Prier… [1] entrer en prière, changer de lieu, devenir tout entier à Dieu. Je suis un chercheur et j’écoute, je me présente et me tiens au seuil, le publicain au Temple, ne levant pas les yeux… Montre-nous le Père. Mystérieuse mise en scène de Dieu, inauguration d’une généalogie, modèle affectif. Le christianisme épouse le judaïsme, un Dieu Père selon les psaumes et les prophètes – acceptable pour l’Islam – mais y ajoute le stupéfiant qui a pourtant toute sa logique : un Fils, puisqu’il y a un Père, c’aurait pu être nous, collectivement, mais ce ne l’est que par adoption, au titre de notre fraternité avec Celui qui a pris notre condition humaine, et comble ce fils engendré non pas créé et de même nature que le Père, a une mère absolument humaine. C’est-à-dire que l’on est entré dans ce qu’il y a – apparemment, selon nos habitudes d’apparence – de plus aisé à voir et à concevoir. Or, que s’agit-il de voir ? Celui qui m’a vu a vu le Père. Qui s’agit-il de voir. Philippe, rôle important pour la multiplication des pays, pose la question décisive, à laquelle – voyant – Thomas donnera, après la Résurrection, la réponse. Dès maintenant, vous le connaissez et vous l’avez vu. Du très simple, à notre portée d’expérience native et selon la vie quotidienne, nous sommes amenés à l’immense et au décisif. Je suis dans le Père et le Père est en moi. Thérèse de Lisieux, dans une intuition prodigieuse, dont je ne sais s’il y a beaucoup de précédents écrits, voit bien qu’il n’y a pas de sexe en Dieu, ou plutôt qu’il y a tous les sexes, comme il y a tous les âges et toutes les conditions et natures, ce qu’elle s’applique aussitôt (c’est d’ailleurs par cela qu’elle avait eu son intuition) en revendiquant des « ministères » que l’Eglise, à courte vue, sur le plan au moins de l’expression, réserve aux hommes : le sacerdoce. Non pas universel, mais personnel. Paul et Barnabé prennent les « choses » de la révélation par leur début le plus historique et factuel, et s’établissent en préambule sur la foi de leurs auditeurs et sur les écrits cette foi. C’est le début qui est dérangeant et renversant. Comme Jésus que ses compatriotes voulaient précipiter dans le vide à la suite de son prêche de la synagogue à Nazareth, les deux apôtres manquent être lapidés. Pour Paul, c’est presque un rite tant il l’a risqué. Retour à l’expérience personnelle : les disciples étaient pleins de joie dans l’Esprit Saint. – Les textes qui enseignent : ceux d’aujourd’hui, et d’autres qui font contempler. La contemplation est donnée part l’évangile, elle s’adresse à un de nos sens, quoiqu’il s’agisse de voir, dans le dialogue entre Philippe et son maître. Nous sommes invités à entendre. S’asseoir, attendre, ré-écoûter ce qui fut parlé il y a deux mille ans, c’est pour moi actuel, que ce le soit pour tous autour de moi et tous que je porte en moi, et qui me portent en eux. – Je reviens sur ces textes. La physique moderne est un des chemins pour la compréhension, la révélation de l’univers, et nous cheminons, et nous apprenons, à la suite de quelques pionniers de notre sang et de notre époque, et ainsi de suite, sans doute jamais atteindre la totalité. L’amour, tant d’âme que de chair, nous donne parfois la sensation vêcu d’être à deux (qui est toujours ouvert à trois) le cosmos entier en toutes dimensions réunies, temps et espace entre autres. Mais la prière, la vie spirituelle, d’un coup nous envoie et nous tient dans la réalité-même. Et ces trois chemins, dont le dernier – seul – est presque parfait, nous donne l’univers et Dieu qui nous respire et que nous inspirons. Personne à la portée de notre affectivité et pourtant plus que l’univers, puisque l’univers est en Lui. Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! L’autre, chemin d’un Autre et du monde.
Mort de Germaine Tillion. Même légèreté dans le commentaire : personne ne rappelle qu’elle était – du vivant du général de Gaulle, tellement gaulliste, qu’elle parla aux côtés de François Mauriac pour soutenir, à la porte de Versaille, en Décembre 1965, la réélection de l’homme du 18-Juin. Les questions qu’avaient à résoudre une génération pareille étaient aussi difficiles que fondamentales, chacune conditionnait notre identité. Le débat était intense et souvent spectaculaire, les questions suscitaient-elles les destins et les intervenants, ou étaient-ce ceux-ci qui haussaient le niveau, un par un. La cause de l’émancipation de chacun des trois Etats maghrébins – principalement le Maroc – a soudé une solidarité rendant homogène autant que dense toute l’histoire de la contestation au pouvoir établi des années 1950 au début des années 1980. La figure du général de Gaulle, autant à cause du passé de guerre et de résurrection nationale, que par des prises de position décisives depuis 1958, lui donnait dans ce vivier où les références de la Résistance comptaient plus que les appartenances partisanes, une sorte de droit à en appeler à la totalité des élites du pays en cas de très grande difficulté. Les enjeux et les personnages d’aujourd’hui sont beaucoup moindres et ne se trouvent pas de référence.
Chance pour la France, les manifestations contre nous en Chine – soi-disant sans précédent depuis 2005, époque des protestations contre le Japon. Notre pouvoir – timide à l’égard de Pékin – n’aura bientôt plus à choisir entre le réalisme et la morale. Chance pour Nicolas Sarkozy – alors que 79% des sondés jugent qu’en près d’un an, il n’a en rien amélioré notre situation – Vladimir Poutine, à son tour, se cerne d’une rumeur de remariage avec une jeunesse notoire et avantageuse : la gymnaste Alina Kabaeva… Banalisés parce que de nous-mêmes nous étions dans le rang en renonçant aux derniers éléments nous caractérisant exceptionnellement, nous ne cessons de l’être que pour la manière dont nous sommes traités.
[1] - Actes XIII 44 à 52 ; psaume XCVIII ; évangile selon saint Jean XIV 7 à 14
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire