http://www.m-pep.org/spip.php?article3913
UNE FAILLITE DE LA GAUCHE DONT LES SOURCES REMONTENT LOIN DANS L’HISTOIRE
par le Mouvement politique
d’émancipation populaire (M’PEP)
14 février 2015.
Pour admettre cette réalité,
nous ne pouvons pas faire l’économie d’un retour en arrière pour comprendre ce
qu’est la gauche, non pas comme nous la rêvons ou comme nous la voudrions, mais
telle qu’elle fut et telle qu’elle est vraiment aujourd’hui, et le mécanisme
idéologique et politique qui a produit ce grand retournement. La principale
raison qui nous empêche d’y voir clair là-dessus, c’est que les mentalités
collectives (donc la nôtre !), ont gardé une image de la gauche identifiée
au visage qu’elle présenta publiquement lors de rares moments historiques très
spécifiques. La gauche a été assimilée au rassemblement des forces politiques –
d’abord PCF et PS - qui luttaient contre les injustices et les désordres causés
par le capitalisme, et qui a amélioré le sort des classes dominées quand elle
gouvernait. Pendant ces rares périodes unitaires, qu’on le regrette ou que l’on
s’en félicite, c’était le PCF qui donnait le « la » à cette
gauche, et au-delà c’était surtout le mouvement populaire. Soit la gauche
soutenait le PCF de manière plus ou moins critique, soit elle le concurrençait,
mais sur des bases partageant un fonds commun. Si tel n’avait pas été le cas,
la gauche prenait le risque de se priver du soutien des classes populaires qui,
elles, se retrouvaient majoritairement sur les fondamentaux défendus par le
PCF, quand bien même elles n’étaient pas encartées. Quels étaient ces
fondamentaux, ce fonds commun partagé alors par la quasi-totalité des partis de
gauche ? Si on veut n’en retenir que l’essentiel, c’était la lutte contre
le capitalisme, en adoptant pour ce faire une voie nationale, celle de la conquête
politique des leviers étatiques pour les mettre au service des classes
populaires et de l’intérêt général au nom de la lutte pour l’égalité sociale.
Croire que la gauche
correspond intrinsèquement à cette identification avec l’objectif de mettre
l’Etat au service des intérêts structurels des classes dominées ne permet pas
de comprendre ce que sont les deux composantes de la gauche que l’on nomme la
social-démocratie et celle que l’on nomme le communisme. La social-démocratie
sert à produire l’idéologie « progressiste » la plus en phase avec
les évolutions nécessaires au capitalisme. Quant au PCF, ses dirigeants l’ont
transformé depuis le milieu des années 90 en satellite du PS, à l’instar de
plusieurs partis communistes des anciens pays de l’Est.
Il est trop tard pour tenter
de donner un contenu de classe susceptible de créer le rebond salutaire à une
notion de « gauche » désormais obsolète. Pour faire naître une
nouvelle dynamique politique, il est nécessaire d’acter la déliquescence de la
notion de « gauche » et de la pertinence du clivage
gauche-droite chez la majorité des citoyens. Le repère à mettre en avant, le
véritable clivage doit être désormais celui de la défense des intérêts des
classes dominées, la défense du peuple. Seul le clivage autour de cette question
est pertinent.
Pour comprendre la
déliquescence contemporaine de beaucoup de forces politiques qui se rangent à
gauche, une plongée dans l’histoire est nécessaire. On y apprendra que
l’expression « la gauche » n’a eu vraiment de sens qu’à quatre périodes
très courtes de l’histoire de France. Le reste du temps, la division a régné,
une partie de la gauche – la social-démocratie – s’alliant à la droite, tandis
que l’autre, la gauche communiste, s’alliait sans nuances au régime dictatorial
de l’URSS. Cette faillite des appareils politiques de la gauche semble bien
définitive, elle en est à son stade terminal car elle persiste à refuser de
remettre en cause ses tabous.
La « gauche » rêvée n’aura existé que quelques années, à quatre moments de l’histoire de France
La gauche rêvée n’aura existé
que moins de treize ans sur près de deux siècles, à quatre reprises dans
l’histoire. Il est donc impossible de parler de « la gauche » en
général, car les moments dans l’histoire où les partis et forces qui s’en
réclament étaient rassemblés et ont gouverné ne sont que l’exception. Ces
quatre moments sont les suivants :
· La
lutte contre les ligues fascistes et pour le Front populaire, de la
manifestation unitaire du 14 juillet 1935 au 13 février 1937 lorsque Léon Blum
déclare la « pause ». Le PCF soutient le gouvernement mais
n’en fait pas partie. Ce sont les grèves et manifestations de 1936, après
l’élection, qui permettent d’obtenir d’importants acquis sociaux.
· La
lutte victorieuse contre l’occupant nazi de la première réunion du Conseil
national de la Résistance le 27 mai 1943 jusqu’au 5 mai 1947, date de la
révocation des ministres communistes par Paul Ramadier, président du Conseil
socialiste. Le gouvernement va de la droite aux communistes, en passant par les
gaullistes et les socialistes. Il s’appuie sur une immense mobilisation
populaire.
· L’union
de la gauche autour du « Programme commun de gouvernement de la
gauche » entre sa signature le 27 juin 1972 et la rupture du 15
septembre 1977. Cette période est différente des trois autres, car la gauche
n’est pas au gouvernement.
· La
participation du PCF à la majorité présidentielle et au gouvernement avec le PS
entre le 10 mai 1981 jusqu’au départ des ministres communistes du gouvernement
Fabius le 19 juillet 1984. Les mobilisations populaires sont faibles, freinées
par les directions du PCF et de la CGT.
On n’osera pas, ici, ajouter
deux autres périodes qui, pourtant, pourraient correspondre à une forme
d’alliance du PCF et du PS. La première est celle de la « gauche
plurielle », de 1997 à 2002, lorsque des ministres communistes ont
participé à un gouvernement socialiste qui a mené une politique parfaitement
compatible avec les intérêts des classes dominantes. La seconde période est
celle ouverte par l’élection de François Hollande à la présidence de la
République, en 2012, avec la participation du PCF à la majorité présidentielle
(mais pas gouvernementale).
Au XIXe siècle, la gauche
institutionnelle (celle des parlementaires) défend la République, mais pas les
ouvriers. Des parlementaires « bourgeois », ayant conservé
l’habitude de se rassembler à la gauche de l’Assemblée, vont logiquement
défendre la Révolution de 1789 et la République, tout en s’opposant au
mouvement ouvrier en plein essor et à ceux qui veulent instaurer une véritable
démocratie. Ils profitent d’être désormais les nouveaux maîtres de l’Etat afin
de développer le capitalisme. La République bourgeoise, c’est la souveraineté
parlementaire en lieu et place de la souveraineté populaire. Le parlement est
entièrement sous leur contrôle, le peuple leur caution théorique et leur ennemi
pratique. On le voit tragiquement en 1848 lorsque les ouvriers réclament le « droit
au travail » et la République sociale. C’est l’armée républicaine
qu’ils trouvent en face d’eux. Même chose pendant la Commune de Paris en 1871,
lorsque le mouvement ouvrier s’opposa à la gauche républicaine et fut massacré
par elle. La gauche, ainsi, va s’opposer très violemment au mouvement ouvrier.
C’est la répression de Cavaignac en 1848, avant celle de Thiers en 1871, deux
hommes de gauche au sens de cette partie du XIXe siècle... C’est pourquoi le
mouvement ouvrier naissant était hostile à cette gauche de républicains-bourgeois.
D’ailleurs, dans les textes de Karl Marx et Friedrich Engels, le terme de « gauche »
n’apparait pas. Le Mouvement ouvrier n’a commencé à exister qu’en s’affirmant
en dehors du système gauche-droite interne aux classes dominantes. Dans des
conditions différentes, nous en sommes revenus au même point aujourd’hui.
Nous retrouvons d’ailleurs, au
début du XXIe siècle, les fondements de la gauche du XIXe siècle lorsqu’elle
rassemblait les idéologies politiques les plus en phase avec le capitalisme
redevenu triomphant, ses besoins de développement et les nouvelles bases de sa
reproduction matérielle. Au XIXe siècle, le capitalisme avait besoin de briser
non seulement l’Etat absolutiste et théologico-nobiliaire, sa structure sociale
et ses rigidités, mais aussi l’autonomie des petits producteurs, des
corporations, des traditions locales et populaires, des solidarités collectives
traditionnelles et familiales afin de marchandiser le travail et
d’industrialiser la production, de développer la colonisation. La gauche
d’alors (l’équivalent du PS aujourd’hui) lui proposait d’enchanter cette marche
en avant avec les concepts de « progrès », de « science »,
de « raison », et de « République », avec
ainsi la caution de la légitimité populaire. Le capitalisme avait alors bien
plus besoin de ces « valeurs » que du conservatisme moral et
politique de la droite. Tous les capitalistes bourgeois les plus conséquents se
retrouvaient dans l’idéologie de la gauche parlementaire, de la gauche donc
tout court, car le mouvement ouvrier ne se situait pas à gauche. Tandis que
tous ceux qui étaient pour lutter structurellement contre le capitalisme, pour
établir une véritable démocratie, et donc pour établir dans les faits le
pouvoir du peuple souverain, notamment les socialistes et les syndicalistes,
étaient alors les ennemis de la gauche.
Les appellations de « gauche »
et de « droite » s’imposeront au début du XXe siècle avec
l’Affaire Dreyfus, le « Bloc des gauches » et le « Cartel
des gauches ». En 1924, avec le « Cartel des gauches », le
rôle de repère politique de ces deux expressions « gauche » et
« droite » est définitivement adopté. Le Cartel des gauches se
constitue à la fin de l’année 1923 contre le Bloc national. La scission
intervenue en 1920 à l’issue du Congrès de Tours de la Section française de
l’Internationale ouvrière (SFIO), qui voit la création de la SFIC (Section
française de l’Internationale communiste qui deviendra plus tard le Parti
communiste français), permet à la SFIO, devenue minoritaire, de se tourner vers
une nouvelle alliance avec les radicaux. Les premiers députés communistes qui
sont élus en 1924 siègent dans l’opposition, ils ne font pas partie du Cartel
des gauches. Le PCF renvoie dos à dos la gauche et la droite. Il les assimile à
« deux fractions de la bourgeoisie », il dénoncera le « bloc
des bourgeois arrivistes » qui, sous l’étiquette de « gauche »,
dispute les places au « bloc des bourgeois repus ». Il
affirmera : « capitalistes de droite et capitalistes de gauche se
valent » ; « la gauche n’est qu’un autre visage de la
droite, sous deux faces différentes, la tête reste la même ». Il
obtient 9,82% des voix et 26 sièges. Les socialistes de la SFIO ne participent
pas au gouvernement de peur de se faire taxer de trahison sociale par les
communistes qui voyaient dans cette alliance une collaboration avec un régime « bourgeois ».
Il existe bien une gauche
pendant toute cette période, mais sa géographie est très différente de celle
d’aujourd’hui. A l’époque, les radicaux en sont la force propulsive, alors que
les communistes n’en font pas partie. Après la Seconde Guerre mondiale, les
radicaux intègreront progressivement la droite, alors que les communistes
intégreront la gauche pour en devenir la force propulsive avant d’être
satellisés par le PS.
En 1982, début de la mise en œuvre du néolibéralisme par le PS
Après l’élection de François
Mitterrand à la présidence de la République, le 10 mai 1981, une politique
favorable au monde du travail, bien que modeste, est mise en œuvre :
nationalisations, hausse du pouvoir d’achat, 5e semaine de congés payés… Mais
dès 1982-1983, à l’occasion de la deuxième puis de la troisième dévaluation, le
« virage libéral de la gauche » est engagé par la direction du
Parti socialiste. Depuis cette époque, la vie politique française reste
enfermée dans ce schéma intellectuel. Après la révolution néolibérale en cours
aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, le PS adapte la société française à ce
nouveau stade du capitalisme : celui de la mondialisation néolibérale. Le
PS va donc rétablir le taux de profit des grandes entreprises, les réhabiliter
ainsi que les « capitaines d’industrie », valoriser la France « qui
gagne » (de l’argent), neutraliser les syndicats, marginaliser le PCF…
Deux types de politiques néolibérales sont alors proposés : celui de la
droite classique, obtus, conservateur, frileux sur les questions de société,
réactionnaire ; et celui de la gauche « moderne » – le
Parti socialiste – ouvert, moderniste, progressiste, sociétal… Et surtout plus
efficace pour concevoir et mettre en place sans résistances ce néolibéralisme
changeant radicalement le mode d’accumulation capitaliste. La gauche moderne
incarnée par le PS va mettre toutes les institutions au service exclusif des
classes dominantes en supprimant sans bruit, un par un, tous les processus
démocratiques institutionnels. C’est même le caractère politique des pays
européens qui sera anéanti par le biais de la mal nommée « construction
européenne ».
De 1997 à 2002, la « Majorité
plurielle » (ou « Gauche plurielle ») rassemble au
gouvernement le Parti socialiste (PS), le Parti radical de gauche (PRG), le
Mouvement des citoyens (MDC), les Verts et le Parti communiste français (PCF).
Le Premier ministre est Lionel Jospin, le président de la République est
Jacques Chirac. Jean-Luc Mélenchon est ministre de l’Enseignement professionnel
de 2000 à 2002. Cette cohabitation s’est mise en place en quelques semaines
après la dissolution de l’Assemblée nationale décidée par Jacques Chirac. Cette
situation est la suite des puissantes grèves et manifestations de décembre 1995
pour la défense des retraites sous le gouvernement Juppé. On peut lire dans la
déclaration faite par la gauche plurielle pour sceller son accord : « la
droite les brade [les services publics]. Elle privatise et dérèglemente […]
Ainsi par exemple, pour France Télécom, Thomson, Air France, nous proposons
l’arrêt des processus de privatisation. » Le gouvernement fera le
contraire. Le PCF approuvera et accélèrera son déclin.
Au tout début de la
législature, et contrairement aux engagements solennels de Jospin lors de la
campagne électorale, le gouvernement signe le traité d’Amsterdam sans le
renégocier (suite du traité de Maastricht et préparation au traité
constitutionnel européen), avec l’accord de la direction du PCF impliquant 100
milliards de francs de coupes dans les budgets publics, l’accélération des
privatisations, de la déréglementation et de la flexibilité. A partir de cette
date la majorité des députés du PCF va critiquer le budget mais le votera.
L’augmentation de la CSG va susciter de nombreuses critiques, tout comme le
maintien du plan Juppé de casse de la Sécurité sociale par le vote du 4
novembre 1997 grâce à l’abstention des députés PCF. En 2002, le passage à
l’Euro est avalisé par la direction du PCF en contradiction avec son vote
négatif lors du référendum sur le traité de Maastricht.
Au total, les réalisations du
gouvernement Jospin ont été un mélange de petites mesures sociales, économiques
et démocratiques ambiguës, d’accompagnement du néolibéralisme mis en place par
le PS dans les années 80, et de contre-réformes confortant et approfondissant
ce virage, directement empruntées au « consensus de Washington ».
Le cas le plus accablant est celui des privatisations, opérées avec l’aval de
la direction du PCF. Lionel Jospin, en effet, a mis en œuvre un programme de
privatisation - ou d’ « ouverture du capital » et de « respiration
du secteur public », pour reprendre le vocabulaire voilé des ministres
- nettement plus important en valeur que celui des gouvernements de Balladur et
de Juppé réunis. Il a ainsi achevé de démanteler ce qui restait du secteur
public élargi sous Mitterrand et Mauroy en 1982.
Ce gouvernement de gauche, à
la suite de ses équivalents des années 1980, aura été la meilleure formule pour
permettre la plus grande adaptation du capitalisme depuis un siècle. La
participation communiste au gouvernement a freiné la résistance et les luttes
populaires. Le PCF a payé le prix fort de ces trahisons lors des élections qui
ont suivi. Aux municipales de 2001 le PCF a perdu la direction de 30% des
villes de plus de 15.000 habitants qu’il dirigeait. A la présidentielle de
2002, le candidat communiste Robert Hue ne réalisait que 3,37% des voix.
Jean-Marie Le Pen, candidat du Front national, avec 16,86% passait devant
Lionel Jospin qui n’obtenait que 16,18% des voix et se trouvait éliminé du
second tour. A la présidentielle de 2007, la candidate communiste Marie-George
Buffet ne réalisait que 1,93% des voix…
Le flou et les ambiguïtés du
contenu de la notion de « gauche » et de son périmètre
expliquent sans aucun doute la faillite politique des partis qui s’en réclament
aujourd’hui. Le PS n’a plus de « socialiste » que le nom, pour
mieux tromper les électeurs. C’est pourquoi, d’ailleurs, il ne veut pas changer
de nom. C’est un appareil qui n’a rien à envier à celui de la droite, il
méprise le peuple et la nation ; c’est un appareil de notables et
d’arrivistes, de professionnels de la politique, uniquement intéressés par leur
carrière. Le PS s’est coulé dans la constitution présidentialiste de la Ve
République, aggravant même ses logiques les plus négatives en inversant le
calendrier électoral qui fixe la date de la présidentielle avant celle des
législatives (Jospin en 2002). Seule la « gauche » à la mode
du PS pouvait mettre en œuvre les « réformes » demandées par
le néolibéralisme. De son côté, le PCF n’a plus lui aussi de « communiste »
que le nom. Il a abandonné la défense des intérêts des classes dominées, ce qui
faisait sa force. Plus que jamais un statut de l’élu est nécessaire pour « déprofessionnaliser »
la politique : permettre à tous les citoyens d’exercer un mandat sans être
pénalisés lors de leur retour à l’emploi et limiter ainsi le nombre de mandats.
La crise de l’euro et
l’élection de François Hollande à la présidence de la République en 2012,
correspondent à la fin d’un certain modèle de la social-démocratie. Partout en
Europe la social-démocratie est à la manœuvre, à côté des forces les plus
réactionnaires, pour imposer les sacrifices les plus inhumains aux peuples.
C’est particulièrement le cas en Grèce, en Espagne, au Portugal, et aussi en
France. Les socialistes considèrent le capitalisme mondialisé indépassable. Dès
lors, pour eux, toute volonté de rupture avec ce capitalisme ne pourra que
conduire au goulag. Pourtant, si les enjeux sont internationaux, les outils
sont nationaux. Le PS n’est même plus le parti réformiste des Trente glorieuses
qui voulait aménager le capitalisme. Il est devenu le meilleur instrument des
classes dominantes. La social-démocratie, encore bien plus que la droite, est
frappée d’un européisme fanatique. Elle joue un rôle moteur dans la
désintégration du modèle social issu de la Résistance. C’est la conversion
intégrale du PS à l’économie de marché.
La difficulté est de faire
comprendre que le PS n’a pas « trahi » les espérances du
peuple et qu’il serait ainsi une « fausse gauche ». Cette
analyse est erronée. Le PS n’a pas trahi le peuple, car il n’a jamais eu
l’objectif de répondre à ses besoins. Le PS a au contraire choisi d’adapter la
société au capitalisme contemporain, libre-échangiste, financiarisé,
européiste, sous domination états-unienne. Il se situe dans la tradition de la
gauche républicaine-bourgeoise du XIXe siècle. Là se trouve toute l’erreur du
Front « de gauche » qui veut apparaître comme la « vraie
gauche ». Les dirigeants du PS et ceux qui les soutiennent ne sont
plus simplement des « faux-frères » qui reviendront un jour
dans le droit chemin. Ce sont des adversaires, plus encore, ce sont des ennemis
de classe. Il faut rompre avec ce « socialisme » en peau de
lapin, c’est ce que se refuse à faire le Front de gauche. Les forces qui se
réclament de la social-démocratie sont désormais totalement intégrées au
système des classes dominantes : dans les médias, les grandes entreprises,
les Think-tanks, l’appareil d’Etat, certains syndicats affiliés à la
Confédération européenne des syndicats (CES)…
Les catégories avec lesquelles
nous avons appris à penser la politique doivent donc être revues de fond en
comble, le clivage gauche-droite ne recoupe plus depuis des décennies une
division de classes, il la masque. C’est à cet immense effort qu’invite le
M’PEP. Les termes gauche-droite sont désormais des catégories inutilisables,
démonétisées, hélas pour de très solides raisons. Il faut trouver un nouveau
langage commun qui soit compris par tous, de l’ouvrier au petit patron.
Le Parti socialiste, parti du néolibéralisme, instrument le plus efficace au service des classes dominantes
Dix-sept années d’exercice du
pouvoir par le PS depuis 1981, permettent désormais de dresser le bilan du
principal parti de gouvernement à gauche. Ce bilan est parfaitement accablant.
Il va encore en s’aggravant. Voter pour le PS ou s’allier avec lui, c’est voter
ou s’allier avec le parti principal des classes dominantes. C’est maintenir la
clé de voute du blocage démocratique que nous subissons depuis le virage
néolibéral entamé par le PS dès 1982.
L’évolution du PS comme un
parti ouvertement néolibéral, n’essayant même plus de se donner des airs ne
serait-ce que vaguement socialistes, ni de faire semblant de vouloir défendre
les classes populaires, devra pourtant attendre François Hollande. Il profitera
de la défection de son charismatique concurrent Dominique Strauss-Kahn, qui
avait la faveur des classes dominantes et de leurs médias (presque tous). De
2012 à 2015, le gouvernement socialiste, majoritaire dans les deux chambres, ne
tente même pas de donner le change.
Trente longues années de
politique néolibérale instaurée par les « socialistes » depuis le
début des années 1980 nous permettent donc de faire le bilan du PS. Ceux qui se
cantonnent dans l’idéologie, se perdent dans la question cornélienne de savoir
si le PS est à gauche ou pas, butant sur l’impossible définition de la gauche,
ou de la « vraie gauche ». C’est une question dont on a tout
intérêt à se dispenser. Non pas que le clivage opposant les classes dominantes
aux classes dominées ait le moins du monde disparu, puisqu’au contraire il
s’avive d’année en année. Mais il est très mal représenté par le très flou
clivage gauche-droite d’aujourd’hui. Non seulement rien d’essentiel ne sépare
l’UMP du PS, mais même une bonne partie de la gauche non socialiste, y compris
ceux qui se disent anticapitalistes, se refusent de revenir sur les principales
mesures socialistes. Ce sont celles de la mondialisation commerciale, sociale,
monétaire, bancaire, financière et surtout institutionnelle, celle qui
verrouille politiquement toutes les autres et donc la plus stratégique. Les
principaux piliers du capitalisme néolibéral ne sont même pas les cibles de
ceux qui sont supposés être à l’extrême gauche. Ils refusent le protectionnisme
national, y compris sous sa forme coopérative et internationaliste, seule
alternative démocratique au libre-échange généralisé. Ils refusent aussi
l’annulation de la dette publique et la suppression des marchés financiers.
Plus encore, ils rejettent la sortie des institutions cardinales du
néolibéralisme en Europe : la sortie de l’euro et de l’Union européenne.
Dès lors, que peut bien signifier le concept de « gauche »
aujourd’hui pour les classes populaires ? Rien.
Non seulement le PS et ses
satellites inféodés, tout comme l’UMP, est au service exclusif des classes
dominantes, mais il en est même, contrairement aux autres, la pièce maîtresse,
le parti organique, le plus important, le plus stratégique. C’était le seul à
pouvoir imposer sans beaucoup de résistances collectives, politiques et
syndicales, le gigantesque train de mesures nécessaires pour passer de
l’économie mixte fordiste adossée à la souveraineté nationale et populaire et
ses processus démocratiques imparfaits mais toujours mobilisables, à l’ordre
antidémocratique supranational du capitalisme néolibéral actuel.
Le parti principal des classes
dominantes, c’est donc le PS. Ce fait massif et désormais indéniable est
beaucoup plus important que de se demander s’il est encore à gauche ou s’il est
à droite. Le bipartisme que nous connaissons désormais depuis trop longtemps a
bien réparti les rôles, qui sont complémentaires. L’ensemble est là pour
masquer le phénomène principal : plus aucune force politique organisée
possédant une visibilité publique n’est là pour défendre les intérêts
structurels des classes dominées. Personne ne suscite une dynamique de
reconquête des processus démocratiques en restaurant la souveraineté nationale
et populaire. Personne ne vise à détruire les piliers du capitalisme néolibéral
érigés par le parti organique des classes dominantes, le PS, flanqué de ses
alliés.
