lundi 13 octobre 2008

Inquiétude & Certitudes - lundi 13 octobre 2008

Lundi 13 Octobre 2008

Les outils défaillants et leur redressement : les commissaires aux comptes (Kerviel) et la géographie économique (le Nobel à Paul Krugman)

L'inconnue : le crédit des Etats sur lequel tout repose désormais

La France en régime présidentiel de fait

La dette publique comme planche à billets

Enfin un début de gouvernement économique et financier européen

Croissance, emploi, économie toujours pas traités

Mémoires et parcours, Milan Kundera, Simone Veil

Les fêtes, en politique, en bourse : excessives

Prier par la paix qui m’est donnée… [1] la définition par Paul des deux alliances, également contractées avec Abraham, est aujourd’hui dangereuse à manier si l’on se rappelle que le fils de l’esclave (Ismaël fils d’Agar) est « l’ancêtre » des musulmans tandis que fils de la femme libre (Isaac fils de Sara) l'est des judéo-chrétiens. Racisme d’une part mais aussi rétablissement d’une chronologie dans la foi, l’un des « scandales » intellectuels pour le chrétien étant que Mahomet, tout à fait admissible en progression de la Révélation s’il était antérieur au Christ, est difficile à accepter puisqu’il est postérieur. Pour le musulman, tel que je le comprends, l’intégration du passé est aisée : le Prophète revient à la transcendance de Dieu, répudiant la Trinité et simplifiant le « panthéon ». Que vaut cette discussion sur le plan spirituel, pas grand-chose, sinon que nous sommes libres nativement et par promesse et que nous le demeurons parce que si le Christ nous a libérés, c’est pour que nous soyons vraiment libres. Mis en regard, la Genèse et l’évangile selon Luc ont les mêmes comparaisons, les égards pour Ninive valent ceux du Seigneur pour Agar enfuie au désert et cherchant de quoi abreuver son fils. C’est nous qui sommes une génération mauvaise, elle demande un signe. Dieu est Lui-même son signe pour nous. Si nous ne savons pas reconnaître qu’il y a ici bien plus que Salomon… bien plus que Jonas… sa gloire domine les cieux. Qui est semblable au Seigneur notre Dieu ? Mais nous, à combien de faux semblants, nous adhérons explicitement ou par imprudence et discraction ? Critère, la conversion, et elle est quotidienne, car l’amour est quotidien, l’instant précédent ne rachète pas par avance les suivants. Simplement parce que nous sommes enfants de la liberté, et que la liberté est – par définition et par expérience – actuelle.

fin de matinée

Paris ouvre en nette hausse : plus de 6 %, le CAC à 3.370. Partout la hausse, commente-t-on. Mesures prises dans chacun des Etats membres de la zone euro. annoncée dans la journée. Conseil des ministres extraordinaires, la garantie de l’Etat depuis la loi organique sur les lois de finances, votée en 2001 par la gauche, qui semble ne plus s’en souvenir, soumet les garanties de cette sorte à une loi, donc à un débat et à une votation parlementaires. Au programme de demain au Palais-Bourbon. On attend la déclaration de Nicolas Sarkozy. L’annonce programmée pour ce matin d’un plan sur le numérique (6% du PIB en France, mais 13% aux Etats-Unis et 19% au Japon) est reportée d’une semaine.

Deux outils pour l’avenir.

Kerviel confronté, à sa demande, avec les commissaires aux comptes de la Société générale, pour démontrer que la responsabilité de ses propres gestions et activités sont le fait de son patron, la Société générale. La profession, soi-disant assermentée d’expert comptable et donc de commissaire aux comptes, nous la savons – par l’expérience de la société de ma femme, par celle d’un de noes neveux, en situation de complaisance ou au contraire d’extrêmes lacunes envers le client. Voulez-vous que je vous mette en déficit pour cet exercice ? ou en excédent ? La déconfiture de Lehman à la mi-Septembre alors que les comptes de 2007 devaient être publiés au plus tard à la mi-Juin 2008 ?

