jeudi 3 avril 2008

Journal d'inquiétude et vie de certitudes - mercredi 2 avril 2008

Mercredi 2 Avril 2008

Juste les oiseaux. Cantique-chant de mon enfance : l’oiseau sous la feuille et dont la voix se recueille, avant de dire au Seigneur un merci joyeux… Les insectes qu’avec ma fille, nous sauvons de la noyade dans nos arrosoirs ou les écuelles d’eau des chiens, émules que nous devons être de Diego, l’ami de Dora l’exploratrice, sauveur des animaux. En boucle sur les radios, les mesures de reproduction et longévité des manchots en fonction des élévations, pourtant infinitésimales de la température de l’Antarctique et autour de nos îles Kerguélen. La terre ne réagit qu’à sa manière, mais elle devient menaçante, c’est devenu l’un des sujets mondiaux, mais seulement par intermittence pour les politiques. La foule au contraire est précise et présente, aujourd’hui assoupie (la France), vigilante aux temps du Christ et des Apôtres… ramener les Apôtres, mais sans violence, parce qu’ils redoutaient que le peuple ne leur jette des pierres. Les peurs et la crainte. La crainte de Dieu. Nos peurs ou notre crainte ? L’une des multiples évasions miraculeuses des disciples depuis les prisons de l’époque. L’objurgation angélique… tenez-vous dans le Temple et là, annoncez au peuple toutes les paroles de vie. Pas de la morale ni du texte, un fait. Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique…. Les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. Le crible de la lumière ? non, l’analogie de nos vies à celle de Dieu : celui qui agit selon la vérité vient à la lumière, afin que ses œuvres soient reconnues comme des œuvres de Dieu. Nos tropismes ? [1] mais devant ces textes, lointains, la simple disponibilité à la présence qui se manifeste et pénètre, insinue. Nos vies à vouloir et à donner.

Sommet atlantique à Bucarest. Naguère, la Roumanie (de Ceaucescu) brillait par son indépendance vis-à-vis de Moscou et du bloc soviétique. Confusion voulue. Le secrétaire général des Nations Unies et le président de la Commission européenne y participent. Prétexte pour Bush en voyage sur la Mer Noire pour rencontrer Poutine, dernière ren contre de « présidents ». Bush aura été éphémère, Poutine ne va pas l’être, tout simplement parce qu’il correspond au consensus russe tant dans les grandes orientations de politique extérieure et intérieure, que dans la forme d’un gouvernement qui ne s’enveloppe pas de manières. La vraie problématique ce sont les demabdes américaines. L’abaissement, l’aboulie, la volonté arrêtée des dirigeants européens de ne pas être l’Europe, et l’Europe indépendante, se mesure là : l’Amérique est demanderesse donc nous avons la main, et si nous donnons quelque chose, nous pouvons exiger quelque chose.

L’Amérique demande des troupes pour l’Afghanistan. Comme en Irak, il est clair que ce gouvernement, qui nous plaît plutôt, est incapable de se maintenir sans nous. Nous concourons donc à l’artifice. Plus encore en Irak. Les Etats-Unis ne pouvant suffire en troupes, en veulent de nous. C’est exactement la problématique des années 1950 ; requis en Corée, les Américains voulaient des troupes supplétives en Europe occidentale, d’où la gestuelle du réarmement allemand, dont est sortie – par la bande – l’entreprise d’intégration européenne. M ais ce qui est changé, c’est que naguère, l’Europe voulait cette défense américaine et donc en payait le prix, surtout les Allemands à la frontière soviétique. Aujourd’hui, l’Afghanistan et l’Irak ne sont des frontières que politiques et pour la relation euro-américaine. Stratégiquement, cela n’existe pas, le pétrole est sous contrôle américain, qu’il y ait ou non occupation de l’Irak et de l’Afghanistan.

L’Amérique demande l’adhésion à l’Alliance atlantique de la Géorgie et de l’Ukraine. C’est bien évidemment défier la Russie, et tricher. Moscou ne réagira pas à cette extension de l’Alliance atlantique mais aura un motif de plus pour ne pas faire confiance aux Européens. Le gaz, la Chine, la bonne gestion économique et sociale des migrations et des échanges en Europe orientale dépendant de la Russie, nous y perdrons. Dans ces deux pays, également candidats à l’Union européenne, les majorités pro-« occidentales » et la démocratie elle-même (selon nos critères…) sont indécises. La France et l’Allemagne étant opposées à ce processus, il serait spectaculaire que Bush junior, minoritaire chez lui et en fin de mandat, l’obtienne. S’il y parvient, la preuve serait éclatante de notre subordination.

