Vendredi 28 Novembre 2008
Prier [1] sachez que le royaume de Dieu est proche, les bourgeons, les signes du temps. D’envoi en mission, il n’est question que de cela, une proximité, une remise en ordre, une régénération totale. La fin des temps est un début, la mort un commencement. Le peu de succès que j’ai eu dans ma vie m’en a donné l’expérience : la cendre au cœur et dans la bouche quand la bonne nouvelle m’atteignait, je la savais porteuese de chute à terme, de précarité redoublée. Et ce fut. Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas. Mot de notre fille, hier soir, sur la petite retour du retour de l’école : regarde, les nuages cachent le ciel, la cité sainte, la Jérusalem nouvelle, toute prêt, comme une fiancée parée pour son époux. Le ciel pas plus haut ni pérenne que la terre, pas un lieu pour un autre, nos figurations ne nous aident pas, le « ciel » est une personne. Pourquoi pas la mer ? La mer rendit les morts qu’elle contenait ; la Mort et le séjour des morts rendirent aussi ceux qu’ils retenaient chez eux. Complexité des dires, compte-rendus, visions et inspirations de l’Apocalypse de Jean, mais toujours l’aboutissement lumineux et l’éternité, ni gris ni silence ni immobilité statufiante. Certes, des combats et de l’horreur. Alors j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre avaient disparu et il n’y avait plus de mer. Et j’ai vu descendre du ciel, d’auprès de Dieu… souvent entendu que les évangiles, la Bible ne disent rien de la mort au contraire des Tibétains, des Egyptiens, voire du paradis caricaturé pour la promesse aux kamikazes, ceux de Bombay hier, ceux des Twin towers il y a sept ans, ceux du drame palestinien. Je crois et lis tout le contraire : je suis venu pour qu’ils aient la vie, la vie éternelle, la vie en abondance. Mon âme s’épuise à désirer les parvis du Seigneur, mon cœur et ma chair sont un cri vers le Dieu vivant. Il y a seize ans, tout à l’heure, ma mère – selon l’inscription qu’elle a voulue sur sa tombe – « a quitté tous les siens, est retournée près des siens ». A nos morts et à nous-mêmes qui les rejoignons chaque jour un peu plus près, salut, affection, éternité de communion, bientôt. J’ai vu aussi les morts, les grands et les petits, debout devant le trône. Ces images sont toutes de totalité, et la « chute » de l’Apocalypse, c’est cette évocation et ce dernier mot : Viens ! Ainsi soit-il.
matin
Emmanuel Todd, à France-Infos. le rendez-vous des internautes, son livre Après la démocratie, chez Gallimard, qui vient de paraître et que je n’ai pas encore lu. Il est toujours ensemençant. Une émission avec Laurent Fabius, il y a quinze ans, regardée hors les murs de Vézelay.
La France en faillite ? non. Les services publics marchent très bien, nos performances mondiales en système éducatif, en soins hospitaliers, mais les effets de la mondialisation se font sentir, rétrécissement de tout, pression sur les salaires à la baisse. Faillite identique pour les Etats-Unis, l’Angleterre, l’Allemagne. Après l’implosion soviétique, l’implosion américaine, etc… Remède, un protectionnisme européen (Jean-Marcel Jeanneney le publie depuis près de trente ans – Le Seuil, 4° trim. 1978 . 155 pages, et Michel Jobert l’a tenté : les magnétoscopes japonais dédouanés à Poitiers, son discours devant les parties contractantes du GATT en Novembre 1981, à Genève). Obstacle, l’Allemagne, mais elle a consenti à l’euro. elle consentira quand elle sera dans le bain social, malgré ses excédents commerciaux). Crise depuis vingt ans et plus qu’on en parle, les quadragénaires n’ont entendu que ce discours. Certes… ce qui commence, c’est la baisse du niveau de vie. Responsabilité des économistes ? Oui, ils n’ont rien dit d’intéressant, n’ont averti de rien. Cause, la crise n’est pas qu’économique. Elle est intellectuelle, idéologique, religieuse, on ne croit plus à rien, on ne pense pas « collectif ». Plus aucun repère, plus aucune foi, d’où l’inimaginable, Sarkozy, ses voix à l’extrême-droite et le débauchage chez les socialistes.
Je poursuis quant à moi. Remèdes, bien sûr le protectionnisme, mais par zone, et en fonction non de critères économiques, mais de niveaux et impacts sociaux. La pression à la baisse des salaires sans doute tue l’Europe, mais elle tue aussi la Chine puisque les fabricants à bon marché qui, en réalité, sont une commandite européenne ou américaine, délocalise vers le Vietnam ou le Cambodge… La Chine ne s’est pas révoltée contre la dictature politique, elle se révolte ces mois-ci contre la crise économique, la délocalisation fait souffrir l’Europe, mais elle a lieu à l’intérieur de la Chine et y fait encore plus de victime. On peut se mettre d’accord sur le protectionnisme. Mais il faut faire plus. L’évidence est que « les milliards qu’on injecte » ne restructurent rien et sont une prime à la mauvaise gestion et une rente pour les dirigeants qui restent d’autant mieux en place et vont continuer à jouer sur le facteur travail. Solution, la faillite, des reprises arbitrées par les Etats, les dirigeants virés sans dédommagement autres que ceux prévus par le Code du travail et jugés éventuellement par les prudhommes, naturellement interdits désormais de gestion.
Les responsabilités. En stratégie, ce patronat recruté par cooptation, copinage soit politique soit social. En idéologie. Les grands économistes, les Nobel, ont averti, très vite Milton Friedman (1976) a été critiqué, mis en défaut. Chez nous, c’est l’effet médiatique des Closets, Minc, Sorman et autres donneurs de leçons : déshabillez-vous, l’Etat coûte et n’apporte rien, fonctionnaires feignants, service public ringard. Paradoxalement, ces conseilleurs qui n’ont jamais su gérer une entreprise sont contemporains du gonflement de notre dette extérieure. Entendus, choyés comme ceux qui confirmaient le patronat dans sa novation : de repères que le cours de bourse, de gains au bilan que les licenciements, mais en fait sans influence sur une économie réelle perdant ses atouts anciens et traditionnels et ne gagnant pourtant pas ceux promis par la nouvelle dogmatique.
Les idéologues ont été à deux endroits : la scène politique où pour faire moderne ou « dans le coup », il fallait diminuer l’Etat (alors même que c’était le champ de compétence pour laquelle les gens candidatent éperdûment à s’en gâcher la vie, et surtout la vie des leurs, le taux de rotation matrimoniale en politique et dans les médias, la "famille recomposée" en couverture de Match quand Sarkozy parvient à l’Elysée, couverture familiale tous les six mois ?) et le « back office » mis en parole par les analystes de sociétés de gestion en banque et en privé : « dans le sillage de Wall street… en attendant les statistiques américaines… M. Greenspan a dit… ». Je reconnais et admire que ce dernier a été le premier – contre Stiglitz le social – à affirmer que nous entrions (c’était avant la faillite de Lehman Brothers) dans une crise aussi importante, sinon davantage, que celle de 1929. Donc, les vrais traîtres ont été les faiseurs de bulles : les politiques sans connaissance travaillée et personnelle, complaisant à la mode, et les officines d’analyse prenant la spéculation pour un outil et les notations pour une vérité.
Les manques de repère – datés des années 1960 au cours du dialogue entre Emmanuel Todd et les internautes de France-Infos. – sont bien entendu illustrés par la scénographie et les mots de rue en Mai 68 à Paris. Bien plus constructives les utopies corrigeant le communisme mais ne l’abolissant pas, à Prague, Otta Sik, et politiquement bien sûr : Alexander Dubcek. Contemporaine, l’encyclique Humanae vitae, et la loi Neuwirth (la pilule et la contraception). Je m’avance en conjectures seulement : la cellule familiale, le couple… aujourd’hui, ils ne sont plus pérennes, ou quand ils le sont, ils en refusent les signes (le mariage, le sacrement, l’état-civil, le nom).
Repères… quand l’histoire a cessé d’être enseignée avec des dates et des noms pour devenir évolution de la société et maintenant ratures sur la mémoire… quand l’économie est devenue soit le Monopoly joué à huis clos en cabinets ministériels pour recombiner les agencements de mroceaux d’entreprises (les nationalisations, les privatisations, le Lyonnais, Vivendi), soit un jeu de taux : la macro-économie, au lieu de rester géographie, invention et recherche, formation professionnelle, concertation sociale… quand le mauvais fonctionnement de mauvaises institutions pour l’Europe est confondue avec l’ambition et la nécessité de notre Union à tous… du Tage à la Vistule, de l’Arctique à la Méditerranée.
Expérience du XXème siècle, le fond touché, il y a rebond et à la fois retour tenté à l’antérieur (la IVème pour la IIIème chez nous) et la novation : le dialogue social institutionnalisé, la planification, la matrice de la Vème République et la démocratie référendaire en même temps que le parlementarisme rationnalisé. Expérience que nous vivons : le sarkozysme, aucun contrôle d’aucune sorte sur un pouvoir personnalisé comme jamais vu en France, y compris sous notre monarchie capétienne, et exercé par un homme qui n’a pas de référence culturelle ni familiale, qu’une spontanéité exacerbée. Expérience qui n’est possible que par la tolérance (ou la complicité) des élites et que par la main-mise sur les médias : ce qui est en cours pour l’audiovisuel public, pour l’A F P et l’ensemble du traitement de la presse écrite, ces collections d’états-généraux ou de Grenelle « avec l’arbitrage de Nicolas Sarkozy ». Le privé plus ductile pour le pouvoir politique actuel que le public…
J’ai grande confiance. A la spontanéité d’un seul, la réponse de quantités de spontanéités, impossibles techniquement à empêcher de penser et de s’exprimer : internet, mais aussi la précocité des « jeunes » qui ne sont pas que des caillasseurs, tout au contraire, étrangement compréhensifs, réceptifs, réalistes. Le rêve a alors un poids décisif, sur un tel socle. Notre fille de quatre ans me l’apprend. Regarde, Papa, les nuages cachent le ciel. Cherche dans tes yeux.
On avait les plans Marshall, les Grenelle, on va avoir « les » 11-Septembre avec toujours l’effet d’échelle – témoignage d’une méconnaissance factuelle des événements les plus récents. Bombay, 132 morts, « un 11-Septembre » indien.
[1] - Apocalypse de Jean XX 1 à 11 & XXI 1 passim ; psaume LXXXIV ; évangile selon saint Luc XXI 29 à 33
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire