vendredi 16 septembre 2011

Inquiétude & Certitudes - vendredi 16 septembre 2011

Vendredi 16 Septembre 2011


Prier… [1] l’évangile n’est pas un enseignement au premier degré, et encore moins un enseignement dont le narrateur revendiquerait une certaine paternité dans le reçu initial. C’est un récit, une biographie, une contemplation, une écoute très circonstanciés, la Bonne Nouvelle, le Royaume, la Vie éternelle, c’est une personne, celle du Christ. Aujourd’hui, liste de ces femmes qui accompagnent Jésus et ses Douze : des femmes qu’il avait délivrées d’esprits mauvais et guéries de leurs maladies : Marie, appelée Madeleine (qui avait été libérée de sept démons sans doute une archi-récidiviste, soixante-dix-sept fois sept fois dans la prostitution et autres « charités »… la beauté et l’amoureuse faite femme, sans doute aussi, du moins j’aime à imaginer celle que toute l’Autriche des Habsbourg de Zagreb-Agram à Cravovie et aux fins fonds de la Hongrie, représente dans sa grotte, sous les calvaires à méditer sa propre mort), Jeanne, femme de Kouza, l’intendant d’Hérode, Suzanne et beaucoup d’autres, qui les aidaient de leurs ressources. Paul également, accueilli à Philippes, par des femmes. D’aucune, il n’est dit qu’elle est « appelée », de toutes, il est mentionné qu’elles sont guéries, sauvées… Type de femmes sans doute très diverses mais vouées à aider et à suivre, ce qui paraît un peu subordonné… mais ce sont elles qui seront au calvaire et au tombeau, pas les Douze, sauf un. Vis dans la foi et l’amour, la persévérance et la douceur, recommandations de Paul à son fils adoptif, apparemment bien peu masculines. L’homme certainement a davantage à se convertir en chair, et sang, que la femme : l’orgueil, l’abstraction, la lâcheté. Au passage, Paul qui évoque tout ce que l’on souffre en s’éloignant de la foi : le piège de la tentation, ils se laissent prendre par une foule de désirs absurdes et dangereux… pour s’y être livrés, certains se sont égarés loin de la foi et se sont infligés à eux-mêmes des tourments sans nombre. Conclusion que contournent tant et tant : la racine de tous les maux, c’est l’argent.
….


Je termine ma prière-lecture du matin, interrompue par le départ à l’école et toute une matinée de course et presse, de dialogues aussi... à quelques minutes près. Ccomposant l’envoi à mes co-partageants, je lis le texte de Benoît XVI. J’avais déjà été pris par ses homélies en audiences générales sur la prière, par ses enseignements sur les Pères de l’Eglise, un à un. Nous sommes en train de passer, nous les catholiques, à côté de ce pape, tout contents que nous sommes de vivre encore sur les acquis d’un charismatique et d’un hypermédiatique : Jean Paul II, autorité internationale, cependant impuissante comme naguère Benoît XV (justement) dans la Grande Guerre, quand il s’est agi des conflits yougoslaves ou de l’invasion de l’Irak, nous oublions de vraiment cultiver les trésors de notre religion, du legs chrétien : protestants et surtout orthodoxes en sont bien plus près. Et nous ne jouons pas un rôle essentiel, rappelé par Paul aujourd’hui : pousser le magistère à réellement condamner les erreurs, les tyrannies et surtout l’hypocrisie du système qui foire pourtant l’évidence, mondialisme et libéralisme. Benoît XVI est sur quelques pistes dans ce registre, il a compris la novation de certains mécanismes, il reste timide mais avec moins bonne conscience que son prédécesseur forcément marqué par la dictature marxiste pendant une grande partie de sa vie adulte et penchant par conséquent vers l’apparent contraire. C’est à nous, dans la cité, dans l’expérience, dans la pratique de consommateur, de salarié, de retraité, d'"indignés" de pousser les politiques, les syndicats mais plus encore l’Eglise, socle d'éthique, de morale et ayant toute capacité de recul, d'universalité… nous ne le faisons pas assez, ou pas du tout, révérant l'ordre établi et l'argent même quand nous en souffrons. La tolérance, l'excuse bâtissent les murs de l'injustice et préparent les catastrophes : on l'a vu dans l'ordre politique dans les années 30, nous le vivons dans l'ordre économique depuis quelques années et ne percevons pas, que toutes catégories intellectuelles confondues, nous démolissons et laissons démolir toutes les structures et réparations, ajustements possibles de la vie collective... Rome, le magistère nous entraîne dans la foi, nous en donne le trésor, les accès, l’expérience mais en retour, la présence au monde, le progrès du monde, tel qu’il est et non tel qu’en théorie il se prétend être (le toujours moins d’Etat, de services et de dépenses publics pour qu’enfin l’initiative et la liberté d’entreprendre prospèrent automatiquement pour le bien commun !), c’est l’affaire de tous. Jésus était immergé : hommes, femmes, grands et moindres, aujourd’hui en chrétienté, en catholicité surtout, il y a une séparation entre les états de vie, les hiérarchies, et les modes de subsistance économique, de présence sociale. Bon sens paulinien… il y a un grand profit dans la religion si l’on se contente de ce que l’on a. De même que nous n’avons rien apporté dans ce monde, nous ne pourrons rien emporter. Si nous avons de quoi manger et nous habiller, sachons nous en contenter. Adorable Paul envoyant au bain certains … un tel homme est plein de lui-même, il ne sait rien, c’est un malade de la discussion et des querelles de mots. Et admirable Josef Ratzinger– un rayonnement certain que ‘javais constaté quand j’étais affecté à Munich au début des années 80 – qui peut nous faire partager son goût et sa science pour une véritable étude de ce qui nous fonde, et du coup nous libérer des entraves de nos timidités et de nos catégories. Il est temps que nous commencions d’être intelligent et de ne plus nous contenter des vents qui passent. C’est à nous de passer et de nous répandre, et pas au seul air du temps ou aux seules tolérances de l’inacceptable, qui d’ailleurs ne fonctionne plus. Jésus passait à travers villes et villages, proclamant la Bonne Nouvelle du règne de Dieu. [2]

