Dimanche 12 Octobre 2008
Prier pour nous tous, et pour ce monde qui nous est contemporain. [1] Certes, la multitude des hommes est appelée, mais les élus sont peu nombreux. Phrase-clé des évangiles pour tant de générations et de nos frères et sœurs nous précédant dans la foi, s’en tenant à la question étroite du salut, alors que je vois la foi comme un attachement d’amour à toujours parfaire, et être aimé de Dieu est en soi le salut et la vie éternelle. Ce n’est pas affaire de discrimination positive… les pécheurs et les publicains, ou d’une compétition la plus doloriste et sacrificielle possible, encore moins une fatalité nous vouant dès notre conception à un aboutissement redoutable et aussi inconnaissable que le tirage au Loto. Je regarde seulement cet homme sans le vêtement de noce : on l’a laissé passer à l’entrée, peut-être n’avait-il pas les moyens de s’habiller correctement, et à demander qu’on aille aux croisées des chemins : tous ceux que vous rencontrerez, invitez-les au repas de noce, le roi s’exposait à cette défaillance. Reste que ce pauvre homme qu’on va jeter dehors, est celui qu’aperçoit aussitôt le maître de maison. Le tout dans une ambiance excessive, un repas royal donne lieu à rixes et massacres. Ce qui est bien le résumé de l’histoire humaine, saccageant au passage la planète. Festin promis, mais condition quotidienne difficile dont atteste Paul, entraide aussi : vous avez bien fait de m’aider tous ensemble quand j’étais dans la gêne, et mon Dieu subviendra magnifiquement à tous vos besoins selon sa richesse dans le Christ Jésus. Donc, tout de même, malgré tant de lacunes, de difficultés, de drames, le festin de viandes grasses et de vins capiteux, un festin de viandes succulentes et de vins décantés… Et ce jour-là, on dira : c’est lui le Seigneur, en lui nous espérions ; exultons, réjouissons-nous : il nous a sauvés ! … Grâce et bonheur m’accompagnent tous les jours de ma vie !
au réveil
Il est fort possible que la situation techniquement ne requiert qu’une concertation et pas un plan unique, uniforme, global, au moins si l’on demeure sur le plan fnancier, qui semble le seul à occuper l’opinion exprimée et surtout les dirigeants de banques et d’Etat. Mais l’impression que cela produit est celle du chacun pour soi. La lecture des communiqués de l’autre samedi, le G 4 à l’Elysée, puis le G 7 à Washington au niveau des ministres et des banques centrales sont un même libellé : chacun dans son pays, et de fait les outils américains ne sont pas à l’œuvre en Europe. En tout cas, il n’est toujours pas question de caisse commune. Pour exposer ces données purement factuelles, il manque la combinaison de deux éléments : l’art de communiquer que ni collectivement ni individuellement l’une ou l’autre des autorités actuelles n’a vraiment – une réelle expertise des sujets à traiter que personne n’a, faute d’expérience et de formation chez les politiques (en tout cas cela se sent aux solutions trouvées qui sont le renflouement à fonds perdus, semble-t-il), et faute de désintéressement et de culture générale chez les patrons de banque.
J’ai deux inquiétudes, qui m’attristent, m’angoissent et m’affectent personnellement – à me rendre insupportable tout dirigeant apparaissant sur les télévisions ou dans les journaux, avec sourire, type Nicolas Sarkozy entrant sous la Coupole mardi et ressortant à l’identique.
La première est que la situation à venir, une fois la crise surmontée, on ne sait encore vraiment comment, sera pire qu’avant la crise. Quelle que soit la réglementation à établir, et il ne va pas en manquer, les politiques ne savent que deux choses : lever des impôts pour disposer de l’argent, faire voter des lois, la propension à gagner de l’argent en dépit de tout et par-dessus tout fera inventer tous les contournements périmant très vite les précautions prises à la lumière de la tragique et complexe expérience dans laquelle nous sommes entrés depuis les déconfitures de Lehman aux Etat-Unis et de Fortis en Europe. On retrouvera en pire la cooptation des dirigeants dont beaucoup n’ont d’expertise que dans l’art d’arriver et de se maintenir, leurs erreurs stratégiques tragiques (la croissance externe des banques et des industries, les délocalisations qui vont avec, paradis fiscaux et paradis sociaux pour les seuls possédants et dirigeants). On retrouvera les mêmes prêches sur « l’auto-régulation », l’automaticité du bien commun par la liberté absolue de la décision des dirigeants économiques et financiers, et l’on aura roulé les contribuables, puisque les Etats ne sont que des outils et qu’il n’existe pas de cassettes qui ne soient remplis que par le travail en définitive, travail au sens le plus large du mot.