Finalement, la doctrine
implicite du Parti socialiste revient à dire que toute volonté de rompre avec
le capitalisme ne peut conduire qu’au « goulag ». Car il faut, en
effet, pour rompre avec le capitalisme, mobiliser le peuple, se servir de
l’Etat et agir à l’échelle nationale. Autant de dérives « populistes »,
« étatistes », « souverainistes » et
« nationalistes »… L’arrivée de François Hollande à la tête de
l’Etat va bien plus loin que le « tournant de la rigueur » de
1982-1983, où il ne s’agissait « que » d’une reddition
idéologique. En 2012, avec les socialistes au pouvoir, il s’agit d’une
collaboration totale et délibérée avec le grand capital. Il ne s’agit plus d’un
compromis, mais d’une alliance structurelle. Qu’est-ce que le « socialisme
de l’offre », si ce n’est le service du capital, car l’ « offre »,
en économie, signifie le côté du capital.
Plus aucune voix issue des classes dominées ou de quiconque attaché aux principes démocratiques ne doit aller à ce parti ou à ses alliés
Les classes dominantes doivent
être combattues frontalement et non plus légitimées et renforcées
électoralement. Leur parti le plus efficace est le PS. Il doit disparaître du
paysage politique, qu’il a déshonoré plus qu’aucun autre. Ceux qui craignent en
sanctionnant le PS et EELV de faciliter ainsi la montée du FN ne comprennent
pas la logique expliquant la montée du parti d’extrême droite. C’est le blocage
politique organisé par le bipartisme, et l’absence de tout autre parti visible
proposant une rupture avec ce qu’a construit le PS, qui crée structurellement
un effet de niche pour le FN. Le PS a construit un monde où l’autonomie du
politique a disparu, condition indispensable pour que les classes dominées
puissent peser sur les normes collectives (la loi…). Un parti réellement du
côté des classes dominées et qui prendrait de l’ampleur ferait disparaître ce
blocage actuel et diminuerait d’autant les votes FN. Le principe des vases
communiquant s’appliquerait, à condition que ce parti annonce sans aucune
ambiguïté qu’il se propose de démondialiser, de restaurer la souveraineté
nationale pleine et entière en sortant de l’euro et de l’UE, de l’OTAN, de
l’OMC, de la Banque mondiale et du FMI, qu’il annonce l’annulation de la dette
publique et la restauration d’un circuit public du crédit et de la création
monétaire, un protectionnisme coopératif, la réindustrialisation et le
refinancement massif de la fonction publique et de la Sécurité sociale. Le
« vote utile » est ainsi certainement, après les autres
manœuvres du PS, ce qui a le plus contribué au maintien à un haut niveau du FN.
Croire éviter la montée du FN en votant PS (ou EELV), ou UMP au second tour,
est donc le plus sûr moyen de faire prospérer son effet de niche éternellement
et de laisser pourrir la situation.
Seules des forces politiques
comme le M’PEP, s’il se développe, pourront débloquer réellement une situation
particulièrement malsaine et qu’il faut au plus vite redresser radicalement. En
attendant, personne ne doit, au premier comme au second tour, donner sa voix au
principal responsable, le PS (et EELV), ni à la droite. EELV regroupe de toute
façon des politiciens opportunistes, écologistes d’opérette, et les idéologues
les plus forcenés justifiant comme personne les institutions antidémocratiques
européennes. Ceux qui ne voient rien à redire au fait que les choix de
production et d’échanges soient confiés exclusivement au marché, ce qui est le
cœur du néolibéralisme et des traités européens, ne sauraient avoir la moindre
ambition écologique. Ils ne sont capables que de proposer des mesures
parfaitement anecdotiques et cosmétiques, qui ne remettent jamais en cause les
intérêts du capital.
Parmi les questions politiques
les plus urgentes se trouve donc l’adhésion au M’PEP. Pour ceux qui partagent
ses idées, c’est le moment ! Le M’PEP est le parti du peuple !
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