mardi 1 juillet 2014

ce moment français - lecture simple d'une actualité


Les évidences de ce que nous vivons – en vie publique et nationale – ces jours-ci sont, à écouter les commentaires des professionnels de nos médias et ce qui est présenté comme des analyses politiques par celles et ceux qui nous représentent ou qui nous « dirigent », indiscernables car tous parlent le même langage convenu, en restent au seul immédiat et ne projettent ni ne mémorisent rien. L’absence de vrai relief dans ce qui est ressassé tient principalement au manque d’échelle de valeurs et au manque de repères. Nous sommes devant du vrac, et d’ailleurs traités – par ceux qui nous informent ou qui nous invoquent – comme du vrac, nous-mêmes. Il n’y a plus même la crainte modératrice du démenti par les faits ou de la condamnation par une conscience morale s’exprimant soudainement et avec colère.

J’essaie de dire ce qui me paraît tout simple, quoique catastrophique et donc inquiétant : à commencer par le manque de réaction, forte et motivée, de l’ensemble des Français.

Je présente ce que je vois et ce que je comprends – sans aucune information privilégiée que celle de ma mémoire spontanée d’observateur de notre vie politique depuis le début des années 1960, que l’écoute relative d’une radio publique et le regard discontinu de quelques images télévisées – dans un ordre que je crois plus logique et descriptif que celui choisi communément aujourd’hui. La sélection générale porte sur le placement en garde à vue de Nicolas Sarkozy, succédant à l’application du même traitement pour son avocat et pour deux magistrats de la Cour de cassation, sur l’adoption d’un rectificatif budgétaire à laquelle se sont associés les « frondeurs » de la majorité socialiste, sur la reprise du débat au Sénat à propos de la « réforme territoriale » en suite de l’avis du Conseil constitutionnel, sur la décision de la Cour européenne de sauvegarde des droits de l’homme validant notre loi nationale qui interdit depuis 2010 le port du voile intégral dans les lieux publics, sur la réélection du président socialiste allemand Martin Schulz à la tête du Parlement européen, sur la ruoture du cessez-le-feu en Ukraine russophone, enfin sur les découvertes macabres en bordure de route d’Hébron. Je prends tout cela par les commencements.

La France est en mauvaise posture. Et son image, qui aux pires moments – par exemple de l’Occupation après le désastre de 1940, ou de la guerre d’Algérie – la rachetait aux yeux du monde et à ses propres yeux, est actuellement déplorable. Nous sommes un pays raciste – le traitement des Rroms, les camps de rétention, les pratiques sommaires de certains éléments de la police quelle que soit l’étiquette du gouvernement. Nous ne savons plus nous gouverner ni débattre – l’alignement de la durée du mandat présidentiel sur celui de l’Assemblée nationale, la désuétude de toute consultation populaire directe  par referendum ou par dissolution de la chambre basse, a figé les orientations de l’excutif et la représentation nationale pour cinq ans en sorte que notre démocratie n’est plus que formelle, que rien n’est collégial au gouvernement et que rien n’est dialogué avec la majorité. Nous ne nous écoutons plus mutuellement – les gouvernants font assaut de pédagogie, nous assourdissent de plaidoyer ou de mise en accusation comme un peuple refusant les réalités du monde contemporain et toutes réformes, et ces réformes ne sont plus celles de notre vouloir collectif ou qu’imposeraient les nécessités selon le plus grand nombre d’entre nous ou le simple bon sens. Le fixisme est tel que 2012 et l’actualité ont montré que l’alternance au pouvoir n’est pas un changement d’orientation ni même d’ambiance mentale des dirigeants politiques. Si mal gouvernée, la France perd son patrimoine industriel et plus encore les savoir-faire parfois séculaires, souvent héréditaires (textile, automobiles, sidérurgie, aluminium, énergie), ce processus s’est encore accéléré depuis et malgré le changement de président et les Français n’ont plus ni le recours d’un changement par leurs votes ni d’une prise en charge par un Etat assumant d’autorité morale toutes les responsabilités que notre histoire lui a conféré. Ce ne sont pas la mondialisation ou l’immigration qui nous tuent et qui nient notre pays, ce sont la trahison de nos élites et la tendance au recel de la plupart de ceux qui sont en place dans l’économie, la politique, les médias.