La seconde inquiétude est la ressource humaine : pas d'autorité morale, pas de capitaine à bord, pas de réelle expertise chez les dirigeants politiques, fatuité des jeunes dans la sphère financière et industrielle, libido et goût de l'argent chez les moins jeunes. Et faute de cette ressource – à proprement parler spirituelle, je ne veux pas dire ici religieuse, mais de l’ordre de l’esprit et de ses meilleures facultés – les choses ne sont pas regardés dans leur véritable ensemble, qui n’est pas la géographie planétaire ou l’organigramme des institutions financières nationales pour chacun et internationales ou supranationales pour tous. L’ensemble, c’est l’évolution économique et sociale. On a mis trois semaines à comprendre que la crise financière va avoir un retentissement sur l’économie, déjà en récession presque partout depuis un an, on joue sur les statistiques : une croissance d’un point par an, n’en est pas une. Et l’on évoque depuis avant-hier la crise sociale – au moins en France, depuis un communiqué de la confédération des P M E et une annonce de la mansuétude des UNEDIC – mais les dirigeants de tous ordres ne considèrent la crise sociale qu’une fois avérée par des mouvements de masse leur faisant craindre pour eux-mêmes. Auparavant, les injustices, les drames tant qu’ils ne sont pas statisques et dans la rue, avec des problèmes de maintien de l’ordre, ne sont pour eux en rien des avertissements. Les suicides chez Renault ou dans l’industrie, les suicides dans les prisons, le scandale du logement social – comme cela ne donne pas les batailles rangées de Villiers-le-Bel ou des banlieues en Novembre 2005 – rien ne bouge. On a avancé, au moins en France, que par Mai-Juin 1936 et Mai 1968, par la force, c’est-à-dire par la peur des dirigeants. Alors que l’intelligence généreuse et limpide dont l’homme est dotée et devrait faire usage, peut devancer ces troubles, ces drames, car le manifestant n’est pas dans la rue ou en grève de gaîté de cœur.
Il y a donc à réfléchir non seulement sur les législations – certainement internationales et supranationales – à édicter à la lumière de la crise actuelle, mais si la crise n’est prise que dans ses aspects superficiels et strictement du moment, on aura seulement coller de la peinture neuve sur de la vieille peinture, donc on n’aura pratiquement rien remédié à rien. Il faut agir en profondeur, ce qui suppose d’avoir réfléchi et inventorié à oprofondeur. Il faut revenir sur l’histoire et les effets de la dérèglementation et de la mondialisation depuis la fin des années 1970, l’étudier. A ma connaissance, il n’y a pas d’étude de l’histoire économique avec une réelle expertise pour chaque domaine : le financier (lui-mlême se subdivisant en économie bancaire, en économie boursière, en ingénieurie des placements, en étude d’impact des institutions et des législations de contrôle – ma chère femme et moi en savons quelque chose par notre expérience d’une petite société de gestion de portefeuilles éthique et solidaire). Il faut aussi regarder les conditions d’établissement, d’épanouissement et de propagation des dogmes, puis de l’idéologie dominante devenant la couverture des dévoiements financiers et stratégiques, et structurant – par hantise de chacun pour sa carrière et son emploi, dans les pays dits riches – la psychologie des jeunes générations, leur faisant acquiescer au système par ambition et nécessité de s’y adapter. Cela suppose une histoire et une étude des esprits, autant qu’une étude des modalités de formation et de recrutement des élites dirigeantes : cela va bien plus loin que la question des grandes écoles et des universités dans le cas français, cela englobe l’étude des modes de scrutin et de la dévolution du pouvoir politique à l’échelle nationale mais aussi locale. A la tête de l’Etat, nous n’avons pas la personnalité de culture, de recul, d’attention aux esprits, d’autorité morale que la crise requiert. Nous ne sommes pas équipés en France, en Europe, dans le monde pour le long terme. On n’entend peu le secrétaire général des Nations unies, encore moins l’Eglise catholique, le Dalaï Lama, épuisé par l’année de confrontation avec Pékin, étouffé par les J.O. qu’on a consenti lamentalement à la Chine à la fois totalitaire et de mauvaise foi économique (pays de l’esclavagisme moderne le mieux quantifié), et ces autorités morales, par fonction et position, ne sont certainement pas assez expertes par elles-mêmes ou pour cribler convenablement les expertises auxquelles elles ont les moyens de recourir.
Bref, la crise des liquidités inter-bancaires – qui semble ne pas devoir dégénérer en crise de confiance des déposants, voire en recul généralisé devant toute espèce de monnaie – n’est pas analysée en termes d’une crise de la confiance de chacun envers chacun, chacun envers ses homologues professionnels, chacun envers les institutions jusques-là tolérées ou dévoyées, chacun envers chacun. Cette crise de confiance, qui n’est pas un test de pessimisme ou d’optimisme au regard de l’avenir, est constructive parce qu’elle exige une refondation de la démocratie, un nouvel énoncé de la morale économique. Faute de démocratie et faute de morale, on est arrivé à l’impasse de ce que l’on croyait ou subissait comme automatique.
Si je suis si attaché au général de Gaulle depuis quarante ans – projet de publication de mon journal manuscit d’il y a quarante ans – c’est parce que périodiquement je ne vois que lui, à l’époque contemporaine, qui aurait su donner au monde entier en quatre-vingt-dix minutes l’analyse profonde et opérationnelle de la crise du moment.
Faute de cette capacité à voir l’ensemble, et à aller aux profondeurs, la multiplicité des signes avant-coureurs n’a pas été seulement perçue. Pour la seule France, l’effet politique du « giscardisme » pourtant assez libéral et même bienfaisant rétrospectivement, a produit la victoire – enfin – de la gauche et même pendant trois ans de l’alternance des gestions. Mais le cycle nationalisations-privatisations, contemporain des débuts de la dérglementation en Europe et du mondialisme, a apporté aussi bien la crise boursière puis financière de 1987, soldée partiellement par les accords du Louvre – dont curieusement Edouard Balladur ne se fait pas le chantre en ce moment : malade ? absent aussi aux commémorations sous la Coupole mardi… son mauvais teint avant l’été aux commémorations de Mai 68 pour l’association Georges Pompidou – que le début de « jeux de meccano » financiers et industriels. Tous gouvernements de gauche et de droite confondus, on n’a pas perçu la perte, dramatique, de patrimoine et de résaux qu’ont constitué les déconfitures de Jean-Marie Messier et du Crédit Lyonnais, et les procès intentés aux dirigeants d’Elf pour ensuite détruire cet empire. J’ai dit hier soir l’analyse de ma chère femme faisant remonter l’affaire Fortis aux débris du Lyonnais. Nos politiques ne savent gérer que les dossiers étiquetés, au mieux ils les empilent, les plus remarquables synthétisent les sous-dossiers, mais la totalité de l’armoire et la centaine de grands sujets personne ne sait la manier, trouver le point commun et de là partir en drection… « le tout avec l’appui d’un peuple » a dit de Gaulle pour définir la politique. L’appui n’est ni la soumission ni la résignation que nous vivons depuis quelques années et particulièrement depuis l’élection de Nicolas Sarkozy et qu’ont exprimé les élites – sous la Coupole – gloussant de bonheur à se montrer abjects, mais entre soi, sauf quelques témoins insolents, sans mérite d’ailleurs parce que le spectacle et le texte appelaient l’insolence et que l’anonymat me dissimulait, ordinateur et prise de courant dans l’entrelacis des cameras enregistrant l’événement. Cramponnés aux modalités d’un retour aux équilibres de nos finances publiques ou sociales, les différents gouvernements ont géré davantage la réaction protestataire de la rue ou des sondages, n’ont pas rétabli ces équilibres, ont vaguement suivi la question d’Europe se délestant sur la Convention que présidait fort bien Valéry Giscard d’Estaing et n’ont rien fait d’autre que de prendre – pour le mauvais traité de Lisbonne – l’Irlande pour bouc émissaire. A nouveau, celle-ci parce que la première, et livrée comme chacun à elle-même, elle a garanti la totalité des dépôts dans ses banques nationales. Ces dirigeants politiques qui – avec lâcheté – s’en prennent aux dirigeants économiques et financières alors qu’ils sont autant qu’eux en faillite, ont maintenant pour plusieurs années une chance inespérée : tous les problèmes seront la faute à la crise, même si un œil exercé voit que tout n’est pas mécaniquement couplé, et surtout si chacun sait encore, mais pour combien de temps, que les erreurs stratégiques des principaux industriels, les destructions d’emploi, la crise sociale, le vieillissement et l’insuffisance des grands équipements collectifs ne datent pas d’aujourd’hui mais de plusieurs mois et années.
L’ensemble de ce cheminement souhaitable mais dont je doute qu’il soit à l’esprit de beaucoup de dirigeants – les véritables expressions du bien commun ne leur viennent qu’à la retraite ou à rédiger leurs mémoires pour les rares qui en ont quelqu’une…. est, à mon sens, la responsabilité des pays dits riches, et principalement les pays de l’O.C.D.E. : Etats-Unis, Canada, pays européens, Australie et Nouvelel-Zélande, et le Japon, singulière exception, d’autant que ce pays nous a tous précédes dans l’expérience d’une crise bancaire jugulée en solitaire, dans la seule enceinte nationale, et par nationalisation de tout un système, celui des banques domestiques. Russie, Chine, Inde et autres grandes puissances tierces seront ensuite à rallier mais n’ont pas la même histoire mentale, financière et économique, pas les mêmes institutions non plus.
L’ensemble de ces pays jusqu’à présent « privilégiés, mais qui ont eu la responsabilité des guerres mondiales, des grandes idéologies contemporaines et de la tolérance d’une mise en place de structures pas bien justes ni morales, et pas forcément efficaces ni en économie des ressources naturelles ni en diffusion commerciale – aura à proposer ensuite le principal : éradiquer ce qui fait le malheur quotidien des plus pauvres. La démocratie mondiale, les grandes endémies, le respect des droits de l’homme et de la nature attendent encore. Tiers monde et Quart monde sont chez nous et nous assiègent, un peu démographiquement, totalement moralement si nous nous arrêtons un instant pour regarder, puis recevoir le temps de comprendre. Eux-mêmes ne se conduisent pas bien, mais ils ont davantage d'excuses que nous, beaucoup de leurs paramètres, y compris de politique intérieure et de morale publique, sont directement ou indirectement imposés par nous.
milieu de journée
Médias audiovisuels et AFP : le décret autorisant l’extradition de Marina Petrella est rapporté, de source Elysée. Version orale des commentateurs, Nicolas Sarkozy abroge le décret, etc. Il passe pour dispensateur de toutes grâces, en réalité il ne peut s’agir que d’un décret de François Fillon pris dans les mêmes formes que celui de Mars et toujours sur rapport de Rachida Dati. Le Conseil d’Etat devait entendre mercredi prochain son commissaire du gouvernement. L’Elysée a-t-il connu le dispositif des conclusions, désavouant le pouvoir. Ou pire dans le cynisme … on y sait certainement qu’elle ne pèse plus que trente deux kilogs. et peut ne pas survivre. Irène Terrel le laisse entendre et s’est cependant désistée du pourvoi. Je ne l’imite pas, voulant une décision de principe : recevabilité du recours pour l’honneur.
L’énigme Bérégovoy est bien sûr les conditions de sa mort – assassinat ? suicide ? mais elle est aussi l’entourage à son cabinet et son propre cheminement l’ayant amené, lui incontestablement homme de gauche en parcours et en caractère, en réflexes, à donner le cadre en France à ce qui va permettre les abus financiers et surtout boursiers, si les dates sont avérées ! Le raid sur Péchiney et la Société générale, les personnages qu’ont été alors Naouri et Boublil. L’accompagnant pendant la cohabitation de 1986-1988 – période où il est dans l’opposition mais réfléchit beaucoup, période où je le vois plus intimement qu’en 1984 – à un entretien donné sur Europe I, je suis arrivé rue Bayard dans sa voiture, Naouri nous attendant. J’ai trouvé celui-ci démonstratif dans la salle d’enregistrement mais pas particulièrement sollicité par le ministre, je n’ai pas ressenti à la sortie de la voiture, la reprise d’une chaleureuse familiarité entretenue encore la veille ou le matin-même. Après les biographies de Couve de Murville et de Pierre Messmer, celle de Pierre Bérégovoy donc. Pour Michel Jobert, que dire de plus qu’il n’a écrit lui-même ?
Selon ma femme, une des raisons principales des nouvelles réglementations – dont je vais vérifier les dates au Journal officiel – a été l’informatisation du métier boursier, la corbeille n’est plus à la criée. Donc des coincidences européennes et techniques, des nécessités pratiques qui se seraient imposées à tout ministre des Finances. Mouvements considérables de liquidités avec les nationalisations-privatisations.
A dix-sept heures, le nouveau sommet à l’Elysée. Texte-langue de bois de Nicolas Sarkozy, mais qui lui fait tenir le devant de la scène. L’opposition a – au Parti socialiste – des compétences surpassant sans doute celles de la majorité et des équipes de l’Elysée, mais elle n’a pas de voix politique ; la rente de situation joue donc à plein pour le président régnant. Le point important est la participation de Gordon Brown à ce qui en principe est une réunion de l’eurogroupe. Et en « échange », il est certain que les médications britanniques sont déjà la structure d’un plan européen s’il doit y en avoir un : quel renversement. La presse écrite indiquait hier que les « épargnants » et déposants français gardent une confiance totale dans leurs banques : 10% seulement selon Le Monde, à rapprocher des 79% de confiants selon Le Figaro, auraient songé à retirer leur argent.
au réveil
Il est fort possible que la situation techniquement ne requiert qu’une concertation et pas un plan unique, uniforme, global, au moins si l’on demeure sur le plan fnancier, qui semble le seul à occuper l’opinion exprimée et surtout les dirigeants de banques et d’Etat. Mais l’impression que cela produit est celle du chacun pour soi. La lecture des communiqués de l’autre samedi, le G 4 à l’Elysée, puis le G 7 à Washington au niveau des ministres et des banques centrales sont un même libellé : chacun dans son pays, et de fait les outils américains ne sont pas à l’œuvre en Europe. En tout cas, il n’est toujours pas question de caisse commune. Pour exposer ces données purement factuelles, il manque la combinaison de deux éléments : l’art de communiquer que ni collectivement ni individuellement l’une ou l’autre des autorités actuelles n’a vraiment – une réelle expertise des sujets à traiter que personne n’a, faute d’expérience et de formation chez les politiques (en tout cas cela se sent aux solutions trouvées qui sont le renflouement à fonds perdus, semble-t-il), et faute de désintéressement et de culture générale chez les patrons de banque.
J’ai deux inquiétudes, qui m’attristent, m’angoissent et m’affectent personnellement – à me rendre insupportable tout dirigeant apparaissant sur les télévisions ou dans les journaux, avec sourire, type Nicolas Sarkozy entrant sous la Coupole mardi et ressortant à l’identique.
La première est que la situation à venir, une fois la crise surmontée, on ne sait encore vraiment comment, sera pire qu’avant la crise. Quelle que soit la réglementation à établir, et il ne va pas en manquer, les politiques ne savent que deux choses : lever des impôts pour disposer de l’argent, faire voter des lois, la propension à gagner de l’argent en dépit de tout et par-dessus tout fera inventer tous les contournements périmant très vite les précautions prises à la lumière de la tragique et complexe expérience dans laquelle nous sommes entrés depuis les déconfitures de Lehman aux Etat-Unis et de Fortis en Europe. On retrouvera en pire la cooptation des dirigeants dont beaucoup n’ont d’expertise que dans l’art d’arriver et de se maintenir, leurs erreurs stratégiques tragiques (la croissance externe des banques et des industries, les délocalisations qui vont avec, paradis fiscaux et paradis sociaux pour les seuls possédants et dirigeants). On retrouvera les mêmes prêches sur « l’auto-régulation », l’automaticité du bien commun par la liberté absolue de la décision des dirigeants économiques et financiers, et l’on aura roulé les contribuables, puisque les Etats ne sont que des outils et qu’il n’existe pas de cassettes qui ne soient remplis que par le travail en définitive, travail au sens le plus large du mot.
