jeudi 1 septembre 2011

une réflexion sur le temps actuel - rédigée entre Janvier et Mai 2011 - mais différée de diffusion


22-23 Mars . 6-22 Avril . 29-31 Mai 2011



Retour au multiple
mais pour des dialectiques incertaines

réflexions et observations sur un moment structurant
de la situation et des relations internationales





Ces réflexions sont un effort solitaire – sans sources particulières d’information ni sur les événéments en cours depuis la fin de l’an dernier, ni sur les desseins gouvernementaux français, s’il y en a… pour le long terme. Simple souci de voir clair et de prendre date, autant vis-à-vis de moi-même que de tiers lecteurs, comme je l’ai fait en tenant journal depuis 1964 – dont j’ai le projet de publication commentée et augmenté de la mémoire résiduelle – et en réfléchissant et communiquant ad hoc en 2001 et en 2003 notamment (11-Septembre et Irak), ou en écrivant à ceux qui accèdent au pouvoir, Lionel Jospin en 1997 et Nicolas Sarkozy en 2007, quoique seulement en termes de souhaitables initiatives françaises.

Elles sont jumelles de celles menées à propos de l’actuel moment français, depuis qu’il est acquis que le quinquennat commencé en 2007 n’aura pas de suite élective en 2012 : impasse et issue, réflexions et propositions à un moment de décision collective française.

La méthode est la même. Elle s’inspire des critères qui furent ceux du général de Gaulle dont l’art fut d’abord celui de penser. Regarder le monde selon les peuples, les nations qu’ils ont formées et auxquelles ils tiennent. Proposer pour la France selon le seul bien commun de tous les Français, la France-même. Et chercher l’interaction. Le moment comme support impératif de la réflexion mais la limitant d’autant moins, pour quelqu’un qui n’est pas acteur, qu’il permet de discerner l’adéquation des anciennes trajectoires et la nécessité ou pas de nouvelles orientations.

La liberté de l’esprit compense-t-elle l’information ? Des deux quelle est la plus accessible, et à quelles conditions ?

Il me paraît qu’au contraire des grands tournants précédents depuis un siècle, celui que nous vivons n’est pas une séquence de faits déterminant une ou plusieurs suites (ce qui caractérisa, en relations internationales, 1914, 1929, 1939, 1945, 1989, 2001, 2003, 2008…) mais au contraire la révélation d’une mûe déjà acquise mais pas encore assimilée ni par les opinions, ni par les dirigeants, ni par ceux qui forment le courant de pensée dominant les unes et les autres. Et ce qui me paraît valoir pour l’international, vaut – je le crois – pour la situation intérieure française : le quinquennat de Nicolas Sarkozy n’est pas un événement novateur, il est la révélation de notre état, état de choses, état d’esprit.

Je cherche donc à voir, à comprendre et aussi à dessiner des corrections de trajectoire, corrections pour l’idéal car il est probable que la suite ne sera ni ce qui est prévisible actuellement ni ce qui est généralement souhaité mais évidemment pas décidé.


chronologie élémentaire p. 2
traits communs aux événements p. 4
I – Ceux qui savent se révolter p. 7
II – Ceux qui sont en place de diriger p. 13
III – L’échec d’unsystème de rencontres p. 18
IV – L’échec des organisations internationales p. 22
V – Gouvernance ou démocratie mondiales ? p. 25
conclusion . le remède de la sincérité p. 27



17 Décembre 2010 – Sidi Bouzid, chômeur de 26 ans, se suicide par le feu en Tunisie
14 Janvier 2011 – fuite de Zine El Abidine Ben Ali après 23 ans de pouvoir ; projet d’élection le 24 Juillet d’une constituante
17 Janvier – suicide par le feu, en Mauritanie
17.18 Janvier – trois tentatives de suicide par le feu, en Egypte
18 Janvier – au Yémen, début de la contestation d’ Aly Abdallah Saleh au pouvoir depuis trente-deux ans
19 Janvier – réunion de donateurs à Kiev pour poser d’urgence un nouveau couvercle sur le réacteur détruit à Tchernobyl (740 millions euros nécessaires contre 550 millions de promesses)
24 Janvier 2011 – à l’aéroport de Domodiedovo (Moscou), un kamikaze ingouche cause 35 morts
3 Février – Algérie, le président Bouteflika s’engage à lever l’état d’urgence et à ouvrir les médias à l’opposition
11 Février – Egypte, démission forcée de Hosni Moubarak
16 Février - début des manifestations en Libye (Al-Baïda et Benghazi)
25 Février – en Mauritanie, début d’un « sit-in » chaque vendredi et mardi après-midi
15 Mars – début des manifestations en Syrie (à Deraa, puis Banias)
18.19 Février – à l’Elysée, inauguration de la présidence française des G 8 et G 20 sur la réforme financière internationale en identifiant les « déséquilibres mondiaux »
appel de la Ligue arabe
11 Mars – séisme et tsunami au Japon mettant hors contrôle la centrale nucléaire de Tukushima ; nouveau tremblement de terre le 7 Avril
17 Mars – résolution 1973 du Conseil de sécurité pour la protection des populations civiles en Libye ; abstention de la Russie et de la Chine (pas de veto)
19 Mars – Libye, premières frappes aériennes déterminant une zone d’exclusion autour de Benghazi
réprobation chinoise
entretiens de Robert Gates à Moscou
Barack Obama au Brésil
engagement de bombardiers
20 Mars – le Dalaï-Lama renonçant à son autorité temporelele, un Premier ministre en exil est élu par la diaspora
31 Mars – Libye, l’OTAN reçoit le commandement des opérations
6 Avril 2011 – enquête préliminaire de la Cour pénale international sur la situation en Côte d’Ivoire
10-11 Avril – tentative de médiation de l’Union Africaine en Libye, acceptée seulement par Kadhafi
11 Avril – arrestation de Laurent Gbagbo
12 Avril – conférence à Doha sur la Libye : les rebelles à Kadhafi demandent d’être reconnus par Washington
14 Avril – à Sanya, les pays dits du Brics (Chine, Russie, Inde, Brésil, Afrique du sud) contestent le traitement de la question libyenne par l’O.T.A.N. et déclarent "partager le principe selon lequel l'usage de la force doit être évité"
14 Avril – « impossible d’imaginer que la Libye ait un avenir avec Kadhafi », tribune signée de Barack Obama, David Dameron et Nicolas Sarkozy
14 Avril – début de mutineries au Burkina Faso
15 Avril – Algérie, le président Bouteflika annonce une révision de la Constitution » pour renfoprcer la démocratie »
15 Avril – Syrie, la contestation gagne Damas
18 Avril – l’agence de notation Standard & Poor’s (S&P) évoque une possible « dégradation » des capacités américaines à répondre de la dette des Etats-Unis
19 Avril – Syrie, fin de l’état d’urgnce en vigueur depuis 1964
19 Avril – Libye, envoi de conseillers militaires au sol par l’Italie et la France (Grande-Bretagne auparavant mais secrètement)
21 Avril – reprise des combats en Côte d’Ivoire
22 Avril – la France exprime son souhait que soti revue la « gouvernance » du traité de Schengen sur la libre circulation des personnes au sein de l’Union européenne
25 Avril – Syrie, envoi de chars à Deraa
27 Avril – Syrie, le Conseil de sécurité ne peut s’entendre sur une condamnation du régime proposée par France, Allemagne, Grande-Bretagne et Portugal : refus Chine et Russie
28 Avril – attentat à Marrakech, 15 morts, dont plusieurs français
28 Avril – DSK … pris en photo en train de monter dans ue Posche (valeur 150.000 euros, véhiciule de foction d’un proche fourni par Lagardère)
30 Avril – Yémen, accord pour une sortie de crise
1er Mai – Barack Obama annonce la mort de Ben Laden – tué par les forces spéciales dans sa résidence d’Abbottabad, non loin d’Islamabad (l’immersion du corps en pleine mer « est en contradiction avec l’ensemble des valeurs religieuses et du droit humain », selon Mohamed Ahmed-Ayeb, recteur de la mosquée de l’université Al-Azhar Caire)
3 Mai – France, examen d’un projet de loi sur la maîtrise des dépenses publiques
3 Mai – Portugal, le gouvernement de José Socrates reçoit un prêt de 78 millirads d’euros de la part du FMI et de l’Union européenne
4 Mai – la Commission européenne donne satisfaction à la France : le rétablissement temporaire de cpntrôles à la frontières intérieures de l’Union est autorisé en cas de défaillance d’un Etat-membre
4 Mai – au Caire, accord de réconciliation entre le Fatah et le Hamas
5 Mai – en Grande-Bretagne, referendum sur le mode de scrutin : le non l’emporte contre le changement qui aurait été favorable aux libéraux-démocrates
10 Mai – affaire Tapie-Lagarde (ayant battu la veille le record de longévité de Pierre Bérégovoy à Bercy): saisi le 1er Avril par neuf députés socialistes, le procuerru général près la Cour de cassation tranmset à la commission des requêtes de la Coru de justice de la Eépublique le dossier
12 Mai – désaccord europpéen sur la sûreté nucléaire
15 Mai – DSK entre les mains de la justice américaine pour agression sexuelle
15 . 19 Mai – à la Puerta del Sol de Madrid, puis à « la Bastoche » de Barcelone, début du mouvement des « indignados »
18 Mai – Syrie, sanctions américaines
19 Mai – les Européens favorables à une candidature de Christine Lagarde à la succession de DSK ; candidature formalisée le 25 Mai avec une déclaration hostile à la restructuration de la dette grecque
19 Mai – Barack Obama se dit favorable à un Etat palestinien sur la base des frontières de 1967 (le 24 Juin 2002, George Bush junior évoque la création en Palestine de « deux Etats vivant côte à côte en paix et dans la sécurité », mais juge « irréaliste », par échange de mettre le 14 Avrill 2004 avec le Premier ministre Ariel Sharon, un retour à la Ligne verte : lignes d’armisice de 1949) ; réplique d’Irsaël, les frontières de 1967 sont indéfendables
21 Mai – en Islande, réveil du volcan Grimsvötn
22 Mai – Espagne, élections locales : déroute socialiste et du président du gouvernement José Luis Rodriguez Zapatero au pouivoir depuis le 14 Mars 2004
23 Mai – Syrie : sanctions européennes visant personnellement Bachar Al-Assad
23 Mai – l’agence Fitch Ratings dégrade la Belgique du rang 1 au rang 2
25 Mai – Barack Obama gloififie les valeurs anglo-saxonnes à Wetslinster Hall
25 Mai - à Berlin, Mario Draghi ancien prsident de la Banque centrale italienne et futr président de la Banque centrale européenne, est ovationné par la CDU sur le thème « l’Allemagne, un moteur de l’Europe industrielle qui a de l’avenir »
25 Mai – la commissaire grecque à la pêche Maria Dama,aki : soit on seaccirde acec les bailleurs de fonds, soit l’on retourne à la drachme
26.27 Mai à Deauville, sommet du G 8 : la liberté d’expression sur la « toile » n’est pas à l’ordre du jour ; la Russie se joint aux Occidentaux pour réclamer le départ de Kadhafi
26 Mai – arrestatio, de Ratko Mladic, une des conditions posées à l’adhésion de la Serbie à l’Union européenne
29 Mai – Allemagne, Angela Merkel décide la sortie du nucléaire : les huit réacteurs en révision ne seront pas remis en activité, six autres fermés d’ici 2021, les 3 derniers en 2022 (projet de loi le 6 Juin et vote parlementaire le 8 Juillet)
29 Mai – place de la Bastille, démontage des tentes et évacuation forcée des émules françaisé





Plusieurs traits permettent d’assembler des événements disparates pour les observer en tant qu’un moment exceptionnel des relations internationales :


le moment a toutes les apparences du multiple en géographie et en thématique. Révoltes populaires dans la plupart des pays arabes de la rive sud de la Méditerranée, persistance des crises dûes au risque de défaillance dans l’acquittement des dettes souveraines, contestation physique d’une élection présidentielle, conjugaison de deux catastrophes naturelles causant des milliers de pertes humaines mais mettant en cause tous les mécanismes de sûreté nucléaire d’un des pays les plus développés de notre époque. Auparavant, il n’y avait que deux cas de cette diversification pour un seul moment : soit une guerre ou une crise financière ou encore une rupture d’approvisionnements, chacune mondiale (1914, 1929, 1939, 1973, 1987…), soit un ou plusieurs bras de fer dans une aire donnée ou entre protagonistes habituels (les duels américano-soviétiques de 1947, 1956 et 1962) ou un bouleversement d’échiquier, considérable en soi, mais très localisé (les conflits israëlo-arabes de 1948, 1967 et 1973 ou l’effondrement du système communiste en 1989). Les guerres de la Révolution et de l’Empire d’une part, les guerres conduisant à l’unité allemande, à l’unité italienne ou au démantèlement de l’empire ottoman ou encore aux traités inégaux imposés à la Chine d’autre part, avaient déjà illustré, au XIXème siècle, ces deux cas de figure ;


la contagion des événements d’un pays à l’autre ou d’un thème à l’autre détermine un nouvel aspect de la mondialisation. Elle pose immédiatement la question de savoir si s’ouvre une ère nouvelle ou si l’imprévisible sera pallié par de simples réactions défensives des systèmes en place. Le vent de l’Histoire semble changer d’un jour à l’autre : en Tunisie et en Egypte, les manifestants l’emportent parce que l’armée refuse d’être l’outil répressif, tandis qu’en Libye, à Bahrein, en Syrie elle l’accepte et au Yemen elle hésite, mais la lointaine Chine, certes sous dictature quoique ni arabe, ni musulmane, semble sensible à la « révolution du jasmin » (les chutes ou changements de régime dans l’ancien empire soviétique quand elles étaient le fait de mouvements populaires ont reçu des appellations propres, à l’exemple bien plus ancien du Portugal et de sa « révolution des oeillets »). La catastrophe de Fukushima fait décider à certains Etats une « sortie du nucléaire » à terme plus ou moins rapproché mais à d’autres, comme la France, elle inspire un redoublement de l’effort technologique pour conforter une option ancienne. La contagion ests ambivalente, et elle est également limitée : l’Afrique subsaharienne, l’Amérique latine, le Moyen-Orient et l’Extrême-Orient sont peu ou pas touchés par des mises en cause politiques et techniques concernant surtout les pays très avancés dans leur économie ou très homogènes dans leur dénuement social (ce ne sont pas les mêmes, actuellement) ;


l’ensemble des éphémérides n’est pas perçu comme tel, sauf dans la forme des réactions. Les interventions proviennent – sur chacun des théâtres et à propos de chacun des thèmes – de pays tiers, eux-mêmes s’assemblant en cénacles préexistants dont aucun n’est décisif. Ligue arabe et Nations Unies pour les Etats méditerranéens et du Proche-Orient, Nations Unies et Union Africaine pour l’imbroglio ivoirien, Fonds monétaire international et Union européenne pour la crise des paiements portugais. Mais la catastrophe ayant potentiellement le plus de conséquences planétaires – les dommages subis à des degrés divers par les six réacteurs de la centrale de Fukushima et non réparés – n’a mobilisé ni engendré aucune réunion, aucun concours, aucune procédure en collectivité mondiale. Au contraire, chacune des crises est gérée selon des acteurs et des moyens séparés de ceux adonnés aux autres. La France est la principale traitante de la crise ivoirienne. Les partenaires européens du Portugal s’en chargent plus que le Fonds monétaire international. La France – encore elle – et la Grande-Bretagne entretiennent la rébellion contre le dictateur libyen et sans elles, aucune action internationale n’aurait eu lieu et la Libye aurait été exemplaire d’une répression qu’en Tunisie et en Egypte, pays qui l’encadrent géographiquement et humainement, les homologues de Kadhafi, il est vrai un peu moins pérennes, n’ont pas pu diriger ;


par la diversité de ses composants, le moment actuel a des précédents récents. En 2010, une catastrophe naturelle détruit Haïti, la Grèce est en cessation de paiements rejointe par l’Irlande, un volcan islandais sinistre tout le ciel européen, une marée noire causée par British PetroleumP dans le golfe du Mexique échappe à toute possibilité d’indemnisation. Mais les événements se sont, cette année-là, plutôt succédés qu‘ils ne se sont cumulés en sorte que l’attention des opinions publiques et des dirigeants politiques n’a pas été saturée, comme il semble que ce soit maintenant le cas.



l’issue de chacune des grandes crises mondiales depuis 1918-1919 et jusqu’à la plus étrange et symbolique de toutes, celle – essentiellement morale et psychologique – provoquée par les attentats du 11-Septembre 2001 encadrés par la guerre du Golfe de 1990-1991 et l’intervention anglo-saxonne en Irak en 2003… avait toujours donné lieu à une synthèse philosophique et stratégique. L’actuel moment ne produit que des réactions juxtaposées et non concertées de la part des dirigeants politiques et des autorités religieuses. Les premiers insistent sur le rôle protecteur des gouvernements et des Etats, tirant occasion des événements pour préférer rapidement un non-engagement (les Etats-Unis dans la guerre de Libye ou dans l’évaluation d’une catastrophe nucléaire dont ils avaient eu eux-mêmes l’expérience en 1979) ou pour mettre en garde contre les conséquences financières ou démographiques de la défaillance portugaise, voire ibérique et des sauve-qui-peut de populations maghrébines (l’Allemagne banquière de l’Europe et la France ultra-sensible à la parabole du banquet de Malthus). L’Eglise catholique n’innove apparemment pas en prêchant dialogue et paix en Libye et en Côte d’Ivoire (Benoît XVI et le précédent de Benoît XV, accusés par les Etats de l’Entente de ne plaider que pour les Empires centraux dans sa proposition de médiation) mais aboutit en fait à légitimer celui des protagonistes que veut abattre la « communauté internationale » avec l’ardeur-même du compétiteur.

