vendredi 4 avril 2008

réintégration de la France dans l'OTAN - Sarkozy contre de Gaulle

Source – Elysée.information

INTERVENTION DE M. LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

Sommet de l’OTAN

Bucarest - Jeudi 3 avril 2008


Monsieur le Secrétaire général, chers collègues,

Je voudrais tout d’abord remercier mon ami Trajan Basescu pour son hospitalité. Il sait combien la Roumanie est chère au coeur des Français. La tenue de ce sommet, ici à Bucarest, est un symbole du nouveau visage de notre continent européen, libéré des divisions du passé.

C’est la première fois que j’ai l’honneur de m’exprimer devant le Conseil atlantique. Je sais que les relations de la France avec le Conseil atlantique n’ont pas toujours été apaisées. Beaucoup disaient que la France préconisait pour les autres ce qu’elle n’appliquait pas elle-même. Je voudrais clarifier cela et prendre mes responsabilités. L’effort de défense de la France, ne baissera pas quelles que soient les difficultés budgétaires. Dans le monde d’aujourd’hui, baisser notre effort serait irresponsable.

L’Alliance atlantique, c’est notre alliance : la France est l’un de ses membres fondateurs et l’un de ses principaux contributeurs.

Je voudrais remercier le Président Bush pour ce qu’il a dit. Nous avons besoin de l’OTAN et d’une défense européenne. Nous avons besoin des Etats-Unis et les Etats-Unis ont besoin d’allies forts.

Cela ouvre la porte pour la France à une rénovation forte de ses relations avec l’OTAN. Je ne le dis pas ici avant de le dire chez moi. J’ai affronté les débats chez moi pour venir le dire ici.
Nous avons les mêmes valeurs, nous sommes des amis.

Sur l’Afghanistan, il est essentiel que nous gagnions. Mais il y a un déficit de communication dans tous nos pays. Il n’est pas normal que lorsque l’on se bat contre les talibans et Al Quaida, on perde la bataille de la communication. Il n’y aura de reconstruction et de paix en Afghanistan que si l’effort militaire est inscrit dans la durée. C’est pourquoi la France a pris la décision d’envoyer un bataillon supplémentaire dans l’est. Et la France prendra aussi le commandement de la région Centre à compter de cet été.

Nous devons gagner. Nous sommes engagés pour longtemps jusqu’a la victoire. Il n’y a pas d’autre solution.

C’est dans cet esprit que je vous fais, en accord avec mon amie Angela Merkel, la proposition de tenir en 2009 le sommet du 60ème anniversaire à Kehl et Strasbourg, deux villes situées de part et d’autre de la frontière franco-allemande. Ce sera le symbole de l’amitié franco-allemande, de la réconciliation européenne et du partenariat transatlantique. Cela viendrait conclure le processus de rénovation de la relation de la France avec l’OTAN.

Chers collègues,

C’est avec joie que la France accueille aujourd’hui dans l’Alliance la Croatie et l’Albanie. Nous
espérons tous qu’une solution pourra être trouvée pour l’ARYM mais nous sommes aux côtés de nos alliés grecs. Quand on veut rentrer dans l’OTAN, il faut faire un minimum d’efforts.

Sur la Géorgie et l’Ukraine, nous n’acceptons pas de droit de veto de qui que ce soit. Ces deux pays ont vocation à rentrer dans l’OTAN. Mais qu’on accepte au moins de débattre de la date et des modalités. J’ai beaucoup apprécié l’intervention hier soir de Jean-Claude Juncker quand il a dit : « nous n’avons pas peur de Poutine, comme nous l’avons déjà montré quand il s’est agi d’accueillir les autres pays de l’est de l’Europe. » Mais nous voulons vérifier qu’ils sont prêts politiquement. C’est une question de date, de calendrier. N’en faisons pas un problème politique. Ces pays ont vocation à intégrer l’OTAN.

Comme en Afghanistan, l’Alliance et l’Union européenne sont engagées ensemble au Kosovo. Le
Kosovo, c’est un succès de l’OTAN et de l’Europe. On ne le dit pas assez. Cela valait la peine
d’attendre quatre mois. Tendons aussi la main à la Serbie. Nous en avons besoin pour stabiliser la région.

Chers collègues,

Demain, nous allons recevoir Vladimir Poutine. Parlons-lui franchement. Il le fait quand il a des
problèmes y compris pour évoquer ses intérêts. Nous devons faire de même. Mais l’offre qu’il a faite de coopération pour le transit de la FIAS est un signal de bonne volonté.

Je voudrais aborder la défense anti-missiles. S’agissant de la prolifération balistique, c’est un fait, la menace est croissante. Certains d’entre nous se préparent à y répondre par une capacité de défenses anti-missiles. Pour la France, une telle capacité peut apporter un complément utile face à une frappe limitée, mais elle ne pourra jamais suffire à préserver nos intérêts vitaux. La garantie ultime de notre sécurité repose sur la dissuasion nucléaire. Nous en avons parlé avec le Royaume-Uni. Nous reconnaissons que l’initiative prise par les Etats-Unis et d’autres est utile. La France y participera avec pragmatisme. Voyons comment cela va évoluer.

Chers collègues,

Ce sommet est extrêmement important. Il permet de conforter l’Alliance et de renforcer l’Europe de la défense. Je voudrais de nouveau remercier le Président Bush pour ce qu’il a dit. Cela est sans précédent. Mieux vaut avoir des amis forts. La France répondra à cette ouverture.

Je vous remercie.


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extrait du texte de la conférence de presse
donnée par le général de Gaulle, le 21 février 1966

source : p. 17 Charles de Gaulle – Discours et messages . tome V . Vers le terme 1966-1969
Plon . Juin 1970 . 418 pages

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Rien ne peut faire qu’une loi s’impose sans amendement quand elle n’est plus en accord avec les mœurs. Rien ne peut faire qu’un traité reste stable intégralement quand son objet s’est modifié. Rien ne peut faire qu’une alliance demeure telle quelle quand ont changé les conditions dans lesquelles on l’avait conclue. Il faut alors adapter aux dnnées nouvelles la loi, le traité, l’alliance, sans quoi les textes, vidés de leur substance, ne seront plus, le cas échéant, que de vains papiers d’archives, à moins que ne se produise une rupture brutale entre ces formes désuètes et les vivantes réalités.

Eh bien ! Si la France considère, qu’encore aujourd’hui, il est utile à sa sécurité et à celle de l’Occident, qu’elle soit alliée à un certain nombre d’Etats, notamment à l’Amérique, pour leur défense et pour la sienne dans le cas d’une agression commise contre l’un d’eux, si la déclaration faite en commun à ce sujet, sous forme du Traité de l’Alliance Atlantique signé à Washington le 4 avril 1949, reste à ses yeux toujours valable, elle reconnaît, en même temps, que les mesures d’application qui ont été prises par la suite ne répondent plus à ce qu’elle juge satisfaisant, pour ce qui la concerne, dans les conditions nouvelles.

Je dis : les conditions nouvelles. Il est bien clair, en effet, qu’en raison de l’évolution intérieure et extérieure des pays de l’Est, le monde occidental n’est plus aujourd’hui menacé comme il l’était à l’époque où le protectorat américain fut organisé en Europe sous le couvert de l’O.T.A.N. Mais, en même temps que s’estompaient les alarmes, se réduisait aussi la garantie de sécurité, autant vaut dire absolue, que donnaient à l’Ancien Continent la possession par la seule Amérique de l’armement atomique et la certitude qu’elle l’emploierait sans restriction dans le cas d’une agression. Car, la Russie soviétique s’est, depuis lors, dorée d’une puissance nucléaire capable de frapper directement les Etats-Unis, ce qui a rendu, pour le moins, indéterminées les décisions des Américains quant à l’emploi éventuel de leurs bombes et a, du coup, privé de justification – je parle pour la France – non certes l’alliance, mais bien l’intégration.