La seconde inquiétude est la ressource humaine : pas d'autorité morale, pas de capitaine à bord, pas de réelle expertise chez les dirigeants politiques, fatuité des jeunes dans la sphère financière et industrielle, libido et goût de l'argent chez les moins jeunes. Et faute de cette ressource – à proprement parler spirituelle, je ne veux pas dire ici religieuse, mais de l’ordre de l’esprit et de ses meilleures facultés – les choses ne sont pas regardés dans leur véritable ensemble, qui n’est pas la géographie planétaire ou l’organigramme des institutions financières nationales pour chacun et internationales ou supranationales pour tous. L’ensemble, c’est l’évolution économique et sociale. On a mis trois semaines à comprendre que la crise financière va avoir un retentissement sur l’économie, déjà en récession presque partout depuis un an, on joue sur les statistiques : une croissance d’un point par an, n’en est pas une. Et l’on évoque depuis avant-hier la crise sociale – au moins en France, depuis un communiqué de la confédération des P M E et une annonce de la mansuétude des UNEDIC – mais les dirigeants de tous ordres ne considèrent la crise sociale qu’une fois avérée par des mouvements de masse leur faisant craindre pour eux-mêmes. Auparavant, les injustices, les drames tant qu’ils ne sont pas statisques et dans la rue, avec des problèmes de maintien de l’ordre, ne sont pour eux en rien des avertissements. Les suicides chez Renault ou dans l’industrie, les suicides dans les prisons, le scandale du logement social – comme cela ne donne pas les batailles rangées de Villiers-le-Bel ou des banlieues en Novembre 2005 – rien ne bouge. On a avancé, au moins en France, que par Mai-Juin 1936 et Mai 1968, par la force, c’est-à-dire par la peur des dirigeants. Alors que l’intelligence généreuse et limpide dont l’homme est dotée et devrait faire usage, peut devancer ces troubles, ces drames, car le manifestant n’est pas dans la rue ou en grève de gaîté de cœur.
Il y a donc à réfléchir non seulement sur les législations – certainement internationales et supranationales – à édicter à la lumière de la crise actuelle, mais si la crise n’est prise que dans ses aspects superficiels et strictement du moment, on aura seulement coller de la peinture neuve sur de la vieille peinture, donc on n’aura pratiquement rien remédié à rien. Il faut agir en profondeur, ce qui suppose d’avoir réfléchi et inventorié à oprofondeur. Il faut revenir sur l’histoire et les effets de la dérèglementation et de la mondialisation depuis la fin des années 1970, l’étudier. A ma connaissance, il n’y a pas d’étude de l’histoire économique avec une réelle expertise pour chaque domaine : le financier (lui-mlême se subdivisant en économie bancaire, en économie boursière, en ingénieurie des placements, en étude d’impact des institutions et des législations de contrôle – ma chère femme et moi en savons quelque chose par notre expérience d’une petite société de gestion de portefeuilles éthique et solidaire). Il faut aussi regarder les conditions d’établissement, d’épanouissement et de propagation des dogmes, puis de l’idéologie dominante devenant la couverture des dévoiements financiers et stratégiques, et structurant – par hantise de chacun pour sa carrière et son emploi, dans les pays dits riches – la psychologie des jeunes générations, leur faisant acquiescer au système par ambition et nécessité de s’y adapter. Cela suppose une histoire et une étude des esprits, autant qu’une étude des modalités de formation et de recrutement des élites dirigeantes : cela va bien plus loin que la question des grandes écoles et des universités dans le cas français, cela englobe l’étude des modes de scrutin et de la dévolution du pouvoir politique à l’échelle nationale mais aussi locale. A la tête de l’Etat, nous n’avons pas la personnalité de culture, de recul, d’attention aux esprits, d’autorité morale que la crise requiert. Nous ne sommes pas équipés en France, en Europe, dans le monde pour le long terme. On n’entend peu le secrétaire général des Nations unies, encore moins l’Eglise catholique, le Dalaï Lama, épuisé par l’année de confrontation avec Pékin, étouffé par les J.O. qu’on a consenti lamentalement à la Chine à la fois totalitaire et de mauvaise foi économique (pays de l’esclavagisme moderne le mieux quantifié), et ces autorités morales, par fonction et position, ne sont certainement pas assez expertes par elles-mêmes ou pour cribler convenablement les expertises auxquelles elles ont les moyens de recourir.
Bref, la crise des liquidités inter-bancaires – qui semble ne pas devoir dégénérer en crise de confiance des déposants, voire en recul généralisé devant toute espèce de monnaie – n’est pas analysée en termes d’une crise de la confiance de chacun envers chacun, chacun envers ses homologues professionnels, chacun envers les institutions jusques-là tolérées ou dévoyées, chacun envers chacun. Cette crise de confiance, qui n’est pas un test de pessimisme ou d’optimisme au regard de l’avenir, est constructive parce qu’elle exige une refondation de la démocratie, un nouvel énoncé de la morale économique. Faute de démocratie et faute de morale, on est arrivé à l’impasse de ce que l’on croyait ou subissait comme automatique.
Si je suis si attaché au général de Gaulle depuis quarante ans – projet de publication de mon journal manuscit d’il y a quarante ans – c’est parce que périodiquement je ne vois que lui, à l’époque contemporaine, qui aurait su donner au monde entier en quatre-vingt-dix minutes l’analyse profonde et opérationnelle de la crise du moment.
Faute de cette capacité à voir l’ensemble, et à aller aux profondeurs, la multiplicité des signes avant-coureurs n’a pas été seulement perçue. Pour la seule France, l’effet politique du « giscardisme » pourtant assez libéral et même bienfaisant rétrospectivement, a produit la victoire – enfin – de la gauche et même pendant trois ans de l’alternance des gestions. Mais le cycle nationalisations-privatisations, contemporain des débuts de la dérglementation en Europe et du mondialisme, a apporté aussi bien la crise boursière puis financière de 1987, soldée partiellement par les accords du Louvre – dont curieusement Edouard Balladur ne se fait pas le chantre en ce moment : malade ? absent aussi aux commémorations sous la Coupole mardi… son mauvais teint avant l’été aux commémorations de Mai 68 pour l’association Georges Pompidou – que le début de « jeux de meccano » financiers et industriels. Tous gouvernements de gauche et de droite confondus, on n’a pas perçu la perte, dramatique, de patrimoine et de résaux qu’ont constitué les déconfitures de Jean-Marie Messier et du Crédit Lyonnais, et les procès intentés aux dirigeants d’Elf pour ensuite détruire cet empire. J’ai dit hier soir l’analyse de ma chère femme faisant remonter l’affaire Fortis aux débris du Lyonnais. Nos politiques ne savent gérer que les dossiers étiquetés, au mieux ils les empilent, les plus remarquables synthétisent les sous-dossiers, mais la totalité de l’armoire et la centaine de grands sujets personne ne sait la manier, trouver le point commun et de là partir en drection… « le tout avec l’appui d’un peuple » a dit de Gaulle pour définir la politique. L’appui n’est ni la soumission ni la résignation que nous vivons depuis quelques années et particulièrement depuis l’élection de Nicolas Sarkozy et qu’ont exprimé les élites – sous la Coupole – gloussant de bonheur à se montrer abjects, mais entre soi, sauf quelques témoins insolents, sans mérite d’ailleurs parce que le spectacle et le texte appelaient l’insolence et que l’anonymat me dissimulait, ordinateur et prise de courant dans l’entrelacis des cameras enregistrant l’événement. Cramponnés aux modalités d’un retour aux équilibres de nos finances publiques ou sociales, les différents gouvernements ont géré davantage la réaction protestataire de la rue ou des sondages, n’ont pas rétabli ces équilibres, ont vaguement suivi la question d’Europe se délestant sur la Convention que présidait fort bien Valéry Giscard d’Estaing et n’ont rien fait d’autre que de prendre – pour le mauvais traité de Lisbonne – l’Irlande pour bouc émissaire. A nouveau, celle-ci parce que la première, et livrée comme chacun à elle-même, elle a garanti la totalité des dépôts dans ses banques nationales. Ces dirigeants politiques qui – avec lâcheté – s’en prennent aux dirigeants économiques et financières alors qu’ils sont autant qu’eux en faillite, ont maintenant pour plusieurs années une chance inespérée : tous les problèmes seront la faute à la crise, même si un œil exercé voit que tout n’est pas mécaniquement couplé, et surtout si chacun sait encore, mais pour combien de temps, que les erreurs stratégiques des principaux industriels, les destructions d’emploi, la crise sociale, le vieillissement et l’insuffisance des grands équipements collectifs ne datent pas d’aujourd’hui mais de plusieurs mois et années.
L’ensemble de ce cheminement souhaitable mais dont je doute qu’il soit à l’esprit de beaucoup de dirigeants – les véritables expressions du bien commun ne leur viennent qu’à la retraite ou à rédiger leurs mémoires pour les rares qui en ont quelqu’une…. est, à mon sens, la responsabilité des pays dits riches, et principalement les pays de l’O.C.D.E. : Etats-Unis, Canada, pays européens, Australie et Nouvelel-Zélande, et le Japon, singulière exception, d’autant que ce pays nous a tous précédes dans l’expérience d’une crise bancaire jugulée en solitaire, dans la seule enceinte nationale, et par nationalisation de tout un système, celui des banques domestiques. Russie, Chine, Inde et autres grandes puissances tierces seront ensuite à rallier mais n’ont pas la même histoire mentale, financière et économique, pas les mêmes institutions non plus.
L’ensemble de ces pays jusqu’à présent « privilégiés, mais qui ont eu la responsabilité des guerres mondiales, des grandes idéologies contemporaines et de la tolérance d’une mise en place de structures pas bien justes ni morales, et pas forcément efficaces ni en économie des ressources naturelles ni en diffusion commerciale – aura à proposer ensuite le principal : éradiquer ce qui fait le malheur quotidien des plus pauvres. La démocratie mondiale, les grandes endémies, le respect des droits de l’homme et de la nature attendent encore. Tiers monde et Quart monde sont chez nous et nous assiègent, un peu démographiquement, totalement moralement si nous nous arrêtons un instant pour regarder, puis recevoir le temps de comprendre. Eux-mêmes ne se conduisent pas bien, mais ils ont davantage d'excuses que nous, beaucoup de leurs paramètres, y compris de politique intérieure et de morale publique, sont directement ou indirectement imposés par nous.
milieu de journée
Médias audiovisuels et AFP : le décret autorisant l’extradition de Marina Petrella est rapporté, de source Elysée. Version orale des commentateurs, Nicolas Sarkozy abroge le décret, etc. Il passe pour dispensateur de toutes grâces, en réalité il ne peut s’agir que d’un décret de François Fillon pris dans les mêmes formes que celui de Mars et toujours sur rapport de Rachida Dati. Le Conseil d’Etat devait entendre mercredi prochain son commissaire du gouvernement. L’Elysée a-t-il connu le dispositif des conclusions, désavouant le pouvoir. Ou pire dans le cynisme … on y sait certainement qu’elle ne pèse plus que trente deux kilogs. et peut ne pas survivre. Irène Terrel le laisse entendre et s’est cependant désistée du pourvoi. Je ne l’imite pas, voulant une décision de principe : recevabilité du recours pour l’honneur.
L’énigme Bérégovoy est bien sûr les conditions de sa mort – assassinat ? suicide ? mais elle est aussi l’entourage à son cabinet et son propre cheminement l’ayant amené, lui incontestablement homme de gauche en parcours et en caractère, en réflexes, à donner le cadre en France à ce qui va permettre les abus financiers et surtout boursiers, si les dates sont avérées ! Le raid sur Péchiney et la Société générale, les personnages qu’ont été alors Naouri et Boublil. L’accompagnant pendant la cohabitation de 1986-1988 – période où il est dans l’opposition mais réfléchit beaucoup, période où je le vois plus intimement qu’en 1984 – à un entretien donné sur Europe I, je suis arrivé rue Bayard dans sa voiture, Naouri nous attendant. J’ai trouvé celui-ci démonstratif dans la salle d’enregistrement mais pas particulièrement sollicité par le ministre, je n’ai pas ressenti à la sortie de la voiture, la reprise d’une chaleureuse familiarité entretenue encore la veille ou le matin-même. Après les biographies de Couve de Murville et de Pierre Messmer, celle de Pierre Bérégovoy donc. Pour Michel Jobert, que dire de plus qu’il n’a écrit lui-même ?
Selon ma femme, une des raisons principales des nouvelles réglementations – dont je vais vérifier les dates au Journal officiel – a été l’informatisation du métier boursier, la corbeille n’est plus à la criée. Donc des coincidences européennes et techniques, des nécessités pratiques qui se seraient imposées à tout ministre des Finances. Mouvements considérables de liquidités avec les nationalisations-privatisations.
A dix-sept heures, le nouveau sommet à l’Elysée. Texte-langue de bois de Nicolas Sarkozy, mais qui lui fait tenir le devant de la scène. L’opposition a – au Parti socialiste – des compétences surpassant sans doute celles de la majorité et des équipes de l’Elysée, mais elle n’a pas de voix politique ; la rente de situation joue donc à plein pour le président régnant. Le point important est la participation de Gordon Brown à ce qui en principe est une réunion de l’eurogroupe. Et en « échange », il est certain que les médications britanniques sont déjà la structure d’un plan européen s’il doit y en avoir un : quel renversement. La presse écrite indiquait hier que les « épargnants » et déposants français gardent une confiance totale dans leurs banques : 10% seulement selon Le Monde, à rapprocher des 79% de confiants selon Le Figaro, auraient songé à retirer leur argent.
[1] - Isaïe XXV 6 à 9 ; psaume XXIII ; Paul aux Philippiens IV 12 à 20 ; évangile selon saint Matthieu XXII 1 à 14
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