Le prix Nobel de l’économie est attribué à la géographie de l’économie, encore plus réelle que l’économie réelle, le lieu et les gens où et avec qui cela se passe. Paul Krugman est distingué pour "son analyse des modèles du commerce et la localisation de l'activité économique" . L’andernier, c’était prémonitoire : Leonid Hurwicz, Eric Maskin et Roger Myerson proposaient les mécanismes d'échanges destinés à améliorer le fonctionnement des marchés. Le débat est en fait entre Milton Friedman, prix Nobel en 1976, et Joseph Stiglitz, ancien chef économiste de la Banque mondiale, démissionnaire en 2000 et couronné par le Nbel l’année suivante. Le libéralisme à tous crins ou les encadrements d’Etat. Krugman, présenté surtout comme éditorialiste au New York Times est un critique résolu et constant de Bush junior.

Mais un nouvel élément de crise apparaît, le crédit des Etats eux-mêmes, sur lequel tout semble fondé depuis la réunion du G 7 vendredi. L’Islande, ayant fondé depuis une ou deux décennies son économie sur la finance et non plus la pêche, doit vendre tous ses actifs à l’étranger. La Hongrie, bénéficiant d’un flux préférentiel de capitaux « occidentaux », voit ceux-ci depuis quinze jours la quitter, ce qui la met à son tour en faillite. Si le sel de la terre s’affadit, avec quoi le salera-t-on ?

fin de journée

Paris à 8,39%. Nicolas Sarkozy, à la suite du conseil des ministres extraordinaire, expose le « plan français », a vu le matin les présidents des deux chambres et des groupes parlementaires de la majorité, et verra demain les banquiers et les assureurs. Il s’agit de garantir à hauteur de 320 milliards les prêts interbancaires et de mettre en place un fonds d’intervention doté de 60 milliards permettant de recapitaliser les banques qui le souhaiteraient. Luc Chatel qui a de l’aisance autant qu’il est flagorneur, explique bien qu’il ne s’agit en rien d’une charge pour le budget et donc pour le contribuable, les fonds seront empruntés sur le marché et la mise en jeu de la garantie sera payante, donc un avantage-même pour le contribuable, quant aux participations, il y aurait forcément des actifs à la clé. Fort bien. . .

. . . mais deux questions, la première est de l’excellente Olivier de Lagarde, plurisdisciplinaire et bon vulgarisateur, comprenant les matières sur lesquelles il interroge, et par conséquent égalant ou dominant les membres du gouvernement qui défilent à son antenne. En l’occurrence, Christine Lagarde soutenait samedi matin que les banques françaises étaient suffisamment capitalisées, en tout cas qu’elles avaient proportionnellement bien davantage de fonds propres que leurs homologues ailleurs dans l’Union européenne. Alors pourquoi cet outil prévisionnel ? la Société générale paraît une évidence, il y a eu le prétexte Kerviel, il y aurait maintenant un risque russe. La présence de Daniel Bouton à New York vendredi soir disait tout. Les Américains finissent par avouer, les Français nient les évidences.

Seconde question : ma femme et moi. Moi : la dette publique va augmenter vertigineusement et personne ne le discute ni ne le mentionne. Elle : qui va acheter des obligations d’Etat. En réalité, circuit vicieux, ce sont les banques bénéficiaires de ces garanties qui vont placer ces obligations et en avaler la plupart.

Cependant, la crise aurait un avantage. Pour la première fois, les gouvernements interviennent, disposent de la Banque centrale européenne, et mènent des actions non seulement coordonnées dans le temps, mais analogues de technique et d’esprit. On va vers un type de gouvernement économique de l’Union, combinant l’euro-groupe avec l’exemple britannique puisque Gordon Brown a été le premier à imaginer, l’autre été, une semi-nationalisation d’une de ses banques, et cet automne une quasi-nationalisation de la totalité du système bancaire. Personne ne peut se targuer d’avoir été décisif dans ce processus nouveau, il est dicté par les circonstances, très impérativement. L’Allemagne fait comme nous, avec des montants un peu supérieurs : 400 milliards pour l’interbancaire et 80 pour recapitaliser les banques qui vont le demander, mais elle avait – déjà – vendredi garanti à hauteur de mille milliards la totalité de l’épargne individuelle en banque. L’Espagne garantit à concurrence de 100 milliards ses relations interbancaires, l’Autriche aussi. On approche dans l’Union européenne un total de plus de 1.300 milliards, sans compter la garantie des dépôts que l’on espère seulement théorique… soit finalement le double que ce qui été disposé aux Etats-Unis. Mercredi : bouclage à Vingt-Sept. On ne peut faire plus, on pourrait faire mieux mais les gouvernements sont – moins que jamais – aptes à la prospective. Réinventer un système nouveau ? réécrire Bretton Woods, il en serait question lors d’un nouveau G 7 mais au sommet. On est à l’échelon suprême de la confiance, celle dans les Etats. Si elle flanche ?

Conséquence pratique en France, le Premier ministre totalement effacé, la ministre de l’Economie plus subordonnée qu’un secrétaire d’Etat, seul apparaît, agit, décide, parle et communique le président de la République. Nous sommes en régime présidentiel, selon une Constitution de fait, celle de 1958 se prêtant à tout quand les gens sont couchés. Le Parlement ne peut renverser le président, ce n’est pas nouveau sous la Cinquième république, le président de la République ne peut dissoudre le Parlement puisque d’une part il ne retrouverait sans doute part une majorité aussi confortable que l’actuelle, et d’autre part son système philosophique personnel n’implique une consultation électorale que pour monter sur le pavois, ou y rester pour un nouveau terme.

Il me semble que – lacune ou erreur – l’ensemble des gestes gouvernementales ne porte que sur un seul aspect de la crise : la banque, en garantie des dépôts individuels, et en reprise du crédit interbancaire puisque celui-ci conditionne le crédit aux personnes physiques et aux entreprises. L’aspect financier n’est donc qu’en partie traité, l’économie boursière est en panne, le renflouement des banques peut améliorer l’indice parce que les principales banques en font partie, mais les actionnaires sont floués. Le social n’est pas traité, ni le pouvoir d’achat – thème récurrent pourtant depuis Novembre dernier, dans le cas de la France – ni le chômage. De grands investissements, les propositions de grands travaux, notamment en infrastructures de transports et de télécommunications, suggérés depuis la fin de la coupure en deux du continent européen, ne sont toujours pas vraiment débattus, a fortiori mis en route. On reste dans le financier entre gouvernements alors même qu’on daube la « financiarisation » de l’économie et que la critique des mœurs boursières, et plus encore de la conduite des grands dirigeants d’industries et de services, est aujourd’hui quasiment dogmatique. Or, le mouvement de récession qui se précisait depuis un an, n’est pas enrayé. Et le chômage tenant autant à la récession qu’aux délocalisations et souvent à des erreurs stratégiques des dirigeants de grands groupes, augmente dans tous les pays dits riches…

nuit

La mise en ligne à Prague d’un rapport de police donnant la dénonciation par Milan Kundera d’un de ses compatriotes de même génération ou presque, en 1950, m’émeut. Pour personne. Pour le mécanisme. Deux mécanismes totalitaires. Celui qui pousse aux dénonciations dans un contexte que l’on croit définitif, le régime du moment, la France en a connu, même dans des époques libérales mais qu’obscurcissait l’Algérie, et l’assassinat – peut-être – de Pierre Bérégovoy ou l’affaire Clearstream sont d’ordre totalitaire, en ce sens que des systèmes inaccessibles à la démocratie disposent des réputations, des vies, des parcours. Et le mécanisme de la recherche et de la traque. Bousquet, Hardy, Touvier, Papon, Eichmann et tant d’autres, bourreaux avérés ou collaborateurs qui auraient pu ne pas l’être. Pierre Pucheu a payé de sa vie une posture passagère mais causant la mort de cinquante hommes, sa fille porte encore son deuil, son procès a mis en cause pour toujours des illustrations qui me sont proches. On a tenté de déquiller François Mitterrand par Vichy, j’augure depuis qu’elle est chancelière que la même chose peut arriver – un papier de la Stasi – pour Angela Merkel.