D’autre part, tandis que se dissipent les perspectives d’une guerre mondiale éclatant à cause de l’Europe, voici que des conflits où l’Amérique s’engage dans d’autres parties du monde, comme avant-hier en Corée, hier à Cuba, aujourd’hui au Vietnam, risquent de prendre, en vertu de la fameuse escalade, une extension telle qu’il pourrait en sortir une conflagration générale. Dans ce cas, l’Europe, dont la stratégie est, dans l’O.T.A.N., celle de l’Amérique, serait automatiquement impliquée dans la lutte lors même qu’elle ne l’aurait pas voulu. Il en serait ainsi pour la France, si l’imbrication de son territoire, de ses communications, de certaines de ses forces, de plusieurs de ses bases aériennes, de tels ou tels de ses ports, dans le système militaire sous commandement américain devait subsister plus longtemps. Au surplus, notre pays, devenant de son côté et par ses propres moyens une puissance atomique, est amené à assumer lui-même les responsabilités politiques et stratégiques très étendues que comporte cette capacité et que leur nature et leurs dimensions rendent inaliénables. Enfin, la volonté qu’a la France de disposer d’elle-même, volonté sans laquelle elle cesserait bientôt de croire en son propre rôle et de pouvoir être utile aux autres, est incompatible avec une organisation de défense où elle se trouve subordonnée.

Par conséquent, sans revenir sur son adhésion à l’alliance atlantique, la France va d’ici au terme ultime prévu our ses obligations et qui est le 4 avril 1969, continuer à modifier successivement les dispositions actuellement pratiquées, pour autant qu’elles la concernent. Ce qu’elle a fait hier à cet égard en plusieurs domaines, elle le fera demain dans d’autres, tout en prenant, bien entendu, les dispositions voulues pour que ces changements s’accomplissent progressivement et que ses alliés ne puissent en être soudain et de son fait incommodés. En outre, elle se tiendra prête à régler avec tels ou tels d’entre eux, et suivant la façon dont elle a déjà procédé sur certains points, les rapports pratiques de coopération qui paraîtront utiles de part et d’autre, soit dans l’immédiat, soit dans l’éventualité d’un conflit. Cela vaut naturellement pour la coopération alliée en Allemagne. Au total, il s’agit de rétablir une situation normale de souveraineté, dans laquelle ce qui est français, en fait de sol, de ciel, de mer et de forces, et tout élément étranger qui se trouverait en France, ne relèveront plus que des seules autorités françaises. C’est dire qu’il s’agit là, non point du tout d’une rupture, mais d’une nécessaire adaptation.

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Note
au sujet du retour à la souveraineté nationale de notre défense


de Gaulle y a ajouté en note : « Remis à MM. Pomppidou, Couve de Murville et Messmer »

source : p. 256 Charles de Gaulle - Lettres, Notes & Carnets Janvier 1964 – Juin 1966
Plon . Novembre 1986 . 366 pages



24 Février 1966.

Pour recouvrer notre souveraineté sur notre territoire et, d’autre part, garder notre liberté de décision et d’action dans le cas d’un conflit, il y a lieu de prendre, dès à présent, les dispositions suivantes.
1) Dénonciation des conventions multilatérales auxquelles nous sommes partie dans le cadre de l’O.T.A.N. (Statut des forces – Statut des Quartiers Généraux – Accord d’application de ce statut au sujet du S.H.A.P.E. et des Q.G. subordonnées – Statut de l’Organisation des représentants nationaux, du personnel international.)
La dénonciation prenant effet au plus tard dans le délai d’un an, il faudrait qu’en pratique ce fût au plus tard le 1er mars 1967. Donc dénonciation au plus tard le 1er mars 1966
2) Dénonciation des accords bilatéraux conclus avec les Etats-Unis (Entrepôt de Déols-la-Martinerie – Bases aériennes – Communications et dépôts de l’Armée de terre américaine – Pipe-line.)
La dénonciation prenant effet, suivant le texte des accords, au plus tard au terme des obligations de l’Alliance atlantique, c’est-à-dire en 1969.
3) Offre à faire au gouvernement des Etats-Unis d’arrangements bilatéraux pratiques en ce qui concerne l’exécution par eux des mesures résultant de la dénonciation par nous des conventions multilatérales et des accords bilatéraux.
4) Notification à faire au gouvernement des Etats-Unis pour son compte et pour celui des autres gouvernements alliés intéressés, de notre décision relative à nos forces en Allemagne (sauf pour Berlin), savoir :
a) Nous reprenons la disposition de ces forces en temps de paix et en temps de guerre et, par conséquent, nous retirons de l’O.T.A.N.
b) En vue de l’hypothèse où, en temps de guerre, nous déciderions de participer à une action militaire alliée commune en Allemagne, nous sommes disposés à régler d’avance cette participation éventuelle par un accord d’état-major.
5) Offre à faire au gouvernement des Etats-Unis de certaines facilités éventuellement accordées à ses forces sur notre territoire dans l’hypothèse où en temps de guerre, nous déciderions d’agir en commun. (Bases aériennes, communications, etc.)
6) La procédure diplomatique à suivre par nous serait la suivante.
a) M. Couve de Murville informe M. Bohlen et M. Brosio, chacun pour ce qui le concerne, des décisions que nous avons prises.
b) Notification est faite par note de notre gouvernement au gouvernement américain.
c) Le gouvernement britannique, le gouvernement allemand (et le gouvernement canadien) sont avertis, soit oralement, soit par écrit.
d) Si des négociations sont demandées par les Etats-Unis quant à l’application pratique de nos décisions ou quant aux accords à établir pour une action commune éventuelle en Allemagne ou ailleurs, cette négociation aurait lieu à Paris

