samedi 28 février 2015

courriel à l'Elysée - extrader ? ou pas Mukhtar Abliazov, kazakh réfugié politique en France




Cher ami, Monsieur le Secrétaire général,

extrader l'ancien banquier quoi qu'il ait fait ou pas fait - car le vrai motif est la crainte du rival politique - serait consolider grandement un pouvoir qui ne se maintient plus que par plébiscite, pouvoir qui est le contrefort dont Poutine ne peut se passer.

Permettez-moi de l'argumenter.

L'an dernier, je vous avais saisi, dans le silence et l'inaction du Quai d'Orsay, et nommément d'Alexandre Ziegler, du péril de mort où se trouvait un de nos compatriotes, importantes et souvent décisive introduction et relations pour nos marchés stratégiques en Asie centrale.Qualité de ce compatriote que mon attaché de défense, dans ma période d'ambassadeur au Kazakhstan, et moi, avions particulièrement expérimentée. Pour éviter que la Russie ne l'extrade vers l'Ouzbékistan, il nous a fallu une débrouille particulière et hors norme. Notre Etat déméritait.

Aujourd'hui est pendant le sort d'un "oligarque" kazakh dont la banque - à l'instar de ce que produit le régime Poutine - a été nationalisée. Décision de Cassation le 4 Mars. Je ne connais pas ce personnage mais je peux témoigner de la nature et du caractère de Nursultan Nazarbaev. Je l'ai fait déjà dans la perspective du voyage présidentiel en Décembre dernier, à Astana. Sans qu'il m'en ait été accusé réception.

C'est une répression sanglante (si l'on peut écrire car les massacres furent perpétrés à coups de gourdin et en fossés de routes)
de manifestations étudiantes contre l'installation d'un secrétaire général du PC local, imposé du dehors et non kazakh, qui a confirmé - en Décembre 1986 - Nursultan Nazarbaev au pouvoir. Il venait d'y arriver et en second, comme chef du gouvernement, alors que le système était encore celui de la prééminence du Parti communiste, qu'il ne dirigeait pas (quoiqu'ayant débuté comme commissaire et cadre politique dans la sidérurgie de Karaganda). Position qui lui fut favorable, puisque le Parti s'écroûla mais que l'Etat et donc le gouvernement, demeurèrent. Il n'avait au-dessus de lui, quand je pris mes fonctions : Juillet 1992, que l'ancien secrétaire général du Parti au Kazakhstan, Kounaev, réelle autorité morale, et qu'un rival en notoriété locale et internationale : Oljas Souleimenov, écrivain cinéaste, dirigeant et fondateur du mouvement pacifiste anti-nucléaire Nevada-Semipalatinsk. Il s'était trouvé comme conseiller un ex-soviétique ukrainien, Moskovitch, venu à la résistance française et ayant été RPF au Conseil de Paris dans les années 1950 où il avait le regard sur la police municipale. Il partit dans les bagages fin de mission de l'ambassadeur soviétique à Paris, Vinogradov, à la fin du premier septennat du général de Gaulle. 30% aurait été son tarif dans les facilitations d'affaires à l'indépendance du Kazakhstan. Il procura à Nazarbaev la propriété discrète d'une villa, mitoyenne de celle de Gérard Longuet, futur ministre de l'Industrie (gouvernement Balladur) : je ne sais s'il la possède encore. Dès le premier été de l'indépendance et de ma mission, se posa la question des relations d'Etat directes ou par intermédiaires financièrement intéressés. Votre homologue là-bas à l'époque, Abikaev, me demanda conseil : le voyage de son président en Allemagne puis chez nous pouvait-il comporter une partie privée (en sus du Crazy Horse, auquel fut préféré, malgré moi, le Lido), c'est-à-dire un dîner d'affaires payé par les Hauts-de-Seine et organisé par Moskovitch pour Charles Pasqua... Je le déconseillai naturellement, le pli pris plus personne ne pourrait s'en défaire. Moskovitch avait accès quand il allait à Paris aux télégrammes de l'ambassade. Il me convoqua pour directement me le faire savoir.

Nazarbaev dépendait alors d'un Parlement qu'il ne contrôlait pas, de votes pouvant démettre ses ministres. Il n'était pas aimé des Kazakhs, c'était et c'est l'homme des Russes, à qui il a donné le gage essentiel de déplacer la capitale de l'extrême sud-est non pas vers l'épicentre national Ksyl Orda, mais vers le nord, au chef-lieu du goulag à Sélinograd-Akmola-Astana aujourd'hui, en zone frontalière "cosaque". Le comportement de la Russie était alors erratique du fait de la "personnalité" d'Eltsine sous emprise de sa famille, de son clan et de l'alcool. Le Kazakhstan se voulait européen, il avait la "masse critique" pour une véritable indépendance et la minorité russe n'était pas forcément à l'écoute de Moscou, elle était "pied-noir" et dans l'organigramme, la minorité allemande, quoique moins importante numériquement, l'équilibrait assez. L'ouverture était possible, sinon à nos moeurs démocratiques et à des institutions que je tâchais de faire connaître, comprendre et propagander sur place, du moins à une évolution vers l'Etat de droit. Le Quai d'Orsay convainquit François Mitterrand que le plus simple restait une novation de l'Union soviétique - un seul et puissant interlocuteur - plutôt que de vraies indépendances. Ce fut manifeste à propos de nos coopérations spatiales en territoire kazakh mais en souveraineté russe de fait. Il est possible que la crainte d'une influence allemande - crainte qui nous fit perdre le contrôle des évolutions indépendantistes yougoslaves - ait milité pour cette reconstitution. Ce n'était pas l'avis ni de Bercy ni de la Banque de France préférant le pluralisme des répondants de la dette soviétique, ni non plus de la rue Saint-Dominique pour le nucléaire (les Etats-Unis, très concrets, rachetaient tout simplement les têtes d'ogive aux ex-Républiques fédérées, non russes.

Nazarbaev comprit alors que nous n'étions pas une alternative et après deux ans d'hésitation (d'Août 1991 à Septembre 1993), revint au rôle personnellement prestigieux d'être la caution de Moscou dans le reste de l'empire autrefois soviétique : la CEI, l'actuelle union douanière lui doivent tout, Poutine sans lui serait seul. Ce n'est qu'alors que commença en douceur l'"éviction de tous les rivaux, d'abord les politiques : la succession des anciens Premiers ministres et anciens présidents du Parlement, réduits au silence, coupés d'élections, ou expédiés en ambassade à l'étranger, ainsi Oljas à l'UNESCO ou Joukeev le chef des services spéciaux à Tokyo, Abikaev cité plus haut à Londres, etc.... La seconde génération des étouffés a été la parenté par mariage. Ce que nous vivons avec Ablyazov a été vécu à Vienne (Autriche) avec son gendre, et ainsi de suite...

Extrader l'ancien banquier quoi qu'il ait fait ou pas fait - car le vrai motif est la crainte du rival politique - serait consolider grandement un pouvoir qui ne se maintient plus que par plébiscite, pouvoir qui est le contrefort dont Poutine ne peut se passer. Le Président en a fait l'expérience, bien malgré lui, à l'issue de ses heures trop brèves à Astana, poussé comme il la été vers Moscou. L'anniversaire-deuil du massacre de Décembre 1986 - soumission à une décision de Moscou et éradication d'une ambiance pré-démocratique - fut choisi pour la déclaration d'independance en 1991. Nazarbaev, sous prétexte d'avoir moins froid pendant les commémorations, fit déplacer la fête nationale en 1993 à l'anniversaire de la seule proclamation d'autonomie interne... décision dans la même séance pour le transfert de la capitale d'Almaty à Akmola, aujourd'hui Astana.

Bien chaleureusement.

extrait de mon journal de ce matin, à la suite d'une lecture de la liturgie catholique : pour la vertu en faire plus que ceux qui n'en ont guère que rituellement
Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n'en font-ils pas autant ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Vous donc, vous serez parfaits, comme votre Père céleste est parfait…

Le discernement qui nous manque à peu près en tout pour ce qui est de nous la France, sauf l’éclair du 11-Janvier. Chapitre de ces jours-ci, les dictatures, les sanguinaires et sans sens ni but que leur propre pérennisation, voire – comble et faiblesse du cynisme – leur légitimation : Bachar El Assad, mis en vedette par nos parlementaires, même s’il est intéressant d’entendre une thèse et de comprendre un jeu de forces, puisqu’à temps on aurait pu le viser personnellement, que nous y étions prêts mais que nos partenaires s’y sont refusés, et nous avons acquiescé (en fait, quoique gémissant ou rappelant notre attitude initiale… présentée maintenant cmme prophétique)…  le sinistre du Soudan et du Darfour… même acabit pour le dictateur du Tchad… mais aussi ces dictatures « soft » d’apparence, sans éphémérides éclatants de violence, l’enlisement de tout un pays, de toute une région dans le non-droit, ma chère Mauritanie dont nous avons cautionné le pustch et l’étranglement de la tentative de démocratie… l’ensemble anciennement soviétique, dont le Kazakhstan. Partout, l’antidote que nous ne présentons pas vraiment, nous la France dont tant de dirigeants sont corrompus, en finances et en verbiage : l’antidote de la transparence, l’antidote de la démocratie. Je dois maintenant en écrire à propos de cet énième procès en extradition d’un des adversaires de Nazarbaev. – Si l’on résume. De 1945 à Maastricht 1992, en gros nous avons essayé de réparer notre mise hors jeu de 1940, nous nous sommes allégés de possessions coloniales qui nous mettaient en contradiction avec notre devise nationale et ne se justifiaient que par un racisme implicite : la supériorité de nos organisations, civilisations et apports divers. Avions-nous le choix en commençant ? nous avons su choisir ou accepter pour finir. Pas mal ! un discernement, la cause et le moyen, l’Europe. Moyens aussi de l’indépendance, nos établissements nucléaires et financiers. Aujourd’hui, perversion du nucléaire, voire de toutes énergies fossiles par souci mal placé d’écologie, perversion du financier puisque c’est devenu le processus de notre dépendance : notre budget est sous contrôle (d’un de nos anciens gouvernants, un des plus pâles à ce poste que nous ayons jamais eus). Et nous ne savons plus bâtir une politique étrangère en fonction d’un objectif qui est aussi un moyen : l’Etat de droit, la démocratie, l’égalité des nations. Nos cécités, nos complaisances, nos tolérances désespèrent et anéantissent les démocrates de Russie, de Chine, d’Ukraine, de Syrie même s’ils sont peu nombreux et toujours menacés d’amalgame avec leur exact contraire : les djihadistes ou les néo-nazis, pour nommer ainsi les démons contemporains. Nous n’avons pas pensé à nouveau notre politique étrangère depuis que celle, tellement réfléchie au contraire depuis 1945 sinon le 18-Juin-40, a finalement abouti. Nous n’avons pas su à partir de l’idéal qui nous constitue en tant que nation et nous projette vers l’avenir, fort de tout notre passé, concevoir une nouvelle politique étrangère, encore plus missionnaire, universelle et cohérente. Vous donc, vous serez parfaits…  




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