La France est un pays de corruption et de tricherie. Bernard Tapie,  Eric Woerth, Jérôme Cahuzac… le Lyonnais et son acquisition d’une assurance en Californie, la B.N.P. et ses fraudes aux embargos américains, la Société générale et sa défausse sur un seul agent (Jérôme Kerviel)… Areva… nos campagnes présidentielles aux financements en partie étrangers ou par recel de procédures et de ressources publiques : les affaires Karachi, Bettencourt, Bygmalion… nos relations inter-étatiques achetées : la Libye, la Mauritanie par exemple. Mais ces cynismes sont cependant maladroits et naïfs. Nos dirigeants manquent de nerf devant Mittal, devant General Electric, devant P.S.A…. de ressource que le contribuable alors que le financement par la B.N.P. d’une amende de près de neuf milliards montre que le système bancaire français à lui seul couvrirait plusieurs fois ce que le gouvernement actuel cherche à économiser sur le budget de l’Etat et qu’un gouvernement inspirant confiance, comme ce fut souvent le cas le siècle dernier, malgré de vraies difficultés, rééquilibrerait nos comptes et nous émanciperait des marchés en recourant à l’emprunt auorès des personnes physiques. Des gouvernants qui sont trompés, abusés, psychologiquement dominés par des partenaires privés ou étrangers … Bouygues et Dassault, Lagardère, chacun défaisant des combinaisons industrielles dont l’Etat avait eu l’imagination princcipale… la négociation Alstom-General Electric, le retrait du MEDEF et avant une « conférence sociale d’un « pacte de responsabilité » qu’il avait pourtant inspiré après « un choc de compétivité » accueilli consensuellement par les entrepreneurs et par l’opposition plus que par la majorité actuelle.

La France qui peut sans doute projeter quelques troupes en Afrique ou se joindre avec efficacité à des opérations combinées sur un pays : la Libye, la Syrie si les Anglo-Saxons n’avaient pas reculé, mais qui ne sait plus exister par elle-même en relation internationales : elle laisse négocier et elle ratifie des traités qui ne lui conviennent pas (le pacte de stabilité budgétaire, les futures règles de soutien aux agricultures en Europe), elle laisse imposer aux gauches européennes le candidat à la présidence de la Commission européenne qui ne plaît ni à celles-ci ni à elle, elle joue de plus en plus mal du couple franco-allemand, elle est alignée sur les positions ambiantes à propos d’Israël et de son avenir, elle commémore des événements dont la réalité ne correspond pas à la mémoire vécue (le débarquement en Normandie qui sans de Gaulle aurait tourné à une nouvelle occupation étrangère de notre pays), elle mendie des investissements étrangers plaçant sans réciprocité ni projet commun des Etats spéculateurs et au régime intérieur répréhensible.

Les gouvernements actuel ou récents ont détourné l’opinion et nos énergies des vrais sujets, lesquels sont évidemment le « redressement productif », si bien identifié comme nécessité absolue mais pas du tout pratiqué. Traitement de l’immigration sous le quinquennat précédent et, depuis le début de l’actuel, mariage pour tous, bio-éthique, rythmes et contenus scolaires dans le primaire et maintenant réforme territoriale : aucun de ces sujets n’étant urgent, aucun n’étant générateur d’investissements et d’emplois.

L’Etat n’est plus que police et fisc, les gouvernants ne sont plus que producteurs de textes au lieu que le premier organise les relations sociales, la planification des projets et des efforts publics et privés, le civisme et ses brassages ou respects mutuels (rétablissement du service national et son extension aux filles, et que les seconds montrent des comportements exemplaires en chacune des personnes publiques.

C’est dans ce contexte de déréliction, de délabrement, de pourriture installés que se vivent deux chocs dont la concomitance et la symétrie n’ont pas de précédent chez nous. La bipolarisation faisait croire à une différence droite/gauche, sinon dans les comportements des professionnels de la politique à titre viager et souvent héréditaire, du moins dans les programmes et dans la relation avec les citoyens, avec le peuple. Cette différence qui n’était pas dans la nature ni dans le projet de la Cinquième République d’essence consensuelle et – à quoi celle-ci avait réussi jusqu’en 1995 puisque politique étrangère et institutions avaient été finalement adoptées de de Gaulle à François Mitterrand, n’existe plus. La continuité en politique économique, sociale et sécuritaire est totale de Nicolas Sarkozy à François Hollande, l’abus de présence médiatique du président régnant et son accaparement des domaines minustériels comme de l’ensemble de la communication générale ou ponctuelele du gouveernement est exactement le même, la personnalisation de l’entourage et des conseils du chef de l’Etat aussi. Il n’y a plus de recours ni d’appel possibles : fixisme quinquennal, mimétisme d’un président à l’autre, répétitivité des réformes et de leurs intitulés. Dans une époque et un monde éprouvés comme changeants et difficiles, les pouvoirs et les procédures de la République sont rigides. Le double choc est simplement qu’en même temps la gauche a politiquement échoué et que la droite est démonétisée. La gauche et la droite dans leurs versions actuelles, par une malhonnêteté de même essence quoique d’application différente, la gauche trahissant les espérances de celles et ceux qui l’ont une nouvelle fois porté au pouvoir par lassitude envers la droite ou par conviction très structurée, la droite avec ses financements.

Le bavardage – les éléments de langage – pour les « affaires » du jour… est exactement le mensonge d’ensemble de notre vie publique et aussi de notre projection nationale à l’extérieur.

1° notre commentaire des quatre matches que nous avons déjà disputés en coupe du monde : un pré-supposé de supériorité faisant saluer avec commisération le courage des inférieurs (Equatoriens et Honduriens), des auto-assurances pour la suite pour pallier le peu d’efficacité de nos jeux longtemps (face à la Suisse puis au Niegria) et notre crainte d’être battus, l’évocation fréquente du scandale de l’autobus en Afrique du sud. Deux paraboles pourtant pourraient nous être servis. La fonction décisive du sélectionneur pour constituer les équipes et faire opérer les entrées, sorties et rotations en cours de jeu est celle qui manque à la scène politique et même pour le recrutement des chefs de grandes entreprises : ni critères pour discerner les caractères, ni mécanismes pour changer les ambiances ? Culot et auto-proclamation en politique sans pourtant de faits d’armes, cooptation en industrie.

2° le passage d’une grève professionnelle des intermittents du spectacle à de possibles actions ponctuelles menées par des précaures en tous genres, tel que fonctionne notre « marché du travail ». Nous cumulons l’inorganisation des ressources humaines en culture avec des mœurs patronales ne correspondant avec des professions dont le propre est la créativité, l’imagination mais pas le quantifiable. Le modèle de gestion et de négociations paritaires ne convient pas et le tripartisme suppose une planification nationale économique et sociale que la droite version Giscard d’Estaing a méprisé et que la gauche version Lionel Jospin a abandonnée.

3° l’adoption du budget rectificatif pour l’Etat : quatre milliards d’économies, alors que les concessions faites par le nouveau Premier ministre sont à peu près de ce montant, « déconstruit » ce qui cherche à s’identifier pour l’opinion publique, surtout s’étiquetant à gauche, comme une alternative au président régnant et un retour à des sources actuellement complètement oubliées. Deux questions pourraient être traitées : le quinquennat, durée de l’Assemblée nationale et des pouvoirs présidentiels, pourrait être un plan économique et social débattu en campagne présidentielle, formalisé dès l’ouverture de la nouvelle législature. Les projections fiscales pour les partenaires de l’Etat en commandes publiques ou en subventions d’appoint aux collectivités locales, seraient enfin possibles. La prévision est actuellement absente de toutes les démarches politiques, mais elle est la trame de plupart des interventions présidentielles, prévision optimiste toujours articulée non pas en fonction des probailités qu’elle se éralise mais pour faire passer le présent.

4° l’élection de 2012, jusqu’à présent mensongère, n’a que deux ans et deux mois mais c’est celle prévue pour se tenir en 2017 qui polarise les attentions de la « classe politique ». François Hollande, parce qu’il est contraint de renvoyer sa plume et, n’apprend-on que rétrospectivement, son conseiller le plus écouté ou le plus « puissant », assre qu’il n’aura pas de raison de se représenter si le chômage n’a pas baissé. Nicolas Sarkozy qui n’a toujours produit aucun bilan, aucune explication  aucun récit, aucune synthèse de son quinquennat ni de son expérience présidentielle, est évidemment candidat à la revanche mais n’ayant pas encore trouvé les modalités de soutien d’une candidature pendant encore trois ans, il renforce par l’éloquence publiée et commentée de cette envie l’importance de cette date. L’ensemble distrait du présent qui peut, logiquement, ne pas compter puisque l’avenir va le périmer.