L’enjeu mondial est la capacité ou pas du système régissant actuellement les Etats et leur concert, ainsi que – dans beaucoup de cas – les vies nationales, de tirer la leçon de ces événements. C’est sans doute la concomitance de ceux-ci, leur ampleur et leur force, quel que soit le thème et la zone en question, qui force l’attention. Un à un, ils n’imposeraient sans doute pas une telle prise de conscience du temps perdu et de l’inertie de toute imagination collective depuis au moins la chute de l’Union soviétique et la fin, en conséquence, d’une alternative stratégique et économique au libéralisme et à l’hégémonie d’un Etat principal en tous domaines.

Globalement, malgré la démonstration libyenne de soutien à des insurgés et les semaines de guerre civile en Côte d’Ivoire, le défi est pacifique. Il y a urgence à réorganiser la planète, mais l’urgence n’est pas celle d’engrenages comme en 1914, en 1929, en 1939, voire en 1987. Urgence qui n’a pas été perçue en 2008 quand a retenti le signal donné par la faillite de Lehman Brothers, ou celui de la Géorgie tour à tour conquérante puis occupée ; les réactions ont été nombreuses, mais sont restées chacune nationale, malgré réunions et communiqués.




I

Ceux qui savent se révolter

Il n’y a pas eu de révolte aux Etats-Unis contre les banques et les huissiers faisant réaliser les gages pour juguler la crise immobilière. Il n’y a pas de révolte dans le nord-est du Japon contre l’impéritie du gestionnaire des centrales nucléaires, manifestement en faute, et du gouvernement manifestement pris au dépourvu pour organiser quelque plan national de sauvetage et de solidarité. Il n’y a pas eu en 2010 de révolte contre le gouvernement en place en France, alors même que jamais un président régnant n’a été aussi impopulaire et cela dès le dixième mois de son mandat. Il n’y a pas – malgré la démonstration du 10 Avril à Budapest – de contagion d’un pays à l’autre dans l’Union européenne, pourtant frappé des mêmes maux, c’est-à-dire des politiques d’austérité de gouvernement n’ayant rien vu venir et ne discernant en rien même le plus proche avenir.

Il y a une révolte dans les pays arabes. Pas un seul qui ne la vive. Elle a eu son signal, ce désespéré tunisien, et elle a eu très vite ses scenarii : le « sit-in » sur une des places importantes de chacune des capitales, à l’exception des monarchies pétrolières menacées seulement à Bahrein (mais l’émirat est-il pétrolier ?), de la Syrie dont les événements se déroulent à la frontière jordanienne et de l’Irak où le jeu est faussé forcément par la présence américaine.

Il est étonnant que des histoires et des situations sociales très disparates produisent la même contestation d’un système d’abord politique : une longévité excessive de quelqu’un au pouvoir, généralement arrivé soit par un coup d’Etat soit par hérédité, c’est-à-dire dans l’un et l’autre cas, d’une façon bloquant aussi bien le choix dans le moment de l’accession au pouvoir que pour la suite. Les différences ont résidé jusqu’à présent dans le rôle de l’armée, sympathisant dans les premières étapes avec la démonstration populaire (Tunisie et Egypte, mais il semble que ce ne soit plus tout à fait le cas) et dans la capacité des médias (le Maroc, l’Algérie, les monarchies pétrolières sont manifestement bouclés). Les pétitions sont identiques : libertés publiques, fin des régimes d’accaparement des ressources financières locales, refus d’une perpétuation illimitée dans le temps d’exercices du pouvoir dont les fins paraissent ne plus être que personnelles.

Ces révoltes n’ont encore changé positivement aucun régime, elles ont au mieux basculé le dictateur local – et dans deux pays seulement. Elles ont des conséquences internationales manifestes puisque les pays tiers n’ont pas vu venir les choses mieux que les tenants du pouvoir évincés ou contestés, et que les réactions ont d’abord été d’une prudence attestant des penchants conservateurs, et qu’elles ne sont interventionnistes que dans un seul cas, celui de la Libye, parce que la révolte aboutit à une partition territoriale et à une guerre civile – avec un système complexe ressemblant plus à une permissivité de la « communauté internationale » envers l’activisme de quelques Etats, et dont le modèle ivoirien avait pourtant et par avance démontré les limites en efficacité mais pas en durée de l’exercice. Elles ne changent pas – contrairement à l’époque de la « guerre froide » et malgré la réserve affichée de la Russie et de la Chine, il est vrai semblable à celle de l’Allemagne – les équilibres ni régionaux ni mondiaux. Suez et la guerre des Six jours avaient changé les cartes mais il s’était agi d’opérations proprement militaires et menées par des Etats. La guerre libyenne est d’abord une guerre civile qui aurait plutôt comme précédent la guerre d’Espagne avec des interventions étrangères, des arrivées de volontaires et des diversités très marquées de lecture de l’événement.

Elles auront des conséquences internes dans les pays arabes mais aussi dans la plupart des autres Etats, parce que les opinions dans les pays tiers ont contraint les dirigeants à prendre position et même à collaborer au fait accompli ou à l’empêcher. Et plus encore parce que la comparaison entre ces révoltes au sud de la Méditerranée et les passivités, à quelques expressions près, notamment en Grèce (contre les plans d’austérité) et en Italie (contre la corruption et l’immoralité du prince régnant), au nord de la Méditerranée fait ressortir une différence importante. Les élections dans les pays africains et arabes n’ont de sens que si elles sont précédées par un consensus sur les textes et sur les personnes à approuver. Sinon, elles sont presque toujours belligènes, qu’elles soient ou non régulières : l’espèce ivoirienne est exemplaire. La partition de fait de la Libye est une possible conclusion de la révolte contre la dictature de Kadhafi mais les divisions claniques en Côte d’Ivoire ne suggèrent aucun état de fait qui soit viable. Au contraire, en Europe et en Amérique, le bulletin de vote est un glaive : les crises sont toujours vécues dans la perspective que l’échec d’une manifestation ou qu’une choquante impopularité ont des suites électorales. Les politiques d’austérité peuvent être sanctionnées par le suffrage universel, même quand l’enjeu est très technique, ainsi que l’Islande vient de le montrer. L’Asie reste hors champ – ce qui n’est pas indifférent – autant parce qu’elle est composite : à côté de l’Inde et du Japon, chacun légaliste et pratiquant la légitimité par les urnes, la plupart des Etats et d’abord la Chine semblent voués aux dictatures depuis la décolonisation… qu’à raison de sa bien moindre imprégnation par les conceptions américaines et européennes de la démocratie et de l’exercice du pouvoir.

Ainsi coexistent deux révoltes dont la relation est singulière.

L’une est explicite, celle des pays arabes, et a pour originalité qu’elle est sans précédent car elle n’a pas – d’un Etat à l’autre – les habituelles consonnances nationalistes, panarabes, voire religieuses au contraire de ce qui fut vécu dans les années 1960 ou qui est aujourd’hui redoutés aux Etats-Unis et en Europe. L’autre est implicite, celle des pays dits nantis, qui mettent en cause la gestion des dirigeants, en économie avec de désastreuses conséquences financières et sociales, ou en gestion immédiate d’une catastrophe (cas du Japon subissant à répétition des cataclysmes). La première a pour idéal – paradoxal – l’idée qu’elle se fait de la démocratie « occidentale », elle réclame un certain modèle de vie publique (en morale, en communication, en contrôle du pouvoir, en liberté de l’élection, de l’expression et de l’association) : elle est tout simplement moderne par opposition à des dictatures tendant à l’hérédité et bafouant le droit dans tous les registres. La seconde découvre que ce modèle de vie publique n’est plus que formel – c’est en tout cas l’ambiance française à un an d’une élection présidentielle – et que les paramètres du pouvoir ne sont plus électifs à moins de bouleverser nombre de dogmes, presque tous économiques et financiers, alors que la politique était censée régir le social : elle cherche donc ses outils et, particulièrement en Europe, elle hésite à choisir ou à maintenir la collectivité englobant par nature toutes les autres quelle que soit la consistance de celles-ci : territoriale, idéologique, sociologique. Solutions et débats nationaux ou européens, émiettements régionalistes, replis et revendications communautaristes. Est-ce à dire qu’Arabes et Européens – peut-être à la veille d’une redécouverte de l’ancienne unité gréco-romaine mise en forme par la transmission arabo-musulmane ? et d’un commun héritage des concepts plus sociaux et politiques qu’économiques, formulés par un droit écrit et non coutumier – seraient, pour le moment, décalés, les uns en chemin vers une modernité que la période coloniale leur avait montrée mais pas donnée, les autres en interrogation sur la libre détermination et la conduite humaines des procédures et des mécanismes économiques. La pétition révolutionnaire à terme est identique : la politique doit porter la société à son idéal, l’économie doit être servante, la finance n’être qu’instrumentale et non objet de recel ou d’accaparement.

Ni dans la contestation des opinions européenne ou américaine, ni dans les révoltes arabes, il n’y a de référence à une doctrine, encore moins à quelque auteur, alors que le marxisme rend parfaitement compte de l’économie mondiale contemporaine et de sa crise autant mécanique que morale et que tour à tour Keynes, Illitch, Marcuse – mieux reçus que les théoriciens de la fin de l’Histoire parce qu’expliquant autant que remédiant – avaient synthétisé les crises de 1929 et de 1968. Il n’y a pas non plus d’exemple d’un traitement des événements ou de réduction des impasses et difficultés, pouvant inspirer soit les exigences de la révolte soit la médication administrable par de nouveaux dirigeants : plan Marshall, New Deal, voire unité arabe ou intégration européenne. Explosions ou contentions populaires accouchent d’interrogations et d’exigences mieux formulées, mais pas encore d’un avenir précis, libre ou subi, comme au siècle dernier à la suite des deux guerres mondiales et de la chute du mur de Berlin se décidèrent l’entreprise européenne et l’intégration atlantique, la décolonisation et la mondialisation.

Ainsi se révèle un fait fondateur, déjà à l’œuvre mais aux effets encore peu vérifiables, et dont les premières contestations du mondialisme, autour de la conférence de Seattle, avaient paru un prodrome quoique sans vrai lendemain dès que les émeutes autour de celle de Gênes, eurent appris aux délibérants à s’isoler… le fait est que les situations existantes ne sont plus supportées parce qu’elles sont trop frustrantes qu’elles soient politiques ou économiques. Le scandale monte les esprits contre l’état de choses ; la rhétorique du bien que d’en haut on méditait ou qu’automatiquement génèreraient la croissance ou la reprise, n’a plus de crédit. Les discours pleurés par Ben Ali et Moubarak à quelques heures d’abandonner par contrainte le pouvoir à vie qu’ils s’étaient octroyés, et même par Kadhafi, lors de son fléchissement (« je souffre beaucoup moralement, c’est vous qui avez le pouvoir, pas moi, faites les gouvernorats que vous voulez et où vous voulez… ») sont de même facture que les dialogues en direct du président français avec des concitoyens attendant de lui un emploi et s’entendant répondre que dans les six mois la reprise économique sera générale, donc au bénéfice le plus concret d’absolument tous. L’incrédulité conduira-t-elle - pour la France – à l‘abstention ? aux élans de civisme des années 1960 ? La question est tranchée dans les pays arabes. Il faudra ou il faudrait une contention, du genre de celle pratiquée par le système soviétique de 1950 à 1970 en Europe orientale, pour que les révoltes, partout en cours, ne changent pas les régimes encore en place ou récemment balayés.

Mais si chacun regarde autrui dans sa révolte et compare les outils en reconnaissant que les objectifs et les causes sont analogues, quels que soient les écarts de développement économiques et les degrés de contrainte subie par la personne humaine dans notre époque, en revanche l’interprétation et l’identification des masses en mouvement varient, parfois d’une semaine à l’autre, et modifie donc le soutien de l’étranger à chacune des contestations. Les mouvements de la rive sud de la Méditerranée sont souvent lus par les opinions européennes autant que par les dirigeants, soit contestés, soit des pays tiers, comme gros d’un possible extrêmisme terroriste ou religieux : Frères musulmans, Al Qaïda, Hezbolla, influence iranienne. Les élections favorisant en Europe les nationalismes et les régionalismes, sont souvent regardées comme racistes d’autant que l’hostilité aux immigrants arrivant de la rive sud de la Méditerranée est leur thème commun. Ainsi, les sympathies sont émollientes et l’appréciation du moment historique très incertaine. Chacun voit à partir de soi et selon des cultures peu historicisantes et encore moins œcuméniques. L’identité qui pourrait être – aussi et surtout – une curiosité de celle de l’autre, est le plus souvent un repli. Le soutien en Europe des interventions dans des pays étrangers pour accompagner les gestations en cours n’a pas la gratuité des sympathies au XIXème siècle pour les émancipations en Europe du sud-est ou au XXème siècle pour les tentatives de Berlin-Est en Juin 1953, de Budapest en Octobre 1956 ou de Prague au printemps de 1968. Il y a plus de peur des conséquences de ce qu’il se passe ailleurs que chez soi, que d’enthousiasme pour un nouveau « printemps des peuples ». Ainsi, peut s’accentuer cette révolte continue depuis quelques décennies : les simplismes anticolonialistes au sud, les réflexes malthusiens et « petits-blancs » au nord. Les lectures erronées des événements contemporains et de l’histoire des deux derniers siècles ne préparent pas cette démocratie mondiale, si souhaitable, mais dont les dirigeants en place ne veulent pas et dont les peuples ne sont pas près à payer le prix qui s’appelle mixité, métissage, fierté d’autrui avant celle de soi-même.

Dans leur généralité, les pays dits développés et faisant fonctionner démocratiquement leurs institutions, ont vécu les crises ou mutations affectant d’autres pays en spectateurs et au mieux en interrogation sur d’éventuelles conséquences stratégiques, jamais en remise en réexamen de la sincérité ou pas de leurs propres systèmes. Seule exception, la France, bouleversée par ses guerres de décolonisation a changé de régime intérieur et sensiblement modifié les axes de sa politique étrangère. L’Allemagne fédérale n’a pas changé sa vie politique à la suite de son absorption de la République orientale. Les Etats-Unis n’ont pas intérieurement muté au choc du 11-Septembre et si la guerre du Vietnam avait mobilisé l’opinion, l’invasion de l’Irak n’a pas été durablement et massivement contestée. Les révoltes arabes sont objet de diplomatie et de contrôle de l’immigration, pas de modélisation à importer. Ni la catastrophe de Tchernobyl – dont les palliatifs font justement l’objet de nouveaux financements internationaux – ni celle de Fukushima ne renforcent significativement le mouvement écologique et la pétition anti-nucléaire. La crise financière mondiale – pas seulement celle des dettes dites souveraines, mais plus encore celle du financement des régimes sociaux – et l’abaissement très sensible des niveaux de vie dans les pays dits développés n’ont pas provoqué une contestation plus forte que depuis vingt ans des dogmes libéraux et de la « mondialisation ».
Les populations, directement victimes de ce qu’elles renversent par leur révolte ou leur tentative de révolte, ne sont pas durablement en mesure de peser sur ce qui les régit : les tâtonnements en Egypte et en Tunisie libérées de leur régime le disent davantage que les étouffements ou répressions partout ailleurs dans le monde arabe ; il est douteux que les élections consacrent la mutation souhaitée. Les autres populations – celles des pays dits développés – continuent de subir en faisant des scrutins à date prévisible et à la régularité incontestable un exutoire, et surtout la démonstration que l’alternative n’existe pas entre les politiques mais seulement entre les personnels de direction.



II

Ceux qui sont en place de diriger




A l’époque des souverains héréditaires mais aux moyens de communication ancestraux, les personnalités se discernaient peu et les prises de décision étaient collégiales : le roi en ses conseils. Les rencontres au « sommet », les conférences « multilatérales », les « agenda » et les « cycles » thématiques sont récents à l’échelle de l’Histoire. Ils ont précédé d’une décennie à peine ce qui a été trop vite appelé la « mondialisation », puisque dans ses aspects financiers elle a certainement plus d’un siècle, et que dans ses aspects démographiques elle est encadrée, sinon quasiment prohibée, comme ne le furent jamais les grandes migrations : invasions, colonisations et grands établissements du passé.

L’accélération, la répétitivité des rencontres entre dirigeants politiques suprêmes des Etats ont produit le vide de chacune de ces réunions et la saturation de l’opinion. Il n’en reste qu’un effet négatif. Les dirigeants – affichant le copinage qui n’est ressenti par les dirigés que comme une connivence pour s’entr’aider à se perpétuer, avec depuis peu des cooptations pour des suites de carrière une fois quittées les cîmes – n’ont pas les uns vis-à-vis des autres les égards, la discrétion et surtout la pénétration psychologique de leurs prédécesseurs. Les politiques, les Etats, les opinions ne s’en trouvent pas rapprochées. L’exemple franco-allemand est patent : les relations sont apparemment bien plus intimes d’un règne à l’autre, la fréquence des réunions quasi-mensuelle en aparte d’autres exercices, ou ad hoc, elles sont de moins en moins constructives. De Gaulle et Adenauer, guère plus de trois fois par an, ont fait le plus solide de la construction européenne. Giscard d’Estaing et Schmidt ont élaboré l’union monétaire. Mitterrand et Kohl limité la réunification allemande dans des limites acceptables de part et d’autres. Depuis, les traités européens sont bâclés, l’accord entre Chirac et Schroeder contre l’intervention américaine en Irak n’a rien empêché et rien d’une analyse ensemble des mûes mondiales ne semble sourdre des familiarités affichées par Sarkozy envers Angela Merkel. Avec finesse, Barack Obama est peu prodigue des relations de couple politique. Avec non moins de finesse, Hu Jin Tao en pratiquant les tête-à-tête selon ses propres rites et ordres du jour donne le change sur l’impénétrabilité physique et mentale de son empire et de son régime. L’Amérique ne parle que sa langue même quand elle perd l’hégémonie et la Chine excelle à paraître parler celle des autres. Bien des géants, parmi les Etats d’aujourd’hui, conviés à former le G 20, savent rester silencieux. Le verbiage en relations internationales, n’expose que des faiblesses.

La transgression des continuités dans les relations d’Etat à Etat a toujours son retour de bâton, quand elle reçoit, par imprudence, une connotation personnelle. Le shah, pour avoir fait attendre dans son châlet de sports d’hiver, Valéry Giscard d’Estaing, fut lâché quand Khomeiny chercha un accueil complaisant. Le Premier ministre Erdogan, n’ayant droit qu’à un temps minimum de visite française sur place au début de la présidence du G 20 par Nicolas Sarkozy, sut imposer le commandement O.T.A.N. à l’opération franco-britannique en Libye. Le président des Etats-Unis, ouvertement critiqué pour la part prise dans le départ du dictateur tunisien vers l’exil, maintient ostensiblement son déplacement au Brésil quand la France entreprend de sécuriser Benghazi. La succession dans la famille Bongo au Gabon ou la considération dont est entouré, depuis son coup, le putschiste légitimé de force en Mauritanie respectent plus des intérêts occultes que les principes censément défendus par Paris en Côte d’Ivoire : si le règne, finalement commencé, d’Alassane Ouattara devait mal tourner, les partisans chez lui ou à l’étranger de Laurent Gbagbo sauront en faire souvenir. Significativement, c’est le ministre de l’Intérieur français, en sa qualité d’ancien secrétaire général de l’Elysée, qui a le premier salué la besogne accomplie en Abidjan.

Le prophétisme dans la synthèse, le charisme dans l’analyse ne sont plus des genres politiques et ne semblent pas appelés par la diplomatie d’aujourd’hui qui est, pour l’essentiel, multilatérale, c’est-à-dire peu compréhensible pour les opinions attachées au contraire aux visibilités apparentes des échanges de visite entre personnalités. A cela beaucoup de raisons, qui ne sont ni de politique intérieure dans chacun des grands Etats, ni d’une panne dans le recrutement des grandes gens. Roosevelt, Churchill, de Gaulle, Nasser, Mao Tse Toung pour ceux qui surent parler au-delà de leur géographie, de l’histoire de leur peuple et des circonstances les ayant fait correspondre à une époque qu’ils incarnèrent – Jean Paul II à la suite de Jean XXIII fut de cette race – ont eu des émules moins notoires mais bâtisseurs, de grands ministres des Affaires étrangères, comme Dulles, Couve de Murville, Genscher, Kissinger. Les secrétaires généraux des Nations Unies, malgré leur position, n’ont pas – après Dag Hammarksjöld – marqué, pas davantage les directeurs généraux du Fonds monétaire international. Guère que Mac Namara à la Banque mondiale ou Alan Grennspan à la Réserve fédérale américaine, qui aient eu dans la concertation mondiale des économies nationales. Ne sont pas ici comptés les hommes de paix qui surent se discerner mutuellement : Kennedy et Khrouchtchev, De Clecq et Mandela, Rabin et Arafat, et ceux qui rompirent la glace : Willy Brandt, Kreisky, Sadate… Pourquoi, n’existent-ils plus ?

Parce qu’il n’y a plus d’instruments de synthèse, que les expertises sont trop nombreuses et trop éloignées des centres de décision quand elles sortent des champs étroits de la finance ou du sécuritaire, parce que les domaines où l’opinion générale exige une intervention, ou au moins une présence politique, celle-ci médiatisée pour le semblant de participation de l’opinion à la décision, sont de plus en plus nombreux sans qu’ait substantiellement changé ce qui mène le monde en hasard, coincidence et atavisme, chacun – au pouvoir – n’a souci que de l’immédiat. Le pointillisme l’emporte, par construction, sur la recherche de cohérence. L’amnésie est générale dans les opinions et chez les dirigeants. Exemples du privilège donné au court terme. Les Etats-Unis se dégagent de l’intervention en Libye, à peine commencée, car la discussion budgétaire au Congrès s’annonce très mal. La France prise au dépourvu en Tunisie et dont quelques gouvernants de premier rang sont compromis avec le système qui tombe, ainsi qu’en Egypte, fait de l’activisme en Libye où, avec raison, l’héritier de Kadhafi rappelle l’affinité qu’avait manifestée en début de mandat Sarkozy pour son père. La même France qui n’avait rien su discerner des difficultés de succéder à Houphouët-Boigny, s’implique dans la crise ivoirienne à chacune des phases alors qu’elle avait proclamé mettre fin aux accords de défense et donc aux motifs de présence militaire.

Il semble que plus aucun des anciens Etats dominants : quelques Européens et les Etats-Unis, n’ait de stratégie à long terme, tandis que les puissances politiquement émergentes ou revenant à des capacités un moment éclipsées : Chine, Inde, Russie, Brésil notamment, ont au contraire des objectifs simples et concrets. Participer au grand jeu et bientôt le diriger. Ainsi, les apparences et le paraître de beaucoup de dirigeants sont d’autant plus corruscants qu’ils masquent un déclin tandis que l’absence de prise de parole ou d’énoncé d’une autre lecture du monde contemporain ne signifient pas chez les nouveaux arrivants un défaut de capacité et d’appétit.

Les arrivants sont à l’aise dans un concert à multiples partitions et où les thèmes et les moments se recouvrent et sont divers, tandis que les traditionnels ne connaissent – par ambiance nationale depuis un bon siècle – qu’un jeu binaire pour les relations internationales. La France, en évolution politique intérieure, est symptomatique de ce défaut des « occidentaux » dans la mûe des relations internationales : le peu de science et a fortiori d’habitude pour débattre. Les nouveaux venus, ayant tout à gagner et peu à perdre, savent concéder parce qu’ils peuvent attendre. Les anciens établis sont constamment sommés de se justifier. Le Japon, dans ce qu’il subit depuis le 11 Mars, est intermédiaire entre deux types de posture en diplomatie multilatérale. Le binaire avec les Etats-Unis a pris fin avec l’abandon américain du Vietnam et l’entrée de Washington en dialogue avec Pékin. L’entente et la rivalité sino-américaine a des conséquences mondiales pour les monnaies, pour l’ouverture des marchés, pour la spéculation sur les matières premières. Elle a généré une course éperdue au marché chinois à laquelle le Japon ne participe pas. Est-il devenu conservateur et s’isole-t-il dans une nouvelle époque où ni l’économie ni la stratégie n’en font plus un allié majeur ou un ennemi majeur ? ou bien est-il en train d’épouser la posture des émergents et donc des contestataires du jeu qu’Européens et Américains continuent de mener à la manière des décennies précédentes ? Dans la catastrophe nucléaire, personne ne l’aide ni ne l’accompagne sérieusement, alors que le 11-Septembre avait produit un mouvement compassionnel et une tolérance stratégique dont a bénéficié l’agression contre l’Irak dix-huit mois plus tard.

Les tenants contemporains du pouvoir parviennent encore à l’exercer pour le compte de chacun des Etats développés, du fait-même des structures acquises de ceux-ci en législation, en institutions, en patrimoine économique, en habitudes sociales – malgré les récessions constatées depuis plus de deux ans – mais ils ne parviennent pas à comprendre et à résoudre les crises affectant des Etats et des peuples de nature différente des leurs. La crise ivoirienne, la crise libyenne sont traitées conventionnellement, c’est-à-dire en termes militaires, les reconstructions à venir le seront aussi, c’est-à-dire en termes financiers. La dimension psychologique, l’interrogation fondamentale sur ce qu’est le bien-être – malgré plusieurs prix Nobel qui y ont été consacrés et un timide renouveau des enseignements d’autorités morales ou religieuses – leur échappent. Et cette incapacité pèse sur l’acuité de prévision et de proposition des services de renseignements dans la plupart des Etats développés. L’imprévisible n’est pas plus fréquent qu’auparavant mais l’accueil est en défaut. Trop de programmes, trop de certitudes aveuglent. Ainsi depuis l’automne 2008, l’ « agenda » international est-il censément consacré à la réforme financière, et si possible monétaire, internationale, et à cela seulement. Haïti, l’éruption islandaise, les faillites irlandaise et grecque ont troublé, mais pas occupé. 2011 périme tout programme inter-étatique et rapetisse chacun de ceux qui l’ont conçu ou accepté. La plupart – sauf l’Américain – n’ont pas de relations avec l’Histoire, et tous, y compris l’Américain, n’ont d’approche des diplomaties et des armées qu’il leur échoit de conduire à leur prise de fonctions, que sommaire ou dictée. Ils n’ont pas de culture internationale ni de pensée stratégique.

Les habitudes de pensée manichéenne depuis les débuts de la guerre froide et renouvelées, lors de l’implosion soviétique, par la découverte de l’ennemi terroriste, vite qualifié d’intégriste (musulman), rétrécissent leur vision du monde et la décalent. Ils n’ont de langage commun que le programme pré-établi de leurs rencontres et que l’obligation constante, à l’issue de celles-ci, de paraître à la fois s’accorder et répondre des événements. Mais – précisément – les événements, aussi disparates qu’ils soient, ou difficiles à caractériser, sont immanquablement gérés de façon manichéenne, en sorte que l’abstention de tiers – ainsi de l’Allemagne à propos de l’intervention en Libye – est incomprise. La France, pour l’opinion américaine, avait été bien pire, il y a huit ans. Et si l’interventionnisme ne produit que des résultats ambigus – Libye encore, Côte d’Ivoire probablement même si la mise en selle d’Alassane Ouattara correspond à la volonté générale, ce qui n’est pas le cas pour une éventuelle chute de Mouammar Kadhafi – il change aisément de motivation par des explications de nouveau mancihéennes expliquant un lâchage. Les charniers imputables aux partisans de Ouattara, les infiltrations dont sont sujets les insurgés de Benghazi.

Ces mêmes grands acteurs ne manient les concepts d’ingérence et la permissivité des Nations Unies, voire l’émotivité de leurs opinions nationales qu’à condition d’une interprétation manichéenne. A défaut, le silence et la non-intervention laissent les Mauritaniens, les Malgaches, les Tchadiens à eux-mêmes : des pouvoirs de fait chez eux sont même préférés à des situations de légitimité. La transposition des timidités observées dans la réforme financière internationale et des façons de faire propres à chacun des membres du G 8, et a fortiori du G 20, sans concertation, même au seul niveau de l’Union européennees, est donc évidente. Dans le foisonnement des événements critiques – en ce moment – seuls, quelques-uns sont traités. Choisis comment ? selon la commodité de les appréhender. Le manichéisme désignant Gbagbo et Kadhafi, l’opérateur nucléaire japonais, voire des peuples entiers invités à l’austérité au nord de la Méditerranée, à se contenter du mi-chemin de leurs révoltes, au sud.

Quand le manichéisme conduit à la contradiction, le colloque des dirigeants actuels se tient coi. Les atteintes aux droits de l’homme ou au principe des nationalités sont insupportables, pour les Etats tiers, en Afrique subsaharienne et, sélectivement, dans le « monde » arabe. Elles sont oubliées en Extrême-Orient et la doctrine élaborée à la suite du massacre de Tien-An-Men, juste contemporain de la chute du mur de Berlin, ne vaut plus pour le mirage chinois. Le dérangement, provoqué par l’éruption volcanique d’Islande, parce qu’il coûte aux opérateurs aériens, requiert davantage l’attention publique et des dédommagements financiers que la catastrophe nucléaire japonaise.

Sans mémoire, l’époque ne secrète pas davantage des jurisprudences attestant au moins sa connaissance d’elle-même. Elle n’est en rien prospective, quoique plusieurs des dirigeants – Etats-Unis, Russie, France et peut-être Grande-Bretagne ou Allemagne – s’inscrivent dans un calendrier de réélection.
III


L’échec d’un système de rencontres peu formalisées




Les rencontres et ostentations entre dirigeants ne sont pas opérationnelles. L’intimité franco-allemande n’a pas produit une unité de vue ni sur la Libye. Le voyage de Barack Obama au Brésil n’a pas dissuadé sa nouvelle présidente de participer à la contestation des pays émergents. Pas davantage l’accueil d’Hu Jin Tao aux Etats-Unis. Les ménagements français envers tout ce qui froisse la direction chinoise n’aboutit à aucune imagination commune sur la réforme financière et monétaire internationale. Les nouvelles institutions – présidence, ministre des Affaires étrangères, service extérieur commun – censées, depuis la nomination de leurs titulaires, le 19 Novembre 2009, imposer la voix de l’Union européenne sont invisibles autant pour l’opinion des Etats-membres que lors de leurs interventions à raison de leur compétence : mise en garde du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, dans la crise des dettes souveraines et à propos des contestations politiques de l’euro., déplacement Catherine Ashton au Caire.

Rien ne semble accordé entre acteurs, institutions, réunions, événements. Alors que ces dernières années s’était esquissé l’agencement des systèmes de rencontre en forme de gouvernement mondial – dont l’extension du G 8 à un G 20 semblait un premier aboutissement, dispensant pour la facilitation des procédures, d’une refonte du Conseil de sécurité. Une manière de confiner les grandes institutions existantes, globales, ou régionales, ou thématiques (principalement l’Organisation des Nations Unies, l’Alliance atlantique, l’Union européenne) dans des rôles de formalisation, mais nullement de conception et de décision – celles-ci se faisant informellement, voire implicitement par les rencontres entre dirigeants et les concertation en G 8 et G 20.

Cet échec tient à plusieurs raisons.

La fin des grands antagonismes que furent la « guerre froide » et la décolonisation et un accord devenant progressivement mondial pour lister et traiter les sujets d’intérêt commun, auraient dû déterminer un langage commun entre Etats et dirigeants autant que la projection d’institutions renouvelées ou inédites. Il n’en est rien jusqu’à présent.

Les Occidentaux, groupement psychologiquement et sociologiquement homogène, par opposition aux contestataires que sont les pays du B.R.I.C.S., sont en position de faiblesse parce qu’ils ont, chacun des vues et dess priorités différentes même à propos des urgences de ces semaines-ci, et parce qu’ils n’osent sortir du système économique libéral qu’ils croient avoir étendu au monde entier : ils sont en train d’en devenir les victimes. Progressivement réétiquetés comme dans les années 1950 en puissances impérialistes et colonialistes, ils sont aussi entrés en dépendance commerciale et financière avec ces adversaires politiques. La convocation de tous ensemble, pour des ordres du jour à traiter en commun – selon l’extension du G 8 en G 20 – est un remède inopérant et récusé. La concurrence et les difficultés n’étaient que commerciales depuis une quinzaine d’années, elle est devenue monétaire et politique, elle peut devenir stratégique : la surévaluation de la monnaie chinoise, les imprudentes avancées américaines dans l’ancien domaine soviétique, les constitutions de réserves énergétiques des uns, les déficits alimentaires de beaucoup sont belligènes. A cette échelle, les affaires ivoirienne et libyenne sont des prétextes offerts par les uns à la critique, voire à la contrariété juridique et peut-être matérielle des autres.

Les grands cycles de négociations sur les armements, sur le commerce international, sur le climat n’aboutissent pas, et celui sur les finances et monnaies n’a pas d’objet consensuel.

Les engagements de désarmement ne sont que partiels puisque des initiatives telle que l’établissement d’un bouclier antimissiles juste aux frontières de l’ancienne Union soviétique contredisent l’ambiance ayant conduit à des réductions d’armes offensives. Puisque surtout l’exploration et la présence dans l’espace extra-terrestre voient arriver un nouveau venu avec les programmes chinois tandis que ceux des Etats-Unis sont de renoncement à la Lune notamment. Les désarmements douaniers ont engendré depuis quinze ans, dans le monde, dans l’Union européenne et pour les Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique plus de déséquilibres qu’il n’en existait en période de zones préférentielles fondées soit sur l’homogénéité des participants, soit sur des fonds structurels encourageant des réformes internes ou la stabilisation de certains cours. Quant aux conférences climatiques, dont la tenue coincide parfois avec des troubles ou des catastrophes les dépaysant à l’improviste, elles sont viciées par l’hostilité explicite ou pas des Etats-Unis et de la Chine.

Les événements en cours ne parviennent pas à terme, notamment parce que les paramètres et même l’identification des faits sont mouvants (Côte d’Ivoire et égalité de massacres perpétrés par les deux camps, Libye et contestation des origines de la sécession, succession des répliques au Japon jusqu’à menacer Tokyo davantage que par contamination, crise financière et commerciale européenne plus du fait de la Banque centrale que des Etats défaillants.

Chacune des séquences perd sa pureté originelle – donc sa capacité d’impact dans les opinions – et la chronologie enregistre les étapes d’un pourrissement ramenant à leur solitude quelques pays, commentés mais plus vraiment. A se banaliser en abcès de fixation, les novations attendues par l’irruption de l’imprévisible au premier trimestre deviennent des questions et des objets de gestion. A la fois par les acteurs ou victimes directs, et parce qu’il est convenu d’appeler « la communauté internationale ». Celle-ci y trouve sa vraie définition. Elle n’est ni une assemblée, ni une conscience commune, ni une institution englobant ou pas celles juridiquement ou coutumièrement reconnues

Malgré les grands textes et les juridictions internationales – dont les séries ont été initiées à la fin du XVIIIème siècle pour les premiers, et à la veille de la Grande Guerre pour les secondes – il n’y a pas de saisine d’office d’une question ou d’un conflit, au seul motif que ces textes sont transgressés ou que la compétence de ces juridictions pourraient les résoudre. Il faut, d’une certaine façon, que soit agressé l’ordre établi, même si cet ordre est injuste. Les soulèvements de Berlin-Est en Juin 1953 ou de Budapest en Octobre 1956, l’invasion soviétique de la Tchécoslovaquie en Août 1968 ne font intervenir personne. La Grande-Bretagne est seule face à l’Argentine à propos des Malouines. Le maintien en détention d’Oçalan, le porte-drapeau des Kurdes, n’émeut personne. Cinquante ans après Pasternak, le Nobel chinois de la paix est empêché de tout voyage et de toute expression. Il est interdit de poser la question tibétaine. Les massacres de chrétiens à Bagdad et à Alexandrie ne conduisent pas à une saisine du Conseil de sécurité qui permettrait à toutes les religions en tant que telles de ressortir désormais d’applications sanctionnées de la déclation universelle des droits de l’homme.

Comment passe-t-on d’une urgence planétaire telle que la réduction des armements ou que la non-prolifération des capacités de frappe nucléaire à des prises de cible supposée : l’Irak en 2003, ou réelle : la Corée du nord, l’Iran depuis une décennie, puis à des gels, non du sujet mais du traitement du sujet ? Les révoltes arabes, la catastrophe de Fukushima, la vulnérabilité du système financier international, la crise post-électorale en Côte d’Ivoire ont commencé de glisser vers l’accumulation des autres conflits « dormants ».

La piraterie dans le nord-est de l’Océan Indien, les narco-territoires que sont le nord-ouest de l’Amérique du sud, la frontière septentrionale du Mexique, l’Afghanistan et sans doute une partie de l’Asie centrale anciennement soviétique, les déchets nucléaires pas seulement ceux qui résultent des surarmements soviétiques dans la presqu’île de Kola, les marches russes des Aléoutiennes au Caucase et dans l’ancienne Prusse orientale, le grand banditisme dans l’ouest et le centre du Sahara sont autant de possibles conflits majeurs que personne – ni en organisation internationale ni en Etats ou communauté d’Etats – ne sait vraiment les traiter. Pas davantage des antagonismes classiques et installés tels que la confrontation indo-pakistanaise au Cachemire, l’ambivalence des relations entre Taïwan et la Chine continentale, la coexistence judéo-arabe en Palestine.

L’actualité sert de crible. Les Etats ne devancent rien et sont pris au dépourvu. Le déguisement de celui qui prétend devancer un péril – les Etats-Unis proposant d’éradiquer d’Irak les armes de dissuasion massive dont disposerait Sadam Hussein – ne résiste ni à l’examen du moment, s’il est impartial, ni à ce que dévoile très vite l’Histoire.

Ces lignes de faille dans l’ordre international n’inquiètent plus, sauf en diverses périodes électorales ou quand quelque mouvement fait frémir. L’ensemble n’est pas pris pour tel. L’autonomie de chacune des questions résiduelles est dogmatique. N’est pris en compte pour déclencher puis alimenter des réunions, des financements, de soi-disant novations dans les règles du jeu ou les comportement que ce qui dérange l’opinion – et donc les dirigeants – des pays privilégiés. Ce qui isole, à un autre propos que le traitement des crises africaine et arabe, les Occidentaux des pays émergents.

Ainsi, se superposent deux difficultés. Des événements imprévus et perturbateurs, dont la coincidence semble empêcher toute synthèse tant ils sont disparates et producteurs d’urgence. L’inadéquation des agendas et des institutions dont on se contentait – en gros – jusqu’à la fin de l’an dernier.


IV


L’échec des organisations internationales
dans leur état actuel




1° les Nations Unies

Aussi bien la crise ivoirienne que les massacres en Libye – deux cas de guerre civile – montrent un accord général sur la référence aux Nations Unies, ce qui tranche avec le « passer outre » anglo-saxon de 2003, mais aussi les limites de la mise en œuvre. La France en Côte d’Ivoire pour qu’il soit procédé à l’arrestation du président sortant, et plus généralement pour que le président élu dispose de la supériorité militaire, a outrepassé les mandats anciens qui légitimaient la présence de Licorne. Les intervenants en Libye, dont ni l’organisation en coalition de groupes, d’organisations et d’Etats, ni le degré d’implication ne sont clairs, outrepassent forcément la résolution du Conseil de sécurité, acquise par intimidation d’un moment forçant les adversaires allemand, russe et chinois à l’ « abstention constructive » : comment protéger, seulement par voie aérienne, des populations civiles dans l’entremêlement des forces à terre ?

Quelques certitudes… le scenario de 2003 : une intervention sans aval des Nations Unies n’était pas possible alors même que la coalition était spontanée, respectable et surtout la motivation évidente pour toutes les opinions publiques. La différence en 2011 n’est pas dans la faible implication américaine mais dans le fait que la discussion porte sur l’opportunité de défaire par la force un dirigeant en place, fût-il abominable ? elle porte sur l’objectif de l’intervention, alors qu’en 2003 elle portait sur la dispense à accorder ou pas à l’intervenant. L’attaqué en 2011, l’attaquant en 2003. Une nouvelle résolution n’est pas non plus possible. Les renvois habituels par les Nations Unies aux organisations régionales territorialement compétentes ne peuvent rien donner dans l’espèce libyenne puisque les insurgés n’ont qu’un seul but de guerre, et ils n’ont rien produit dans le cas ivoirien. L’impasse au Zimbabwé s’est résolue sans les Nations Unies et, depuis un an à Madagascar, elles ne sont pas appelées.

Après soixante-cinq ans de fonctionnement, d’adoptions de textes et d’institution de nouvelles juridictions, les Nations Unies ne peuvent traiter des situations internes où ne se discerneraient ni intervention de tiers ni émergence d’un pouvoir concurrent de celui établi. L’espèce syrienne risque pourtant de devenir nombreuse et pas seulement dans le monde arabe. Seul progrès ?

Les Nations Unies reflètent l’ensemble des demi-mesures leur donnant compétence universelle, mais pas les critères d’interventions. Les saisines sont aisées, mais pas la rédaction des mandats.

2° l’Union européenne

Depuis le traité de Maastricht qui devait consacrer sa novation, son intégration et sa personnelité, l’Union Européenne s’est, quant à elle, défaussée sur l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, pour toutes les interventions sécuritaires. Certainement, hors du territoire de ses Etats-membres : les guerres yougoslaves et l’action en Afghanistan le montrent. Mais sans doute aussi pour la sécurité-même de ce territoire.

La référence à l’O.T.A.N. est doublement pénalisante, puisqu’elle empêche une organisation propre à l’Union, qu’elle élude (ou méprise) l’option de neutralité de quatre des Etats-membres, et puisque l’initiative européenne, déjà conditionnée par la fascination américaine, pâtit pour son efficacité des dysfonctionenments de l’organisation intégrée.

Pour rapprocher l’Union européenne des peuples, nonobstant les Etats qui laissent leurs ressortissants en faire un bouc émissaire alors que ce sont eux, qui dans les institutions, sont, en Conseil de ministres, le principal législateur, pour la rapprocher aussi des réalités à traiter, notamment dans l’international, il n’est qu’une réforme radicale. L’élection du président de l’Union (quel que soit son titre) au suffrage direct de l’ensemble des citoyens européens formant une seule circonscription électorale, et à ce président la prérogative de convoquer le referendum, sans contreseing mais moyennant quelques avis, par exemple de la Commission et du Parlement, mais pas du Conseil de ministres (les Etats et leur veto dans la pratique européenne). Referendum dans les matières du traité, pour roder la procédure, puis ad libitum. Alors apparaîtrait une expression européenne, très vite un vouloir et finalement des carrières proprement européennes. Le débat sur la composition de la Commission ne serait plus celui de la représentation des nationalités, et les Etats concèderaient que le Conseil est une chambre haute, un Bundesrat, aux fortes possibilités, face au Parlement européen tel qu’il est devenu.

Tout aussi naturellement la question d’une participation allemande permanente au Conseil de sécurité des Nations Unies – elle s’est implicitement reposée dans le débat sur la résolution 1973 à propos de la Libye – se règlerait par une représentation seulement européenne, quitte à ce que l’Union soit, par traité, contrainte à débattre entre Etats des positions à adopter par cette représentation commune.


V



Gouvernance ou démocratie mondiales ?



La réponse immédiate à chacun des événements, à chacune des explosions du semestre en cours est un maintien de l’ordre – pas tant par les autorités locales au défi de leurs populations : le Premier ministre japonais et COTEP, les pouvoirs dans le monde arabe qu’ils soient transitoires ou anciennement cramponnés, les débiteurs souverains face aux agences de notations et aux marchés obligataires – mais surtout par les tiers que sont les pays dits développés. Chacun des deux bords : les nantis en niveau de vie et en démocratie, droits de l’homme, tout ce qui va avec sont aux prises avec le dérangement climatique, les défis énergétiques divers, le péril nucléaire, tandis que les démunis en mal de marchés du travail et de savoir-être démocratique se débattent dans le discernement d’élites désintéressées leur évitant le maintien des dictatures ou le retour à celles-ci par simple changement cde tyran. La réponse est conservatrice, compartimentée.

En fait se cherchent les deux éléments qui, du fait de la « guerre froide », ont manqué aux constructions de 1945-1960 : fondation de l’Organisation des Nations Unies et décolonisation. D’une part, le pendant au système seulement inter-Etats qui régit l’O.N.U. (à l’Assemblée générale comme au Conseil de sécurité, seuls existent et siègent les représentants des Etats), et d’autre part une « critérologie » répondant d’une véritable universalité de thèmes : le droit d’ingérence en est à ses premières expressions juridiques depuis 2005, l’architecture des juridicitions pénales internationales n’est pas efficace ce que montrent aussi bien le scandale des détentions à Guantanamo ainsi que des transferts clandestins d’Asie centrale ou du Proche-Orient vers ces bases, que le parcours du président soudanais ou d’Hissène Habré du Cameroun, le contrôle international des élections dans des pays à un moment sensible des confrontations intérieures est le plus souvent (le Kenya fait exception) un faire-valoir pour celui qui fait ratifier son coup de force (la Mauritanie en est exemplaire), l’indemnisation des perssonnes victimes de catastrophes ou d’exaction dont sont responsables des entreprises multinationales échappe à des prises également multinationales. Une étude des dernières décennies abonderait le catalogue.

Alors que prolifèrent dans l’ordre économique et financier des usages et des abus bien plus pratiqués par leurs bénéficiaires que toute réglementation en la matière quand il seen esquisse ou quand il existait avant la « mondialisation », et dans l’ordre social tous les trafics abusant des personnes de la drogue aux drames de l‘immigration, ces deux inachèvements de l’ordre mondial sont liés. Contrairement à l’apparence qui fait rechercher une gouvernance capable d’élaborer ces critères, règlements et procédures, et toujours éluder l’entrée des peuples et des opinions dans le système.

La gouvernance se fera et les Etats, par définition et par structrure, garderont leur « monopole de la contrainte organisée » (définition de l’Etat par Georges Vedel au début des années 1960), mais la démocratie ? Déjà, un traitement égalitaire s’écartant des pondérations existantes entre les Etats est difficile à imaginer et à formuler.

La démocratie mondiale suppose deux réflexions. Si n’aboutissent pas des mouvements de revendication mettant sous pression aussi bien les Etats que les principales organisations internationales, mondiales ou régionales. Les contestations initiées à Seattle ont périclité, les craintes liées au climat et au nucléaire n’ont pas structuré une opinion mondiale. Certes Greenpeace et des partis écologiques… mais banalisés et sans poids dans les relations internationales. Les Eglises, les divers conseils ou conférences mondiales juives, musulmanes ou bouddhistes n’ont pas encore – ce qui tend à s’instituer en France depuis Novembre 2010 – réalisé que leur entente constituerait une décisive autorité morale, face aux Etats, au réalisme politique et à la tolérance socio-économique qui, par eux, déterminent l’ambiance mondiale.

Première réflexion : quelle représentation des peuples ? et quels peuples ? quels critères pour désigner les mandataires ? qui considérer comme ayant qualité pour entrer dans le concert. Question des minorités, question des populations sans Etats ou distribuées entre plusieurs, question des apatrides. Même au niveau européen où il serait très opérant de permettre une citoyenneté de l’Union séparable de toute nationalité, sur demande personnelle d’un ressortissant d’un Etat-membre, c’est impossible sans révision des traités : la question des populations migrantes, des gens du voyage, des Roms et d’autres Européens serait en partie réglée, une participation aux institutions de l’Union serait possible sans le truchement, le crible des Etats qui est éliminatoire.

Deuxième réflexion : quelles modalités d’association à la gouvernance mondiale et surtout aux processus de législation universelle ?
Conclusion – le remède de la sincérité



La succession rapide des événements libyens,
puis le changement à la direction générale du Fonds monétaire international,
me font – le 31 Mai – surseoir à l’achèvement de cette rédaction
et donc à sa diffusion.

Telle quelle, à l’état d’esquisse pour beaucoup de ses points, elle a – le 30 Août – valeur de ce qu’il pouvait s’observer et conjecturer il y a trois mois,
c’est-à-dire avant la crise de la zone euro.,
celle de la plupart des dettes souveraines, et avant aussi la chute de Kadhafi.


























Bertrand Fessard de Foucault


Reniac . boîte postale 3 . 56450 Surzur


tél. 0 (033) 6 80 72 34 99 & courriel b.fdef@wanadoo.fr





22-23 Mars . 6-22 Avril . 29-31 Mai 2011






Retour au multiple


mais pour des dialectiques incertaines



réflexions et observations sur un moment structurant


de la situation et des relations internationales







Ces réflexions sont un effort solitaire – sans sources particulières d’information ni sur les événéments en cours depuis la fin de l’an dernier, ni sur les desseins gouvernementaux français, s’il y en a… pour le long terme. Simple souci de voir clair et de prendre date, autant vis-à-vis de moi-même que de tiers lecteurs, comme je l’ai fait en tenant journal depuis 1964 – dont j’ai le projet de publication commentée et augmenté de la mémoire résiduelle – et en réfléchissant et communiquant ad hoc en 2001 et en 2003 notamment (11-Septembre et Irak), ou en écrivant à ceux qui accèdent au pouvoir, Lionel Jospin en 1997 et Nicolas Sarkozy en 2007, quoique seulement en termes de souhaitables initiatives françaises.



Elles sont jumelles de celles menées à propos de l’actuel moment français, depuis qu’il est acquis que le quinquennat commencé en 2007 n’aura pas de suite élective en 2012 : impasse et issue, réflexions et propositions à un moment de décision collective française.



La méthode est la même. Elle s’inspire des critères qui furent ceux du général de Gaulle dont l’art fut d’abord celui de penser. Regarder le monde selon les peuples, les nations qu’ils ont formées et auxquelles ils tiennent. Proposer pour la France selon le seul bien commun de tous les Français, la France-même. Et chercher l’interaction. Le moment comme support impératif de la réflexion mais la limitant d’autant moins, pour quelqu’un qui n’est pas acteur, qu’il permet de discerner l’adéquation des anciennes trajectoires et la nécessité ou pas de nouvelles orientations.



La liberté de l’esprit compense-t-elle l’information ? Des deux quelle est la plus accessible, et à quelles conditions ?



Il me paraît qu’au contraire des grands tournants précédents depuis un siècle, celui que nous vivons n’est pas une séquence de faits déterminant une ou plusieurs suites (ce qui caractérisa, en relations internationales, 1914, 1929, 1939, 1945, 1989, 2001, 2003, 2008…) mais au contraire la révélation d’une mûe déjà acquise mais pas encore assimilée ni par les opinions, ni par les dirigeants, ni par ceux qui forment le courant de pensée dominant les unes et les autres. Et ce qui me paraît valoir pour l’international, vaut – je le crois – pour la situation intérieure française : le quinquennat de Nicolas Sarkozy n’est pas un événement novateur, il est la révélation de notre état, état de choses, état d’esprit.



Je cherche donc à voir, à comprendre et aussi à dessiner des corrections de trajectoire, corrections pour l’idéal car il est probable que la suite ne sera ni ce qui est prévisible actuellement ni ce qui est généralement souhaité mais évidemment pas décidé.




chronologie élémentaire p. 2


traits communs aux événements p. 4


I – Ceux qui savent se révolter p. 7


II – Ceux qui sont en place de diriger p. 13


III – L’échec d’unsystème de rencontres p. 18


IV – L’échec des organisations internationales p. 22


V – Gouvernance ou démocratie mondiales ? p. 25


conclusion . le remède de la sincérité p. 27





17 Décembre 2010 – Sidi Bouzid, chômeur de 26 ans, se suicide par le feu en Tunisie


14 Janvier 2011 – fuite de Zine El Abidine Ben Ali après 23 ans de pouvoir ; projet d’élection le 24 Juillet d’une constituante


17 Janvier – suicide par le feu, en Mauritanie


17.18 Janvier – trois tentatives de suicide par le feu, en Egypte


18 Janvier – au Yémen, début de la contestation d’ Aly Abdallah Saleh au pouvoir depuis trente-deux ans


19 Janvier – réunion de donateurs à Kiev pour poser d’urgence un nouveau couvercle sur le réacteur détruit à Tchernobyl (740 millions euros nécessaires contre 550 millions de promesses)


24 Janvier 2011 – à l’aéroport de Domodiedovo (Moscou), un kamikaze ingouche cause 35 morts


3 Février – Algérie, le président Bouteflika s’engage à lever l’état d’urgence et à ouvrir les médias à l’opposition


11 Février – Egypte, démission forcée de Hosni Moubarak


16 Février - début des manifestations en Libye (Al-Baïda et Benghazi)


25 Février – en Mauritanie, début d’un « sit-in » chaque vendredi et mardi après-midi


15 Mars – début des manifestations en Syrie (à Deraa, puis Banias)


18.19 Février – à l’Elysée, inauguration de la présidence française des G 8 et G 20 sur la réforme financière internationale en identifiant les « déséquilibres mondiaux »


appel de la Ligue arabe


11 Mars – séisme et tsunami au Japon mettant hors contrôle la centrale nucléaire de Tukushima ; nouveau tremblement de terre le 7 Avril


17 Mars – résolution 1973 du Conseil de sécurité pour la protection des populations civiles en Libye ; abstention de la Russie et de la Chine (pas de veto)


19 Mars – Libye, premières frappes aériennes déterminant une zone d’exclusion autour de Benghazi


réprobation chinoise


entretiens de Robert Gates à Moscou


Barack Obama au Brésil


engagement de bombardiers


20 Mars – le Dalaï-Lama renonçant à son autorité temporelele, un Premier ministre en exil est élu par la diaspora


31 Mars – Libye, l’OTAN reçoit le commandement des opérations


6 Avril 2011 – enquête préliminaire de la Cour pénale international sur la situation en Côte d’Ivoire


10-11 Avril – tentative de médiation de l’Union Africaine en Libye, acceptée seulement par Kadhafi


11 Avril – arrestation de Laurent Gbagbo


12 Avril – conférence à Doha sur la Libye : les rebelles à Kadhafi demandent d’être reconnus par Washington


14 Avril – à Sanya, les pays dits du Brics (Chine, Russie, Inde, Brésil, Afrique du sud) contestent le traitement de la question libyenne par l’O.T.A.N. et déclarent "partager le principe selon lequel l'usage de la force doit être évité"


14 Avril – « impossible d’imaginer que la Libye ait un avenir avec Kadhafi », tribune signée de Barack Obama, David Dameron et Nicolas Sarkozy


14 Avril – début de mutineries au Burkina Faso


15 Avril – Algérie, le président Bouteflika annonce une révision de la Constitution » pour renfoprcer la démocratie »


15 Avril – Syrie, la contestation gagne Damas


18 Avril – l’agence de notation Standard & Poor’s (S&P) évoque une possible « dégradation » des capacités américaines à répondre de la dette des Etats-Unis


19 Avril – Syrie, fin de l’état d’urgnce en vigueur depuis 1964


19 Avril – Libye, envoi de conseillers militaires au sol par l’Italie et la France (Grande-Bretagne auparavant mais secrètement)


21 Avril – reprise des combats en Côte d’Ivoire


22 Avril – la France exprime son souhait que soti revue la « gouvernance » du traité de Schengen sur la libre circulation des personnes au sein de l’Union européenne


25 Avril – Syrie, envoi de chars à Deraa


27 Avril – Syrie, le Conseil de sécurité ne peut s’entendre sur une condamnation du régime proposée par France, Allemagne, Grande-Bretagne et Portugal : refus Chine et Russie


28 Avril – attentat à Marrakech, 15 morts, dont plusieurs français


28 Avril – DSK … pris en photo en train de monter dans ue Posche (valeur 150.000 euros, véhiciule de foction d’un proche fourni par Lagardère)


30 Avril – Yémen, accord pour une sortie de crise


1er Mai – Barack Obama annonce la mort de Ben Laden – tué par les forces spéciales dans sa résidence d’Abbottabad, non loin d’Islamabad (l’immersion du corps en pleine mer « est en contradiction avec l’ensemble des valeurs religieuses et du droit humain », selon Mohamed Ahmed-Ayeb, recteur de la mosquée de l’université Al-Azhar Caire)


3 Mai – France, examen d’un projet de loi sur la maîtrise des dépenses publiques


3 Mai – Portugal, le gouvernement de José Socrates reçoit un prêt de 78 millirads d’euros de la part du FMI et de l’Union européenne


4 Mai – la Commission européenne donne satisfaction à la France : le rétablissement temporaire de cpntrôles à la frontières intérieures de l’Union est autorisé en cas de défaillance d’un Etat-membre


4 Mai – au Caire, accord de réconciliation entre le Fatah et le Hamas


5 Mai – en Grande-Bretagne, referendum sur le mode de scrutin : le non l’emporte contre le changement qui aurait été favorable aux libéraux-démocrates


10 Mai – affaire Tapie-Lagarde (ayant battu la veille le record de longévité de Pierre Bérégovoy à Bercy): saisi le 1er Avril par neuf députés socialistes, le procuerru général près la Cour de cassation tranmset à la commission des requêtes de la Coru de justice de la Eépublique le dossier


12 Mai – désaccord europpéen sur la sûreté nucléaire


15 Mai – DSK entre les mains de la justice américaine pour agression sexuelle


15 . 19 Mai – à la Puerta del Sol de Madrid, puis à « la Bastoche » de Barcelone, début du mouvement des « indignados »


18 Mai – Syrie, sanctions américaines


19 Mai – les Européens favorables à une candidature de Christine Lagarde à la succession de DSK ; candidature formalisée le 25 Mai avec une déclaration hostile à la restructuration de la dette grecque


19 Mai – Barack Obama se dit favorable à un Etat palestinien sur la base des frontières de 1967 (le 24 Juin 2002, George Bush junior évoque la création en Palestine de « deux Etats vivant côte à côte en paix et dans la sécurité », mais juge « irréaliste », par échange de mettre le 14 Avrill 2004 avec le Premier ministre Ariel Sharon, un retour à la Ligne verte : lignes d’armisice de 1949) ; réplique d’Irsaël, les frontières de 1967 sont indéfendables


21 Mai – en Islande, réveil du volcan Grimsvötn


22 Mai – Espagne, élections locales : déroute socialiste et du président du gouvernement José Luis Rodriguez Zapatero au pouivoir depuis le 14 Mars 2004


23 Mai – Syrie : sanctions européennes visant personnellement Bachar Al-Assad


23 Mai – l’agence Fitch Ratings dégrade la Belgique du rang 1 au rang 2


25 Mai – Barack Obama gloififie les valeurs anglo-saxonnes à Wetslinster Hall


25 Mai - à Berlin, Mario Draghi ancien prsident de la Banque centrale italienne et futr président de la Banque centrale européenne, est ovationné par la CDU sur le thème « l’Allemagne, un moteur de l’Europe industrielle qui a de l’avenir »


25 Mai – la commissaire grecque à la pêche Maria Dama,aki : soit on seaccirde acec les bailleurs de fonds, soit l’on retourne à la drachme


26.27 Mai à Deauville, sommet du G 8 : la liberté d’expression sur la « toile » n’est pas à l’ordre du jour ; la Russie se joint aux Occidentaux pour réclamer le départ de Kadhafi


26 Mai – arrestatio, de Ratko Mladic, une des conditions posées à l’adhésion de la Serbie à l’Union européenne


29 Mai – Allemagne, Angela Merkel décide la sortie du nucléaire : les huit réacteurs en révision ne seront pas remis en activité, six autres fermés d’ici 2021, les 3 derniers en 2022 (projet de loi le 6 Juin et vote parlementaire le 8 Juillet)


29 Mai – place de la Bastille, démontage des tentes et évacuation forcée des émules françaisé







Plusieurs traits permettent d’assembler des événements disparates pour les observer en tant qu’un moment exceptionnel des relations internationales :




le moment a toutes les apparences du multiple en géographie et en thématique. Révoltes populaires dans la plupart des pays arabes de la rive sud de la Méditerranée, persistance des crises dûes au risque de défaillance dans l’acquittement des dettes souveraines, contestation physique d’une élection présidentielle, conjugaison de deux catastrophes naturelles causant des milliers de pertes humaines mais mettant en cause tous les mécanismes de sûreté nucléaire d’un des pays les plus développés de notre époque. Auparavant, il n’y avait que deux cas de cette diversification pour un seul moment : soit une guerre ou une crise financière ou encore une rupture d’approvisionnements, chacune mondiale (1914, 1929, 1939, 1973, 1987…), soit un ou plusieurs bras de fer dans une aire donnée ou entre protagonistes habituels (les duels américano-soviétiques de 1947, 1956 et 1962) ou un bouleversement d’échiquier, considérable en soi, mais très localisé (les conflits israëlo-arabes de 1948, 1967 et 1973 ou l’effondrement du système communiste en 1989). Les guerres de la Révolution et de l’Empire d’une part, les guerres conduisant à l’unité allemande, à l’unité italienne ou au démantèlement de l’empire ottoman ou encore aux traités inégaux imposés à la Chine d’autre part, avaient déjà illustré, au XIXème siècle, ces deux cas de figure ;




la contagion des événements d’un pays à l’autre ou d’un thème à l’autre détermine un nouvel aspect de la mondialisation. Elle pose immédiatement la question de savoir si s’ouvre une ère nouvelle ou si l’imprévisible sera pallié par de simples réactions défensives des systèmes en place. Le vent de l’Histoire semble changer d’un jour à l’autre : en Tunisie et en Egypte, les manifestants l’emportent parce que l’armée refuse d’être l’outil répressif, tandis qu’en Libye, à Bahrein, en Syrie elle l’accepte et au Yemen elle hésite, mais la lointaine Chine, certes sous dictature quoique ni arabe, ni musulmane, semble sensible à la « révolution du jasmin » (les chutes ou changements de régime dans l’ancien empire soviétique quand elles étaient le fait de mouvements populaires ont reçu des appellations propres, à l’exemple bien plus ancien du Portugal et de sa « révolution des oeillets »). La catastrophe de Fukushima fait décider à certains Etats une « sortie du nucléaire » à terme plus ou moins rapproché mais à d’autres, comme la France, elle inspire un redoublement de l’effort technologique pour conforter une option ancienne. La contagion ests ambivalente, et elle est également limitée : l’Afrique subsaharienne, l’Amérique latine, le Moyen-Orient et l’Extrême-Orient sont peu ou pas touchés par des mises en cause politiques et techniques concernant surtout les pays très avancés dans leur économie ou très homogènes dans leur dénuement social (ce ne sont pas les mêmes, actuellement) ;




l’ensemble des éphémérides n’est pas perçu comme tel, sauf dans la forme des réactions. Les interventions proviennent – sur chacun des théâtres et à propos de chacun des thèmes – de pays tiers, eux-mêmes s’assemblant en cénacles préexistants dont aucun n’est décisif. Ligue arabe et Nations Unies pour les Etats méditerranéens et du Proche-Orient, Nations Unies et Union Africaine pour l’imbroglio ivoirien, Fonds monétaire international et Union européenne pour la crise des paiements portugais. Mais la catastrophe ayant potentiellement le plus de conséquences planétaires – les dommages subis à des degrés divers par les six réacteurs de la centrale de Fukushima et non réparés – n’a mobilisé ni engendré aucune réunion, aucun concours, aucune procédure en collectivité mondiale. Au contraire, chacune des crises est gérée selon des acteurs et des moyens séparés de ceux adonnés aux autres. La France est la principale traitante de la crise ivoirienne. Les partenaires européens du Portugal s’en chargent plus que le Fonds monétaire international. La France – encore elle – et la Grande-Bretagne entretiennent la rébellion contre le dictateur libyen et sans elles, aucune action internationale n’aurait eu lieu et la Libye aurait été exemplaire d’une répression qu’en Tunisie et en Egypte, pays qui l’encadrent géographiquement et humainement, les homologues de Kadhafi, il est vrai un peu moins pérennes, n’ont pas pu diriger ;




par la diversité de ses composants, le moment actuel a des précédents récents. En 2010, une catastrophe naturelle détruit Haïti, la Grèce est en cessation de paiements rejointe par l’Irlande, un volcan islandais sinistre tout le ciel européen, une marée noire causée par British PetroleumP dans le golfe du Mexique échappe à toute possibilité d’indemnisation. Mais les événements se sont, cette année-là, plutôt succédés qu‘ils ne se sont cumulés en sorte que l’attention des opinions publiques et des dirigeants politiques n’a pas été saturée, comme il semble que ce soit maintenant le cas.





l’issue de chacune des grandes crises mondiales depuis 1918-1919 et jusqu’à la plus étrange et symbolique de toutes, celle – essentiellement morale et psychologique – provoquée par les attentats du 11-Septembre 2001 encadrés par la guerre du Golfe de 1990-1991 et l’intervention anglo-saxonne en Irak en 2003… avait toujours donné lieu à une synthèse philosophique et stratégique. L’actuel moment ne produit que des réactions juxtaposées et non concertées de la part des dirigeants politiques et des autorités religieuses. Les premiers insistent sur le rôle protecteur des gouvernements et des Etats, tirant occasion des événements pour préférer rapidement un non-engagement (les Etats-Unis dans la guerre de Libye ou dans l’évaluation d’une catastrophe nucléaire dont ils avaient eu eux-mêmes l’expérience en 1979) ou pour mettre en garde contre les conséquences financières ou démographiques de la défaillance portugaise, voire ibérique et des sauve-qui-peut de populations maghrébines (l’Allemagne banquière de l’Europe et la France ultra-sensible à la parabole du banquet de Malthus). L’Eglise catholique n’innove apparemment pas en prêchant dialogue et paix en Libye et en Côte d’Ivoire (Benoît XVI et le précédent de Benoît XV, accusés par les Etats de l’Entente de ne plaider que pour les Empires centraux dans sa proposition de médiation) mais aboutit en fait à légitimer celui des protagonistes que veut abattre la « communauté internationale » avec l’ardeur-même du compétiteur.



L’enjeu mondial est la capacité ou pas du système régissant actuellement les Etats et leur concert, ainsi que – dans beaucoup de cas – les vies nationales, de tirer la leçon de ces événements. C’est sans doute la concomitance de ceux-ci, leur ampleur et leur force, quel que soit le thème et la zone en question, qui force l’attention. Un à un, ils n’imposeraient sans doute pas une telle prise de conscience du temps perdu et de l’inertie de toute imagination collective depuis au moins la chute de l’Union soviétique et la fin, en conséquence, d’une alternative stratégique et économique au libéralisme et à l’hégémonie d’un Etat principal en tous domaines.



Globalement, malgré la démonstration libyenne de soutien à des insurgés et les semaines de guerre civile en Côte d’Ivoire, le défi est pacifique. Il y a urgence à réorganiser la planète, mais l’urgence n’est pas celle d’engrenages comme en 1914, en 1929, en 1939, voire en 1987. Urgence qui n’a pas été perçue en 2008 quand a retenti le signal donné par la faillite de Lehman Brothers, ou celui de la Géorgie tour à tour conquérante puis occupée ; les réactions ont été nombreuses, mais sont restées chacune nationale, malgré réunions et communiqués.








I





Ceux qui savent se révolter







Il n’y a pas eu de révolte aux Etats-Unis contre les banques et les huissiers faisant réaliser les gages pour juguler la crise immobilière. Il n’y a pas de révolte dans le nord-est du Japon contre l’impéritie du gestionnaire des centrales nucléaires, manifestement en faute, et du gouvernement manifestement pris au dépourvu pour organiser quelque plan national de sauvetage et de solidarité. Il n’y a pas eu en 2010 de révolte contre le gouvernement en place en France, alors même que jamais un président régnant n’a été aussi impopulaire et cela dès le dixième mois de son mandat. Il n’y a pas – malgré la démonstration du 10 Avril à Budapest – de contagion d’un pays à l’autre dans l’Union européenne, pourtant frappé des mêmes maux, c’est-à-dire des politiques d’austérité de gouvernement n’ayant rien vu venir et ne discernant en rien même le plus proche avenir.



Il y a une révolte dans les pays arabes. Pas un seul qui ne la vive. Elle a eu son signal, ce désespéré tunisien, et elle a eu très vite ses scenarii : le « sit-in » sur une des places importantes de chacune des capitales, à l’exception des monarchies pétrolières menacées seulement à Bahrein (mais l’émirat est-il pétrolier ?), de la Syrie dont les événements se déroulent à la frontière jordanienne et de l’Irak où le jeu est faussé forcément par la présence américaine.



Il est étonnant que des histoires et des situations sociales très disparates produisent la même contestation d’un système d’abord politique : une longévité excessive de quelqu’un au pouvoir, généralement arrivé soit par un coup d’Etat soit par hérédité, c’est-à-dire dans l’un et l’autre cas, d’une façon bloquant aussi bien le choix dans le moment de l’accession au pouvoir que pour la suite. Les différences ont résidé jusqu’à présent dans le rôle de l’armée, sympathisant dans les premières étapes avec la démonstration populaire (Tunisie et Egypte, mais il semble que ce ne soit plus tout à fait le cas) et dans la capacité des médias (le Maroc, l’Algérie, les monarchies pétrolières sont manifestement bouclés). Les pétitions sont identiques : libertés publiques, fin des régimes d’accaparement des ressources financières locales, refus d’une perpétuation illimitée dans le temps d’exercices du pouvoir dont les fins paraissent ne plus être que personnelles.



Ces révoltes n’ont encore changé positivement aucun régime, elles ont au mieux basculé le dictateur local – et dans deux pays seulement. Elles ont des conséquences internationales manifestes puisque les pays tiers n’ont pas vu venir les choses mieux que les tenants du pouvoir évincés ou contestés, et que les réactions ont d’abord été d’une prudence attestant des penchants conservateurs, et qu’elles ne sont interventionnistes que dans un seul cas, celui de la Libye, parce que la révolte aboutit à une partition territoriale et à une guerre civile – avec un système complexe ressemblant plus à une permissivité de la « communauté internationale » envers l’activisme de quelques Etats, et dont le modèle ivoirien avait pourtant et par avance démontré les limites en efficacité mais pas en durée de l’exercice. Elles ne changent pas – contrairement à l’époque de la « guerre froide » et malgré la réserve affichée de la Russie et de la Chine, il est vrai semblable à celle de l’Allemagne – les équilibres ni régionaux ni mondiaux. Suez et la guerre des Six jours avaient changé les cartes mais il s’était agi d’opérations proprement militaires et menées par des Etats. La guerre libyenne est d’abord une guerre civile qui aurait plutôt comme précédent la guerre d’Espagne avec des interventions étrangères, des arrivées de volontaires et des diversités très marquées de lecture de l’événement.



Elles auront des conséquences internes dans les pays arabes mais aussi dans la plupart des autres Etats, parce que les opinions dans les pays tiers ont contraint les dirigeants à prendre position et même à collaborer au fait accompli ou à l’empêcher. Et plus encore parce que la comparaison entre ces révoltes au sud de la Méditerranée et les passivités, à quelques expressions près, notamment en Grèce (contre les plans d’austérité) et en Italie (contre la corruption et l’immoralité du prince régnant), au nord de la Méditerranée fait ressortir une différence importante. Les élections dans les pays africains et arabes n’ont de sens que si elles sont précédées par un consensus sur les textes et sur les personnes à approuver. Sinon, elles sont presque toujours belligènes, qu’elles soient ou non régulières : l’espèce ivoirienne est exemplaire. La partition de fait de la Libye est une possible conclusion de la révolte contre la dictature de Kadhafi mais les divisions claniques en Côte d’Ivoire ne suggèrent aucun état de fait qui soit viable. Au contraire, en Europe et en Amérique, le bulletin de vote est un glaive : les crises sont toujours vécues dans la perspective que l’échec d’une manifestation ou qu’une choquante impopularité ont des suites électorales. Les politiques d’austérité peuvent être sanctionnées par le suffrage universel, même quand l’enjeu est très technique, ainsi que l’Islande vient de le montrer. L’Asie reste hors champ – ce qui n’est pas indifférent – autant parce qu’elle est composite : à côté de l’Inde et du Japon, chacun légaliste et pratiquant la légitimité par les urnes, la plupart des Etats et d’abord la Chine semblent voués aux dictatures depuis la décolonisation… qu’à raison de sa bien moindre imprégnation par les conceptions américaines et européennes de la démocratie et de l’exercice du pouvoir.



Ainsi coexistent deux révoltes dont la relation est singulière.



L’une est explicite, celle des pays arabes, et a pour originalité qu’elle est sans précédent car elle n’a pas – d’un Etat à l’autre – les habituelles consonnances nationalistes, panarabes, voire religieuses au contraire de ce qui fut vécu dans les années 1960 ou qui est aujourd’hui redoutés aux Etats-Unis et en Europe. L’autre est implicite, celle des pays dits nantis, qui mettent en cause la gestion des dirigeants, en économie avec de désastreuses conséquences financières et sociales, ou en gestion immédiate d’une catastrophe (cas du Japon subissant à répétition des cataclysmes). La première a pour idéal – paradoxal – l’idée qu’elle se fait de la démocratie « occidentale », elle réclame un certain modèle de vie publique (en morale, en communication, en contrôle du pouvoir, en liberté de l’élection, de l’expression et de l’association) : elle est tout simplement moderne par opposition à des dictatures tendant à l’hérédité et bafouant le droit dans tous les registres. La seconde découvre que ce modèle de vie publique n’est plus que formel – c’est en tout cas l’ambiance française à un an d’une élection présidentielle – et que les paramètres du pouvoir ne sont plus électifs à moins de bouleverser nombre de dogmes, presque tous économiques et financiers, alors que la politique était censée régir le social : elle cherche donc ses outils et, particulièrement en Europe, elle hésite à choisir ou à maintenir la collectivité englobant par nature toutes les autres quelle que soit la consistance de celles-ci : territoriale, idéologique, sociologique. Solutions et débats nationaux ou européens, émiettements régionalistes, replis et revendications communautaristes. Est-ce à dire qu’Arabes et Européens – peut-être à la veille d’une redécouverte de l’ancienne unité gréco-romaine mise en forme par la transmission arabo-musulmane ? et d’un commun héritage des concepts plus sociaux et politiques qu’économiques, formulés par un droit écrit et non coutumier – seraient, pour le moment, décalés, les uns en chemin vers une modernité que la période coloniale leur avait montrée mais pas donnée, les autres en interrogation sur la libre détermination et la conduite humaines des procédures et des mécanismes économiques. La pétition révolutionnaire à terme est identique : la politique doit porter la société à son idéal, l’économie doit être servante, la finance n’être qu’instrumentale et non objet de recel ou d’accaparement.



Ni dans la contestation des opinions européenne ou américaine, ni dans les révoltes arabes, il n’y a de référence à une doctrine, encore moins à quelque auteur, alors que le marxisme rend parfaitement compte de l’économie mondiale contemporaine et de sa crise autant mécanique que morale et que tour à tour Keynes, Illitch, Marcuse – mieux reçus que les théoriciens de la fin de l’Histoire parce qu’expliquant autant que remédiant – avaient synthétisé les crises de 1929 et de 1968. Il n’y a pas non plus d’exemple d’un traitement des événements ou de réduction des impasses et difficultés, pouvant inspirer soit les exigences de la révolte soit la médication administrable par de nouveaux dirigeants : plan Marshall, New Deal, voire unité arabe ou intégration européenne. Explosions ou contentions populaires accouchent d’interrogations et d’exigences mieux formulées, mais pas encore d’un avenir précis, libre ou subi, comme au siècle dernier à la suite des deux guerres mondiales et de la chute du mur de Berlin se décidèrent l’entreprise européenne et l’intégration atlantique, la décolonisation et la mondialisation.



Ainsi se révèle un fait fondateur, déjà à l’œuvre mais aux effets encore peu vérifiables, et dont les premières contestations du mondialisme, autour de la conférence de Seattle, avaient paru un prodrome quoique sans vrai lendemain dès que les émeutes autour de celle de Gênes, eurent appris aux délibérants à s’isoler… le fait est que les situations existantes ne sont plus supportées parce qu’elles sont trop frustrantes qu’elles soient politiques ou économiques. Le scandale monte les esprits contre l’état de choses ; la rhétorique du bien que d’en haut on méditait ou qu’automatiquement génèreraient la croissance ou la reprise, n’a plus de crédit. Les discours pleurés par Ben Ali et Moubarak à quelques heures d’abandonner par contrainte le pouvoir à vie qu’ils s’étaient octroyés, et même par Kadhafi, lors de son fléchissement (« je souffre beaucoup moralement, c’est vous qui avez le pouvoir, pas moi, faites les gouvernorats que vous voulez et où vous voulez… ») sont de même facture que les dialogues en direct du président français avec des concitoyens attendant de lui un emploi et s’entendant répondre que dans les six mois la reprise économique sera générale, donc au bénéfice le plus concret d’absolument tous. L’incrédulité conduira-t-elle - pour la France – à l‘abstention ? aux élans de civisme des années 1960 ? La question est tranchée dans les pays arabes. Il faudra ou il faudrait une contention, du genre de celle pratiquée par le système soviétique de 1950 à 1970 en Europe orientale, pour que les révoltes, partout en cours, ne changent pas les régimes encore en place ou récemment balayés.



Mais si chacun regarde autrui dans sa révolte et compare les outils en reconnaissant que les objectifs et les causes sont analogues, quels que soient les écarts de développement économiques et les degrés de contrainte subie par la personne humaine dans notre époque, en revanche l’interprétation et l’identification des masses en mouvement varient, parfois d’une semaine à l’autre, et modifie donc le soutien de l’étranger à chacune des contestations. Les mouvements de la rive sud de la Méditerranée sont souvent lus par les opinions européennes autant que par les dirigeants, soit contestés, soit des pays tiers, comme gros d’un possible extrêmisme terroriste ou religieux : Frères musulmans, Al Qaïda, Hezbolla, influence iranienne. Les élections favorisant en Europe les nationalismes et les régionalismes, sont souvent regardées comme racistes d’autant que l’hostilité aux immigrants arrivant de la rive sud de la Méditerranée est leur thème commun. Ainsi, les sympathies sont émollientes et l’appréciation du moment historique très incertaine. Chacun voit à partir de soi et selon des cultures peu historicisantes et encore moins œcuméniques. L’identité qui pourrait être – aussi et surtout – une curiosité de celle de l’autre, est le plus souvent un repli. Le soutien en Europe des interventions dans des pays étrangers pour accompagner les gestations en cours n’a pas la gratuité des sympathies au XIXème siècle pour les émancipations en Europe du sud-est ou au XXème siècle pour les tentatives de Berlin-Est en Juin 1953, de Budapest en Octobre 1956 ou de Prague au printemps de 1968. Il y a plus de peur des conséquences de ce qu’il se passe ailleurs que chez soi, que d’enthousiasme pour un nouveau « printemps des peuples ». Ainsi, peut s’accentuer cette révolte continue depuis quelques décennies : les simplismes anticolonialistes au sud, les réflexes malthusiens et « petits-blancs » au nord. Les lectures erronées des événements contemporains et de l’histoire des deux derniers siècles ne préparent pas cette démocratie mondiale, si souhaitable, mais dont les dirigeants en place ne veulent pas et dont les peuples ne sont pas près à payer le prix qui s’appelle mixité, métissage, fierté d’autrui avant celle de soi-même.



Dans leur généralité, les pays dits développés et faisant fonctionner démocratiquement leurs institutions, ont vécu les crises ou mutations affectant d’autres pays en spectateurs et au mieux en interrogation sur d’éventuelles conséquences stratégiques, jamais en remise en réexamen de la sincérité ou pas de leurs propres systèmes. Seule exception, la France, bouleversée par ses guerres de décolonisation a changé de régime intérieur et sensiblement modifié les axes de sa politique étrangère. L’Allemagne fédérale n’a pas changé sa vie politique à la suite de son absorption de la République orientale. Les Etats-Unis n’ont pas intérieurement muté au choc du 11-Septembre et si la guerre du Vietnam avait mobilisé l’opinion, l’invasion de l’Irak n’a pas été durablement et massivement contestée. Les révoltes arabes sont objet de diplomatie et de contrôle de l’immigration, pas de modélisation à importer. Ni la catastrophe de Tchernobyl – dont les palliatifs font justement l’objet de nouveaux financements internationaux – ni celle de Fukushima ne renforcent significativement le mouvement écologique et la pétition anti-nucléaire. La crise financière mondiale – pas seulement celle des dettes dites souveraines, mais plus encore celle du financement des régimes sociaux – et l’abaissement très sensible des niveaux de vie dans les pays dits développés n’ont pas provoqué une contestation plus forte que depuis vingt ans des dogmes libéraux et de la « mondialisation ».


Les populations, directement victimes de ce qu’elles renversent par leur révolte ou leur tentative de révolte, ne sont pas durablement en mesure de peser sur ce qui les régit : les tâtonnements en Egypte et en Tunisie libérées de leur régime le disent davantage que les étouffements ou répressions partout ailleurs dans le monde arabe ; il est douteux que les élections consacrent la mutation souhaitée. Les autres populations – celles des pays dits développés – continuent de subir en faisant des scrutins à date prévisible et à la régularité incontestable un exutoire, et surtout la démonstration que l’alternative n’existe pas entre les politiques mais seulement entre les personnels de direction.





II






Ceux qui sont en place de diriger






A l’époque des souverains héréditaires mais aux moyens de communication ancestraux, les personnalités se discernaient peu et les prises de décision étaient collégiales : le roi en ses conseils. Les rencontres au « sommet », les conférences « multilatérales », les « agenda » et les « cycles » thématiques sont récents à l’échelle de l’Histoire. Ils ont précédé d’une décennie à peine ce qui a été trop vite appelé la « mondialisation », puisque dans ses aspects financiers elle a certainement plus d’un siècle, et que dans ses aspects démographiques elle est encadrée, sinon quasiment prohibée, comme ne le furent jamais les grandes migrations : invasions, colonisations et grands établissements du passé.



L’accélération, la répétitivité des rencontres entre dirigeants politiques suprêmes des Etats ont produit le vide de chacune de ces réunions et la saturation de l’opinion. Il n’en reste qu’un effet négatif. Les dirigeants – affichant le copinage qui n’est ressenti par les dirigés que comme une connivence pour s’entr’aider à se perpétuer, avec depuis peu des cooptations pour des suites de carrière une fois quittées les cîmes – n’ont pas les uns vis-à-vis des autres les égards, la discrétion et surtout la pénétration psychologique de leurs prédécesseurs. Les politiques, les Etats, les opinions ne s’en trouvent pas rapprochées. L’exemple franco-allemand est patent : les relations sont apparemment bien plus intimes d’un règne à l’autre, la fréquence des réunions quasi-mensuelle en aparte d’autres exercices, ou ad hoc, elles sont de moins en moins constructives. De Gaulle et Adenauer, guère plus de trois fois par an, ont fait le plus solide de la construction européenne. Giscard d’Estaing et Schmidt ont élaboré l’union monétaire. Mitterrand et Kohl limité la réunification allemande dans des limites acceptables de part et d’autres. Depuis, les traités européens sont bâclés, l’accord entre Chirac et Schroeder contre l’intervention américaine en Irak n’a rien empêché et rien d’une analyse ensemble des mûes mondiales ne semble sourdre des familiarités affichées par Sarkozy envers Angela Merkel. Avec finesse, Barack Obama est peu prodigue des relations de couple politique. Avec non moins de finesse, Hu Jin Tao en pratiquant les tête-à-tête selon ses propres rites et ordres du jour donne le change sur l’impénétrabilité physique et mentale de son empire et de son régime. L’Amérique ne parle que sa langue même quand elle perd l’hégémonie et la Chine excelle à paraître parler celle des autres. Bien des géants, parmi les Etats d’aujourd’hui, conviés à former le G 20, savent rester silencieux. Le verbiage en relations internationales, n’expose que des faiblesses.



La transgression des continuités dans les relations d’Etat à Etat a toujours son retour de bâton, quand elle reçoit, par imprudence, une connotation personnelle. Le shah, pour avoir fait attendre dans son châlet de sports d’hiver, Valéry Giscard d’Estaing, fut lâché quand Khomeiny chercha un accueil complaisant. Le Premier ministre Erdogan, n’ayant droit qu’à un temps minimum de visite française sur place au début de la présidence du G 20 par Nicolas Sarkozy, sut imposer le commandement O.T.A.N. à l’opération franco-britannique en Libye. Le président des Etats-Unis, ouvertement critiqué pour la part prise dans le départ du dictateur tunisien vers l’exil, maintient ostensiblement son déplacement au Brésil quand la France entreprend de sécuriser Benghazi. La succession dans la famille Bongo au Gabon ou la considération dont est entouré, depuis son coup, le putschiste légitimé de force en Mauritanie respectent plus des intérêts occultes que les principes censément défendus par Paris en Côte d’Ivoire : si le règne, finalement commencé, d’Alassane Ouattara devait mal tourner, les partisans chez lui ou à l’étranger de Laurent Gbagbo sauront en faire souvenir. Significativement, c’est le ministre de l’Intérieur français, en sa qualité d’ancien secrétaire général de l’Elysée, qui a le premier salué la besogne accomplie en Abidjan.



Le prophétisme dans la synthèse, le charisme dans l’analyse ne sont plus des genres politiques et ne semblent pas appelés par la diplomatie d’aujourd’hui qui est, pour l’essentiel, multilatérale, c’est-à-dire peu compréhensible pour les opinions attachées au contraire aux visibilités apparentes des échanges de visite entre personnalités. A cela beaucoup de raisons, qui ne sont ni de politique intérieure dans chacun des grands Etats, ni d’une panne dans le recrutement des grandes gens. Roosevelt, Churchill, de Gaulle, Nasser, Mao Tse Toung pour ceux qui surent parler au-delà de leur géographie, de l’histoire de leur peuple et des circonstances les ayant fait correspondre à une époque qu’ils incarnèrent – Jean Paul II à la suite de Jean XXIII fut de cette race – ont eu des émules moins notoires mais bâtisseurs, de grands ministres des Affaires étrangères, comme Dulles, Couve de Murville, Genscher, Kissinger. Les secrétaires généraux des Nations Unies, malgré leur position, n’ont pas – après Dag Hammarksjöld – marqué, pas davantage les directeurs généraux du Fonds monétaire international. Guère que Mac Namara à la Banque mondiale ou Alan Grennspan à la Réserve fédérale américaine, qui aient eu dans la concertation mondiale des économies nationales. Ne sont pas ici comptés les hommes de paix qui surent se discerner mutuellement : Kennedy et Khrouchtchev, De Clecq et Mandela, Rabin et Arafat, et ceux qui rompirent la glace : Willy Brandt, Kreisky, Sadate… Pourquoi, n’existent-ils plus ?



Parce qu’il n’y a plus d’instruments de synthèse, que les expertises sont trop nombreuses et trop éloignées des centres de décision quand elles sortent des champs étroits de la finance ou du sécuritaire, parce que les domaines où l’opinion générale exige une intervention, ou au moins une présence politique, celle-ci médiatisée pour le semblant de participation de l’opinion à la décision, sont de plus en plus nombreux sans qu’ait substantiellement changé ce qui mène le monde en hasard, coincidence et atavisme, chacun – au pouvoir – n’a souci que de l’immédiat. Le pointillisme l’emporte, par construction, sur la recherche de cohérence. L’amnésie est générale dans les opinions et chez les dirigeants. Exemples du privilège donné au court terme. Les Etats-Unis se dégagent de l’intervention en Libye, à peine commencée, car la discussion budgétaire au Congrès s’annonce très mal. La France prise au dépourvu en Tunisie et dont quelques gouvernants de premier rang sont compromis avec le système qui tombe, ainsi qu’en Egypte, fait de l’activisme en Libye où, avec raison, l’héritier de Kadhafi rappelle l’affinité qu’avait manifestée en début de mandat Sarkozy pour son père. La même France qui n’avait rien su discerner des difficultés de succéder à Houphouët-Boigny, s’implique dans la crise ivoirienne à chacune des phases alors qu’elle avait proclamé mettre fin aux accords de défense et donc aux motifs de présence militaire.



Il semble que plus aucun des anciens Etats dominants : quelques Européens et les Etats-Unis, n’ait de stratégie à long terme, tandis que les puissances politiquement émergentes ou revenant à des capacités un moment éclipsées : Chine, Inde, Russie, Brésil notamment, ont au contraire des objectifs simples et concrets. Participer au grand jeu et bientôt le diriger. Ainsi, les apparences et le paraître de beaucoup de dirigeants sont d’autant plus corruscants qu’ils masquent un déclin tandis que l’absence de prise de parole ou d’énoncé d’une autre lecture du monde contemporain ne signifient pas chez les nouveaux arrivants un défaut de capacité et d’appétit.



Les arrivants sont à l’aise dans un concert à multiples partitions et où les thèmes et les moments se recouvrent et sont divers, tandis que les traditionnels ne connaissent – par ambiance nationale depuis un bon siècle – qu’un jeu binaire pour les relations internationales. La France, en évolution politique intérieure, est symptomatique de ce défaut des « occidentaux » dans la mûe des relations internationales : le peu de science et a fortiori d’habitude pour débattre. Les nouveaux venus, ayant tout à gagner et peu à perdre, savent concéder parce qu’ils peuvent attendre. Les anciens établis sont constamment sommés de se justifier. Le Japon, dans ce qu’il subit depuis le 11 Mars, est intermédiaire entre deux types de posture en diplomatie multilatérale. Le binaire avec les Etats-Unis a pris fin avec l’abandon américain du Vietnam et l’entrée de Washington en dialogue avec Pékin. L’entente et la rivalité sino-américaine a des conséquences mondiales pour les monnaies, pour l’ouverture des marchés, pour la spéculation sur les matières premières. Elle a généré une course éperdue au marché chinois à laquelle le Japon ne participe pas. Est-il devenu conservateur et s’isole-t-il dans une nouvelle époque où ni l’économie ni la stratégie n’en font plus un allié majeur ou un ennemi majeur ? ou bien est-il en train d’épouser la posture des émergents et donc des contestataires du jeu qu’Européens et Américains continuent de mener à la manière des décennies précédentes ? Dans la catastrophe nucléaire, personne ne l’aide ni ne l’accompagne sérieusement, alors que le 11-Septembre avait produit un mouvement compassionnel et une tolérance stratégique dont a bénéficié l’agression contre l’Irak dix-huit mois plus tard.



Les tenants contemporains du pouvoir parviennent encore à l’exercer pour le compte de chacun des Etats développés, du fait-même des structures acquises de ceux-ci en législation, en institutions, en patrimoine économique, en habitudes sociales – malgré les récessions constatées depuis plus de deux ans – mais ils ne parviennent pas à comprendre et à résoudre les crises affectant des Etats et des peuples de nature différente des leurs. La crise ivoirienne, la crise libyenne sont traitées conventionnellement, c’est-à-dire en termes militaires, les reconstructions à venir le seront aussi, c’est-à-dire en termes financiers. La dimension psychologique, l’interrogation fondamentale sur ce qu’est le bien-être – malgré plusieurs prix Nobel qui y ont été consacrés et un timide renouveau des enseignements d’autorités morales ou religieuses – leur échappent. Et cette incapacité pèse sur l’acuité de prévision et de proposition des services de renseignements dans la plupart des Etats développés. L’imprévisible n’est pas plus fréquent qu’auparavant mais l’accueil est en défaut. Trop de programmes, trop de certitudes aveuglent. Ainsi depuis l’automne 2008, l’ « agenda » international est-il censément consacré à la réforme financière, et si possible monétaire, internationale, et à cela seulement. Haïti, l’éruption islandaise, les faillites irlandaise et grecque ont troublé, mais pas occupé. 2011 périme tout programme inter-étatique et rapetisse chacun de ceux qui l’ont conçu ou accepté. La plupart – sauf l’Américain – n’ont pas de relations avec l’Histoire, et tous, y compris l’Américain, n’ont d’approche des diplomaties et des armées qu’il leur échoit de conduire à leur prise de fonctions, que sommaire ou dictée. Ils n’ont pas de culture internationale ni de pensée stratégique.



Les habitudes de pensée manichéenne depuis les débuts de la guerre froide et renouvelées, lors de l’implosion soviétique, par la découverte de l’ennemi terroriste, vite qualifié d’intégriste (musulman), rétrécissent leur vision du monde et la décalent. Ils n’ont de langage commun que le programme pré-établi de leurs rencontres et que l’obligation constante, à l’issue de celles-ci, de paraître à la fois s’accorder et répondre des événements. Mais – précisément – les événements, aussi disparates qu’ils soient, ou difficiles à caractériser, sont immanquablement gérés de façon manichéenne, en sorte que l’abstention de tiers – ainsi de l’Allemagne à propos de l’intervention en Libye – est incomprise. La France, pour l’opinion américaine, avait été bien pire, il y a huit ans. Et si l’interventionnisme ne produit que des résultats ambigus – Libye encore, Côte d’Ivoire probablement même si la mise en selle d’Alassane Ouattara correspond à la volonté générale, ce qui n’est pas le cas pour une éventuelle chute de Mouammar Kadhafi – il change aisément de motivation par des explications de nouveau mancihéennes expliquant un lâchage. Les charniers imputables aux partisans de Ouattara, les infiltrations dont sont sujets les insurgés de Benghazi.



Ces mêmes grands acteurs ne manient les concepts d’ingérence et la permissivité des Nations Unies, voire l’émotivité de leurs opinions nationales qu’à condition d’une interprétation manichéenne. A défaut, le silence et la non-intervention laissent les Mauritaniens, les Malgaches, les Tchadiens à eux-mêmes : des pouvoirs de fait chez eux sont même préférés à des situations de légitimité. La transposition des timidités observées dans la réforme financière internationale et des façons de faire propres à chacun des membres du G 8, et a fortiori du G 20, sans concertation, même au seul niveau de l’Union européennees, est donc évidente. Dans le foisonnement des événements critiques – en ce moment – seuls, quelques-uns sont traités. Choisis comment ? selon la commodité de les appréhender. Le manichéisme désignant Gbagbo et Kadhafi, l’opérateur nucléaire japonais, voire des peuples entiers invités à l’austérité au nord de la Méditerranée, à se contenter du mi-chemin de leurs révoltes, au sud.



Quand le manichéisme conduit à la contradiction, le colloque des dirigeants actuels se tient coi. Les atteintes aux droits de l’homme ou au principe des nationalités sont insupportables, pour les Etats tiers, en Afrique subsaharienne et, sélectivement, dans le « monde » arabe. Elles sont oubliées en Extrême-Orient et la doctrine élaborée à la suite du massacre de Tien-An-Men, juste contemporain de la chute du mur de Berlin, ne vaut plus pour le mirage chinois. Le dérangement, provoqué par l’éruption volcanique d’Islande, parce qu’il coûte aux opérateurs aériens, requiert davantage l’attention publique et des dédommagements financiers que la catastrophe nucléaire japonaise.



Sans mémoire, l’époque ne secrète pas davantage des jurisprudences attestant au moins sa connaissance d’elle-même. Elle n’est en rien prospective, quoique plusieurs des dirigeants – Etats-Unis, Russie, France et peut-être Grande-Bretagne ou Allemagne – s’inscrivent dans un calendrier de réélection.


III





L’échec d’un système de rencontres peu formalisées






Les rencontres et ostentations entre dirigeants ne sont pas opérationnelles. L’intimité franco-allemande n’a pas produit une unité de vue ni sur la Libye. Le voyage de Barack Obama au Brésil n’a pas dissuadé sa nouvelle présidente de participer à la contestation des pays émergents. Pas davantage l’accueil d’Hu Jin Tao aux Etats-Unis. Les ménagements français envers tout ce qui froisse la direction chinoise n’aboutit à aucune imagination commune sur la réforme financière et monétaire internationale. Les nouvelles institutions – présidence, ministre des Affaires étrangères, service extérieur commun – censées, depuis la nomination de leurs titulaires, le 19 Novembre 2009, imposer la voix de l’Union européenne sont invisibles autant pour l’opinion des Etats-membres que lors de leurs interventions à raison de leur compétence : mise en garde du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, dans la crise des dettes souveraines et à propos des contestations politiques de l’euro., déplacement Catherine Ashton au Caire.



Rien ne semble accordé entre acteurs, institutions, réunions, événements. Alors que ces dernières années s’était esquissé l’agencement des systèmes de rencontre en forme de gouvernement mondial – dont l’extension du G 8 à un G 20 semblait un premier aboutissement, dispensant pour la facilitation des procédures, d’une refonte du Conseil de sécurité. Une manière de confiner les grandes institutions existantes, globales, ou régionales, ou thématiques (principalement l’Organisation des Nations Unies, l’Alliance atlantique, l’Union européenne) dans des rôles de formalisation, mais nullement de conception et de décision – celles-ci se faisant informellement, voire implicitement par les rencontres entre dirigeants et les concertation en G 8 et G 20.



Cet échec tient à plusieurs raisons.



La fin des grands antagonismes que furent la « guerre froide » et la décolonisation et un accord devenant progressivement mondial pour lister et traiter les sujets d’intérêt commun, auraient dû déterminer un langage commun entre Etats et dirigeants autant que la projection d’institutions renouvelées ou inédites. Il n’en est rien jusqu’à présent.



