Dimanche
1er Septembre 2013
Vieillesse,
tout est limité, le temps, l’énergie, le sexe… mais la jeunesse n’est-elle pas
tout autant limitée. N’en avais-je pas sans cesse l’impression, limitée peut-être
moins par la nature mais par la société et des dépendances de toutes sortes.
Elle était tâtonnements et échecs. Aujourd’hui plus rien n’est échec, mais
seulement réalité et donc avec bien moins de prise sur l’affectivité. Je me
concentre sur l’existant, l’obtenu sachant qu’il n’y a d’acquis que ce qui est
constamment cultivé, renouvelé. Le bonheur est-il le même ? Je vivais des
périodes difficiles, mes journaux intimes l’attestent mais je ne me souviens
que globalement de la beauté et du bonheur, le jour le jour et ce qu’il en
reste sont, au moins en moins dans une mémoire sensitive, vibratile et non
factuelle, très différents. Les mêmes « matériaux » résonnent d’une
manière à l’époque où ils se constituent et d’une tout autre maintenant. Et si
je suis constamment heureux malgré autant de difficultés et presque du
même genre qu’autrefois, c’est sans doute que je regarde et vis tout comme
constituant du bonheur, du reçu, du gratuit, du chanceux au point que des
alternatives, que je crus vivre et qui m’auraient amené – décision ou
circonstances – à une tout autre chaîne d’événements : un autre mariage,
une suite de carrière, etc… je suis heureux qu’elles n’aient pas eu lieu. Le
point où je suis – à pied d‘œuvre, mais aussi en contemplation – me plaît. Et
cela tous les jours, tous les soirs. En tous regards. En celles et ceux qui me
sont chers. En présence de la chère femme et de notre fille. Et dans les
assauts de nos chiens chaque matin. Et dans ce monde qui ne demande qu'à être
écouté et compris. J'en suis, nous en sommes : substance et âme humaine,
création en cours. Prière qu'est la
vie. Vie qu'est la prière.
Prier, prions… [1] les leçons de société : quand tu es invité à
des noces, ne va pas te mettre à la première place, car on peut avoir invité
quelqu’un de plus important que toi… quand tu donnes un déjeuner ou un dîner,
n’invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches voisins… la
politesse te serait rendue… invite des pauvres… et tu seras heureux car ils
n’ont rien à te rendre. Première scène de
la vie publique du Christ et premier miracle, des noces, un repas, le vin.
Dernière repas, la Cène, le mystère et le sens de l’Eucharistie, du vin encore…
le lavement des pieds et la place à table donc… celui qui s’ écarte du
banquet où il était pourtant invité… Vous êtes venus vers Dieu… vous êtes
venus vers la montagne de Sion et vers la cité du Dieu vivant… vers des
milliers d’ange en fête… vous êtes venus vers Dieu, le juge de tous les hommes
et vers les âmes des jutes arrivés à la perfection. Vous
êtes venus vers Jésus, le médiateur d’une Alliance nouvelle. Paul ou son disciple donne le sens d’une
démarche de foi, tout intérieure et vive, consciente : rien de
matériel comme au Sinaï, pas de feu qui brûle, pas d’obscurité, de ténèbres, ni
d’ouragan, pas de son de trompettes, pas de paroles prononcées par cette voix
que les fils d’Israël demandèrent à ne plus entendre et au Golgotha crurent avoir éteinte. Tandis que les commensaux de
Jésus, aveugles de moeurs et de comportements les plus banaux, le sont autant
vis-à-vis de Celui qui leur donne une parabole qui est bel et bien leur tendre
un miroir. La puissance du Seigneur est grande et les humbles lui rendent
gloire. La vieillesse est sans doute le
temps de l’humilité, et il n’est pas nécessaire de la proclamer ou de l’avouer.
Deux
évidences.
La
première est que malgré l’Alliance atlantique et la foule de ses enceintes à
conciliabules, malgré les X rencontres au sommet, les téléphones rouges et
autres, les visites, etc… il n’a pas de concertation entre les dirigeants ni
« occidentaux » ni de ceux-ci avec les grands autres que sont la
Chine et la
Russie. Improvisation totale ces jours-ci des positions de
chacun des dirigeants, sauf chez Poutine qui sans doute n’avait pas une
stratégie détaillée l’amenant à la position idéale dans laquelle il se trouve
depuis que les trois intervenants, décidés à l’attaque la semaine dernière, se
sont réduits à l’inaction à force d’hésitation, de conditionnalité et de
délais. Sans même être allé à tenir la confrontation type Cuba : deux
lance-missiles adverses au bord des eaux territoriales syriennes, Poutine aura
fait reculer l’Occident. L’étape suivante du retour soviétique au Proche-Orient
va être la confirmation du soutien à l’Iran, mais dont probablement l’Iran ne
veut pas. Dans l’immédiat donc Cameron, Hollande et Obama n’ont pas su se
concerter. De même qu’en deux ans, aucun d’eux n’est arrivé à trouver la faille
de Poutine, la proposition lui faisant transformer son soutien à Bachar en une
place retrouvée au Proche-Orient et manifestée par un rôle qui lui aurait été
reconnu dans la solution de la crise et de la guerre civile syrienne. Cameron,
Hollande et Obama ont chacun été acculés à jouer un jeu solo. sur leur seule
scène nationale : quel échec de l’Alliance atlantique
qui prétendait à sa novation et à une extension mondiale de sa compétence
territoriale en même temps qu’à l’extension de ses compétences thématiques, le
terrorisme non-étatique, voire l’économie, la spéculation, la piraterie
financière. Cameron est réduit à l’hypocrisie, sans doute la mise à disposition
de sa base chypriote comme base insubmersible pour les aviations américaine et
française. Obama a joué et va perdre sa crédibilité nationale et
internationale, car le Congrès – sauf si Bachar refait un discours comme celui
de cet après-midi piquant au vif l’orgueil taxan ou de Chicago – ne votera pas
l’intervention. Quant à Hollande qui n’a rien à craindre d’un vote à
l’Assemblée nationale, ses rodomontases ont été prématurées parce que non concertées :
il est prisonnier du calendrier américain. Enfin, évidence à chacune de ces
confrontations et interventions, l’Europe de la défense n’existe pas ni en
vouloir politique et en diplomatique commune pour temps de crise, ni en
logistique : pas de matériels de transport, pas vraiment de porte-avions,
pas de technologie du renseignement et de l’assassinat ciblé.
La
seconde est dans le jeu des analogies. Harlem Desir dont je n’ai pas tout le
texte, a raison d’évoquer Munich. Les démocraties sont effectivement en
position de faiblesse dans l’affaire syrienne comme elles le furent face à
Hitler. Cf. les votes aux Communes et au Congrès, le retard à l’allumage donc,
alors que depuis deux ans, on discourt sur la ligne rouge ou jaune. Le
pacifisme d’aujourd’hui, c’est la guerre demain. En revanche, ni l’Afghanistan
– où il y avait vote onusien et mission expresse donnée à l’OTAN – ni l’Irak –
où tout était revanche du fils pour le père ayant laissé le
« boulot » inachevé, et rien en véritable motif légal, la détention
d’armes de destruction massives – ne sont des précédents valables. Il y avait
dictature certes, mais pas massacre de populations. Il n’y avait pas de soutien
par Moscou. Il y a maintenant une novation qui peut être en partie fondée sur
les précédents libyen et malien : protéger des populations (la Libye de
Benghazi) ou la pérennité d’un Etat (le Mali), mais qui doit inspirer de
nouvelles formes juridiques. Le Conseil de sécurité n’est pas, par lui-même,
une forme viable de gouvernance mondiale. Il faut formaliser la réprobation de
la « conscience universelle », prévoir des forces de sécurité
mondiale et les modalités de leurs mises en œuvre.
Il
est dit par les pacifistes français d’extrême-gauche ou de la droite
anti-européenne que la France se dédit par rapport au général de Gaulle, et à
l’attitude de celui-ci vis-à-vis de l’Amérique et de l’Alliance atlantique. Je
dis : non ! Bien évidemment, la France aurait dû dès 1991 et la
dissolution du pacte de Varsovie, proclamer l’obsolescence plus seulement de
l’OTAN mais de l’Alliance elle-même et donc oeuvrer aussitôt pour un autre
système de sécurité mondiale que le face-à-face. Bien évidemment, il ne fallait
pas réintégrer l’OTAN ce que personne ni dans l’Alliance ni en France ne
demandait et que fit Sarkozy par esprit de contradiction et pour se poser.
Bien évidemment, il fallait, de la part d’Hollande, poser une nouvelle analyse
et œuvrer pour la dissolution de l’Alliance : la quitter ou demeurer
devenant alors sans signification. Aujourd’hui, seule dans le sillage
américain, puisque l’indéfectible alliance de la famille anglo-saxonne est en
défaut, la France signale ouvertement que l’Alliance effectivement ne
fonctionne pas. L’Allemagne pilier depuis 1954 joue son jeu séculaire entre
Russie et Europe occidentale. Elle a grandement contribué à montrer ces
jours-ci qu’il n’y a plus aucune structure d’alliance ni de concertation en
Europe et en « Occident ».
De
même que l’intervention en Syrie – que je juge souhaitable, mais à laquelle je
ne crois plus, ce ne seront que quelques missiles pour la montre, sauf riposte
russe qui nous fera alors basculer vers l’imprévisible, genre assassinat de
François-Ferdinand à Sarajevo et engrenages de tout, hors contrôle humain et
libre-arbitre posé de qui que ce soit – décaperait des situations régionales
explosives depuis des décennies, de même en relations internationale la seule
perspective de cette intervention met à nu l’obsolescence et l’artifice des
structures que l’on croyait pérennes et fondamentales depuis soixante
ans : entreprise européenne et solidarité-osmose mentale atlantique…
[1] - le Siracide III 17 à 29 passim ; psaume XLVIII ; lettre aux
Hébreux XII 18 à 24 ; évangile selon saint Luc XIV 1 à 14 passim
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