Bertrand Fessard de Foucault
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Le matin du
samedi 11 Janvier 2014
Si
la France mentait…
Monsieur le Président de la République,
depuis hier
soir, effondré de tristesse, je souffre personnellement de ce qu’à ma question
sur l’Afrique centrale, ma femme ayant pris plusieurs fois la radio dans la
journée d’hier, en aller-retour pour le lycée où elle enseigne nouvellement
l’économie de l’entreprise et du numérique, faute d’avoir pu continuer sa très
positive activité de gestionnaire de fonds éthique et solidaire (ne facturant
que les gestions bénéficiaires, cas unique sur la place de Paris), m’apprend,
et qui a passé « en boucle ». Je ne suis pas allé aux dépêches
d’agence. Ni curiosité, ni courage. L’imagination suffit pour le fait. C’est la
relation entre vous et la plus haute et grave fonction qui puisse exister dans
un pays, et surtout dans un pays comme le nôtre et vivant, subissant ce qu’il
vit et subit, qui est si douloureuse.
Vous
conduiriez et inspireriez une politique tirant le pays de sa crise économique,
financière et morale, tout pourrait passer. Vous rendriez à la France son rôle
d’inspiratrice du devenir européen, en démocratie et en indépendance, en
solidarité entre ses peuples et Etats-membres, tout le reste serait secondaire
et même ne s’entendrait et ne se verrait pas. Depuis que vous avez été investi
par le Parti socialiste, je me suis permis de vous indiquer les voies et les
moyens les plus simples et évidents pour cette politique et pour ce rang.
Depuis que vous avez pris vos hautes fonctions, je vous les ai rappelées, vous
demandant un quart d’heure tous les quinze jours de présence mutuelle pour
ajuster au plus précis ce que je verrai, entendrai et comprendrez pour
contribuer à votre indépendance personnelle d’esprit et de travail, au rebours
des modes, des dogmes, des dossiers tout faits venant des administrations ou
des groupes de pression ou de nos habitudes.
Je me suis
également permis – certain d’être dans la pensée de beaucoup de Français,
confondant, puisque vous êtes devenu le président de notre République, votre
bonheur et votre intérêt personnels avec ceux du pays (heureux comme un roi en
France) – de vous dire combien une union pratique et un accord même à la
Clinton entre vous et Ségolène Royal auraient été et seraient bénéfiques pour
la gauche, pour l’image de la France : imagination, énergie, grâce et
liberté, même si forcément il existe en nous tous lacunes et exagérations. Je
me suis permis – ce que beaucoup pensent autant quemoi, sinon plus vivement –
de suggérer retrait, discrétion et non existence publique pour votre compagne
officieuse Valérie Trierweiler, non à raison de sa personne mais par manque de…
je ne sais plus dire tant les repèrs sociaux et conjugaux sont devenus
évanescents. On n’a pas élu Clemenceau à la présidence car on craignait le
« scandale » d’obsèques civiles à l’Elysée. Plaqué, Nicolas Sarkozy a
su se remarier dans le trimestre, faisant oublier qu’il avait inauguré
(couverture de Match) le divorce et la famille recomposée au
sommet de l’Etat. Vous : la liaison dans la liaison après la séparation
dans le compagnonnage. Pardonnez ma crûdité, je souffre de ce que je vois, nous
souffrons de ce que nous voyons et de ce que cela montre de vous,
personnellement.
Alors que le
pays souffre, alors que nous sommes depuis des années et de plus en plus, et encore
ces jours-ci – sans compter les très gravs indices de corruption de notre vie
publique jusqu’au sommet de l’Etat pendant le mandat de votre prédécesseur et
même avant – , la risée ou objet de commisération vis-vis des autres (la petite
blague au CRIF comprise de travers par nos décisifs partenaires algériens, la
synthèse venimeuse de Newsweek, quoique pas nouvelle et dont le dard
aurait d’ailleurs pu porter sur d’autres de nos défaillances), vous oubliez ce
que vous devez à votre fonction, et donc à nous, donc à la France.
C’est à
l’Elysée que vous devez recevoir et dormir, que vous devez vivre pour n’y
travailler et n’y penser que pour nous, obsédé au fond de l’âme par chacun des
conflits sociaux, par chacune des trahisons de dirigeants de nos entreprises
privées ou publiques, par chacune des routines et chacun des blocages de nos
machines administratives. Je sais bien, et le pays voit bien que beaucoup de ces
passionnés de la politique que sont les dirigeants électifs – pas tous – ont
plus de libido du pouvoir, de l’apparence que de passion simple et brute pour la France. Tandis que
les enfants de nos élites deviennent apatrides de pensée et de langue, donc
supplétifs d’une hégémonie anglo-saxonne maintenant périmée, tandis que se
débrouillent pour trouver sens et occupation les jeunes de quartiers défavorisés
(pudeur du mot), il est patent et sur la place publique, en rubrique de
magazines que les gens de médias et les gens de pouvoir politique, en endogamie
désastreuse et asséchante du cœur et de l’imagination, couchent entre eux et se
servent mutuellement pour se monter du collet. Plus personne, ou si peu, en
charge d’animer la vie et l’imagination collectives, ne sort d’un cercle social
et psychique restreint. Dans votre gouvernement, combien de divorcés à la
cinquantaine ou en mains ou compagnonnage sans continuité avec ce qu’ils
avaient commencé et avec qui ils avaient commencé. Démonstration inquiétante
d’un manque de discernement pour mener une vie personnelle, comment l’avoir
pour les affaires publiques ? Et évidemment, l’exemple… responsabilité des
autres quand on ne l’a pas de soi…les projecteurs souhaités et revendiqués mais
pour dévoiler quoi ?
Et voilà que
vous incarnez cet égotisme et ce manque de discernement. Garant de notre
continuité et de notre solidarité nationales, arbitre de nos conflits de toutes
natures, chargé par nos suffrages d’inventer tous les moyens pour le bien
commun, vous avez d’autres priorités, d’autres passe-temps, vous avez du temps,
de l’énergie, de la passion, de l’esprit pour autre chose… Travaillant comme un
moine, résidant absolument à l’Elysée, économisant aussi les dépenses et
surcroît de précautions pour votre sécurité, pour la communication suprême de
l’Etat (le nucléaire notamment), vous pourriez avoir comme l’un de vos
prédécesseurs des passades éphémères pour l’amusement : la beauté, le
charme et l’ambiance de quelques instants et même la vie double de François
Mitterrand, dont la révélation se maria avec celle de son cancer mais ne choqua
pas, parce que la coincidence entre lui et l’opinion publique n’était pas
entamée, que quelque chose de la France et de l’exercice royal du pouvoir
n’avait cessé de s’incarner par lui.
Vous aviez
déjà tout à faire et à démontrer. Cela continuait d’être attendu. Je me portais
fort – personnellement – de l’espérance que vous continuiiez de
m’inspirer : un changement du tout au tout pour notre politique (je vous
en redonne l’économie en abrégé telle que je l’ai communiquée à Bernard Combes
puis à votre Secrétaire général) gagé sur une certaine force intérieure que je
vous suppose – encore.
Vivre
désormais en repenti d’une adolescence vraiment terminée, d’une fonction
vraiment assumée, et nous confirmer que la politique n’est pas une ambition, ni
une position, mais un sacerdoce et un service, vous le pouvez encore, vous le
devez maintenant. Sans doute, la discontinuité de votre vie privée affective
depuis des années – celle aussi de tant de gens politiques – montre votre
solitude et vos manques. C’est triste, c’est commun. Mais vous pouvez, vous
devez les combler pour nous et par l’exercice des fonctions que nous vous avons
conférées.
Tout est
pardonnable s’il y a une grande suite. Votre mûe pour le rebond de la France. Sinon ce
sera inéluctablement l’abdication. Celle-ci guette aussi la France – par
rapport à son histoire millénaire – tout simplement quand on n’est pas, quand
on n’est plus ce que l’on doit être, ce que l’on a été, ce que l’on est appelé
à être.
J’en sais
personnellement quelque chose. Au moins en deux circonstances et face à des
personnes – l’une méritant admiration et respect (un maître de conférences à
Sciences-Po. nous donnant si bien le sens de l’Etat et aussi sa connaissance),
l’autre, femme, belle aimante, que j’aimais et qui m’a donné les plus belles
images et fait entendre les plus fortes paroles – j’ai été traître, et
inconscient de ce que je devais être. J’ai reçu, tard mais décisivement, et
cela me fait tenir malgré les conséquences à tous égards financières,
psychologiques, sociales d’une « placardisation » à pas cinquante
deux ans… la grâce de me marier et d’obtenir une petite fille, il n’y a pas dix
ans, une petite fille avec laquelle je rédige quelque chose qu’elle
illustrera : Si la France
mentait… tout en terminant une fiction
politique dont les chapitres alterneront avec ma mémoire affective, sensuelle,
spirituelle vécue. Deux rédactions qui vous sont dédiées : votre
responsabilité, et ce que je pensais être votre possible.
La joie de la
stabilité et de l’unité intérieures et intimes. La joie de servir le bien
commun, même sans apparence. Que cela soit.
Je garde confiance en vous, plein de vœux
pour le rebond. Possible, souhaité.
Et je reste avec vous. Au travail.
à Monsieur François HOLLANDE,
président de la République,
aux bons soins de Monsieur
Pierre-René LEMAS, préfet
secrétaire général de la
présidence de la République
– Palais de l’Elysée . 55 rue du Fbg. Saint-Honoré
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