Les Occidentaux, groupement psychologiquement et sociologiquement homogène, par opposition aux contestataires que sont les pays du B.R.I.C.S., sont en position de faiblesse parce qu’ils ont, chacun des vues et dess priorités différentes même à propos des urgences de ces semaines-ci, et parce qu’ils n’osent sortir du système économique libéral qu’ils croient avoir étendu au monde entier : ils sont en train d’en devenir les victimes. Progressivement réétiquetés comme dans les années 1950 en puissances impérialistes et colonialistes, ils sont aussi entrés en dépendance commerciale et financière avec ces adversaires politiques. La convocation de tous ensemble, pour des ordres du jour à traiter en commun – selon l’extension du G 8 en G 20 – est un remède inopérant et récusé. La concurrence et les difficultés n’étaient que commerciales depuis une quinzaine d’années, elle est devenue monétaire et politique, elle peut devenir stratégique : la surévaluation de la monnaie chinoise, les imprudentes avancées américaines dans l’ancien domaine soviétique, les constitutions de réserves énergétiques des uns, les déficits alimentaires de beaucoup sont belligènes. A cette échelle, les affaires ivoirienne et libyenne sont des prétextes offerts par les uns à la critique, voire à la contrariété juridique et peut-être matérielle des autres.



Les grands cycles de négociations sur les armements, sur le commerce international, sur le climat n’aboutissent pas, et celui sur les finances et monnaies n’a pas d’objet consensuel.



Les engagements de désarmement ne sont que partiels puisque des initiatives telle que l’établissement d’un bouclier antimissiles juste aux frontières de l’ancienne Union soviétique contredisent l’ambiance ayant conduit à des réductions d’armes offensives. Puisque surtout l’exploration et la présence dans l’espace extra-terrestre voient arriver un nouveau venu avec les programmes chinois tandis que ceux des Etats-Unis sont de renoncement à la Lune notamment. Les désarmements douaniers ont engendré depuis quinze ans, dans le monde, dans l’Union européenne et pour les Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique plus de déséquilibres qu’il n’en existait en période de zones préférentielles fondées soit sur l’homogénéité des participants, soit sur des fonds structurels encourageant des réformes internes ou la stabilisation de certains cours. Quant aux conférences climatiques, dont la tenue coincide parfois avec des troubles ou des catastrophes les dépaysant à l’improviste, elles sont viciées par l’hostilité explicite ou pas des Etats-Unis et de la Chine.



Les événements en cours ne parviennent pas à terme, notamment parce que les paramètres et même l’identification des faits sont mouvants (Côte d’Ivoire et égalité de massacres perpétrés par les deux camps, Libye et contestation des origines de la sécession, succession des répliques au Japon jusqu’à menacer Tokyo davantage que par contamination, crise financière et commerciale européenne plus du fait de la Banque centrale que des Etats défaillants.



Chacune des séquences perd sa pureté originelle – donc sa capacité d’impact dans les opinions – et la chronologie enregistre les étapes d’un pourrissement ramenant à leur solitude quelques pays, commentés mais plus vraiment. A se banaliser en abcès de fixation, les novations attendues par l’irruption de l’imprévisible au premier trimestre deviennent des questions et des objets de gestion. A la fois par les acteurs ou victimes directs, et parce qu’il est convenu d’appeler « la communauté internationale ». Celle-ci y trouve sa vraie définition. Elle n’est ni une assemblée, ni une conscience commune, ni une institution englobant ou pas celles juridiquement ou coutumièrement reconnues



Malgré les grands textes et les juridictions internationales – dont les séries ont été initiées à la fin du XVIIIème siècle pour les premiers, et à la veille de la Grande Guerre pour les secondes – il n’y a pas de saisine d’office d’une question ou d’un conflit, au seul motif que ces textes sont transgressés ou que la compétence de ces juridictions pourraient les résoudre. Il faut, d’une certaine façon, que soit agressé l’ordre établi, même si cet ordre est injuste. Les soulèvements de Berlin-Est en Juin 1953 ou de Budapest en Octobre 1956, l’invasion soviétique de la Tchécoslovaquie en Août 1968 ne font intervenir personne. La Grande-Bretagne est seule face à l’Argentine à propos des Malouines. Le maintien en détention d’Oçalan, le porte-drapeau des Kurdes, n’émeut personne. Cinquante ans après Pasternak, le Nobel chinois de la paix est empêché de tout voyage et de toute expression. Il est interdit de poser la question tibétaine. Les massacres de chrétiens à Bagdad et à Alexandrie ne conduisent pas à une saisine du Conseil de sécurité qui permettrait à toutes les religions en tant que telles de ressortir désormais d’applications sanctionnées de la déclation universelle des droits de l’homme.



Comment passe-t-on d’une urgence planétaire telle que la réduction des armements ou que la non-prolifération des capacités de frappe nucléaire à des prises de cible supposée : l’Irak en 2003, ou réelle : la Corée du nord, l’Iran depuis une décennie, puis à des gels, non du sujet mais du traitement du sujet ? Les révoltes arabes, la catastrophe de Fukushima, la vulnérabilité du système financier international, la crise post-électorale en Côte d’Ivoire ont commencé de glisser vers l’accumulation des autres conflits « dormants ».



La piraterie dans le nord-est de l’Océan Indien, les narco-territoires que sont le nord-ouest de l’Amérique du sud, la frontière septentrionale du Mexique, l’Afghanistan et sans doute une partie de l’Asie centrale anciennement soviétique, les déchets nucléaires pas seulement ceux qui résultent des surarmements soviétiques dans la presqu’île de Kola, les marches russes des Aléoutiennes au Caucase et dans l’ancienne Prusse orientale, le grand banditisme dans l’ouest et le centre du Sahara sont autant de possibles conflits majeurs que personne – ni en organisation internationale ni en Etats ou communauté d’Etats – ne sait vraiment les traiter. Pas davantage des antagonismes classiques et installés tels que la confrontation indo-pakistanaise au Cachemire, l’ambivalence des relations entre Taïwan et la Chine continentale, la coexistence judéo-arabe en Palestine.



L’actualité sert de crible. Les Etats ne devancent rien et sont pris au dépourvu. Le déguisement de celui qui prétend devancer un péril – les Etats-Unis proposant d’éradiquer d’Irak les armes de dissuasion massive dont disposerait Sadam Hussein – ne résiste ni à l’examen du moment, s’il est impartial, ni à ce que dévoile très vite l’Histoire.



Ces lignes de faille dans l’ordre international n’inquiètent plus, sauf en diverses périodes électorales ou quand quelque mouvement fait frémir. L’ensemble n’est pas pris pour tel. L’autonomie de chacune des questions résiduelles est dogmatique. N’est pris en compte pour déclencher puis alimenter des réunions, des financements, de soi-disant novations dans les règles du jeu ou les comportement que ce qui dérange l’opinion – et donc les dirigeants – des pays privilégiés. Ce qui isole, à un autre propos que le traitement des crises africaine et arabe, les Occidentaux des pays émergents.



Ainsi, se superposent deux difficultés. Des événements imprévus et perturbateurs, dont la coincidence semble empêcher toute synthèse tant ils sont disparates et producteurs d’urgence. L’inadéquation des agendas et des institutions dont on se contentait – en gros – jusqu’à la fin de l’an dernier.






IV





L’échec des organisations internationales


dans leur état actuel






les Nations Unies



Aussi bien la crise ivoirienne que les massacres en Libye – deux cas de guerre civile – montrent un accord général sur la référence aux Nations Unies, ce qui tranche avec le « passer outre » anglo-saxon de 2003, mais aussi les limites de la mise en œuvre. La France en Côte d’Ivoire pour qu’il soit procédé à l’arrestation du président sortant, et plus généralement pour que le président élu dispose de la supériorité militaire, a outrepassé les mandats anciens qui légitimaient la présence de Licorne. Les intervenants en Libye, dont ni l’organisation en coalition de groupes, d’organisations et d’Etats, ni le degré d’implication ne sont clairs, outrepassent forcément la résolution du Conseil de sécurité, acquise par intimidation d’un moment forçant les adversaires allemand, russe et chinois à l’ « abstention constructive » : comment protéger, seulement par voie aérienne, des populations civiles dans l’entremêlement des forces à terre ?



Quelques certitudes… le scenario de 2003 : une intervention sans aval des Nations Unies n’était pas possible alors même que la coalition était spontanée, respectable et surtout la motivation évidente pour toutes les opinions publiques. La différence en 2011 n’est pas dans la faible implication américaine mais dans le fait que la discussion porte sur l’opportunité de défaire par la force un dirigeant en place, fût-il abominable ? elle porte sur l’objectif de l’intervention, alors qu’en 2003 elle portait sur la dispense à accorder ou pas à l’intervenant. L’attaqué en 2011, l’attaquant en 2003. Une nouvelle résolution n’est pas non plus possible. Les renvois habituels par les Nations Unies aux organisations régionales territorialement compétentes ne peuvent rien donner dans l’espèce libyenne puisque les insurgés n’ont qu’un seul but de guerre, et ils n’ont rien produit dans le cas ivoirien. L’impasse au Zimbabwé s’est résolue sans les Nations Unies et, depuis un an à Madagascar, elles ne sont pas appelées.



Après soixante-cinq ans de fonctionnement, d’adoptions de textes et d’institution de nouvelles juridictions, les Nations Unies ne peuvent traiter des situations internes où ne se discerneraient ni intervention de tiers ni émergence d’un pouvoir concurrent de celui établi. L’espèce syrienne risque pourtant de devenir nombreuse et pas seulement dans le monde arabe. Seul progrès ?



Les Nations Unies reflètent l’ensemble des demi-mesures leur donnant compétence universelle, mais pas les critères d’interventions. Les saisines sont aisées, mais pas la rédaction des mandats.



2° l’Union européenne



Depuis le traité de Maastricht qui devait consacrer sa novation, son intégration et sa personnelité, l’Union Européenne s’est, quant à elle, défaussée sur l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, pour toutes les interventions sécuritaires. Certainement, hors du territoire de ses Etats-membres : les guerres yougoslaves et l’action en Afghanistan le montrent. Mais sans doute aussi pour la sécurité-même de ce territoire.



La référence à l’O.T.A.N. est doublement pénalisante, puisqu’elle empêche une organisation propre à l’Union, qu’elle élude (ou méprise) l’option de neutralité de quatre des Etats-membres, et puisque l’initiative européenne, déjà conditionnée par la fascination américaine, pâtit pour son efficacité des dysfonctionenments de l’organisation intégrée.



Pour rapprocher l’Union européenne des peuples, nonobstant les Etats qui laissent leurs ressortissants en faire un bouc émissaire alors que ce sont eux, qui dans les institutions, sont, en Conseil de ministres, le principal législateur, pour la rapprocher aussi des réalités à traiter, notamment dans l’international, il n’est qu’une réforme radicale. L’élection du président de l’Union (quel que soit son titre) au suffrage direct de l’ensemble des citoyens européens formant une seule circonscription électorale, et à ce président la prérogative de convoquer le referendum, sans contreseing mais moyennant quelques avis, par exemple de la Commission et du Parlement, mais pas du Conseil de ministres (les Etats et leur veto dans la pratique européenne). Referendum dans les matières du traité, pour roder la procédure, puis ad libitum. Alors apparaîtrait une expression européenne, très vite un vouloir et finalement des carrières proprement européennes. Le débat sur la composition de la Commission ne serait plus celui de la représentation des nationalités, et les Etats concèderaient que le Conseil est une chambre haute, un Bundesrat, aux fortes possibilités, face au Parlement européen tel qu’il est devenu.



Tout aussi naturellement la question d’une participation allemande permanente au Conseil de sécurité des Nations Unies – elle s’est implicitement reposée dans le débat sur la résolution 1973 à propos de la Libye – se règlerait par une représentation seulement européenne, quitte à ce que l’Union soit, par traité, contrainte à débattre entre Etats des positions à adopter par cette représentation commune.






V






Gouvernance ou démocratie mondiales ?





La réponse immédiate à chacun des événements, à chacune des explosions du semestre en cours est un maintien de l’ordre – pas tant par les autorités locales au défi de leurs populations : le Premier ministre japonais et COTEP, les pouvoirs dans le monde arabe qu’ils soient transitoires ou anciennement cramponnés, les débiteurs souverains face aux agences de notations et aux marchés obligataires – mais surtout par les tiers que sont les pays dits développés. Chacun des deux bords : les nantis en niveau de vie et en démocratie, droits de l’homme, tout ce qui va avec sont aux prises avec le dérangement climatique, les défis énergétiques divers, le péril nucléaire, tandis que les démunis en mal de marchés du travail et de savoir-être démocratique se débattent dans le discernement d’élites désintéressées leur évitant le maintien des dictatures ou le retour à celles-ci par simple changement cde tyran. La réponse est conservatrice, compartimentée.



En fait se cherchent les deux éléments qui, du fait de la « guerre froide », ont manqué aux constructions de 1945-1960 : fondation de l’Organisation des Nations Unies et décolonisation. D’une part, le pendant au système seulement inter-Etats qui régit l’O.N.U. (à l’Assemblée générale comme au Conseil de sécurité, seuls existent et siègent les représentants des Etats), et d’autre part une « critérologie » répondant d’une véritable universalité de thèmes : le droit d’ingérence en est à ses premières expressions juridiques depuis 2005, l’architecture des juridicitions pénales internationales n’est pas efficace ce que montrent aussi bien le scandale des détentions à Guantanamo ainsi que des transferts clandestins d’Asie centrale ou du Proche-Orient vers ces bases, que le parcours du président soudanais ou d’Hissène Habré du Cameroun, le contrôle international des élections dans des pays à un moment sensible des confrontations intérieures est le plus souvent (le Kenya fait exception) un faire-valoir pour celui qui fait ratifier son coup de force (la Mauritanie en est exemplaire), l’indemnisation des perssonnes victimes de catastrophes ou d’exaction dont sont responsables des entreprises multinationales échappe à des prises également multinationales. Une étude des dernières décennies abonderait le catalogue.



Alors que prolifèrent dans l’ordre économique et financier des usages et des abus bien plus pratiqués par leurs bénéficiaires que toute réglementation en la matière quand il seen esquisse ou quand il existait avant la « mondialisation », et dans l’ordre social tous les trafics abusant des personnes de la drogue aux drames de l‘immigration, ces deux inachèvements de l’ordre mondial sont liés. Contrairement à l’apparence qui fait rechercher une gouvernance capable d’élaborer ces critères, règlements et procédures, et toujours éluder l’entrée des peuples et des opinions dans le système.



La gouvernance se fera et les Etats, par définition et par structrure, garderont leur « monopole de la contrainte organisée » (définition de l’Etat par Georges Vedel au début des années 1960), mais la démocratie ? Déjà, un traitement égalitaire s’écartant des pondérations existantes entre les Etats est difficile à imaginer et à formuler.



La démocratie mondiale suppose deux réflexions. Si n’aboutissent pas des mouvements de revendication mettant sous pression aussi bien les Etats que les principales organisations internationales, mondiales ou régionales. Les contestations initiées à Seattle ont périclité, les craintes liées au climat et au nucléaire n’ont pas structuré une opinion mondiale. Certes Greenpeace et des partis écologiques… mais banalisés et sans poids dans les relations internationales. Les Eglises, les divers conseils ou conférences mondiales juives, musulmanes ou bouddhistes n’ont pas encore – ce qui tend à s’instituer en France depuis Novembre 2010 – réalisé que leur entente constituerait une décisive autorité morale, face aux Etats, au réalisme politique et à la tolérance socio-économique qui, par eux, déterminent l’ambiance mondiale.



Première réflexion : quelle représentation des peuples ? et quels peuples ? quels critères pour désigner les mandataires ? qui considérer comme ayant qualité pour entrer dans le concert. Question des minorités, question des populations sans Etats ou distribuées entre plusieurs, question des apatrides. Même au niveau européen où il serait très opérant de permettre une citoyenneté de l’Union séparable de toute nationalité, sur demande personnelle d’un ressortissant d’un Etat-membre, c’est impossible sans révision des traités : la question des populations migrantes, des gens du voyage, des Roms et d’autres Européens serait en partie réglée, une participation aux institutions de l’Union serait possible sans le truchement, le crible des Etats qui est éliminatoire.



Deuxième réflexion : quelles modalités d’association à la gouvernance mondiale et surtout aux processus de législation universelle ?



Conclusion – le remède de la sincérité





La succession rapide des événements libyens,


puis le changement à la direction générale du Fonds monétaire international,


me font – le 31 Mai – surseoir à l’achèvement de cette rédaction


et donc à sa diffusion.



Telle quelle, à l’état d’esquisse pour beaucoup de ses points, elle a – le 30 Août – valeur de ce qu’il pouvait s’observer et conjecturer il y a trois mois,


c’est-à-dire avant la crise de la zone euro.,


celle de la plupart des dettes souveraines, et avant aussi la chute de Kadhafi.





























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