vendredi 3 octobre 2008

Inquiétude & Certitudes - vendredi 3 octobre 2008

Vendredi 3 Octobre 2008

Prier… [1] nous n’avons plus de vêtements de deuil, parce que nous ne savons plus regarder. Cette peur des mots qui fait l’infériorité de l’Europe, cette semaine, où chacun assure que nous sommes différents des Etats-Unis et que tout est solide, alors qu’en Amérique on a pris la mesure des choses. L’AFP définit le mot « technique » de récession tout en soulignant que personne ne l’évoque et que nous ne sommes pas du tout dans cette situation ni à la veille de l’être… Le faire part en latin pour Dom Gaston, ce n’est pas une perte, c’est un exemple. Qualifier et discerner ce que je vois. Il y a longtemps que les gens y auraient pris le deuil. Malheureuse es-tu, Corazine ! Malheureuse es-tu Bethsaïde ! Jésus harangue ses troupes en parlant à ses soixante-douze disciples. Les évangiles, sauf sans doute les apocryphes, n’ont pas retenu leur liste. Indication d’une sorte de chaîne de transmission, l’Eglise-même… celui qui vous écoute m’écoute ; celui qui vous rejette me rejette ; et celui qui me rejette rejette celui qui m’a envoyé. Quel est celui qui, sans rien y connaître, défigure la Providence ? Tous ces textes peuvent faire le miel des catastrophistes et autres intégristes ou prêcheurs de l’an mil : de quel côté habite la lumière, quelle est la demeure de l’obscurité ? Je vais t’interroger et tu m’instruiras. Prépare-toi au combat comme un brave. Job répondit au Seigneur :’Je sais trop eu de choses, que puis-je te répondre ? Je mets la main sur ma bouche. J’ai parlé une fois, je ne dirai plus rien ; j’ai parlé deux fois, je n’ai plus rien à ajouter. On dit : pauvre comme Job ; on devrait dire : sage comme Job. Et d’expérience, je dis : exemplaire et merveilleux saint Job… le psalmiste l’imite : même là ta main me conduit, ta main droite me saisit… je reconnais devant toi le prodige, l’être étonnant que je suis. Ainsi JL nous faisait-il ouvrir les Trente jours selon Ignace de Loyola… été de 1986. Notre impuissance, notre monde, les situations, guillemets, ainsi reconnues, la réalité reste autre : nous sommes magnifiques dans la main de Dieu, même si nousperdons nos vies et notre temps, nos énergies à nous dépenser en vain et à courir partout. Tu me scrutes, Seigneur, et tu sais ! Toi. Et tu nous fondes et nous attires. Tu as habité parmi nous… et tu demeures en nous.

matin

. . . et le reste, qui est la vraie cause de nos dysfonctionnements bancaires, financiers, économiques et autres, car ceux-ci nous reflètent. Elections municipales annulées à Colmar, dans deux arrondissements de Marseille. Fraude organisée et lucrative aux ASSEDICs, selon Le Canard enchaîné, les « golden boys » comme les rats du Titanic (quand ils sont de nationalité française) quittent précipitamment la Cité de Londres, rentrent à Paris et trouvent à la gare du Nord pléthore d’officines les embauchant bidon pour quelques jours et leur ouvrant – selon une réglementation aberrante – des droits à toucher plein pot leurs rétributions d’’Angleterre, soit six mille euros… Débat sur les congés maternité, la Commission suivant les recommandations de l’Organisation internationale du travail propose une directive donnant dix-huit semaines de congé-maternité dans tous les Etats membres de l’Europe, nous en sommes à seize, les Allemands à quatorze mais les Bulgares à 45 … les Suédois à l’année, etc… hostilité des Allemands, les finances collective sont assez en péril comme cela pour qu’on ne les alourdisse pas. Le commissaire compétent est tchèque. Il ajoute à la copie l’essentiel. Interdiction de licencier dans l’année suivant la prise du congé-maternité. L’évidence est que si l’Europe surtout à l’Ouest ne redevient pas nataliste, nous sortons de l’Histoire en deux générations. Etonnante et chère France, sans véritable politique familiale depuis une trentaine d’années, nous sommes les seuls parmi les « grands pays » à plus que renouveler nos couples, et j’y suis – enfin – pour quelque chose, au moins en espérance, car si des triplés… Sarkozy a trouvé – mutatis mutandis – son Goebbels, au moins le choc des photos : Lagardère avec Paris-Match. La couverture n’est pas donnée à Paul Newman mais à « Nicolas sarkozy et Carla Bruni-Sarkozy, un week-end amoureux à New-York avant l’orage financier – les photos. privées ». Lui, col ouvert et chemise blanche sous le veston déboutonnée, mais la Légion d’honneur au suprême grade à la boutonnière. Par ailleurs, il perd à nouveau dans les sondages : un point. Il y a trois ans, la couverture était à Cécilia avec son futur troisième mari, lequel a, par mariage, perdu – de ce coup – son emploi d’organisateur des rencontres de Davos afin d’éviter de probables rencontres avec son rival, le président de la République française. Ces choses graves ne sont pas sans précédent : le Shah, ayant – c’était aussi à Davos, mais en sports d’hiver, pas en colloque – quelques minutes de retard pour recevoir Valéry Giscard d’Estaing, alors président de la République française depuis peu, il fut perdu. Raoul Delaye, brillant condisciple de Michel Jobert et raisonnant fort juste tandis que celui-ci fut ministre des Affaires étrangères, analysait l’Iran comme plus avantageusement gouverné si les Pahlavi laissaient la place à l’ayatollah Komeiny auquel nous accordions l’hospitalité (sinon des porte-voix à Neauphle-le-Château). La France y gagnerait même des contrats (fabuleux). V G E convainquit Gerald Ford, lui aussi « suppléant » par accident d’un grand président, et l’ « Occident » s’accorda à laisser chuter le Shah. Qui s’en réjouit aujourd’hui ?

début d'après-midi


Mouvement brownien… perles… habiletés…

Mouvement brownien… Gérard Larcher qui promet le renouvellement du Sénat (techniquement cela a été fait pour un tiers de ses membres, dimanche dernier) propose un groupe parlementaire pour discuter avec le gouvernement, l’inspirer au besoi, qui réunirait sénateurs et députés, à la suite du débat convenu dans chacune des Chambres pour mercredi prochain. Toujours pas d’annonce que le président de la République parlera devant tous réunis à Versailles, comme l’y autorise la Constitution nouvelle, mais le débat en réponse se prépare déjà. Dominique de Villepin – comme convenu en Mai dernier au cours d’un petit déjeuner au Bristol partagé avec Nicolas Sarkozy – reviendrait au gouvernement : les Affaires étrangères, mais en grand, c’est-à-dire les Affaires européennes aussi, et même le Commerce extérieur. Ainsi pour couper la mauvaise jambe on se priverait de la bonne. Bernard Kouchner et Jean-Pierre Jouyet auront alors rejkoint les socialistes, peut-être même à temps pour leur congrès de Reins en Novembre.

Perles… Eric Woerth succédant au Premier ministre devant le parterre U M P et notant que François Fillon n’a pas prononcé le mot (qui ferait balle) admet cependant que la France est en récxession, mais seulement « technique » et que d’ailleurs la récession n’est pas « la nature de la France ». Jean-Claude Trichet qui ne veut pas de plan pour l’Europe assure qu’il est vital que les Etats-Unis en est un et donc que la Chambre des représentants se conduise bien. Il admet que de notre côté, tout est flou mais « ce n’est pas la zizanie ». L’ensemble des experts et des commentateurs ne parlent que de croissance négative. Croître et baisser en même temps et d’un même mouvement, l’un et l’autre, dans quel sens ?

Habiletés… Wachovia censément racheté à la casse et partiellement démantelée par Citigroup remontant censément sur la scène mais s’endettant de 10 milliards pour l’acquérir, se fait maintenant acheter pour 15 milliards par Wells Fargo. Mitsubishi-UFJ « vole au secours de Morgan Stanley dont elle achète 20% pour six milliards, la casse aussi… Ces bonnes affaires vont sans doute se multiplier : les milliards vont couler inépuisablement (comme un temps les assignats de la Révolution) sans examen des comptes, sans audit, sans adoption de stratégies de rechange (ni de recouvrement), sans consultation des actionnaires (AIG vient de donner l’exemple), les faillis comprenant vite que les décideurs politiques n’ont aucune idée des questions qu’ils traitent. Le pouvoir ne change donc pas de main, et la donne passe seulement d’un tapis à l’autre, mais le casino n’a pas fermé.

Le théâtre français n’est pas en reste. La suppression du département continue de se jouer. 1° rapport Attali, dont le paragraphe pertinent est occulté par la grogne des taxis (en leur donnant satisfaction à ceux-ci, on fait croire que le rapport et sa proposition-phare qui a peu à voir le sujet commandé, sont enterrés) ; 2° annonce en marge de Toulon (port de guerre, siège où s’illustra Bonaparte, lieu d’un discours fondateur) que l’on va réformer et simplifier (autant dire : moderniser, vocabulaire inusable depuis vingt ans) les échelons administratifs ; 3° Copé assure qu’élus et gouvernement vont s’y prendre la main dans la main ; 4° à la faveur des journées U M P d’Antibes, la rumeur se lance d’une fusion des calendriers électoraux : les régionales et les cantonales ensemble pour qu’il y ait un « grand débat national » (technique d’Alain Juppé en 1995 pour décider sans consultation) sur la fusion départements-régions). En cours de route, le changement du mode d’immatriculation des voitures anticipant la « réforme ». On est en pleine politique économique. Accessoirement, le plus on reporte les élections même locales, le plus de gens sont satisfaits, ce ne serait qu’en 2011.

Enfin, la vraie mesure d’une politique de l’emploi : la destruction (ou la création) d’emplois. Catastrophe aux Etats-Unis, cinq fois plus peuplés que nous : : cent cinquante neuf mille emplois détruits en Septembre, en France cinq fois moins peuplé ce sont cinquante trois mille emplois, donc proportionnellement près du double qu’aux Etats-Unis.

fin d’après-midi


Premier attentat anti-russe en Ossétie du sud, qu’avoue le commandant des forces de paix (russe).

Ailleurs, on avance… ce n’est plus une crise, c’est la récession.

Aux « nouvelles » de dix-sept heures, ce qu’il s’est passé au palais omni-sports de Bercy. Un raout à 27.000 apprentis (France-Infos. 12.000 selon l’AFP en retard d’une heure) venus de toute l’Europe, organisé par Christian Novelli, secrétaire d’Etat compétent et ayant lui surtout ce parcours modeste mais attachant… vers dix heures trente, tandis qu’on danse et qu’on attend, à un quart d’heure de la venue du président de la République, l’annonce de sa venue est vivement sifflée. Il ne vient pas et fera savoir qu’il a été « affairé » toute la matinée par des téléphones avec des chefs d’Etat : la crise, la réunion de demain après-midi.

20.000 fraudeurs du fisc américain lui sont livrés par les banques suisses. Une vingtaine de milliards – seulement – sont cependant en cause. Le secret bancaire « vole en éclats » selon les commentaires : un des dirigeants de l’Union de banques suisses, celle qui vient d’annoncer qu’elle débauche, s’est fait prendre aux Etats-Unis à expliquer à un gros client comment expatrier une partie de sa fortune : impunité, comme cela se fait, négociée contre la manière de procéder à ces expatriations.

Jean-Claude Juncker déclare n’avoir pour les banquiers en général qu’une estime proche de zéro. Mais les apparences de la levée du secret bancaire en Suisse pourrait profiter au Luxembourg… ma femme, qui y a fait de la banque, me précise qu’en la matière ce n’est que du bas de gamme. Monaco et Liechtenstein sont bien plus performants et sûrs.

Nicolas Sarkozy après s’être assuré que le MEDEF en décidera lundi, donne jusqu’à mardi au patronat pour décider sur les parachutes dorés et les rémunérations des dirigeants. J’ai souvenir que Michel Rocard avait été le premier – mais plus en tant que Premier ministre – à énoncer que quand les salaires des dirigeants équivalent à dix pour cent de la masse salariale d’une entreprise, il y a de quoi se préoccuper. Le patron de Dexia renonce aux cinq millions d’euros auxquels il aurait pu « prétendre ».

minuit

« Le plan Paulson est adopté, 700 milliards sont débloqués pour sauver Wall street ». Que se serait-il passé si la Chambre des représentants ne l’avait pas finalement voté, revenant donc sur le scrutin de lundi ? 409 pages, aussitôt promulguées. On était parti de trois pages. Que s’est-il dit et promis pendant ces cinq jours ? Bush junior intervenu quinze fois en quatorze jours, le véritable effet a été celui d’une alliance, à ce sujet, entre les deux candidats. Alliance qui est le génie américain dans les grandes circonstances et auquel personne ne perd, car je ne suis pas sûr que Barack Obama soit pour autant élu, même s’il a semblé bien plus déterminé et convaincu que son adversaire, tout simplement parce que le thème depuis Roosevelt est celui de son « camp ».

