jeudi 13 novembre 2008

Inquiétude & Certitudes - jeudi 13 novembre 2008


Jeudi 13 Novembre 2008

Réactivité du soliste

Qu'est-ce qu'un parti ?

La manifestation des cheminots européens
Les entretiens d'admission dans l'enseignement supérieur : payants
Mauritanie : Sidi Ould Cheikh Abdallahi, j'y suis, j'y reste !

Une vente aux enchères : les papiers de Julien Gracq

Extraits d'un entretien avec Jean-Marcel Jeanneney : la crise


Prier d’amour et d’espérance. Messe sur le monde, la crise, les décisions, les erreurs, les victimes.[1] Le règne de Dieu ne vient pas d’une manière visible. Oui, si nous l’imaginons, aucun signe ne nous est, ne nous sera perceptible. Mais Jésus est visible pour ses contemporains, et par l’Ecriture et – en nous – l’Esprit saint, Il est bien visible. Et nous pouvons, les uns pour les autres, faire discerner, même vaguement, dans quelle direction regarder. La suite du chemin, Il la fait à notre rencontre, à la rencontre de ceux que nous rencontrons. Passion, résurrection, vie. L’horizon d’un bout à l’autre. Soudaineté et totalité de la foi. Le coup de foudre. Totalité de ce texte : Le règne de Dieu ne vient pas d'une manière visible. On ne dira pas : 'Le voilà, il est ici !' ou bien : 'Il est là!' En effet, voilà que le règne de Dieu est au milieu de vous. . . . Des jours viendront où vous désirerez voir un seul des jours du Fils de l'homme, et vous ne le verrez pas. On vous dira : 'Le voilà, il est ici ! il est là !' N'y allez pas, n'y courez pas. En effet, comme l'éclair qui jaillit illumine l'horizon d'un bout à l'autre, ainsi le Fils de l'homme, quand son Jour sera là. Mais auparavant, il faut qu'il souffre beaucoup et qu'il soit rejeté par cette génération.

La réactivité de Nicolas Sarkozy, sa conception et sa connaissance de l’Etat ? les hôpitaux psychiâtriques. Le court-circuit habituel du ministre, du préfet, des hiérarchies, il n’y a plus de sommet parce que le président de la République intervient pour tout ce qui peut donner lieu à une de journaux, à passage en boucle une heure ou deux. En l’occurrence, une appréciation des qualités hospitalières par un ratio de la mort dans chacun des établissements. Le suicide d’un simple prévenu, dépressif, laissé sans suivi et sans ses médicaments, défaillance évidente des services, mais les suicidés des maisons d’arrêt dans l’Est, les avertissements du personnel pénitentiaire depuis des mois à la chancellerie, le silence et la réunion ad hoc sans la ministre, laquelle envoit nuitamment des contrôleurs au parquet. Pourtant, de la disgrâce de Rachida Dati, on ne sait pas le motif, est-le bon ? si c’est ce seul drame ? effet d’un délabrement matériel et moral de tout le système. Tandis qu’avoir été incapable de se faire comprendre de ses personnels, et de s’entourer des diagnostics et des propositions de l’ensemble des professions concernées par le ministre de la Justice, et aussi par les usagers, est bien la responsabilité et la manière personnelle de la garde des Sceaux – calque de son maître, dont elle était chef de la campagne présidentielle.

Notions de parti et de programme – dans l’absolu. Naguère, les partis se formaient entre gens de même opinion, quitte à ce que l’activité législative ou les appartenances à des gouvernements créent des débats et des divergences. Aujourd’hui, il semble que la rencontre ne soit pas fondé sur une convergence d’idées, de vues et de sensibilités, et qu’il faille produire celle-ci par diverses procédures (les votations, les élections internes, les congrès). A droite, la victoire du chef motive les militants, les attire. A gauche, c’est le programme qui censément domine les esprits et les parcours, qui détermine les sécessions et les fondations. Les stratégies d’alliance font partie des programmes. On le voit avec Bertrand Delanoë, Benoît Hamon, Ségolène Royal et Martine Aubry. Mais est-il ratrionnel – en ce moment précis – de choisir entre diverses personnalités et divers courants selon des papiers concoctés et pré-débattus cet été. La crise confirme sans doute un supposé socialiste qui a un siècle et plus, mais elle périme les programmes quand ils sont pointillistes et catalogues de mesure. Avant – enfin – de discuter la nature du Parti socialiste, il faudrait – en France – savoir ce qu’est un parti. A gauche, c’est une machine à débattre et à participer, mais à droite, c’est une machine à conquérir le pouvoir, puis une fois celui-ci obtenu, à remplir pour l’opinion le vide suscité par un exercice trop personnel et autoritaire du pouvoir. Ce fut la critique des partis contre de Gaulle, qui ne tint pas à la démission de celui-ci quand le referendum – l’ultime – fut négatif (27 Avril 1969).

La manifestation cheminot boulevard de Port-Royal. Elle est débonnaire mais du genre de celles par lesquelles débuta le « mouvement de Novembre-Décembre 1995 ». censément européenne et pour le service public, elle est surtout animée par la C G T, mais rassemble du monde, la queue au Val-de-Grâce, la tête à la gare Montparnasse.

Une de mes anciennes étudiantes de Paris VIII m’apprend que non seulement les inscriptions – par exemple à Sciences-Po. pour un simple « master » - sont payantes, plusieurs centaines d’euros. mais que les entretiens d’admission sont eux-mêmes payants. Je suis scandalisé.

Mauritanie - Le transfert de Sidi Ould Cheikh Abdallahi du palais des congrès à Nouakchott à chez lui, à Lemden, près d’Aleg. Pas d’électricité, donc pas d’internet, mais le téléphone, et a priori le droit de recevoir des visiteurs. Compte-rendu d’un correspondant, le président destitué ne baisse pas les bras. J’en suis heureux, c’est une bonne base pour la négociation, puisqu’il faudra négocier, mais ce n’est pas à lui d’en prendre l’initiative.
Notre entretien d'hier par téléphone a été un peu perturbé à cause de la mauvaise qualité du réseau. En effet, je te disais que j'étais à cinquante km à l'Est de Boutilimitt venant de Lemden où un monde fou s'était rendu pour saluer le Président Sidi dont la résidence surveillée y vient d'être transférée. Parmi ce monde, on compte les Présidents de l'assemblée et celui du conseil économique et social, le SG du gouvernement, les présidents des formations politiques membres du FNDD, les ministres du gouvernement légal, les députés, sénateurs et autres élus, une multitude de cadres, de militants et de sympathisants du Front. Au cours de cet important évènement, le Président Sidi a tenu une conférence de presse dans laquelle il a souligné deux choses importantes:
1) qu'il est toujours un président démocratiquement élu et qu'il n'a fait que changer de résidence surveillée.
2) qu'il n'a jamais négocié quoi que ce soit avec la junte contrairement à ce que celle-ci a prétendu par le biais de son ministre chargé de la communication.
Avec la possibilité de contacter le président et de discuter avec lui, les jours prochains permettront de voir plus clair.

La vente des correspondances et exemplaires pirnceps de Julien Gracq. Depuis trente ans, je suis attiré par cet auteur dont je crois avoir presque tout lu de ce qui a été publié – jamais des gros volumes – chez José Corti. Le rivage des Syrtes, Le château d’Argol, Un beau ténébreux, Un balcon en forêt (l’excellente mise à l’écran par Mitrani) sont inoubliables, singulièrement par leur ambiance. Une écriture tellement adaptée au texte, et celui-ci tellement destiné à créer une ambiance et guère une aventure ou des personnages, qu’on ne s’aperçoit qu’elle est belle parce que très simple. Les essais sont autres, intéressants par leur auteur. Et il y a des aperçus sur le surréalisme que je n’aurais pas soupçonnés. Enfin, cette vie étrange avec sa sœur, apparemment sans « aventures » féminines. Les habitations troglodytes des Pays-de-Loire, la commune d’Hervé de Charrette, lui-même assez atypique en politique mais pas zéro quand il fut au Quai d’Orsay pendant les deux premières années de jacques Chirac : un certain courage même, aujourd’hui maire de Saint-Florentin-le-Vieil (lieu d’une rencontre entre le Maréchal Pétain et Goering ? ou un autre Saint-Florentin ?). 60.000 euros la lettre de l’académie Goncourt l’avisant qu’il en reçoit le prix, il est professeur de lettres dans une classe de cinquième, c’est signé Colette. Il refuse le prix. Une édition originale du rivage st adjugée 100.000 euros, la bibliothèque municipale de Nantes continue une collection. Il y a surtout la correspondance avec André Breton. On avait les lettres de Gracq mais pas du « pape du surréalisme ».