Laurent Joffrin et Sylvie Pierre-Brossolette (que je suppose la fille – hérédité en République – du secrétaire général de l’Elysée, sous Valéry Giscard d’Estaing – déjà un Claude mais d’autre qualité) dissertent – France-Infos., rendez-vous périodique – sur notre retour dans l’O.T.A.N. L’homme de gauche le concède à condition que nous restions autonomes au titre de la dissuasion nucléaire, et dans l’attente d’une entente franco-britannique valant pour toute l’Europe : clause sans portée, les entretiens Sarkozy-Brown, si superficiels, ne semblent pas avoir porté là-dessus, sinon en quelques phrases qu’on peut présumer. La vérité crûe est que la question n’a pas progressé depuis les entretiens de Gaulle MacMillan de l’automne de 1962 : la capacité nucléaire britannique est dépendante des Etats-Unis, matériellement et mentalement. La rédactrice de l’Express persévère dans la ligne de JJSS, exécrant de Gaulle (par incompréhension, et en fait par jalousie…). Argument pour la réintégration, celui de Sarkozy : cela fera avancer la défense européenne et même fera obtenir du Vieux monde enfin le consentement du Nouveau. Or, il n’y a pas dans l’Union européenne de volonté pour une émancipation, surtout militaire, vis-à-vis des Etats-Unis. Etonnamment, les quatre de ses Etats-membres qui sont neutres, et donc n’appartiennent pas à l’Alliance atlantique, n’y poussent pas : Finlande, Suède, Autriche, Irlande. Si le sel s’affadit… la France était la seule à avoir à la fois quelques capacités militaires et quelque volonté indépendantiste, si elle rallie la troupe, il n’y a plus de ferment. Qu’à attendre des circonstances telles – à coup sûr dramatiques et plus que dangereuses – où les Européens vérifieraient en pleine orage que la cause américaine n’est pas automatiquement la leur et qu’eux-mêmes en péril ils ne pourraient compter sur Washington. L’épigone se permet de dire que l’ensemble de la question date et que ce qui était avec de Gaulle, est périmé en tant que tel. De vieilles histoires, soyons modernes ! L’argument de modernité, à gauche comme à droite, quand on n’a aucune raison pour détruite ce qui était fondateur. Symptomatiquement, il sert sur les deux thèmes décisifs : nos institutions, notre défense.

Le cas de l’Afghanistan est démonstratif : les Etats-Unis n’ont jamais partagé la décision, le mandat des Nations Unies a été contraint dans une ambiance aussi construite et volatile que celle ayant valu pour l’Irak, et que l’on y reste dix ans comme cela fera bientôt ou cent, c’est la même chose, la démocratie telle que nous la concevons ne s’implantera pas. Y aller, faire de l’évolution le résultat d’une occupation militaire, c’est aggraver la difficulté.

Le programme des « premières dames » à Bucarest donne cependant tout son sens, et à l’exercice – rite et spectacle sans échanges, discussions et approfondissements, tout en étant en film et en discours récités, enregistrés. Le derrière de la scène est totalement inaccessible, et sans doute même aussi pour les chefs qui paradent… C’est l’opacité pour ce qui a été décidé et qui forme une chaîne de consentements et envoûtements eyropéennes et d’une logique américaine absolue, depuis la chute du système soviétique. Multipolaire ou bipolaire, le monde doit demeurer sous contrôle américain et toute initiative tierce doit être jugulée ou apprivoisée. L’hégémonie est depuis une trentaine d’années que la guerre froide a été gagnée à l’ouest, la forme contemporaine de l’isolationnisme américain : pas de dialogue, pas de concession substantielle entamant ce que l’on est.

La démocratie – à imposer en Irak, en Afghanistan. Elle n’est viable que naturelle, donc réinventée et réappropriée par ceux qui en vivent les avantages et les ont longtemps rêvés et conçus. Le Japon prenant les méthodes autant industrielles que constitutionnelles, il y a un siècle et demi, l’ère Meiji. Certains des pays africains mais semble-t-il toujours avec un risque de réversibilité. Stabilité n’est pas tolérance, mais souvent apparence : la Côte d’Ivoire. Les surprises là, au Kenya où les précédentes consultations avaient pourtant bien tourné. Les vrais tests dans des pays ethniquement bigarrés ou marqués par une colonisation effective et non pas seulement économique ou administrative, sont en Afrique australe : la République sud-africaine qui continue tant bien que mal à être multi-raciale, la Rhodésie du sud qui aurait dû le demeurer après les cycles Ian Smith-Mugabé. La voici avec une nouvelle chance : étonnamment, Mugabe semble accepter « le verdict des urnes ». A l’inverse, l’Argentine avec la confrontation de sa nouvelle présidente, épouse de son prédécesseur, qui fait face aux agriculteurs, semble renouer avec le cycle des désordres et donc des dictatures, la faute déjà par une succession péroniste par les femmes en 1976.

Et notre démocratie ? Le débat ne semble physiquement pas possible. La majorité est passive devant le gouvernement et troupe de roquets, récitant, aboyant devant l’opposition la leçon gouvernementale laquelle est très pauvre de texte et très puzzle discontinu en susbtance. Le rapport Attali, catalogue assez inconséquent et souvent loin des sujets à traiter : notre redémarrage économique, confirme cette impossibilité ; le signataire, par lui-même, a été le repoussoir pour les parlementaires sarkozystes. Aucune technique, des comptes de cuisinières. On retranche sept milliards de dépenses. Il n’y a plus de plan « à la française » depuis 1997, il n’y a manifestement plus de programmation annuelle puisque les hypothèses financières et budgétaires ont reposé, cet automne encore davantage que pour les exercices précédents sur des prévisions fausses, ce que tout le monde a su tout de suite. Alors, par à coups, comme l’endetté en fin de mois, on est dans les artifices ou la vente d’un meuble, de quelque chose. Modernité : cela s'appelle conseil de modernisation des politiques publiques (cela nous viendrait du Canada, comme la flexi-sécurité de l'emploi nous venait, sous Dominique de Villepin, du Danemark - "boîte à idées" ou de Pandore). Avec un cynisme incroyable, c’est dans le « social » qu’on "tape", le logement, diverses aides, sous prétexte que c’est mal dépensé. On y ajoute l’aphorisme que plus c’est impopulaire, plus c’est justifié. Et qu’on va en remettre davantage, la prochaine fois… ce devient politiquement insensé. Sarkozy reprendrait plusieurs points de popularité s’il rétablissait ses émoluments personnels au niveau où il les a trouvés il y a un an, et l’organigramme de l’Elysée dans l’état où le vivait le général de Gaulle, dont on ne peut pas dire qu’il était – en son temps – inefficace ou mal informé.

Il manque un président de la République, équilibré, mûr, tranquille, indiquant au pays le long terme et arbitrant entre les alternatives possibles ou explicites, y compris celles articulées dans l’opposition. Il manque un grand opposant comme le fut François Mitterrand, malgré les ratés de 1968, pendant une grande quinzaine d’années avant qu’il accède au pouvoir. Il manque un chorus qui ne soit pas la meute quand l’animal perd du sang, mais qui soit d’une exigence constante encadrant mentalement les dirigeants, les limitant en conscience. Nous ne sommes pas – actuellement – un pays responsable de lui-même.

Quant au système qui nous gouverne, l’efficacité en est donnée à Gandrenge : parole, parole, chantait Dalida. La présence sur place de Nicolas Sarkozy promettant une aide d’Etat immédiatement contestée à Bercy et entendue avec horreur par le patronat à la pêche aux idées dans une délocalisation de fin de semaine à Bruxelles, a produit la minime soustraction de vingt emplois au plan « social » qui devient aujourd’hui effectif, toujours signé Mittal-Arcelor avec Pinault à son conseil d’administration. Du même tonneau : la manière de proclamer que six mois de présidence française pour l’Union européenne refonderont la politique agricole commune ; elle ferait recaler à n’importe quel examen : bac + 1, un étudiant en sciences politiques ou juridiques.

De continu que le sans-gêne qui a mené un ancien Premier ministre en correctionnelle pour compte d’un président de la République intouchable : l’inscription hors délai de Nicolas Sarkozy sur les listes électorales de son nouveau quartier de résidence…


[1] - Actes V 17 à 26 ; psaume XXXIV ; évangile selon saint Jean III 16 à 21

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