jeudi 15 septembre 2011

Inquiétude & Certitudes - jeudi 15 septembre 2011

Jeudi 15 Septembre 2011

Hier

Choc de la beauté une nouvelle fois. Je l’avais eu à Penguily, samedi, mariage, église, château, conventions, générations, décor et société, récits aussi d’années et de circonstances très antérieures… cette adolescente, robe étalée sur elle, épousant un fauteuil d’un autre âge, enveloppement mutuel du vêtement et du siège, juste comme je sortais du « bureau » de l’ambassadeur en longueur, elle était assise, silencieuse, rêveuse, regard immense vide, un visage parfait, une fraicheur totale, une sorte de détresse indéterminée, une attente. Je lui avais dit qu’elle était… je ne sais exactement l’adjectif plus faible, moins directement en adoration que ce que j’éprouvais alors… je lui est surtout dit qu’elle serait heureuse, que l’imprévisible arrive à toute heure, elle a soutenu mon regard, je n’ai pas même su sa voix ou le toucher de sa main. Sortant de l’échographie, la civière succédant à la mienne, un adolescent, une adolescente, peut-être un peu plus jeune, on me dit que c’est une fille. La beauté de nouveau, les cheveux en courone brune, le visage grand ouvert, des yeux d’une beauté bleue à couper le souffle, une minerve dégraffée, une épaule, le gaut du torse dénudé, et pourtant l‘évidence, l’enfant souffre, l’enfant est seule. Je n’ai rien dit, couché, je passais dans l’autre sens. – A nos retrouvailles, je n’ai pas pu ne pas dire cette rencontre, cet émoi à Edith devant notre fille. Celle-ci s’était faite « belle », vêtements, une barette nouvelle pour notre revoir. Sa mère a été aussitôt en reproche, j’ai peiné radicalement notre fille, en évoquant une autre, plus… et plus… Dialoguant et précisant avec notre fille, je ne crois pas qu’il y ai eu ce dégât. En revanche, je comprends ce soir quelque chose de décisif, de fondateur rétrospectivement, moi qui ait tant couru après la beauté, fasciné par des visages, des silhouettes (de filles, de femmes), mais ne tenant pas dans le quotidien, les décristallisations, et d’ailleurs mes amours n’ont jamais commencé par une appréciation de beauté ou un mandement intérieur de conquérir la beauté pour elle-même. Je viens de comprendre que ce que je prenais – immédiatement en quittant le cabinet d’échographie ou en sortant de ce bureau fin d’un autre siècle et d’ailleurs sans table de travail – pour la beauté était autre et sans doute bien plus existant. La beauté inaccessible de tels mannequins préparés et statufiés, l’idéal de pierre grecque : la Gyptothèque de Munich, le Louvre de mes quinze ans, le musée d’Olympie, et il arrive (il m’est arrivé pour mon avueglement, celui de tout éblouissement) que nous façonnions, selon un contexte, une mode, un environnement et aussi selon nos circonstances intimes et précaires ce repère flagrant et violent que serait la perfection humaine, irradiant bien plus que la personne l’ayant reçue ou revêtue (ou la recevant de nous et de notre projet hagard), cette beauté-là n’a pas été ce qui m’a subjugué et stupéfié quand j’ai regardé ces deux jeunes filles. Non, ce que j’ai « pris » pour de la beaité a été une relation sans geste, sans mot, sans prédation, sans échange, tout simplement parce que ma disponibilité trouvait une offrande, ou plutôt j’ai ressenti qu’une attente de sympathie, toute simple, rencontrait et éveillait ma disponibilité, latente. Je voudrais le dire mieux, mais c’est cela. La beauté obstacle qui nous défie et peut nous perdre. La beauté de voir un regard, la beauté de qui accepte d’être regardé en totalité, avec espérance, d’être regardé en communion.




Et à notre fille pour ma femme je dis, d’âme, que la seule beauté finalement est celle qui quotidiennement ne vacille pas, ne se brouille pas. Et si je n’ai pas la beauté de l’âme, a rétorqué Marguerite comme nous allions dire la prière du soir… je lui ai assuré que cette beauté, comme toutes les autres formes de la beauté, elle l’a, elle n’était pas inquiète, elle rhétoriquait, et moi sans doute un peu aussi, encore sous le coup de la journée et des mille réminiscences d’une vie, qui depuis hier me paraît pouvoir se définir comme une première. La vie est une première.




J’en reste là ce soir et vais le prier…
Ce soir, quand ce matin je pensais ne pas l’atteindre.

Maintenant

Prier… rien ne s’oublie plus vite que la douleur physique, parce que ce ne devient que souvenir et que mental. Rien ne nous rend plus présent mais à quoi… que la douleur, elle est nous physiquement intérieure, mais y résister tout en subissant nous faut nous réfugier quelque part… mais où ? d’où nous identifions la douleur, nous la repoussons, nous luttons, nous succombons. Succomber, c’est mourir, perdre connaissance. La mort, que je ne sais que de vue et selon d’autres, un autre de l’instant de vie encore à l’instant de mort maintenant, d’état de mort désormais, est tout autre « chose ». Sa possibilité, sa perspective ne m’a pas effleuré. Sans doute parce que je la construisais et que la douleur m’a écarté de toute construction.

Prier d’action de grâce pour ce qu’il m’est donné de comprendre, prier pour ces deux petites inconnues, l’une en circonstances de société et du bonheur qu’on y fête parfois sans unisson ni égard pour qui en souffre, l’autre en circonstances peut-être dramatiques cde souffrance ou de possible souffrance, d’abandon à l’inconnu de ce que nous appelons trop vite maladie. Nos appellations si sommaires… fête… maladie… dialogue-même. Le regard ne trompe pas. Claire, que je ne peux voir que d’âme et selon ses parents, que je ne connais pas davantage sauf qu’ils souffrent, prient et espèrent, a régné hier dans mon cœur.


[1]Notre Dame des sept douleurs, dévotion heureusement contemplative et nullement agressive contre qui que ce soit, même le mal s’il fallait le personnifier. La douleur comme communion, la douleur morale. La douleur de toute séparation, de toute conséquence. Les leçons évangéliques, indirectes, sont d’une extraordinaire force : Ainsi seront dévoilées les pensées secrètes d’un grand nombre. Pourquoi ? à cause de quoi ? Vois, ton fils qui est là provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de division. Et toi-même, ton cœur sera transpercé par une épée. Le vieillard Syméon voit en Marie l’agent principal de l’histoire du salut. Elle l’incarne : après le Fiat, après le Magnificat, les conséquences historiques et spirituelles. Ce n’est pas la douleur, évidemment, qui est magnifiée… mais celle qui est saluée, reconnue : pierre de touche. « Femme, voici ton fils ». Puis il dit au disciple : « Voici ta mère ». Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui. L’iitinéraire marial aboutit à l’intimité affective, celle du Christ pour Jean, le disciple qu’il aimait … à la fondation de l’Eglise. Au passage, ce que je ne voyais pas jusqu’à cet instant : la relation de Jésus à sa mère, la relation de Jésus à son disciple, toutes formes de l’amour sans doute humain, mais totalement différent de nos expériences de toutes les façons et natures de l’amour, de l’amitié, de l’échange et de la communion, parce qu’elles sont le fait même de Dieu, introduction à l’amour de Dieu pour chacun de nous et pour sa création. Je note aussi ces deux privilèges : Pierre, ses professions de foi, les clés du royaume, le socle de l’Eglise, mais Jean, la charge morale de la Vierge, de l’Eglise. Il est étonnant que nous n’ayons pas encore eu un pape Pierre Jean. Ou serait-ce trop d’audace ? Evidence aussi, au matin de la résurrection, Jean de retour du tombeau ne peut manquer d’avoir « mis au courant » la Mère du Rédempteur. Dialogue… que personne n’a transcrit, d’imagination… mais qui peut se prier. Bien qu’il soit le Fils, il a pourtant appris l’obéissance par les souffrances de sa Passion, et ainsi conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux lui obéissent la cause du salut éternel. Ce passage est raide, il dit le spirituel d’une situation tout humaine : le Christ, pendant les jours de sa vie mortelle, a présenté, avec un grand cri et dans les larmes, sa prière et sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la mort ; et, parce qu’il s’est soumis en tout, il a été exaucé. … Qu’ils sont grands tes bienfaits ! Tu les réserves à ceux qui te craignent, tu combles à la face du monde ceux qui ont en toi leur refuge.


Le summum de la beauté, c’est la vie. C’est l’imperfection transparente à la possible perfection. Mes aimées. Nous tous.

fin d’après-midi

On ne peut que mal augurer de l’avenir libyen, du moins y a-t-il bonne volonté de ceux qui ont fait gagner la rébellion de Benghazi. Sarkozy parle juste, du moins selon les extraits donnés par France-Infos. : réconciliation, Libye unie, mais ce n’est pas cela qui se prépare, semble-t-il, avec une percée « islamiste » qui serait une première depuis celle du FIS en Algérie, et surtout un Sahara devenu le maquis de Kadhafi et non plus seulement d’AQMI. La dialectique du néo-colonialisme sera facile à développer, alors qu’en Tunisie et en Egypte (sauf à dénoncer la collusion de l’ancien régime avec Israël), il n’y a pas matière.

Peut-il sortir quelque chose de cette crise de l’euro. qui n’aurait comme cause que les déficits publics des Etats-membres ? ou comme enjeu qu’une reconduction ou pas de la suprématie du dollar, celle-ci s’exprimant davantage en tant que monnaie de réserve de préférence à toute autre qui eût été l’euro. ? plutôt qu’en tant que monnaie des échanges ?

fin de soirée

Le débat pour la primaire socialiste. Trois heures qui ont eu très peu de temps mort, aucun pugilat. J’analyserai plus tard. J’ai essayé de noter le verbatim.


Plusieurs « choses » sautent aux yeux.

D’abord, un net clivage entre les générations. La plus ancienne, mentalement, est représentée par Jean-Michel Baylet, mais peut-être pas de date de naissance. C’est la tradition radicale, les frères Sarraut, la Dépêche du Midi, Daladier et Herriot, la moitié sud de la France, en tout cas pas Paris et une population politique qui n’a plus l’étiquette radicale, qui se distribue sans doute entre socialistes et UMP, mais qui a en point commun « l’humanisme » et la « laïcité ». En tant que parti, peu de chose, mais les radicaux de droite, Jean-Louis Borloo, sont-ils plus nombreux. On voit d’ailleurs que ces radicaux peuvent augmenter la majorité non-sarkozyste de l’été prochain, tandis que le contraire – attraire ce midi modéré, le sud et le sud-ouest, tout le contraire du sud-est devenu lepéniste de thèmes sinon d’appartenance : Estrosi, Gaudin et quelques députés faiseurs de propositions de loi les plus extrêmes – ne sera pas possible, au moins pour Sarkozy si c’est lui le candidat. Les trois caciques du PS que sont Hollande, Royal et Aubry ont une même expérience des choses publiques et des campagnes, même s’ils n’ont pas le même lustre ministériel : leur parcours s’équivaut. Ce sont des enfants de 1981, Hollande et Royal (avec des regards l’un sur l’autre, surpris par un excellent preneur de vues) ont été « faits » par Mitterrand et à l’Elysée, ils ont été amants, ils ont eu des enfants ensemble, l’ambition politique les a séparés, c’est très dommage. On aurait eu un couple à l’Elysée, quel que soit le président ou la présidente, dans lequel le conjoint n’aurait pas été politique par raccroc. Une « première » en France ; un précédent, ancien et « exotique », Guillaume III et Marie II en Angleterre à la suite de la révolution de 1688… Aubry tient-elle de son père dont le parcours est composite (Chaban-Delmas et la « nouvelle société », la rue de Rivoli en 1981-1984, la présidence de la Commission européenne pendant une dizaine d’années tournantes) : elle n’en porte pas le nom, elle ne s’en réclame pas, pas davantage de sa contribution aux lois Auroux sur le droit du travail en 1983, elle est surtout la ministre des « trente-cinq heures » et de Lionel Jospin. La jeune génération est d’orientation très opposée, Valls et Montebourg, le second signalé pour moi par sa tentative d’attraire Jacques Chirac, président de la République devant la Haute Cour, et le premier depuis Ivry, se clamant différent et intéressant manifestement la droite. Ces clivages correspondent d’ailleurs à des comportements en scène assez analogues, groupe par groupe, comportement qui met à part le radical.

La tendance a été de se dire davantage en relation avec l’élection présidentielle elle-même qu’avec l’investiture des sympathisants de gauche. Seule, Martine Aubry, dont la force est précisément d’avoir fait adopter un programme, s’est constamment référée à ce document. Elle et Hollande, son prédécesseur à la tête du Parti ont pris soin de situer leur contribution personnelle comme une précision et un apport. Chacun, en tout cas, sauf Jean-Michel Baylet, s’est dit prêt à assumer les fonctions présidentielles et s’être préparé en fonction de cela. La jeune génération a fait état de son rapport à l’immigration, l’un a son grand-père « arabe », l’autre est naturalisé. Personne, pas même Royal qui l’avait esquissé en 2007 n’a cependant évoqué une France métisse ni vraiment défini les trois mots : président, présidente, qu’est-ce à dire. République, qu’est-ce ? françaisee. Quelle est la France d’aujourd’hui. A-t-elle à voir avec « notre vieux pays » auquel se réfère Villepin, voulant « faire » de Gaulle ?

L’effort d’explication, les nuances et même la richesse du débat n’ont guère été qu’à propos de la réforme fiscale et de la condamnation des comportements bancaires actuellement. Sans doute, l’émission, très encadrée pas seulement en partage du temps, en mode de mise en valeur des compétiteurs, mais en thèmes, a-t-elle imposé la crise et la fiscalité, sinon la dépense publique. Dans les mots, les approches sont différentes, dans le fond : guère. Il y a consensus : le système financier paiera les dégâts qu’il a faits, mais comment l’y contraindre ? Baylet, le moins crédible des candidats, le plus « vieux jeu », est le seul à être résolument européen. La question de l’euro. n‘a été qu’effleurée. Les débats entre candidats les ont davantage différenciés sur le nucléaire et sur le cannabis, sujets qui ne sont pas centraux.

Un autre clivage apparaît alors. Hollande et Aubry – effet des sondages ? – se situent dans une perspective d’exercice effectif du pouvoir et ne prennent finalement aucun engagement de calendrier ni de chiffres, l’un pour le nucléaire qu’il ramènerait à 50% de nos capacités énergétiques, au lieu des 75% actuels, ce qui est un effort aussi considérable que la sortie du nucléaire par l’Allemagne qui ne l’utilise qu’à 26%, et l’autre pour le rétablissement de l’équilibre budgétaire. Au contraire, la jeune génération veut ne pas décevoir (elle ne dit pas : une fois de plus) alors même qu’elle est bien plus tranchée dans ses propositions : priorité au déficit et à la vérité des comptes pour Valls ce qui le place à droite, et un combat frontal avec le système financier pour Montebourg..

Remarque attendue mais qui n’est venue que tardivement et seulement de la part de Hollande. A propos des alliances notamment. Avant de parler du second tour, il faut gagner le premier. Or, tout l’implicite du débat a été que le candidat socialiste aura à affronter Sarkozy au second tour. Rien ne dit d’une part que Marine Le Pen, qui est à un niveau d’intentions de vote très supérieur à celui de son père en 2002, ne sera pas – elle – au second tour ; il est déjà acquis qu’elle est dans les trois premiers, et d’autre part, rien n’assure que Sarkozy se représentera s’il apparaît qu’il n’a aucune chance, et une candidature de Fillon nécessitera une tout autre approche. Car – erreur totale d’Aubry – l’élection ne se joue pas sur les programmes et les idées, mais d’abord sur les personnes. Le seul point qui peut lier personnalité et programme est celui de la morale publique, de la fierté ou non des Français pour leur gouvernement, pour leur pays : Aubry a su le dire et en jouer.

Si je devais noter, il apparaît que le jeu serait entre Royal – très souvent étincelante, et d’abord physiquement, c’est même la seule agréable à regarder… et Hollande, à l’évidence excellent débatteur et même capable de mener le jeu face à l’ensemble des journalistes, en oubliant leurs règles et leur cadre, et des autres compétiteurs. Royal n’a pas gagné le débat d’entre les deux tours en 2007 (selon moi, elle avait été supérieure, Sarkozy recroquevillé sur son siège, protestant de son respect pour l’adversaire… mais ce n’est pas comme cela qu’ont vu les téléspectateurs en majorité), Hollande est de taille à river le clou à Sarkozy et sur les sujets les plus « techniques », sans doute parce qu’il dispose d’une équipe de qualité et d’information équivalente, qu’il est sur les sujets probables, au travail depuis le début du mandat actuel.

Naturellement, j’irai aux primaires et je pense voter Royal quoiqu’il est probable qu’elle ne sera pas la candidate investie. – Il ne faut pas évidemment pas faire de ce débat, le discours programme du futur président ou de la future présidente de la République. Le candidat investi aura vraiment à parler davantage société que par des anecdotes, à traiter de politique étrangère, à détailler les institutions.

[1] - lettre aux Hébreux V 7 à 9 ; psaume XXX ; évangile selon saint Jean XIX 25 à 27 & selon saint Matthieu II 33 à 35

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