vendredi 28 septembre 2012

retour sur l'entretien avec le Premier ministre et les commentaires de ce matin

 
----- Original Message -----
Sent: Friday, September 28, 2012 10:13 AM
Subject: observations et réflexions sur l'entretien avec le Premier ministre hier - à propos des commentaires notamment

Je me permets de revenir sur hier soir et de continuer les réflexions que je vous ai prié de faire connaître au Premier ministre.
 
1° la forme
 
les journalistes, qu'ils soient sur le plateau ou qu'ils gambergent ce matin, ou encore rédigent des éditoriaux, ne veulent entendre et voir que ce qu'a priori ils ont décidé d'attendre. Ils sont manifestement pris par une conception de leur métier qui les domine : le scoop, l'annonce. Il faut à tout peix qu'il y ait du secret et du nouveau si possible inattendu, que la concurrence n'a pas. Réflexe - qui me paraît une grave déviation du journalisme et du commentaire, puisque c'est trravailler des questions de gouvernement et de bien public, uniquement par rapport à l'égo du journaliste - auquel Nicolas Sarkozy a cru pouvoir donner constamment, répétitivement de la pâture. Sans cesse, annoncer. Au détriment du faire. Et le discernement de ce faire manque actuellement aussi bien aux commentayeurs qu'à vos adversaires. Les choix n'ont pas besoin d'être qualifiés en termes correspondants aux grilles des journalistes. La crise... il était reprocher aux prédécesseurs de s'en faire le paravent, il est reproché maintenant de ne pas l'évoquer dans les mots. C'est le dire évangélique des gamins sur la place publique, nous avons joué de la flûte etc...
 
L'inculture - des mêmes - est telle que la brèche est ouverte pour déclencher toute nouvelle forme d'analyse. Et des rumeurs... Ainsi Schroeder et sa période. L'homme, comme Blair, a été un prestidigitateur aussi bien en Basse-Saxe, son Land, qu'à la Chancellerie. Il s'est rétrispectivement disqualifié en passant au service rétribué des Russes et de leur privé, et en contestant - à l'écran et à la stupéfaction d'Angela Merkel - sa défaite au point qu'on attendait l'élection partielle ou un résultat tardif à Dresde je crois pour décider de la victoire ou pas de la CDU. Depuis hier soir, on commente et on se passionne sur la social-démocratie et sur un épisode jusques là pas étudié de l'histoire économique et politique d'un voisin. Peu d'étude encore aujourd'hui sur le quinquennat législatif de Lionel Jospin, sur les trois ans de Rocard et les trois de Mauroy, deux versions intéressantes de la gauche au pouvoir et de la relation Premier ministre/Président. Quant à la politique économique allemande, elle n'est pas connue : il y a deux accords fondamentaux, la lutte contre l'inflation (référence 1929 et montée de Hitler), le social articulé très fort avec une philosophie religieuse (l'ordolibéralisme de Roepke mis à exécution par Erhard) et très peu avec le laisser-faire, avec une morale de l'entreprise et de ce qui se fait ou ne se fait pas. Rigueur intime que n'ont pas tous nos dirigeants de grandes entreprises. A petits mots, le PDG de Renault nous avertit qu'il va "devoir" prendre les mêmes décisions que son homologue de Peugeot : la crise.
 
La plaie - que selon le Canard déplore à juste titre le Premier ministre - ce sont les indiscrétions, les fausses nouvelles, les dires d'initiés, et qui toutes portent, non sur la manière de ceux qui nous gouvernent, mais sur la fiscalité. Elles font dépenser de l'énergie en démentis ou explications. Peut-être marquer fortement que le gouvernement ne communique pas par des biais mais directement et selon documents qu'il publie : budget notamment.
 
2° le fond
 
La droite comme les commentateurs de ce matin - chacun géant dans l'art de la politique (que de Gaulle définissait en termes d'appui du peuple explicite à l'exercice du pouvoir) - appellent à "violenter le corps social" tant qu'il en est temps, parce que la campagne électorale a mo,tré au pays l'état dans lequel il se trouve. Or, cet état n'est mesuré que quantitativement et statistiquement. Alors que ce qui importe pour le restaurer, c'est le qualitatif. Le corps social - précisément - est violenté par le mondialisme et par la crise, cela depuis une vingtaine d'années maintenant, et Nicolas Sarkozy par son remue-ménage y a encore ajouté. Le choix du pouvoir incarné par le Président et exercé, dans les faits, et dans l'animation gouvernementale, par le Premier ministre, qui a - à plusieurs reprises - sans que cela soit relevé (malheureusement) défini sa fonction autant par rapport au Parlement qu'envers ses ministres et vis-à-vis du chef de l'Etat , le choix est fait de ne pas faire violence et de gagner la partie par le calme, la durée, la ténacité. Le budget essentiellement, la concertation.
 
