Europe
L’Europe, nous le savons, n’a pas la cote au moment même où
nous nous préparons à élire nos représentants au Parlement européen. On
l’accuse d’être la cause de tous nos maux, de toutes les instabilités qui nous
menacent, des déséquilibres économiques et sociaux, de l’appauvrissement qui
s’étend. Elle sert de repoussoir pour conjurer les angoisses que suscitent en
nous des changements de culture et de société que nous avons du mal à maîtriser
et les incertitudes qui en résultent.
Lorsqu’au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale
les principaux responsables politiques d’Europe Occidentale ont à travers la
CECA voulu créer une institution transfrontalière destinée à la solidarité et
au partage, ils étaient animés d’une profonde conviction : pour sortir d’une
spirale de guerres et de divisions entre les états, pour poser les bases d’une
paix durable, il faut offrir aux peuples qui étaient opposés sur les champs de
bataille un projet commun porteur d’avenir, où chacun ait sa place et sa
contribution à apporter, sans considération de vainqueurs et de vaincus. Dans
leur esprit, ce projet commun c’était l’Europe, qui s’est révélée une chance
historique pour les générations successives.
Que cette institution ait eu et ait encore des ratés, c’est
fâcheux, mais c’est le propre de toute institution politique. Que dans les
difficultés économiques actuelles, beaucoup soient tentés de « reprendre
leurs billes » et de défendre leurs intérêts, sans se préoccuper de ceux
des autres membres de la fraternité européenne, ce sont des réflexes bien
humains, trop humains. Mais plutôt que de considérer l’Europe comme quelque
chose qui est à subir, ne vaudrait-il pas mieux la regarder comme quelque chose
qui est à faire, et, en ce qui nous concerne, nous chrétiens, plutôt que de participer
au jeu de massacre collectif, ne vaudrait-il pas mieux chercher quelles valeurs
promouvoir pour que cette Europe soit un horizon d’espérance pour les
peuples ?
Notre culture évangéliques nous en offre trois qui pourraient
être des atouts exceptionnels pour un futur européen : entrer dans une
perspective de solidarité universelle contre un monde du repli et du « chacun
pour soi », être la voix des pauvres dans une société mondialisée injuste,
développer l’épaisseur du « vivre ensemble » dans un tissu social
traversé par les clivages et les discriminations.
Ce sont là quelques grands défis au cœur des choix d’avenir
que nous sommes appelés à faire, non pas seulement au moment d’élections à
venir, mais dès maintenant dans la lumière de Noël. Que ce Noël 2013 nous
remette en face de la densité de l’échéance du quotidien.
Marc STENGER
Evêque de Troyes
Président de Pax Christi France
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