Vocabulaire cependant. La signature du plan : genèse historique, part de la Maison-Blanche, des banques, implication du président ? le montant, comment a-t-il été calculé ? prévisions ou ardoises présentées ? financement : la planche à billets ? les placiers chinois et japonais ? des techniques monétaires faisant riper les sommes d’un marché à un autre (techniques que je suppose mais ne connais pas, les exercices quotidiens de banques centrales pour escompter ou pas) et ce flux ne sera-t-il pas aussi néfaste à terme pour « l’économie réelle » que les faillites et les déficits ? car il faut maintenant mettre des guillemets et un adjectif pour désigner l’économie qui n’est plus qu’une partie de l’économie. De même qu’il y a les produits dérivés, il y a maintenant des concepts de concepts et une économie en englobant et – on vient de le vivre en grand et en réel – en commandant une autre. Débloquer des fonds ? cela alimente la croissance aux caisses secrètes, à des disponibilités dormantes, donc à une liberté de décision de dirigeants oprodigues ou pingres pour leurs propres biens… la cassette du roi ! si l’on y ajoute, comme ce fut courant en planification régionale des années 1960 pour le partage des dotations d’Etat, le mot : enveloppe, on a tout le fantasme de la libéralité. Comme si les fonds étaient jusques-là bloqués, vannes ouvertes, freins desserrés, le soleil apparaît… Nos vocabulaires, parmi les nouveautés courantes : en berne. Le moral des ménages, la croissance… en berne.

Mêmes questions mais pas du tout la même réponse en Europe. Il apparaît que la méthode ou plutôt la manière et le style Sarkozy ne conviennent vraiment pas. L’appel à l’unité nationale n’a pu être que le fait du Premier ministre, les débauchages de l’an dernier à la formation du gouvernement ou la pêche aux voix pour la révision constitutionnelle cet été ont dégoûté la gauche : la bonne foi n’est pas à l’Elysée. En Europe, la manœuvre a été trop grosse : se faire mousser par des convocations au « sommet », assorties d’une proposition trop précise, un plan à l’américaine. L’un et l’autre torpillés, l’Allemagne a fait aussitôt savoir ce qu’elle dira samedi, des fuites sans doute organisées ont éventé l’ensemble de la proposition française qui a dû être démentie, les Pays-Bas ne voulant pas porter la responsabilité ni de l’idée ni des montants. La réalité se passe dans le travail en cours à la Commission, que Jean-Pierre Jouyet a su caractériser, rattrapant aussi les propos d’Henri Guaino que d’aucuns auraient pu croire porte-parole en la matière du président français. Il est trop tôt pour juger l’effet structurant des deux stratégies, l’américaine : une intervention en grand selon une politique bipartisane, et l’européenne : chacun pour soi, encoire davantage que par le passé (ce que je considère comme une erreur historique d’aussi grande portée que de n’avoir pas dissout, à l’initiative de la France, l’Alliance atlantique quand s’est dissout le Pacte de Varsovie en 1991). Plus le temps passe depuis 1950 et surtout depuis 1992, moins l’Europe est dirigée, et à chaque occasion importante, l’Amérique sait rebondir, et par l’élection de Barack Obama – que je regrette par avance pour la politique qu’elle déterminera ensuite, notamment vers le reste du monde et pour les conflits en cours – elle montrera aussi sa capacité à adapter le visage de son pouvoir à ce qu’elle est devenue selon ses nationaux.

La prévision en début d’année était que la présidence française ferait progresser la défense commune et enregistrerait l’accord sur le nom du premier président du Conseil européen selon le traité de Lisbonne…

Peter Mandelson, dernière carte de Gordon Brown : rappelé au gouvernement malgré les scandales qui l’en avaient éloignés. J’apprends incidemment que Gordon Brown avait été le compétiteur de Tony Blair quand celui-ci prit le contrôle du parti travailliste. Dominique Strauss-Kahn, dernière carte dans quelque temps ? pour Nicolas Sarkozy. Il lui doit certes la place mais si la révolution sociale et l’impasse économique, la dissidence de l’U.M.P. et le rejet par le patronat devaient caractériser les prochains mois, il sera le Premier ministre idéal et de consensus. Claude Guéant n’aura été putatif que cette semaine, de France Inter dimanche à Antibes hier et cet après-midi…



[1] - Job XXXVIII 1 à 21 passim ; psaume CXXXIX ; évangile selon saint Luc X 3 à 16

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