matin

Je reviens sur le débat d’hier. Le point fondamental est qu’il est fondateur. Tous les autres partis procèdent par acclamation : Sarkozy, Borloo, Morin, Bayrou, Mélenchon, Villepin s’auto-proclament ou créent leur machine ou petite. Ici, il y a compétition, débat et ce ne sont pas les militants qui tranchent comme en 2006 mais tous les Français qui le souhaitent. La primaire peut en elle-même donner déjà l’indication d’un certain degré de civisme, rien que par l’ampleur ou pas de la participation à cet éliminatoire et à ce choix. L’autre caractéristique est que les compétiteurs n’ont fait aucune référence aux personnes antérieures : les grands ancêtres et même seulement Mitterrand, Rocard, Jospin, tous absents. DSK divise les socialistes, pas tant par l’affaire de New-York que par son comportement en tant que directeur général du F.M.I.

L’absence de dimension européenne et – alors que tout se joue dans ce cadre, à commencer par la concordance franco-allemande – et l’esquive devant l’évidence de ces années-ci : rien n’est prévisible, tout s’explique mais seulement a posteriori, alors comment gouverner sinon à vue, sauf à renverser la table aux échecs pour jouer à un autre jeu. L’articulation entre une participation à la politique, par le referendum, des conférences de partenaires, et une reprise complète des traités européens (en fait du traité de Lisbonne ayant juridiquement absorbé tous les traités antérieurs) n’est pas donnée. Avec le recul, le débat a été vague, même sur les retraites, question abordée par un seul compétiteur, il n’y a pas eu l’engagement d’un inventaire de principe pour l’ensemble des législations édictées depuis Mai 2007. L’hostilité à Sarkozy est dans le style, l’est-elle en alternative et en révision totales de ce qui se fait et a été fait. Le débat là-dessus n’a porté que sur les emplois dans l’éducation, rien sur la santé, peu sur les institutions et la vie locale, peu sur la justice, rien du tout sur le militaire. Chacun de ces sujets pouvait s’évoquer par la médication de la crise. Des instruments, tels qu’une réinstitution du Plan, n’ont pas été évoqués. Le non-cumul des mandats n’est pas propsoé par chacun des candidats. Des points précis auxquels je tiens : un quorum pour toute élection et tout vote dans tout niveau d’institution publique, la distinction du vote blanc du vote nul…

Le débat d’hier coincidait – ce qui n’était pas prévisible – avec le voyage frano-britannique à Tripoli. Lequel a éclipsé l’autre dans l’opinion publique. J’interroge à l’hôpital où je devais me rendre à nouveau, et ailleurs en sortie d’école : personne n’a regardé intégralement le débat, personne ne se déplacera pour la primaire. Il est vrai que je suis à la « campagne » et en bord de mer, pas en ville. La tentative de chacun des compétiteurs de décrire les difficultés vécus par les « petites gens », la formule de Couve de Murville avait été raillée il y a quarante ans, elle est celle de Valls, je crois, en tout cas de la jeune génération, fait long feu. Les politiques parlent de l’extérieur et superficiellement. Il n’y a pas eu non plus l’amorce d’une analyse de fond de notre société, sa crise ne se résume pas à la crise économique et financière, elle n’est pas principalement causée par cette crise ; selon moi, elle est à la fois la constatation et le sentiment de profondes injustices, l’inégalité est par essence une injustice, et un manque d’éthique pour presque tout le monde, les repères ayant disparu et le sauve qui peut étant devenu un mode d’éducation, un critère d’intelligence et surtout la seule voie pratique quand s’effondrent les solidarités.


