mercredi 5 septembre 2012

politique étrangère de la France - après lecture des interventions présidentielle et gouvernementales

Politique étrangère de la France

après lecture des discours prononcés
devant la XXème conférence des ambassadeurs
27-29 Août 2012



C’est parce que nous ne sommes plus une grande puissance qu’il nous faut une grande politique, parce que, si nous n’avons pas une grande politique, comme nous ne sommes plus une grande puissance, nous ne serons plus rien.

de Gaulle à Saint Robert, le 27 février 1969 (Les septennats interrompus, p. 18)





Le discours du président de la République

Le lire n’est pas l’entendre. Je n’en retiens que peu.

Un égotisme que n’avait pas son prédécesseur (« je suis de ceux qui pensent » fut sa formule à la première de ces conférences pendant son quinquennat), l’absence d’évocation de circonstances historiques précises, de précédents fondateurs, de prédécesseurs décisifs (le général de Gaulle et François Mitterrand). Les grandes questions et la France elle-même sont sans racines dans la pensée présidentielle telle qu’elle s’est exprimée.

Un projet européen et la foi le soutenant ne viennent que tardivement dans le texte. Le contenu est exactement, sans novation, discussion ou ajout, celui de Nicolas Sarkozy en fin de mandat. Rien sur une relance européenne, notamment fondée sur une mûe des institutions (élection au suffrage direct du président de l’Union par tous les citoyens européens, prérogative donnée à celui-ci du referendum européen pour les matières prévues par le traité), la proposition que le prochain Parlement européen soit constituant.

Flou sur les questions précises : la Turquie, adhésion ou pas ? l’O.T.A.N. y demeurer ou en ressortir ? que fera-t-on si la Cour de Karlsruhe refuse les mécanismes de solidarité financière ? la gouvernance mondiale ? la composition du Conseil de sécurité ,

Omissions graves : le droit des Palestiniens à un Etat qui ne soit que le leur, la mise en garde d’Israël contre toute action préventive visant l’Iran, la francophonie sans mention de la Belgique et de la Suisse, et surtout du Québec alors à la veille d’élections décisives (et probablement favorables aux souverainistes).

Une seule « idée », mais peut-être n’ai-je pas suivi d’assez près le sujet depuis qu’il est posé : la constitution souhaitable d’un gouvernement syrien en exil ou camouflé que l’étranger, à commencer par la France, reconnaîtra.



Les interventions du ministre des Affaires Etrangères (Laurent Fabius)

Trois interventions. La méthode, le thème économique, les orientations politiques. C’est dire que l’architecte c’est lui. Sans doute avec Pierre Sellal, le secrétaire général dont il fait l’éloge à plusieurs reprises (directeur du cabinet de Védrine, puis représentant permanent à Bruxelles.

Evidence d’une chaleur et d’une relation avec l’auditoire, les ambassaseurs et non un parterre politique et médiatique. Implication personnelle certaine. Le sens des formules, encore plus que dans mon souvenir. Souvent excellentes. Il sait et comprend le métier, il esst convaincu de l’importance et des moyens à mettre en œuvre pour notre rayonnement d’image.

Le résultat de ces trois interventions est cependant ambivalent.

Ce n’est pas une mise en valeur du président de la République. La comparaison Fabius/Hollande n’est pas – à lire leurs textes respectifs – en faveur de l’élu du 6 Mai. Il aurait dû parler le dernier, personne ne doti protocolairement opiner après le président de la République.

Le vide et l’absence de novation dans notre politique étrangère – donc l’embarras des successeurs de Nicolas Sarkozy – est ici évident. On ne va pas s’en distinguer. Le ministre est muet sur la françafrique, mais en revanche plus explicite sur la question israëlo-palestinienne : le droit à un Etat est reconnu aux Palestiniens.

