Une édition en un ou deux volumes de la compilation de ces adresses au pouvoir depuis la campagne 2007 jusqu’au cours du quinquennat de François Hollande, aurait son éditeur à condition d'une cinquantaine de manifestations d'intérêt. Pouvez-vous m'en donner une ? b.fdef@wanadoo.fr
Ecrire au président de la République :
deux aveux
Communiquant, notamment à mes co-parcourants de prière matinale et plaçant sur mon blog http://bff-voirentendre.blogspot.com, mes lettres aux gens du pouvoir, opposants ou gouvernants, à commencer par le président de la République en exercice, par courriel aux bons soins de l’un de ses principaux collaborateurs ou par lettre à son nom propre, la question m’est posée de savoir si j’en reçois quelque réponse.
J'écris au président de la République depuis 1969.
En 1961, au moment où le général de Gaulle consulta par referendum les Français au sujet de l’organisation provisoire des pouvoirs publics en Algérie, puis en 1964 quand j’étais chef d’une troupe scoute, j’ai songé à écrière une courte lettre de soutien au président de la République qu’auraient signée aussi mes jeunes compagnons. Je ne le fis pas mais au lendemain de l’abdication forcée de l’homme du 18-Juin, j’écrivis à Colombey. Quelques mois plus tard, j’adressais à de Gaulle le manuscrit d’un essai politique, le premier de ce qui a été depuis une suite peu interrompue. Et mes vœux pour 1970. Autant d’accusés de réception et même une lettre pour La démission.
A Georges Pompidou, j'écrivais par les colonnes du Monde, me publiant régulièrement depuis une première « opinion libre » que j’adressais au prestigieux journal, lu, collectionné et gardé relié depuis mon entrée à Sxiences-Po. en Septembre 1960, à l’occasion du referendum sur l’entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché Commun. Je sus la mauvaise humeur du haut destinataire et elle est confirmée par Alain Peyrefitte dans un de ses livres, paru en 1984, mais je voulus, à la fin de son règne, le rencontrer car sa nomination de Michel Jobert en Mars 1973, puis sa propre attitude sur à peu près tout, alors qu’il avait – à mon sens – si mal commencé au lendemain du départ du général de Gaulle, méritait admiration : le procès en fidélité se terminait à mon sens par un acquittement, ce que je publiais à sa mort puis au premier anniversaire de celle-ci. Il me fut déconseillé de demander son audience – Jacques Fauvet, le directeur de « mon » journal à qui l’on prétendait que j’avais « tapé dans l’œil », de fait être publié plusieurs fois par mois, et en première page de temps à autre – mais Michel Jobert et d’autres collaborateurs m’assurèrent qu’il m’aurait reçu. Accusé de réception.
J’ai continué avec Valéry Giscard d’Estaing, entre autres destinataires de mes articles. Quand le nouveau président – que je suspectais a priori de trahir l’héritage gaullien encore plus complètement que son prédécesseur – alla coup sur coup plonger avec le Terrible, notre sous-marin nucléaire stratégique, puis s’incliner sur la tombe de Colombey, je marquais le coup par un article et ma lettre qui suivait, mettait en perspective la suite possible du septennat. J'eus un accusé de réception de forme, puisque j'eus des conversations régulières avec son ami et conseiller de confiance, Jean Sérisé. Passionnantes et sans qu’il me fut demandé de cesser mes publications.
Avec François Mitterrand, que je rencontrais tête-à-tête à partir de Juin 1977, par l'entremise de son frère aîné Robert, j'ai bénéficié avant 1981 et jusqu'en 1994 de nombreuses rencontres, dont six ou sept en tête-à-tête, au siège du Parti socialiste et rue de Bièvre, puis à l’Elysée. Une véritable correspondance aller-retour – parfois entièrement de la main du président de la République – s’accompagna de conversations régulières avec son secrétaire général, Jean-Louis Bianco à partir de 1983. Nos relations avec les pays de mon affectation diplomatique, quand l’homme d’opposition devint le souverain, un regard et des suggestions sur nos affaires et sa candidature avant 1981 puis en 1986-1988. Parfois des déclarations ou des mesures que j’avais inspirées. Confiance mutuelle et davantage puisque je fus invité à trois reprises à l’accompagner dans ses déplacements officiels à l’étranger, tandis que je subissais une première mise au ban de mon administration. Epoque aussi où se noua avec Pierre Bérégovoy une relation de confiance et d’amitié aussi suivie et intime qu’avec Michel Jobert, que ceux-ci soient au pouvoir ou dans l’attente. Correspondance échangée de nombreuses fois avec chacun d’eux. Je ne pus cependant jamais intégrer l'équipe de l'Elysée, ni même celle du Premier ministre en 1993, ce contre quoi j’aurais volontiers abandonné l’ambassade du Kazakhstan que je devais à Pierre Bérégovoy.
