un dialogue sans concession avec la métaphysique occidentale, "L'écriture et la différence", "La dissémination", "Marges de la philosophie", "Glas", "La vérité en peinture", "Pour Paul Célan", "De l'esprit", "Heidegger et la question", "Inventions de l'autre", "Du droit à la philosophie", "Spectres de Marx", "Apories" ou "Résistances de la psychanalyse".Jacques Derrida, qui portait beau une épaisse chevelure blanche, propose, à partir de textes philosophiques classiques, une "déconstruction", une critique des présupposés de la parole, une manière de défaire de l'intérieur un système de pensée dominant. "La +déconstruction+, c'est prendre une idée, une institution ou une valeur et en comprendre les mécanismes en enlevant le ciment qui la constitue. Au-delà de cette expression, qui peut intriguer ou faire fuir, c'est un philosophe qui peut aider à la compréhension de la société", résumait Franz-Olivier Giesbert en le recevant en 2002 à la télévision. Un événement en soi pour cette figure réservée mais ouverte aux autres, peu familière du petit écran et qui a longtemps refusé toute photo.Jacques Derrida a été membre du comité de soutien de Lionel Jospin en 1995. Grand-père, marié à une psychanalyste, il avait eu un fils avec Sylviane Agacinski, l'épouse de M. Jospin. Il n'a pas voté le 21 avril 2001, en signe de "mauvaise humeur contre tous les candidats". "Si, pendant longtemps, mes textes ont été considérés comme politiquement neutres - alors que mes partis-pris de gauche étaient connus - c'est parce qu'attentif depuis toujours à la politique, je ne me reconnaissais pas (...) dans les codes politiques dominants", confiait-il début 2004.
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