L’erreur franco-allemande
J’allais commencer d’écrire pour mieux me
formuler la question franco-allemande en termes actuels, qui ne me paraissent
pas les bons – quand ma chère femme, alsacienne et en ce moment au chevet de
mon bau-père à Strasbourg, avec des deux « côtés » des ascendants
mobilisés dans l’armée allemande, malgré eux en 14 et en 41, et un oncle
médaillé de guerre 1939-1945, combattant en 194461945, m’appelle : la
première pierre franco-allemande, les deux chefs d’Etat, la ligne de crête
vosgienne l’été et le début de l’hiver n 1914, des boyaux et tranchées, au
total 30.000 morts pour une position qui très vite n’était plus que symbolique.
La mémoire française et alsacienne encore très vive, douloureuse même et la
mémoire allemande occultée, enfouie par l’obnubilante seconde guerre mondiale…
Le rite franco-allemand a souvent sa splendeur et
garde sa charg émotive. Sans doute, l’octogénaire et le septuagénaire, dont
l’un était plus latin que l’autre, et l’autre plus germain que celui qui était
né rhénan, eux ensemble devant ce qui fut un amoncellement de ruines et ne
l’était plus : la cathédrale d Reims, sacre des rois, sacre de la
réconciliation franco-allemande par deux voyages échangés l’un chez l’autre et
préparant l’accolade – rarissime – que l’homme du 18-Juin donna spontanément au
vieux chancelier, ancien maire de Cologne. Sans doute, la main cherchée et
trouvée et qui se lia à celle du géant : Mitterrand et Kohl à Verdun. Très
fortes images.
La fondation fit celle de la Communauté et de l’Union
européenne, mais elle en était indépendante psychologiquement. L’amitié
franco-allemande cause l’Europe, elle n’en résulte pas. La déclaration de Robert Schuman qui devait
être celle de Georges Bidault dont le directeur de cabinet, à l’époque, ne vit pas
l’importance, et qui ne pouvait être celle de Konrad Adenauer quoique celui-ci
l’ait à peu près articulée un mois auparavant à la une du Monde, était un
expédient, mais génial. La dictée américaine était de réarmer l’Allemagne.
L’invention de Jean Monnet fut de substituer l’économie à la stratégie,
quoiqu’en fait il s’agissait dans les deux registres d’industrie et d’industrie
potentiellement de guerre : l’acier, pour l’époque. Il devait en sortir la politique. Cela
n’arriva pas pour de nombreuses raisons : prétentions de la Commission à
outrepasser le rôle que lui donne les traités (1965) – , candidature et
admission de la Grande-Bretagne (1961-1967-1973) sans conviction européenne
puisque cet Etat-membre joue les exceptions en voulant et obtenant un chèque-retour
et le maintien de sa monnaie nationale autant que de ses filières financières –
, élargissements diminuant la cohérence de l’économie et e la société
européennes sans s’assortir d’une novation institutionnelle qui permette la
démocratie et le commandement – , désaccord dogmatiques sur un défense
proprement européenne, indépendante ds Etats-Unis et autant nucléaire à terme
que conventionnelle avec la production de toute la panoplie des armes
actuelles… Il sortit de la nouvelle entente franco-allemande une réussite
industrielle commune : Airbus, et le partenariat principal aurtour duquel
s’est construite l’Europe spatiale, mais pas davantage. Avec une persévérance
et une cécité incompréhensibles, la France a refusé – si doit y avoir mariage –
que soit franco-allemand un combinat Areva-Alstom-Siemens, que s’envisagent
pour l’électricité, pour l’automobile et pour la finance de véritables
combinaisons.
Une timidité native et une étroitesse actuelle
empêchent la fusion franco-allemande qui – seule – peut déterminer, faire
naître par la pratique un patriotisme européen. Timidité qui fit oublier dans
le traité de l’Elysée (1963) la formulation d’une priorité dans chacun des deux
pays pour la langue de l’autre, promue première langue étrangère obligatoire.
Cette disposition aurait fait échapper à l’Europe son anglicisation pas
seulement d’idiôme mais d’esprit, celui dont la mondialisation est une des
systématisations. De Gaulle ne faisait pas cas de la francophonie et sa caution
(gaspillée) pour l’indépendance du Canada français, au moins de la Belle
province (celle du Québec), ne portait pas sur la communauté de langue, ce qui
existe, mais sur la mémoire et le projet, les deux dimensions d’une politique
nationale, et l’Allemagne avait le prétexte de l’incompétence fédérale pour
légiférer en la
matière. Etroitesse aujourd’hui des vues sociales et
militaires : réinventer un service national avec un temps de préparation à
toute défense, un temps de travaux d’utilité générale et un temps de
coopération hors d’Europe, principalement au sud du Sahara, peut se faire à deux
puis à plusieurs Etats européens, chacun de ces temps, pour filles et garçons,
peut se vivre en
brassage et mélange des nationalités et des origines nationales. Parler, comprendre
la langue de l’autre, vivre et prévoir de se défendre ensemble tout en
contribuant immédiatement au développement d’autres populations prépare mieux
les jeunes européens à la patrie commune que la course individuelle aux
diplômes labellisés par l’Amérique.
Impasses, dédain ou refus de ce qui peut rendre
commune la ressource humaine devaient immanquablement banaliser les ententes
gouvernementales, sevrées d’élan, d’imagination, d’enthousiasme. Celles-ci sont
aujourd’hui presque stériles.
à suivre
sera abouti ce dimanche soir
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