Jacques Chirac, alors maire de Paris et rencontré à l'occasion de ma candidature hors partis à l'élection partielle de Novembre 1980 pour la succession d'Edgar Faure à Pontarlier, me reçut souvent entre cette date et l'élection de 1981. La correspondance écrite continua ensuite de part et d'autre, de substance, et je fis parfois l'intermédiaire entre lui et François Mitterrand, devenu président de la République. Mais le contact se rompit à son arrivée à l'Elysée, Dominique de Villepin interceptant et empêchant tout, notamment mon rétablissement dans un emploi ou un autre, quand je fus rappelé d’Almaty en coincidence avec l’élection présidentielle de 1995. Je tentais de rétablir la communication, quoique je n’ai jamais été en accord politique, avec un homme qui à nos premières fois m’accueillait sans condition de reconnaissance. Il s’agissait, depuis que j’avais été « placardisé », davantage de mon sort personnel que d’une appréciation de la conduite présidentielle de nos affaires, mais au président régnant et à partir de 2002, à son ministre des Affaires Etrangères, je faisais connaître mon regard sur l’actualité internationale après que j’ai combattu par circulaires, faute d’internet encore et n’ayant plus les colonnes d’aucun journal, le projet de réduire à cinq ans la durée du mandat élyséen. J’avais si peu d’accusé de réception que le nouveau directeur du cabinet, Bertrand Landrieu que je pouvais toucher par l’intérêt qu’il avait manifesté pour un monastère cistercien quand il était préfet de la Manche et le fréquentait comme je le fis ensuite, me fit savoir que des correspondances de la semaine précédant mon interrogations, n’avaient pas même été enregistrées… Le soir de son « retrait de la vie politique », Lionel Jospin à qui j’avais adressé de nombreuses télécopies car le numéro n’avait pas changé depuis Pierre Bérégovoy, me répondit enfin – et deux fois, presque dans les mêmes termes, carte manuscrite recto verso – m’assurant de son regret de n’avoir pas correspondu pendant les cinq ans où il en avait été temps. Sur la rénovation de la vie politique, il m’a également répondu. Il m’avait reçu rue de Solférino à la demande de l’Elysée en 1988, pour débattre de mes prétentions électorales à Pontarlier : elles faillirent se réaliser. J’avais au début de 1981 refusé à Jacques Chirac et à Jacques Toubon, la circonscription de Thionville (Florange…) où j’aurais eu mission de conquête contre le Parti communiste. J’avais répliqué que je souhaitais n’être élu que contre des giscardiens mais pas contre des gens de gauche, surtout des communistes. En 1988, je manquai d’une voix en assemblée de circonscription l’investiture socialiste comme candidat d’ouverture avec en suppléant, l’excellent et chaleureux Charles Marmier, secrétaire de la section de Frasne.
Avec Nicolas Sarkozy, à la même époque des débuts du nouveau siècle, une correspondance s’échangea que je voulais sur le thème du gaullisme à reprendre, l’évidence de son avenir m’était apparu comme à beaucoup. Pendant la campagne de 2007, je lui adressais les mêmes notes de fond qu’à Ségolène Royal que je soutenais de suggestions tactiques et voulais à l’Elysée. L’élection ayant tranché, j'ai commencé par la poste – aux bons soins de Claude Guéant, puis directement. Deux lettres peu personnalisées sur la « commission Balladur » pour une révision constitutionnelle à laquelle je demandais à être d’une manière ou d’une autre associé, puis sur l’éducation m’accusèrent réception. François Fillon, de façon circonstanciée m’accusra réception et convnt de me recevoir : c’étaient l’été et l’automne de 2007. Le contact par courriel s’inaugura avec le directeur du cabinet présidentiel quand Christian Frémont, préfet, reçut cette fonction : je lui avais rendu quelques services quand il était directeur adjoint, puis directeur des stages de l'E.N.A. Ainsi commença la série des messages-conseils de maintenant. Un seul accusé en quatre ans et demi, mais sur un sujet « françafricain » d'importance : le président avait carrément menti, en conférence de presse au Niger, le 27 Mars 2009 à propos du putsch mauritanien, affaire que je montais dans Libération avec Cédric Mathiot, et accessoirement à propos de l’échange de voyages officiels du chancelier Adenauer et du général de Gaulle. Nicolas Sarkozy assurait qu’en 1962, la réconciliation franco-allemande n’avait pas été populaire ! J'ai continué d'écrire ou de courrieller sans plus d'accusé de réception, soutenant l’épiscopat et Viviane Reding dans leur condamnation du traitement fait aux Roms et aux gens du voyage, puis suggérant, à raison de la « crise » d’aller à un gouvernement de consensus national. Ce qui vaut davantage encore pour aujourd’hui.
Avec François Hollande, quoique j’eusse préféré Ségolène Royal puis Martine Aubry, au second tour de la primaire socialiste, j'aurai voulu intégrer l'équipe dès le début de la campagne. Je reçus deux lettres en réponse aux miennes plus nombreuses, avant l'élection, et trois depuis. Du secrétaire général, Pierre-René Lemas que j’avais connu au placard de la rue Desaix – la direction des Journaux officiels, toujours tenue par un préfet – un accusé de réception le soir d’un exercice télévisé daubé par la critique mais que j’avais estimé concluant.