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Lettre manuscrite du général de Gaulle
à Lyndon B. Johnson, président des Etats d’Amérique au sujet de l’O.T.A.N.


non publiée à l’époque – mais son texte a fait l’objet de l’épreuve écrite de relations internationales pour le concours de sortie de ma promotion à l’Ecole d’administration

source : p. 261 Charles de Gaulle - Lettres, Notes & Carnets Janvier 1964 – Juin 1966
Plon . Novembre 1986 . 366 pages

pièce 148 p. 381 – Documents diplomatiques français – 1966 – tome I . 1er Janvier – 31 Mai
éd. Peter Lang . 1er trim. 2006 . 995 pages



7 mars 1966.


Cher monsieur le président,

Notre Alliance atlantique achèvera dans trois ans son premier terme. Je tiens à vous dire que la France mesure à quel point la solidarité de défense ainsi établie entre quinze peuples libres de l’Occident contribue à assurer leur sécurité et, notamment quel rôle essentiel jouent à cet égard les Etats-Unis d’Amérique. Aussi, la France envisage-t-elle, dès à présent, de rester, le moment venu, partie au traité signé à Washington le 4 avril 1949. Cela signifie, qu’à moins d’événements qui, au cours des trois prochaines années, viendraient à changer les données fondamentales des rapports entre l’Est et l’Ouest, elle serait, en 1969 et plus tard, résolue, tout comme aujourd’hui, à combattre aux côtés de ses alliés au cas où l’un d’entre eux serait l’objet d’une agression qui n’aurait pas été provoquée.

Cependant, la France considère que les changements accomplis ou en voie de l’être, depuis 1949, en Europe, en Asie et ailleurs, ainsi que l’évolution de sa propre situation et de ses propres forces, ne justifient plus, pour ce qui la concerne, les dispositions d’ordre militaire prises après la conclusion de l’alliance soit en commun sous la forme de conventions multilatérales, soit par accords particuliers entre le gouvernement français et le gouvernement américain.

C’est pourquoi la France se propose de recouvrer sur son territoire l’entier exercice de sa souveraineté, actuellement entamé par la présence permanente d’éléments alliés ou par l’utilisation habituelle qui est faite de son ciel, de cesser sa participation aux commandements « intégrés » et de ne plus mettre de forces à la disposition de l’O.T.A.N. Il va de soi que, pour l’application de ces décisions, elle est prête à régler avec les gouvernements alliés et, en particulier, avec celui des Etats-Unis, les mesures pratiques qui les concernent. D’autre part, elle est disposée à s’entendre avec eux quant aux facilités militaires à s’accorder mutuellement dans le cas d’un conflit où elle s’engagerait à leurs côtés, et quant aux conditions de la coopération de ses forces et des leurs dans l’hypothèse d’une action commune, notamment en Allemagne.

Sur tous ces points, cher monsieur le président, mon gouvernement va donc prendre contact avec le vôtre. Mais, afin de répondre à l’eprit d’amicale franchise qui doit inspirer les rapports entre nos deux pays et, permettez-moi de l’ajouter, entre vous et moi, j’ai tenu, tout d’abord, à vous indiquer personnellement pour quelles raisons, dans quel but et dans quelles limites la France croit devoir, pour son compte, modifier la forme de notre alliance sans en altérer le fond.

Je vous prie de bien vouloir agréer, cher monsieur le président, les assurances de ma très haute considération et l’expression de mes très cordiaux sentiments.

L’original est remis à l’ambassadeur des Etats-Unis à Paris
– le texte est donné à notre ambassadeur à Washington par télégramme

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