Il manque un outil qu'il serait de la compétence du Premier ministre de redinner à l'Etat puisque - malheureusement - c'est Lionel Jospin qui l'a laissé tomber. Réinventer et réinstituer la planification dite souple à la française. Lieu de mise en commun et de concertation entre tous les acteurs sociaux et économiques. La lisibilité qu'il est reproché au gouvernement de ne pas donner aux Français se trouverait accessible et être le fait de tous. Le plan pourrait coincider avec la législature. Le commissariat général confié à Louis Gallois est une animation et une centralisation des données, il n'est pas un outil de concertation. La planification correspond aux grandes années de redressement français et de paix sociale. Y venir à nouveau marquerait une vue globale de nos situations, un appel à tous, et donnerait de la prospective autre que macro-économique puisque les projets et les réformes s'y inscriraient.
 
La compétivité française n'est pas - principalement - affaire de charges sociales ou de fiscalisation des bénéfices, elle est - chez nous - affaire d'investissement des profits dans le productif et - sur les marchés étrangers - question de savoir vendre, de savoir comprendre les besoins à venir de ces marchés, d'anticiper la demande et d'y adapter l'offre. C'est élémentaire, ce n'est pratiquement jamais dit dans le discours sur notre commerce extérieur (ce qui a été mon métier dans nos ambassades pendant une trentaine d'années).
 
3° l'identité
 
J'ai été frappé de la phrase presque mezzo voce prononcée par le Premier ministre à propos du SPD et de son tournant de 1959 : la valeur du marxisme comme outil intellectuel et de compréhension du monde. Cela n'a pas été relevé. Il se trouve aussi que cela a fait suite à la manière dont Arnaud Montebourg - apparemment absent du "plateau" hier soir, ce qui n'a pas été relevé non plus - a parlé à Florange. En syndicaliste et en prenant la tête du combat et de la revendication contre un patronat étranger à notre pays, à nos régions et au salariat. 
 
Les photos et vues pendant ces émissions sont très révélatrices. Ainsi Valls et Taubira que les commentateurs veulent opposer étaient plus que complices car ce n'était pas de la tactique ou de l'arrangement, mais du réflexe et du sursaut tandis que parlait Kosciuzsko-Morizet. Et ils l'étaient sur la manière dont argumentait NKM à faux doublement (inexactitude des faits et décisions reprochés, tour d'esprit peu social).
 
Le modèle de gouvernement est en nous, dans notre histoire, dans nos réalités géographiques, démographiques, psychologiques. Les modèles et comparaisons avec l'étranger sont des papiers de journalistes ou des boîtes à idées pour annonce (période Villepin sur la flexibilité du marché du travail à la danoise ou à l'autrichienne).
 
Conclusion
 
la proximité est à chercher avec le réel et avec les Français, pas avec les communicants. Beaucoup de rencontres, de dialogues, d'écoute, mais le moins de discours et de "pédagogie" possible - le son rendu est paternaliste, relation de maître à élève. Sortir donc mais sans publicité. peut-être tirer ensuite les conclusions de ces sorties périodiquement : les causeries du samedi de Pierre Mendès France.
 
Le Parti socialiste n'est pas actuellement le relais qu'il faut au gouvernement. Les choses se jouent certes au Parlement, à certains moments, et le contrôle, le recul que peuvent produire les débats sont nécessaires. La décision cependant est dans la relation du pouvoir avec les Français. Il faut que les élus fassent en permanence campagne pour expliquer le gouvernement et pour rapporter au gouvernement ce qui est ressenti dans les campagnes, les villes, les quartiers, les salons... les partis sont beaucoup trop une machine pour conquérir le pouvoir électif et trop peu le relais entre le pays et les gouvernants.
 
Tout cela sous réserve de ce que je me permets de ressasser dans ce que je soumets au président de la République : la relance européenne par la démocratie (élection directe du président de l'Union, référendum européen dans les matières du traité, réécriture du traité par le prochain Parlement européen élu en 2014 avec compétence constituante) et de ce que je développerai dans ma lettre par la poste au Premier ministre : le Plan, l'emprunt citoyen au lieu du circuit avec les banques et selon les marchés.
 
Merci pour votre amical intermédiaire.
 
  

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