extrait de notes d’entretien avec Jean-Marcel Jeanneney

On n’échappe pas à la monétisation et même à l’émission de monnaie.
Cela, ce n’est pas grave.
Et puis que cela va être extrêmement long, et qu’il va y avoir beaucoup de victimes, soit des victimes de la récession, soit des victimes de la dévaluation de tous les actifs.
Oui… mais l’économie réelle reste ce qu’elle est. L’économie réelle : les chemins de fer, les usines, les consommateurs, tout cela. L’économie réelle, elle est ce qu’elle est. C’est comme un être en bonne santé qui par suite d’un accident, a une hémorragie. Alors, le sang ne circule plus, il meurt. Mais si l’on fait une transfusion sanguine, il en sort très vite. Or, la création de monnaie, c’est la transfusion sanguine. Alors, là, il ne faut pas craindre du tout l’inflation, on ne risque rien. Si ils osent fabriquer assez de monnaie… seulement, cela va à l’encontre de tous les dogmes des gérants de banques centrales. Ils y seront probablement obligés, ils ont d’ailleurs commencé à le faire.
Ce qui me frappe, c’est que vous êtes très imprégné – disons par une période de votre vie qui a été marquante, qui est le redressement de la Quatrième et précisément l’économie réelle ; Quand on lit votre livre qui est le premier que j’avais lu : les chances et faiblesses de l’économie française qui se termine au fond au retour de de Gaulle. Cela s’arrête en 1959, en gros, c’est cela le tableau, vous n’êtes pas du tout comme auraient été Jean Marchal, ou même ensuite Raymond Barre.
Vous ne recherchez pas dans les faits les éléments d’une doctrine. Vous cherchez réellement à savoir même pas comment çà marche, mais ce qui existe.
Oui, ce qui existe et comment il marche
Forcément.
Oui !
Mais, on n’a plus l’impression que parmi les gouvernants – et depuis très longtemps, depuis peut-être vingt ans, ou trente ans – on n’a plus à notre tête des gouvernants, qui analysent en termes de patrimoine et de fonctionnement. On fait ce que l’on appelle de la macro-économie, on pense qu’en changeant un taux, on va changer quelque chose.
Ce n’est pas contradictoire. Des autres formules.
Dans la période 45 ou 50 à 70, qui est une période d’inflation, on a créé énormément de monnaie et énormément de richesses. Mais aux dépens des épargnants, qui – à la fin, en quelque sorte – se sont rebellés silencieusement en ne souscrivant plus aux emprunts.
Et alors comment analysez-vous l’espèce de « zone grise », qu’il y a eu précisément entre70, 71 ou peut-être le premier choc pétrolier, et puis la mondialisation – en gros, à partir de 87-88, et puis Maastricht évidemment. Il y a eu… pendant quinze ans, on a cherché quelque chose.
Oui, la mondialisation a été réelle, mais elle est partielle en même temps. Elle n’a vraiment eu des effets majeurs qu’à partir du moment où la Chine a envahi les autres Etats de sa camelote.
Mais là, je ne dis pas qu’elle va se retirer, mais il y a quelque chose qui se passe en Chine.
Oui, elle a des problèmes aussi. Parce que ses clients n’achètent plus. Elle vendait à crédit. En réalité. Il n’y a plus de crédit, alors elle ne peut plus vendre. C’est la crise.
Et vous ne l’avez pas tellement dit la dernière fois, cet argent que l’Etat emprunte pour le mettre à la disposition du système bancaire, est-ce que vous seriez partisan d’une entrée dans le capital des banques, voire une nationalisation comme en Suède, au Japon et puis dans cinq ou six ans…
Il ne l’emprunte même pas, il donne des garanties, il n’emprunte même pas. Il garantit… je ne crois pas que vraiment il emprunte, en France en tout cas.
Donc, cela ne motive pas une entrée au capital ?
Virtuelle, si. Virtuelle… au cas où la garantie ne suffirait pas et où il faudrait entrer dans le capital, alors à ce moment-là il entrerait dans le capital mais pour le faire, il aurait à emprunter. Autrement dit à substituer sa dette – qu’on considère comme de première qualité, puisque l’Etat n’est jamais mis en faillite – à des débiteurs privés. Il faut peut-être le faire. Il faudra peut-être le faire. Le Monde de ce soir dit que les Américains ont complètement changé. Je n’ai pas eu le temps de lire en quoi cela consiste.
Au lieu de racheter les mauvaises créances – ce qu’ils appellent les produits toxiques, la grande expression depuis quelques mois - il irait directement dans le capital des banques.