5° c’est la prochaine élection présidentielle qui expliquerait que Manuel Valls soit se détruise en exécutant les orientations économiques et sociales de François Hollande en les prenant totalement à son compte quoiqu’en subordination au président régnant, constamment évoqué alors que celui-ci n’a plus ni autorité morale ni popularité, soit devienne la seule chance d’une gauche pas plus appelée à choisir son candidat que la droite ne le sera si Nicolas Sarkozy peut être au concours.

6° c’est cette candidature certaine – et la victoire probable de tout candidat hostile au cours actuel qu’il l’affronte directement ou en affectation de duel avec Marine Le Pen – qui fait tenir à tous ceux qui s’expriment aujourd’hui dans l’U.M.P. un discours d’irréalité. Nicolas Sarkozy et ses compagnons dans l’ensemble des affaires et recels affectant la droite depuis les emplois fictifs, appartements de complaisance et « cassette Méry » avec Jacques Chirac, le financement de la campagne d’Edouard Balladur en 1995, celui des deux campagnes de Nicolas Sarkozy (2007 et 2012) sans compter les arbitrages en faveur de Bernard Tapie ou du sénateur-maire de Compiègne, seraient innocents de tout et victimes d’un « cabinet noir » à l’Elysée d’aujourd’hui en même temps que de magistrats dont le président de l’époque voulaient supprimer les fonctions. Et l’ardeur des détenteurs actuels du pouvoir exécutif, supposé en imposer au pouvoir judiciaire, serait exaspérée par les chances considérables qu’a Nicolas Sarkozy de l’emporter en 2017 et évidemment dans tous les éliminatoires précédents. « Acharnement judiciaire », disproportion des procédures. Alors qu’il faut louer la tombée de l’immunité présidentielle de fait et la révérence conduisant à absoudre le passé, ce dont a bénéficié Jacques Chirac, et qu’il faut s’interroger sur la fibre républicaine et la constitution morale d’une militance voire d’un électorat qui ne se scandalisent pas de tant d’affaires, de tant de désinvolture, de tant de recel des prérogatives accordées seulement par les urnes et pour un temps déterminé. Les réélections du ménage Balkany à Levallois… Si l’on remarque les qualités et les parcours des deux magistrats complices présumés de l’ancien président, on oublie le premier en date d’entre leurs collègues, le juge Courroye censé protéger en toute instance les prédateurs de Liliane Bettencourt. En revanche, nous sommes peut-être épargnés de la mine satisfaite des inculpés, selon l’ancienne terminologie, se faisant fête de ce statut qui leur donnent accès au dossier inconnu de leur propre turpitude et en fait leur permet de vérifier ce que l’enquête n’a pas encore mis au jour. Mais persistent, chez toutes ces « victimes » l’affichage de la « sérénité » et les renforcements de la « détermination » autant que la protestation de confiance dans la justice.

7° ces réflexes de nos politiques vis-à-vis de la sanction, eux qui ressassent et revendiquent la prise de leurs responsabilités. Qu’entendre par là ? selon eux, c’est synonyme d’une exclusivité de la prérogative de décider, de décider pour les autres, pour nous, sans consultation, sans délibération, d’une manière rigide, celle des autodidactes car la source ou la cause de ces « décisions », appelées autrement : « réformes », ne sont pas dites. Ils nous la font subir, exactement comme eux-mêmes la reçoivent, « mondialisme », fonctionnement des institutions européennes où, pourtant, tout repose encore sur les Etats et les ententes intergouvernementales. Par système et par tempérament, c’est la défausse constante. Responsabilité au sens littéral est la posture de répondre, d’avoir à répondre sur ses deniers, sa carrière, sa réputation. Une vie politique qui rejette la sanction, qui la dévalorise, qui la dénonce comme le contraire de ce qu’elle est, perd toute sincérité, donc toute emprise sur les consciences civiques. La vie politique, c’est-à-dire la capacité d’un pays à se vouloir, à se gérer, à s’orienter perd son ressort, les gouvernants loin du peuple n’ont plus le bras de levier ni sur les réalités et les circonstances à administrer, ni sur leurs partenaires que ceux-ci soient d’un autre ordre : le patronat, les entrepreneurs notamment, ou l’étranger. Il n’y a plus en France de sanction pour le politique si celui-ci s’avère – ce qui n’est heureusement pas la généralité – défaillant, incompétent, recéleur… dans chacune des « affaires » de ces deux décennies, c’est la dénégation en bloc par leurs tristes héros et ce sont des soutiens dans leur camp qui déprécient nos institutions et alimentent l’incivisme, l’abstention et donc, dans le vide institutionnel qu’on construit, sciemment, pourrait-on croire, l’extrêmisme. L’extrêmisme de partis et mouvements dont l’emprise (le Front national) grandit ou l’inventivité haineuse et le délire de persécution étonnent (Manif. pour tous, Civitas) par leurs références religieuses explicites. Et évidemment le « djihadisme ». Partis communistes dans la première moitié du siècle, anarchisme ou terrorisme d’une jeunesse radicale étaient réfléchis. Il y a quelque chose d’une réponse physique et exaspérée dans l’impuissance citoyenne que provoque le manque d’humilité des politiques, de grands entrepreneurs face aux règles d’une vie sociale, collective et au droit positif. Seule sanction donc, ne pas être réélu…  encore en est-il fait appel : n’avoir pas été compris et relancer les dés pour la fois suivante. La sanction, en revanche, pour le pays, est sa dégénérescence faute d’une direction et de stratégies des partis politiques, de la machine étatique, de nos grands groupes industriels et financiers. Faute aussi de leur synergie. Le pays s’éparpille, ni pasteurs, ni pâturages, ni sécurité face aux prédateurs, le troupeau que nous sommes, troupeau au sens noble faisant la fierté de l’éleveur, du producteur, du métier. Rendre aux Français élan et confiance suppose l’évidence d’un objectif commun et leur participation à la décision de remise en marche. Que l’on puisse, au contraire, envisager le bouleversement de communautés de vie économique, institutionnelle et administrative, le choix d’autres limites et assemblages, la supression d’une de leurs composantes – la réforme territoriale en cours d’examen au Sénat, avec une « étude d’impact » ratée – sans dacantage consulter que sous le quinquennat précédent l’ayant mis déjà à l’ordre du jour parlementaire, signifie dramatiquement que nous vivons en chambre close, qu’il n’y a donc plus d’espace politiqu autrement qu’en coulisses. Exactement les mœurs dont font état les enquêtes judiciaires actuelles ou les négociations d’entreprise, hautement proclamées pendant deux mois, et aujourd’hui secrètes.

8° les grandes institutions faisant matrice pour le pays ce que l’Eglise en suppléante pendant notre Moyen-Age, puis l’université napoléonienne en même temps que les grandes écoles secrétées par la Convention, par le civisme et le génie pédagogique de belles individualités après 1870 : l’Ecole libre des Sciences politiques, les écoles de commerce, l’Ecole nationale d’administration… presque toutes sont perverties, triomphalement, doctement. Les multiples projets d’autonomie abîment le dessein fondateur de nos universités, une succession de directeurs détruit Sciences-PO. en tâchant d’imiter le Massachussets et d’édifier une « université de l’excellence » et l’E.N.A. ne sait plus faire du service public, du service de l’Etat l’ambition et la gratification de ses anciens élèves. L’obsession des politiques de l’emploi, confondant le marqueur et l’outil, fait commettre un contre-sens : le chômage n’est pas d’abord une perte de ressources financières pour celui qui est « mis », il est fondamentalement une mésestime et du travailleur et du « facteur » travail. Que la querelle sur la théorie du genre ou du « gender » nous occupe depuis l’automne de 2011 quel que soit le ministre et sa distribution de kits A.B.C.D., confirme notre génie pour ces années-ci de ne plus traiter que l’accessoire ou les conséquences, de plus en plus rarement causes ou sujets de fond et d’urgence. Ce vide progressif des structures qui nous constituaient, en première partie de vie, a son pareil dans l’exercice des responsabilités publiques et aussi dans la direction des grandes entreprises. Le politique fait croire à son emprise sur les faits, les gestions et à des résultats, plus même par du texte ou des promesses, mais par l’insistance de sa présence médiatique, au risque pas tant de lasser que d’être tout bonnement mis à pied d‘égalité par des téléspectateurs avec les professionnels des ondes et de la mise en scène. Ainsi, le vide d’une démocratie qui a détruit l’instrument pour le maniement duquel on a voulu se faire élire : l’Etat. La croissance externe, le rachat des actifs d’autrui, des savoir-faires, des brevets et des carnets de commande, le fruit du travail et de la prospection, haleine du quotidien, sont préférés aujourd’hui à la croissance propre, à l’imagination, à l’investissement. La réussite est boursière, financière, elle n’est plus industrielle et dans les domaines de la banque et de l’assurance, elle n’est plus un service public, ni une logique économique de placement productif de la plus-value. Ainsi, le vide et la vulnérabilité d’un pays devenu seulement virtuel.

