mardi 9 septembre 2014

lettre aux trois anciens Premiers ministres en charge de l'U.M.P.

à Monsieur Alain Juppé, ancien Premier ministre, maire de Bordeaux à Monsieur Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre, sénateur à Monsieur François Fillon, ancien Premier ministre, député à l’Assemblée nationale Reniac, le mardi 9 Septembre 2014 vous êtes en charge pour quelques semaines encore de l’U.M.P. et donc du dispositif de l’ancienne majorité dont les origines – aujourd’hui si peu perceptibles – remontent à l’adhésion des Français au legs du général de Gaulle. Beaucoup de notre avenir dépend de vous car l’élection présidentielle, anticipée ou pas, ne peut plus être un tirage au sort à quelques voix près d’orientations dites pour plaire ou concilier, et les échéances parlementaires n’ont de sens que si elles posent au fond la question de notre redressement encore plus moral et politique qu’économique. Vous le savez chacun, j’ai tenté depuis 1969 et mon sortir de l’adolescence de trouver les voies et moyens, les personnalités capables de continuer de Gaulle. Il y en avait, il y a eu aussi des circonstances, mais presque tout a été émollient. Avec chacun de vous, à qui j’écris maintenant dans les mêmes termes, j’ai tenté d’obtenir une relation opérationnelle pour ce redressement aux époques de votre gouvernement. Deux rencontres avec vous, cher Alain Juppé, rue de Tilsitt en ouverture de la campagne de 1981 pour Jacques Chirac, puis au quai d’Orsay comme ambassadeur ouvrant notre relation avec le Kazakhstan. Un débat sur France Culture en 1976, cher Jean-Pierre Raffarin, à propos du livre de Valéry Giscard d’Estaing (et du mien donnant à celui-ci la réplique). Des tentatives par lettre de vous rencontrer, cher François Fillon, sans aboutir malgré votre accord de principe, et il y avait eu quelques aparte quand vous avez accompagné (avec Alain Juppé) François Mitterrand à Almaty en 1993. Ce que je veux simplement vous dire, aujourd’hui, c’est que les alternances au « pouvoir » depuis vingt ans n’ont pas produit un réel renouvellement de notre regard sur nous-mêmes et sur le monde, que les comportements et les politiques n’ont plus changé depuis que la crise économique mondiale est devenue manifeste (2008), qu’il y a une triste continuité dans la dilapidation de notre patrimoine industriel (de l’imagerie médicale de Thomson en 1986 aux échafaudages pour Alstom ce printemps dernier) et dans les cessions occultes de tout ce qui était notre acquis technologique, qu’enfin le cadre européen lui-même dominé par des orientations « mondialistes » datant des propositions Kennedy et Dillon en 1961n’a plus été structuré, anticipé, voulu selon nos inspirations pour une indépendance à tous ensemble, les peuples européens. Ne sachant plus nous sauvegarder ni inspirer le mouvement européen, nous nous sommes absorbés dans ce qui devient maintenant des psychoses (Front national « aux portes du pouvoir » et terrorisme réimporté du Proche-Orient par recyclage de certains de nos jeunes nationaux), nous avons défait nos institutions (quinquennat et peur du referendum) qui fonctionnent en vase clos avec communicants et entourages parasites et nous sommes devenus un pays aux élites qui émigrent ou qui sont corrompues. Nous ne sommes plus nous-mêmes et tout est déglingué. Les textes s’accumulent : de moins en moins concertés, l’économie n’est plus que tourisme et assistance à la personne. Les simplismes sur la compétitivité des entreprises tributaire des seules charges sociales ou sur les primaires à l’intérieur des partis gage de transparence et de démocratie en élection, ceux-là et tant d’autres nous bloquent – comme si en France nous n’avions plus aucune agilité et qu’il soit impossible qu’émergent de véritables autorités morales, de grandes personnalités. Il y a à inventer mais certainement pas entre quelques-uns et par dosage. Notre ancien régime avait su ouvrir les cahiers de doléances. Le bon sens n’est plus écouté, nos références et nos goûts sont méprisés selon des modes ou des évolutions souvent malheureuses. Les solutions me paraissent simples. Je les énonce sans les développer. Je les ai ressassées par lettre ou courriel à l’Elysée depuis 2007. Reprise de nous-mêmes par réinstauration de la planification souple dite à la française : périodicité correspondant à une législature quinquennale mais décalée pour une préparation et une ratification à l’occasion de chaque élection présidentielle. Reprise de nous-mêmes par recours à l’emprunt