dimanche 13 avril 2008

Inquiétude & Certitudes - dimanche 13 avril 2008

Dimanche 13 Avril 2008


Prier… les textes d’aujourd’hui, déjà entendus hier soir, la chapelle du collège des Jésuites, 12 rue Franklin à Paris, les années 1950 à 1960 de mes enfance et pré-adolescence, le seul lieu, sauf la disposition du maître-autel, qui n’ait pas changé dans ce demi-siècle, pour moi, à Paris, avec le Guignol du Ranelagh… peuple de camarades, de professeurs et de religieux… tout le reste n’est plus que dans ma mémoire et arrive dans mon oraison comme hier à mes genoux entre les bancs, qui avaient été conçus pour nos petites tailles et nous recroquevillent maintenant que nous sommes physiquement adultes. Naguère, l’action de grâces, religieux et élèves, en vue les uns des autres, silence commun, dix minutes ou un quart d’heure, les mots d’une présence offerte et attentive plus sans doute qu’une contemplation qui devait n’être pas de nos âges. Nous nous offrions indistinctement mais réellement. Inconditionnellement. L’âge me fait regarder davantage et espérions. Nous n’espérions rien, à cette époque de nos vies. Tant nous recevions. Aujourd’hui, la simplicité dun plan répétitif à chaque étage, quatre ou cinq salles de classe côté cour vers le boulevard Delessert, et une ou deux grandes salles d’étude côté Camoëns ou Franklin, avec en évidence les symboles du pouvoir et de la Compagnie, bureaux des préfet et pères spirituels, a fait place à des entrelacis de pièces plus petites, à des aménagements diversifiés, les cages d’escaliers majestueuses contribuaient à la sensation d’espace et de lumière naturels, elles sont restreintes, les linoléums lamentablement sales, usés et marronnasses sont vert trop clair, le soubassement des rampes, gris d’avoir été glissés par des milliers de jambes et pieds gauches sont aujourd’hui clairs. C’est parce que les lieux ont changé que le temps n’est plus, la liturgie aussi a bougé, les lectures à l’ambon doublaient celle du prêtre en latin à voix basse, doublon qui ne gênait pas, j’ai encore la mémoire des introïts en latin, autant de dénominations génériques caractérisant chaque messe, les chasubles raides pour les messes privées servies par les volontaires, auréolés de leur enthousiasme dévôt arrivés au collège trois quarts d’heure plus tôt que requis, le surveillant général un rosaire dans le dos (portrait en scout Baden Powell avec toutes les décorations, noir-et-blanc, et le chapeau sud-africain dans son bureau où nous venions recevoir le coup de latte absolutoire : admittatur) arpentant l’atrium et pointant les condamnés punis à venir une demi-heure plus tôt, eux surtout, pour expier (tranquillement, moins rudement qu’au coup sur le plat de la main) les peccadilles habituelles, avoir parlé et s’y être fait prendre dans les rangs ou à l’étude. Me expectaverunt… Os justi… toto orbe terrarum, Papa nostro... les silences du Canon… le dialogue entre le célébrant au ministère mystérieux dans une autre division ou au dehors, et l’enfant de chœur en vêtement banal, culottes courtes assurément. Aujourd’hui, on vient en trottinettes, et le grand calvaire entre les deux niveaux de cour a disparu pour un moche arrondi aux rambardes quelconques, mais tout est peint d’un crème frais… et l’on a gagné un nouveau bâtiment aux multiples resserres et minucules escaliers intérieurs, sans palier. Je me suis fait enfermer dans les cours désertes, au sortir d'un colloque sur l'excellence, objet de tout éducation ? miracle, j'ai pu rentrer par une porte oubliée, les bâtiments qui sont des passages... tout se commandant et se verrouillant automatiquement du dedans. Il reste les horibles latrines maiss les robinets et nos jeux d’eaux ont disparu. Bien entendu, les sous-sols, qui naguère suggéraient les catacombes, sont sont ce qu’il y a de plus spacieux, la salle de théâtre avec son « balcon » en échafaudages n’est plus, un petit amphitéâtre l’a remplacé nombre pour nombre mais ailleurs : au quatrième étage, de l’ « ancien bâtiment ». L’expression orale et scénique était décisive dans la pédagogie jésuite : mais, seigneur, tout dort ! et la mer, et les vents, et les flots. Nuit des rois ou sacrifice d’Iphigénie. Unité de lieu et de temps… Moi, je suis venu pour que les hommes aient la vie, pour qu’ils l’aient en abondance. Ma génération n’a pas vêcu d’autre drame que nos vies personnelles, nous n’avons pas de vieux regards, pour le peu de mes camarades entrevu hier. Je suis la porte des brebis. La conscience d’appartenir à un troupeau, chéri de son pasteur, en totale sécurité, avec la promesse qu’articule le psaume, nous était totale, innée, en complète continuité avec la chaleur et le tranquille hermétisme de nos familles. Les trajets et le voyage de la vie, tel que nous l’imaginions, était superbement simple, sans mouvement en fait. Quand il a conduit dehors toutes ses brebis, il marche à leur tête, et elles le suivent car elles connaissent sa voix. Avais-je vu un troupeau autrement qu’en documentaire ou en image ? Le texte est centré sur le pasteur, ses sentiments, son portrait ne sont pas donnés : son comportement, sa voix sont décisifs, il a adversaire, le voleur. Il n’y a de conflit qu’entre les deux personnages, le troupeau, les brebis, on ne dit pas troupeau, mais les brebis : ses brebis à lui, il les appelle chacune par son nom, la mutuelle appartenance n’est pas douteuse. L’enjeu est maintenant perçu, notre liberté a besoin de cette référence et de cet espace, c’est vital. Notion et image fortes du seuil. Le dehors et le dedans ne sont pas danger ou quiétude, l’alternative n’est pas dans un lieu mais dans la quiétude d’une confiance : l’unité est là. La liberté par la sécurité. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra aller et venir, et il trouvera un pâturage. … Vous étiez errants comme des brebis ; mais à présent, vous êtes revenus vers le berger qui veille sur vous. … ceux qui l’entendaient furent remués jusqu’au fond d’ux-mêmes. Nous étions sans cesse interpellés par l’amour de Dieu. Vous recevrez alors le don du Saint-Esprit ce qui – évêque aidant – fut le clou scénique et spirituel de toute une scolarité.. Chaque matin, maintenant, cette Pentecôte se renouvelle., le pasteur n’a pas failli, j’entends toujours sa voix, elle est plus grave, plus proche, plus efficace. Mon besoin plus grand et ma confiance en lui, aujourd’hui éprouvée, jour après jour, nuit après nuit. C’est pour vous que Dieu a fait cette promesse, pour vos enfants et pour tous ceux qui sont loin, tous ceux que le Seigneur notre Dieu appellera. Pierre est relationnel, le péché commis, c’est vous, la promesse, c’est pour vous, le salut, c’est à vous. Révélation qui n’est pas un absolu mais un relatif, tout se passe par rapport à nous et pour nous. Alors, ceux qui avaient accueilli la parole de Pierre se firent baptiser. … J’habiterai la maison du Seigneur, pour la durée de mes jours. Il me conduit par le juste chemin, pour l’honneur de son nom. AMDG.
[1] Chacun, ensemble. Dialectique, là, de tout le vivant, de tout le créé.

Rétrospectivement, la politique de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur pour ce qui a été de l’immigration est analyése en deux époques, l’une de 2002 à 2005 aurait eu de quoi plaire à la gauche, et l’autre dans les deux dernières années de la course pouvait séduire, et a séduit, l’extrême droite. On serait donc à vivre la même mûe : apparent changement. De l’outre-cuidance ou de la fermeté conforme à l’affichage jusqu’aux sondages décevants et aux élections muncipales les entérinant, et à présent une sensibilité aux réactions possibles telle que Brice Hortefeux « ordonne la régularisation » de cette jeune Marocaine, cancéreuse qu’on allait embarquer cet après-midi et que le président de la République, ne renonçant pas à son paraître constant en première ligne, fait anticiper sa « décision » à annoncer jeudi selon les conclusions de la commission Larcher : aucun site ne sera fermé. On est loin de la « fermeté » de Valérie Pécresse, de Rachida Dati, de Xavier Bertrand (dans le principe, mais dans le détail ?), de Xavier Darcos ces jours-ci.

Tibet… le ridicule d’un tour du monde par un après-midi à Buenos-Aires, tellement vaccinée en dictatures et populismes, et cinq kilomètres en Tanzanie. Le total ne ferait pas même le tour du Luxembourg pour sacrifier au rite et au pays comptant le tiers des populations humaines de la planète.

Une nièce par alliance, depuis cinq ans en France, née en Chine du nord, la Mandchourie en fait, m’explique la capacité de digestion et d’assimilation de la civilisation et de la culture chinoises, toujours pas démentie : les Mandchous sans doute conquérants mais sinisés. Les Tibétains, en tout cas leur intérêt à l’heure de la globalisation ou de l’Union européenne (peu compte la re-balkanisation en place de la Yougoslavie des Karageorvitch et de Tito), ont intérêt à rester dans le giron chinois. Céder, dans un pays-continent, aux cent nationalités – celles-ci définies en termes tribaux, au moins ethniques – créerait un précédent. L’Islam est autrement dangereux au cas de ce précédent. Je rêve en comprenant que c’est ainsi compris : Pékin cesse d’avaler les bons du Trésor américain et Washington comme au temps de la guerre soviétique d’Afghanistan retrouve un intérêt majeur à s’allier avec un Ben Laden qui fut « créé » ou au moins soutenu, dans un cas de figure semblable. Un pays aussi peuplé ne peut tenir que par la dictature, la démocratie dans un siècle. Et sans être ni de formation sciences-politiques, ni informée directement par ses médias d’origine, la compagne de mon neveu réplique aux Français par le Tchad – qu’ont-ils à y faire ? – si ceux-ci s’intéressent tant au Tibet. Je lui apprends que précisément Tchad-Darfour-Khartoum-pétrole, c’est le point nodal pour son pays et ses dirigeants en Afrique. Réflexe et intelligence des choses d’une telle homogénéité avec la patrie, malgré une totale immersion dans une France censément tout autre, montrent la solidité d’un peuple, l’apport de l’étranger et de la diaspora à sa propre substance et à sa géo-stratégie que ne nous apportent pas – à nous – nos Français « de l’étranger ».

[1] - Actes II 14 à 41 passim ; psaume XXIII ; 1ère lettre de Pierre II 20 à 25 ; évangile selon saint Jean X 1 à 10

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