9° salutation de la réélection d’un putschiste dont la caution française à son coup d’origine fut acheté en espèces au secrétaire général de l’Eysée à l’époque (la Mauritanie de Mohamed Ould Abdel Aziz et Claude Guéant en dépit du Quai d’Orsay, de la Coopération alors rue Monsieur et des cellules africaine et diplomatique de la présidence de notre République) mais pas d’analyse ni de prévision de ce qu’une dictature est grosse des extrêmes dans une population apauvrie par la corruption et les détournements de ses dirigeants, et des retournements tactiques de ceux-ci préoccupés de leurs recels et de leur sécurité physique. La françafrique continue aux dépens de notre image, contraire à nous-mêmes et à nos intérêts. Bien entendu, elle est l’un des lieux nourriciers de la corruption de notre vie politique et de nos élections.

10° la répartition des rôles dans le fonctionnement de l’Union européenne manifesté par le consentement obligé au choix allemand de l’excellent président de l’euro-groupe comme président de l’exécutif qu’est la commission : Jean-Claude Juncker, ce que ne rachète pas l’élection de Martin Schulz à la tête du Parlement… empêche de faire accéder notre ensemble – qu’il vaudrait mieux appeler de nouveau : Communauté (bien commun) plutôt qu’Union (assemblage au ciment incertain) – à la démocratie directe. Il faut un président arbitrant entre les différents pouvoirs et institutions de l’Union, ce ne peut donc être le titulaire de l’un de ceux-ci. Le président du Conseil européen doit présider l’Union et n’être élu que par l’ensemble des peuples européens, c’est-à-dire au suffrage universel des ressortissants de l’Union, pris dans une circonscription unique. C’est à ces ressortissants, ses électeurs directs, que le président doit pouvoir faire appel par referendum dans les matières prévues par le traité, lequel ne peut rester celui de Lisbonne ayant fait litière de tout ce qui l’a précédé, et doit donc être réécrit. Que le Parlement soit constituant, que la Grande-Bretagne rejoigne l’euro., que la tenue de la monnaie unique soit un instrument de politique économique, au besoin concertée avec la Federal Reserve des Etats-Unis, que cette visibilité nouvelle du Vieux Monde enfin incarné produisent un réagencement des usages et des données économiques et financières d’un monde aux mécaniques actuellement presque toutes mortifères.

