mercredi 19 décembre 2012

Inquiétude & Certitudes - mercredi 19 décembre 2012

Mercredi 19 Décembre 2012

Mon voisin-cohabitant me donne le pire exemple de ce que je ne veux pas être-devenir : la déraison en sus des handicaps physiques. Grabataire, mon beau-père reste intact de sourire et d’intellect même s’il ne s’exprime plus que de visage : présence totale, donc, même si la dépendance est également totale avec tout ce que cela représente pour lui et pour les siens. Ma vieille dame chez qui nous squattons quand nous sommes parisiens ou franciliens, n’est plus qu’une momie-cadavre mais elle réagit à la caresse et a quelques minutes d’expression plusieurs fois par jour. Projection de soi que chacun peu appréhender en suite ou fin de vie, problème social aussi que cette multiplication d’une fixation à plusieurs sur des mutihandicapés… (même si cela suscite des emplois : l’économie française deviendrait le modèle parfait de la passivité, les principales ressources ou activités seraient le service aux personnes et le tourisme). Toile de fond, la spéculation faisant désormais le fond de commerce de tout le système financier, le sans-gêne des nantis avec ces niches à revenus que sont les artistes et les foot-balleurs ce dont les générations futures s’étonneront. Et puis l’effort manifeste de la civilisation actuelle, sur-dotée technologiquement pour communiquer et mémoriser et qui ne parvient plus à dialoguer, qui est amnésique. Des mondes aux codeset langages, aux disciplines et chefferies particulières reproduisent les systèmes tribaux d’antan : pour l’universitaire en fin de semaine dernière, l’hospitalier depuis quarante-huit heures, et à ouvrir un poste de radio, le politico-médiatique. – L’amour est cependant là, mais qui nous prend, nous accompagne, qui est durée et pas seulement orée (comme nous le croyons orgueilleusement et béatifiquement à tout commencement et dans nos adolescences prolongées ou ré-imitées à contretemps). Mystère que l’humanité reste bénie.
Les évangiles nous disent pourquoi et comment, les personnes y sont les seuls sujets, les hiérarchies, les cultures, les spécialisations y sont marginalisées, artefacts. Prier par le seul évangile ce matin (désormais en sus de l’ordinateur dans mon cartable, brosse à dents, rasoir, peigne, testament pratique et d’âme, Prions en Eglise… pub. non rétribuée) [1]. Encore une annonciation, Dieu aime les mises en scène, ce sont toujours des dialogues aussi solennels, décisifs que particuliers. Dieu se laisse reconnaître, identifier. Salutation habituelle qui est pleine d’égard : le surnaturel comprend la frayeur du naturel. La piété, la conduite de vie ne préparent pas pour autant l’irruption du surnaturel, du miracle, du destin., ne prédipose pas à l’événement.  Fécondité et stérilité, l’âge dans toute la Bible, parabole pour bien des couples. Les aventures d’Anne pour la conception de Samuel, celle de Samson sont analogues. Une consécration dès avant la conception, une joie collective, historique donnée par une naissance humainement miraculeuse mais chargée d’encore plus de sens. Il sera rempli de l'Esprit Saint dès avant sa naissance. Personne divine à l’action, à la présence essentielles. Des rôles que l’homme ne s’octroie pas. D’ailleurs même dans la geste humaine, la plus humble ou la plus en vue, en quelque domaine que ce soit mais surtout quand il s’agit d’entrainer ses semblables, plus la consécration au rôle désaproprie celui qui le tient ou à qui il est confié, mieux il est rempli [2]. Le nouvel Elie, que confirme Jésus interrogé par les siens, est déjà annoncé comme tel par l’ange. Le questionnement et tout le dialogue mettent putativement en avant la qualité de celui de la Vierge Marie avec le même ange, et dans des circonstances, pour un « objet » analogue. Le professionnel de la liturgie et de la prière sera moins « bon » que l’adolescente. Accessoirement, puisque les deux femmes sont cousines et qu’Elisabeth descend, comme Zacharie, d’Aaron, une part de la généalogie et de la qualité familiale de Marie est donnée ici. Par adoption de Joseph, Jésus, roi s’il en est par nature divine, est humainement de famille royale. Par Marie, sa mère, il est le compagnon décisif, le porte-parole de Moïse. C’est l’ange, Dieu-même, qui discerne la foi ou le doute car dans les paroles de Zacharie rien ne l’exprime, mais Marie par sa disponbilité totale à une prédiction à laquelle elle adhère en toute liberté, dit une foi que Zacharie, ahuri, ne peut plus exprimer. – Leçon : je suis « ravitaillé » par perfusion, donc aussi bien que selon les repas et en-cas d’habitude. Mais le plaisir n’est pas là, le verre d’eau, le pain chaud, et autres… Jésus a dit : j’ai soif. Réponse, l’éponge trempée de vinaigre, ici une compresse pour mon voisin que j’entends mendier depuis mon installation, un verrea d’eau. Accusation sévère d’une infirmière (antillaise ?) se prenant au sérieux et prenant toute question dite doucement pour une agression ou un déni de son savoir professionnel : vous avez bu de l’eau, me dit-elle, quand je lui demandais que soit remis ma sonde nasale. Regard sur moi, conviction que je lui mens. Comment la convaincre du contraire… je n’ai pas essayé… la condition concentrationnaire fonctionnait au mépris, et finalement le martyrisé en était à se mépriser lui-même. Ce qui explique, selon moi et aussi Simone VEIL, au temps où je lui reconnaissais surtout ses bons aspects (nos dialogues pour dépêtrer l’Abbé Pierre, au printemps de 1996), que les rescapés du système nazi aient commencé de l’évoquer biographiquement si tard… (déblocage opéré, en bonne partie, je crois, par le film d'OPHULS, dialogué par Pierre MENDES FRANCE : Le chagrin et la pitié). Parole quand elle n’est plus que mots et n’a pas l’esprit : mon voisin se démène et mime ou vit une défécation sur le siège, réclamant chaîne à tirer et papier… J’appelle…rien, qu’une sensation. L’infirmière ou l’aide-soignante convient qu’avoir perdu l’esprit est le pire, humainement. N’être plus que soi et non le relationnement qui nous irradie et nous rend aimant et aimé, est affreux. Mais s’en rend-on compte ou n’est-ce que le spectacle, que nous infliegons aux autres, hors de nous-mêmes, enfuis on ne sait où qui n’est certainement pas la vie éternelle. La vie, enseignement et joie et douleur sans cesse à nouveau. L’annonce à Zacharie se termine dans le mutisme : celui auquel est condamné l’incrédule jusqu’à la bienheureuse naissance, celui auquel se tient pendant cinq mois Elisabeth. Comment Zacharie, muet, lui a-t-il rapporté le message de Gabriel. La proposition de contemplation est si riche que la prière tâtonne, heureuse. Souviens-toi, Seigneur de celles et ceux qui souffrent, qu’on fait souffrur par système (la petite Anna, roumaine, surveillée de loin par sa grand-mère, dix-douze ans peut-être au seuil de la boulangerie lundi matin et maintenue illettrée… j’écrirai au maire d’Aubervilliers, lointain succeseur, le sait-il ? de Pierre LAVAL, qui n’en résidait pas moins avenue Foch… DSK maire de Sarcelles habitant le XVIème… veiller à la scolarisation quel que soit le statut légal de nos petits immigrés). Gratifie, Seigneur, celles et ceux qui m’aiment. Et prends compassion de mon malheureux voisin de chambre.

matin

Politique fiction. Commenter une actualité que je fabriquerai moi-même faute de connaître la vraie, mais en développer les conséquences immanquables, y compris l’imprévisible, et montrer – peut-être – que la vraie est totalement irréaliste et superficielle, vraie que selon notre adhésion, notre participation, notre responsabilité par inertie. Et tolérance de la médiocrité et du non-fait.

J’ai hâte de lire les paroles publiques de François Hollande en Algérie. Avec ce voyage se boucle le débbut du règne, nous avons ouvert tous les registres, le portrait est maintenant campé. Tel que nous le voyons à Florange, à Aulnay, dans la relation avec le Parlement et avec le Premier ministre, et selon le rythme sarkozien de la présence médiatique (inutile et plombante), le nouveau président de la République est inférieur à sa tâche. Son prédécesseur était contraire de sa tâche. Quant à Jacques Chirac, il a tout simplement gâché la vie des siens, pollué décisivement les institutions de la Cinquième République, induit en erreur ses fanatiques pendant trente ans. Il a produit tout ce dont nous souffrons, il est à l’origine de notre désarmement moral et économique. Son couple avec Bernadette est devenu scandaleux, son entretien aux frais de Pinault pour les vacances et de la famille Hariri pour le logement dégradent la fonction qu’il a occupée. Occupée et pas agie. Il est possible que l’honnêteté intellectuelle et personnelle du nouveau président lui donne une lucidité et une imagination, que le courage que je lui crois aussi – quoique son savoir-faire et son savoir-être le dispensent depuis longtemps, semble-t-il, sinon toujours, d’en faire montre – pourrait alors servir.


[1] - Luc I 5 à 25

[2] - Cette identité de nature entre tous ceux qui se rangeaient sous la Croix de lorraine allait être, par la suite, une sorte de donnée permanente de l’entreprise. Où que ce fût et quoi qu’il arrivât, on pourrait désormais prévoir, pour ainsi dire à coup sûr, ce que penseraient et comment se conduiraient les « gaullistes ». Par exemple : l’émotion enthousiaste que je venais de rencontrer, je la retrouverais toujours, en toutes circonstances, dès lors que la foule serait là. Je dois dire qu’il allait en résulter pour moi-même une perpétuelle sujétion. Le fait d’incarner, pour mes compagnons le destin de notre cause, pour la multitude française le symbole de son espérance, pour les étrangers la figure d’une France indomptable au milieu des épreuves, allait commander mon comportement et imposer à mon personnage une attitude que je ne pourrais plus changer. Ce fut, pour moi, sans relâche, une forte tutelle intérieure en même temps qu’un joug bien lourd.
- Charles de Gaulle  Mémoires de guerre tome I – édition tricolore . Plon . 1954 – p. 111


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