Tristesse que l’histoire humaine soit ainsi commandée par la sélectivité des mémoires. A l’inverse, Simone Veil, dont la montée en âge coincide avec les vagues de repentances et d’organisation du souvenir, cumule de plus en plus d’honneurs et se voit offrir une « élection de maréchal », le 20 Novembre prochain, à l’Académie française. Ce qui me serait égal s’il ne s’agissait du fauteuil de Pierre Messmer dont il est notoire qu’il ne l’aimait pas. L’éloge d’un gaulliste de la première heure, d’un des deux ministres de la confiance absolue du général de Gaulle (lui aux Armées et l’autre, Maurice Couve de Murville, étant aux Affaires étrangères) prononcé par une anti-gaulliste certaine et une « centriste » convaincue de René Pleven à Edouard Balladur… Mémoires et parcours.

Reste la littérature, la vraie. Milan est un écrivain, Céline l’était. Simone Veil termine son autobiographie dans une librairie avec son petit-fils, il choisit d’acheter (de se faire offrir par elle, sans doute) Belle du Seigneur et Voyage au bout de la nuit. Elle confesse qu’elle a peiné à accepter cet éclectisme.

Reste la littérature, la vraie. Milan est un écrivain, Céline l’était. Simone Veil termine son autobiographie dans une librairie avec son petit-fils, il choisit d’acheter (de se faire offrir par elle, sans doute) Belle du Seigneur et Voyage au bout de la nuit. Elle confesse qu’elle a peiné à accepter cet éclectisme.

Reste aussi la fête en politique. Ségolène Royal semble bien la seule à savoir la susciter et la soutenir, cf. Marseille aujourd’hui et l’appel de jeunes socialistes à un nouveau Parti socialiste. J’ai assisté à des meetings, les années 1960 les faisaient informatifs et recueillis, ce fut pour moi la Mauritanie de Moktar Ould Daddah après des échauffourées très graves en Février 1966 et le parc des expositions, porte de Versailles, pour introduire aux élections de Juin 1968, de Gaulle ainsi rétabli. Les meetings d’Arlette Laguillier à Strasbourg, place de l’Etoile ou à Paris, salle de la Mutualité, c’était l’exotisme idéologique total (mais cohérent). Celui de Jacques Chirac à Rennes ou pour le premier tour de Jean-Pierre Chevènement au Zénit : même modèle, sur scène tous les soutiens, avec la litanie des gens à honorer. Un Zénit où Arlette Laguillier n’avait plus main quoiqu’on la créditât alors de parfois 10%. J’ai crié : 20%. Les textes – forts des années 1960 – avaient disparu en 2002. Au Zénit de Nantes en 2007, Ségolène Royal me parut animatrice, je m’y suis fait, Robert Badinter a du métier, il y avait, à l’africaine, des griots, il y eut des dialogues entre l’impétrante et les militants, quasiment en rénovation des promesses du baptême… De Nicolas Sarkozy, je n’ai vu que moments télévisés, rétrospectivement ils ne diffèrent pas de son genre d’éloquence au pouvoir.

Conclusion, la fête en bourse, elle m’inquiète maintenant. New-York en hausse de 11% ce qui ne s’était plus vu depuis les années 1930 et les automobiles, pourtant virtuellement à la casse, de plus de 20 à 30% : General Motors et Ford. Ce n’est pas sain ni naturel. Etourdissement d’un éveil entre deux cauchemars ?

[1] - Paul aux Galates IV 22 à 31 passim & V 1 ; psaume CXIII ; évangile selon saint Luc XI 29 à 32

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