La situation n’est pas la même chez eux que chez nous, parce que chez nous, sauf peut-être une ou deux banques, les autres, la plupart des banques sont en difficulé mais elles ne sont pas en faillite. Jusqu’ici tout au moins.
Vous aviez suivi de près – par l’O.F.C.E. - le débat nationalisations/privatisations, en 81-82.
De près ? Il n’y a pas besoin de le suivre de près pour le voir (rire), c’était tellement énorme.
Et vous n’en étiez pas très partisan ?
Non… non, mais je ne considérais pas que c’était une catastrophe.
Et les privatisations de 86-88, vous ont paru également relativement anodines ?
Oui… je crois que tout cela ne changeait pas tellement de choses. Tout dépendait de la qualité des dirigeants qui quelquefois – avec Haberer, ou d’autres – ont été très mauvais. De la qualité des dirigeants, et de ce que l’on faisait avec ces banques, à titre privé ou à titre d’Etat.
Et, là actuellement, vous pensez qu’il y a un problème de dirigeants ?
Uniquement !
Mais il n’est soluble que si l’Etat a un pouvoir dans les banques, parce que les dirigeants vont rester en place.
Oui. Il y en a quand même quelques-uns qu’on a changé…
Oui, le Crédit agricole, et un peu la Société générale.
Le Crédit agricole, la Société générale, le…
Les Caises d’épargne vont changer…
Ah, oui ! il y a tout de même des changements. Avec les mêmes types, le même genre…
C’est les chaises musiciennes, c’est de la cooptation.
Mais forcément, c’est tellement technique, ce ne peut pas être un type parachuté qui précédemment produisait des fleurs…
Mais est-ce qu’on ne pourrait pas… je vois comment ma chère femme, qui a cette formation : à la fois des diplômes universitaires de sciences économiques et puis qui a fait totalement le métier, elle a fait beaucoup de salles des marchés…
Qu’est-ce qu’elle en pense : elle ?
Elle a deux reproches, enfin trois reproches, deux précis. La titrisation, pour elle, c’est l’erreur majeure. Et d’autre part le fait que les banques aient voulu… ont mis en jeu leurs fonds propres pour spéculer.
Et non pas pour prêter.
Que l’activité profitable des banques est devenue de plus en plus la salle des marchés, et non pas des engagements…
Elle a tout à fait raison. Les salles de marchés sont une catastrophe.
Elle a vu naître çà dans le cas de la Société générale, un peu à Luxembourg, en 82-83. Probablement par l’effet pervers des nationalisations… les gens ont fait beaucoup à l’étranger. Elle avait été scandalisée au moment de l’attentat du 11-septembre : on a découvert que la salle des marchés du Crédit agricole – déjà, on pouvait se demander pourquoi il en avait une – et qu’elle était aux Etats-Unis, au rez-de-chaussée à New-York. Elle a ces deux points, et le troisième, il est humain : c’est les dirigeants. Elle a suivi Bouton qu’elle trouvait absolument incompétent, elle est convancu que le système de la Société générale et la salle des marchés, était de pousser les gens comme Kerviel à en faire le plus possible, elle avait su que les Allemands, la COB allemande, avaient mis en garde la Société générale. Donc, il y a eu défaillance technique et défaillance morale…
… morale !
… des dirigeants. Elle raisonne sur la Société générale. Un peu sur la Caisse d’épargne, qu’elle a un peu connue, et elle met beaucoup en cause ce qui est aujourd’hui l’Autorité des marchés financiers…
Qui ne joue pas son rôle ?
Non, et qui est compromise politiquement – ce sont les mêmes viviers – avec certains dirigeants. Par exemple Bouton et Rameix, le numéro effectif… exécutif de l’AMF, c’est le cabinet de Juppé, et le RPR en 95-97a placé son jeu financier, à cette époque-là. Et des gens un peu de gauche, comme mon camarade Lebègue, qui aurait dû prendre, probablement contre Pébereau, la tête de la BNP a été mis à la Caisse des dépôts et puis ensuite, mis sur une voie de garage. Et elle pense que le vivier des nouveaux dirigeants serait à chercher tout simplement dans les échelons un peu inférieurs dans chaque banque, des gars qui sont là depuis trente ans…
… qui en ont vu beaucoup d’autres…
… qui ont vu tout, et qui à la limite ont même fait de la direction de succursales, et qui sont – elle en connaît beaucoup – des gens de cinquante-cinq ans et qui sont tout à fait hostiles à la salle des marchés et pour qui, les fonds propres, c’est sacré.
Je crois qu’elle a tout à fait raison. Mais on est pris dans un système d’amitiés, d’intérêts, de relations, etc… dont il est très difficile de sortir. C’est une sorte de franc-maçonnerie.


[1] - Luc XVII 20 à 25

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