citoyen sur les personnes physiques à la Pinay et à la de Gaulle, finançant non seulement les « impasses » budgétaires mais des nationalisations temporaires du crédit et de toute grande entreprise mise en difficulté par des erreurs stratégiques ou par la cupidité de ses dirigeants. Remboursement à terme mais possibilité que ce soit en actions de ces entreprises rendues au marché. Moratoire des dettes souveraines concerté entre les grands Etats débiteurs et renvoyant donc spéculation et marchés à de l’investissement dans l’économie ou l’humanitaire. Démocratie française avec recours au referendum, pratique réelle de l’initiative populaire, pas de retour d’un ministre démissionnaire à son siège parlementaire sans repasser devant les électeurs, quorum de participation pour tout scrutin dans la sphère publique dans quelque instance que ce soit, referendum compris, à peine de nullité, comptabilisation des votes blancs… cet ensemble permettant de revenir à une durée plus longue et plus constructive du mandat présidentiel. Démocratie européenne par élection du président de l’Union au suffrage universel direct de tous les citoyens de celle-ci et prérogative du referendum européen pour ce président dans les matières données à l’Union selon un nouveau traité ou une loi fondamentale européenne prévoyant aussi sécessions et réintégration. Civisme national et européen pour un esprit de défense et une préparation militaire requise par les temps dangereux que nous vivons, et pour une contribution au développement sur place de pays et peuples moins équipés que nous et souffrant de dictatures politiques : service national universel obligatoire pour garçons et filles avec composante militaire puis coopération et dépaysement outre-mer ou dans nos départements, mixage avec les autres peuples européens ré adoptant un tel service. Penser à nouveau notre politique étrangère, restructurer ce que nous devons donner et transmettre entre nous de génération en génération, savoir ce que peut être notre métissage et ce que doit être notre accueil du demandeur d’asile et de patrie, découlera facilement, comme en 1958 comme aussi après un désastre tel que 1870-1871, de cette résurrection morale et de ces remises sur pied. Sans improvisation ni saccades. Les financements pérennes aussi. Il nous manque un cadre et il nous manque une morale. Voilà, en très gros, ce que je crois nécessaire et possible. Continuer ce qui a été tenté par à-coups depuis 2008 puis proclamé depuis 2012 ne donne aucun résultat et n’est d’ailleurs pas praticable, c’est le tonneau des Danaïdes que de rembourser les marchés, la spéculation par l‘impôt, la liberté de nous évaluer ou mésestimer par la contrainte de nos concitoyens. L’urgence est une indépendance mentale et stratégique des peuples européens. Le signal ne peut venir que de nous, vous le savez et c’est sans doute le meilleur de chacun de vous que d’y avoir travaillé en votre temps de gouvernement même si c’était mezzo voce, les présidents que nous avions alors étant ce qu’ils étaient : médiocres et sans vraiment l’inspiration gaullienne. Vider les écuries d’Augias à l’U.M.P. et dans l’ensemble français, certes. Faire fonctionner nos procédures électives, certes. Mais adopter résolument et très vite un programme et ses outils, comme nous avons su le faire à la Libération et en 1958, c’est l’urgence et c’est je crois votre mission, à tous trois ensemble. Le mode opératoire ne peut être – après la faillite en intelligence et en ressources humaines de ces alternances au pouvoir depuis 1981-1986 qui nous ont chacune enfoncés, surtout depuis 1993 – que le consensus. L’occasion n’en fut pas saisie en 2002, elle se représente maintenant, ces jours-ci, sans attendre 2017 qui peut avoir lieu tout autrement qu’en termes classiques. Comme depuis longtemps, je suis évidemment à votre disposition pour vous rencontrer chacun ou tous les trois ensemble, afin de parler de cela et connaître vos propres projets et analyses. Même tard dans nos vies à chacun, nos parcours et nos expériences ont du sens et doivent servir. A vos niveaux comme au mien, l’ambition n’a plus, elle, de sens, mais souffrir de l’abaissement de notre pays, de la désespérance de tant de nos concitoyens encore silencieuse et résignée, pour combien de temps, est notre commun aiguillon. Nous ne sommes pas seuls quels que soient les marquages politiques ou pas : ceux-ci n’ont plus de relation avec la réalité ni avec les enjeux.

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