Je pense que je suis lu. Je serai reçu sans doute par le secrétaire général. Je rencontre "madame Afrique", mais sous les deux prédécesseurs, je rencontrais déjà "monsieur Afrique". J'ai sollicité depuis Ocobre 2011 de participer à l'équipe : j'en suis très loin. J’avais proposé à Valéry Giscard d’Estaing , en échange d’une facilitation matérielle de mes entrées en relations et de mes déplacements à travers toute la France , de lui rédiger des notes sur l’état d’esprit et l’ambiance, sans précautions, et hors de tous sondages. De travailler éventuellement à la commande sur des dossiers en cours. Veilleur ou urgentiste, rapporteur d’opinion et du sens commun. Avec François Hollande, j’ai songé au précédent de Fiévée rédigeant des notes secrètes pour Napoléon selon une convention et un mode exprès, et lui ai proposé de travailler ainsi à façon, sans place dans l’organigramme mais avec un accès périodique à lui pour un bref tête-à-tête me permettant de savoir ce qu’il lui serait le plus utile de recevoir de moi. N’ayant aucune expertise du gouvernement, n’ayant fait partie d’aucun cabinet ministériel – sauf une semi-proposition téléphonée de Joseph Fontanet à l’automne de 1970 et un accord verbal entre Pierre Arpaillange, garde des Sceaux et moi pour que je dirige son cabinet place Vendôme, en dehors de tout regard du parti socialiste qui voulait lui imposer un nom, accord auquel Michel Rocard, Premier ministre, mit son veto avec raillerie, malgré la bénédiction élyséenne reçue par écrit – n’appartenant plus à personne qu’à mes fidélités et convictions, ayant cependant une forte culture générale des affaires publiques et la mémoire de celle-ci par quarante ans de commentaires publiés ou intimes, je crois pouvoir être un veilleur et un avertisseur. Je le préfèrerai à la position de censeur.
Ce ne m’est donc pas encore donné, malgré quarante ans de ce souhait, quel que soit le roi. Au Comte de Paris, père de l’actuel, et qui me reçut et m’écrivit souvent, je tenais des propos de même registre mais la révérence de mon côté et la manifeste affection bienveillante de la part du prince, m’inscrivaient dans une autre continuité, celle de la France totale englobant complètement le quotidien des urgences et des occasions.
Pourquoi continuer ces adresses ? Parce que je ne peux m’empêcher de voir ce qui pourrait être fait et d’en discerner le plus souvent le mode opératoire. Parce que je crois que le dire et le faire savoir peut être utile et que chacun, selon ce qu’il peut, à une époque donnée et dans un pays précis, a pour devoir de contribuer au bien commun et, sans doute, au salut public, dans la mesure de ses possibilités et de ses talents. Nous en avons tous. Parce qu’aussi, la publication de mes opinions et suggestions – presque jamais de critique qui ne soit accompagné de la démonstration d’un autre possible – dans la presse quotidienne pendant longtemps : Le Monde de 1972 à 1982, La Croix de 1972 à 1997, m’a entrainé à l’expression du moment, et que je m’en voudrais rétrospectivement de n’avoir pas pris date. Enfin, l’espérance d’être utile bien davantage que d’obtenir une place.
Donc, plus – depuis 1994 – ou pas encore de dialogue sur les sujets que j'aborde avec un pouvoir le plus souvent muet comme les idoles de naguère. Colosses de bronze aux pieds d’argile.
L’époque est plus fermée, du côté des « puissants », que les précédentes. Ou bénéficiais-je alors de cette grâce de la jeunesse à qui est prêté de l’avenir et qu’il faut donc ménager quand dans la brigue du pouvoir ou dans son exercice, on cherche, hors ressources professionnelles et médiatiques, hors convention, quelque oreille et quelque appui, voire idée quand on sèche car l’art d’être élu et d’arriver est plus courant que celui de gouverner, de rester en phase avec les événements, avec ses concitoyens et contemporains ? Le fait est que j’avais davantage d’entrées et de médias « autrefois ». Il me semble cependant que le système qui nous gouverne depuis plus d’une décennie, quelles que soient les élections et les opinions un temps victorieuses, est rigide, pris par les précédents, peureux et donc en défense. Le pouvoir admet – de plus en plus explicitement – qu’il ne l’est plus guère et n’entend pas encore qu’il lui est demandé et qu’il sera peut-être exigé, un jour prochain, qu’il le redevienne. Il le serait – serein et assuré du soutien populaire – qu’il m’accueillerait comme tout citoyen. Les agenda du général de Gaulle montrent que le tout venant accèda à lui, et François Mitterrand était accueillant, attentif. Sa majesté n’était qu’en public. Persister peut contribuer.
Bertrand Fessard de Foucault,
soir du dimanche 9 et matin du lundi 10 Décembre 2012
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