Il apparaît – ce que je ressentais par opposition à presque tout dans le fond et la manière de Nicolas Sarkozy – que ce vide appelle une réflexion. Une politique doit avoir comme préalable, pas seulement un inventaire (souvent subjectif) de la « réalité » mais une pensée. Dans le cas d’une politique étrangère, il faut une pensée d’ensemble et une réflexion par sujets.  Le choix et la définition d’un sujet faisant partie de cet exercice de la pensée. Je vais m’y atteler dans les prochains mois. Repenser et concerter notre politique étrangère.


Le discours du Premier ministre (Jean-Marc Ayrault)

Le meilleur des trois et il est naturel, alors, qu’il donne un satisfecit au Président et un nihil obstat au ministre des Affaires étrangères. Ce n’est évidemment pas la « logique de nos institutions ». Sur le fond, Jean-Marc Ayrault marque une différence : l’engagement européen n’est pas un chapitre, c’est la tonalité d’ensemble de son texte.

Mais contrairement aux premières conférences auxquelles j’ai participé – la seconde cohabitation, Balladur/Mitterrand – le Premier ministre ne cherche pas à se mettre en valeur par des idées ou propositions différentes. Il ne se classe que par lui-même et je suis peut-être plus sensible à ce classement que ne l’ont été les auditeurs du moment.

Mieux que François Hollande et Laurent Fabius, le premier se posant en Président, le second assurant qu’il est heureux de sa position actuelle, le premier n’ayant manifestement aucune sensibilité à l’outil diplomatique et peu d’usage international encore, peu de culture historique aussi (ce qu’un autre exercice aurait sans doute occulté mais que n’a pas pallié une bonne plume…), le second en décousant depuis sa prise de fonction avec la manière de Nicolas Sarkozy en relations internationales, Jean-Marc Ayrault a surtout, et très justement, mesuré la perte d’audience, la chute de notre image.

Avec leurs différences de tempérament, de culture et de charisme, plus que de rang dans la hiérarchie pour la prise de décision, les trois personnages cependant donnent un bon exemple d’unisson. Ils ont ensemble compris qu’il s’agit d’influence. Pour le Président, ce sera de la présence internationale. Pour le ministre des Affaires Etrangères, c’est affaire d’organisation au Quai et dans les ambassades – on dit maintenant « poste » puisque les postes d’expansion économique (les services de l’attaché commercial que je fus longtemps et avec quelque bonheur quand même car la subordination à l’ambassadeur n’était que nominale, surtout s’agissant de moi, tel que j’étais devenu dans les configurations administratives) ont disparu à l’étranger et que la direction des relations économiques extérieures n’a plus même une apparence d’organigramme dans la constellation du Trésor et de la Politique économique rue de Bercy… Pour le Premier ministre, c’est véritablement la reconstitution, à la charge de l’ambassadeur, de notre image chez nos partenaires et le rendu à Paris de la perception que l’on a de nous hors de nos frrontières. De la part de Jean-Marc Ayrault – sous les mots d’ordre, censément novateurs, de redéploiement de notre dispositif et de nos réseaux à l’étranger en faveur de notre économie et de notre emploi – c’est la perception du vrai rôle des ambassadeurs et de leurs possibilités concrètes. Beau retour au métier et au réel.


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Restent les lacune évidentes d’un exercice qui, à l’origine, n’était pas le faire valoir des politiques, du Président, du ou des ministres, mais bien un dialogue de l’administration centrale et du pouvoir politique avec les ambassadeurs. Donc une sensibilité retrouéve et entretenue chaque année entre Paris et l’étranger, un contrôle de soi par l’écho planétaire que nous provoquons ou pas.

Le nombre des intervenants et leur qualité respective semble avoir fait de cette conférence – à laquelle j’aurais aimé assister, quitte à grommeler pendant certaines interventions – une série d’exposés magistraux, un enseignement, mais bien peu un échange professionnel et pratique.
  
Bertrand Fessard de Foucault
premier ambassadeur de France au Kazakhstan
Juin 1992 . Février 1995

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