11° la Russie ne soutient son chef que par frustration de ses cohésions internes et de son grand rôle stratégique et idéologique jusqu’en 1990. Nous y avons contribué en ressuscitant un « Occident » conquérant et la France n’a pas entravé cette pérennisation de l’Alliance atlantique en tolérant la mise en place du « bouclier anti-missile » dans l’est européen et, forte de l’élection de François Hollande, de l’expérience d’Hubert Védrine et de nos officiers de liaison à tous les niveaux et dans tous les champs de bataille de l’O.T.A.N., en ne revenant pas sur la réintégration décidée en 2009 par Nicolas Sarkozy, dans le dédain total de nos alliés. Vladimir Poutine n’a qu’une antidote, à l’instar de toute dictature, celle de Pékin notamment : la démocratie. L’Ukraine est le lieu d’affrontement entre nationalisme et démocratie. La relation de l’Union européenne avec Kiev est défectueuse, elle doit être une stratégie répondant à celle de la Russie, pas un traité motivant le séparatisme de ceux qui y sont hostiles (et y voient, avec justesse, une dissociation d’avec un ensemble dont l’unité séculaire n’était pas factice). Cette stratégie a des atouts : l’ancienne Prusse orientale aujourd’hui oblast de Korolev avec Koenigsberg-Kaliningrad comme magnifique capitale, est à la discrétion de la Pologne et des Etats baltes, « couverts » par l’Alliance atlantique. Cela vaut bien le statu-quo en Crimée et pont pour pont, cela sera difficile pour relier Saint-Petersbourg à l’enclave russe. Poutine l’a aussitôt compris en positionnant bien davantage de troupes en Baltique qu’aux limites du Donbass. Les descentes en chute libre des hélicoptères ukrainiens ou les tentatives de reprise par la force et dans le sang des chefs-lieux d’Ukraine russophone payent l’inexistence d’une Europe consistante et psychologue.

12° la découverte des corps de trois jeunes Israëliens assassinés non loin du si symbolique Hébron, tombeau d’Abraham, de Sara et réceptacle de toute mémoire biblique, est évidemment attristante. Mais plus aucune analyse officielle n’a cours depuis l’assassinat d’Itszahak Rabin. La conciliation des cœurs est seule fondatrice d’un ordre différent au Proche-Orient, elle ne naîtra pas de la consécration d’un nouvel Etat subordonné, tronçonné que serait une Palestine sur le modèle des « processus de paix ». L’avenir, même si l’énoncer ainsi paraît utopique, est à un Etat unitaire, laïque, multi-ethnique et multi-confessionnel dans l’ensemble palestinien où la sécurité, notamment des Juifs qui s’y connaissent en persécution pour avoir subi les plus atroces pendant des siècles et il y a encore peu, mais aussi pour en faire subir d’injustes et anachroniques jusqu’aux représailles de cette nuit qui ne ressusciteront personne. Qui sera prophète ? la France en eut un. Aujourd’hui… plaidoirie et bafouillage. Depuis le 11-Septembre, compassion et « axe du mal », « réal-politik » quand se caractérise l’ennemi commun : résultat sur tous les fronts de guerre, d’ailleurs moins manichéens que les oppositions mentales à l’arrière, c’est-à-dire dans chacun des pays dits occidentaux, dijhadisme et anti-terrorisme, les démocraties s’appuient sur des dictatures.


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La France n’est pas en crise économique, elle l’est peu en société, elle n’est raciste que dans les raisons de ses dirigeants, elle est pillée pour ses avoirs, ses actifs, ses acquis mais elle est intacte pour ses capacités créatives. Elle n’est ingouvernable qu’à subir un mors qui ne la dirige pas et des œillères que son système de médias, pourtant si riches de talents et d’imagination productive, impose à une opinion pédagogisée et flattée selon une image qui ne lui correspond pourtant pas. Le nerf de notre péché collectif, c’est la panne de recrutement et d’élévation de nos élites, l’endogamie du politique et du communicant, l’obsession sécuritaire d’accumuler la réserve financière et de ne plus travailler la base de toute personnalité et de toute cellule sociale : le couple, la relation à autrui, la considération du transcendant, l’humilité et l’orgueil bien placés d’un certain type humain et d’une certaine construction de ces entités qui font persévérer et se développer, aboutir des civilisations : les nations grandes ou petites, leurs rencontres, leur estime mutuelle, leur agencement pour que la planète, etc…

Aujourd’hui paraît discontinu, dispersé alors qu’au contraire notre réalité, nos défauts, nos défaillances sont compactes, causes les unes des autres. Retrouver nos fondations, notre mémoire va nous rendre notre imagination. Mensonge et insincérité en comportements intimes ou publics, langue de bois pratiquée par chacun des faiseurs du spectacle quotidienne, incantations et dogmatiques en politique et en économie – nous tuent.

Nous devons y réfléchir, renouer avec l’avenir et avec notre passé, c’est le même mouvement de nous réapproprier nous-mêmes et de contribuer à ce que de proche en proche, couples, familles, lieux de vie et de production, pays, se fassent de la chair et du vrai./.


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