Constatation aussi : sans doute n’ayant aucune « affaire » qui les poursuive, chacun des présents hier soir sur le plateau, est personnellement honnête, au moins trois d’entre eux ont du métier, de la culture générale politique, mais aucun ne rayonne d’âme, ni non plus d’une véritable philosophie de vie, d’une passion française, d’une indignation pour le bien commun. Ni passion ni profondeur, donc un rayonnement forcément limité. Sans doute, à l’Elysée on se fait, mais à partir de ce que l’on est. On ne sent que du sérieux chez Aubry et Hollande, beaucoup de féminité chez Royal, de la personnalité et une certaine audace chez les deux « jeunes ». Mais on n’est pas emporté, subjugué. Même au simple de l’exposé politique, j’ai senti des capacités oratoires, déjà éprouvées, chez Holande et Royal, mais on est très loin de la présence de Giscard d’Estaing, de Pompidou, de Mitterrand à l’écran. Je ne me suis pas ennuyé, je n’ai jamais ressenti ce qui très vite s’installe en écoutant-regardant Sarkozy : le boniment qui veut enjoler quand ce sont ces semi-sketches avec des Français censés banaux quoique illustratfs comme il s’y est essayé à deux reprises.

Vu de maintenant, le prochain scrutin présidentiel sera un vote de rejet comme en 1997, et pas un vote de choix, de préférence comme en 1981. ce ne sera donc l’adoubement ni d’une personnalité ni d’un « programme », ce sera un champ libre… mais nous sommes à huit mois du vote, aussi bien les circonstances que les personnes peuvent se révéler en discontinuité avec ce qui s’observe ces mois et années-ci.


[1] - 1ère lettre de Paul à Timothée VI 2 à 12 ; psaume XLIX ; évangile selon saint Luc VIII 1 à 3


[2] - Dans le milieu de l'Église primitive, la présence des femmes est bien loin d'être secondaire... Nous devons à saint Paul une ample documentation sur la dignité et sur le rôle ecclésial de la femme. Son point de départ est le principe fondamental selon lequel parmi les baptisés, non seulement « il n'y a ni juif ni païen, il n'y a ni esclave ni homme libre », mais également « il n'y a ni homme ni femme ». La raison est que « tous vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus » (Ga 3,28), c'est-à-dire que tous sont unis par la même dignité fondamentale, même si c'est chacun avec des fonctions spécifiques (1Co 12,27s). L'apôtre admet comme quelque chose de normal que dans la communauté chrétienne, la femme puisse « prophétiser » (1Co 11,5), c'est-à-dire s'exprimer ouvertement sous l'inspiration de l'Esprit, pourvu que ce soit pour l'édification de la communauté et accompli avec dignité...
Nous avons déjà rencontré la figure de Prisca ou Priscille, épouse d'Aquilas, qui dans deux cas, de manière surprenante, est mentionnée avant son mari (Ac 18,18; Rm 16,3) ; l'une et l'autre sont explicitement qualifiés par Paul comme ses « collaborateurs » (Rm 16,3)... Il faut aussi prendre en compte que la brève Lettre à Philémon est en réalité également adressée par Paul à une femme appelée Apphia (Phm 2)... Dans la communauté de Colosse, elle devait occuper une place importante ; en tout cas, elle est l'unique femme mentionnée par Paul parmi les destinataires de ses lettres. Ailleurs, il mentionne une certaine Phébée, qualifiée de diákonos de l'Église de Cencrées... (Rm 16,1-2). Bien que ce titre, à cette époque, n'ait pas encore de valeur ministérielle spécifique de type hiérarchique, il désigne un exercice authentique de responsabilité de la part de cette femme en faveur de cette communauté chrétienne... Dans la même lettre, Paul rappelle d'autres noms de femmes : une certaine Marie, puis Tryphène, Tryphose et la « très chère » Persis, et encore Julie (Rm 16,6.12a.12b.15)... Dans l'Église de Philippes se distinguèrent deux femmes appelées Évodie et Syntyché (Ph 4,2) : l'appel que Paul leur adresse laisse entendre que ces deux femmes assuraient une fonction importante au sein de cette communauté. En somme, l'histoire du christianisme aurait connu un développement bien différent s'il n'y avait pas eu l'apport généreux de nombreuses femmes.


Aucun commentaire: