matin
Hier soir, le Sénat américain a voté le plan Paulson à 21 heures 20, heure locale. Barack Obama ne jouait que le rôle de John Fitzgerald Kennedy, le voici Franklin Delano Roosevelt, comme prévisible depuis quinze jours.
Chez nous, un député du Nouveau centre [2] hier – avide d’entrer dans l’Histoire – suggère que le Président de la République s’adresse directement et personnellement aux parlementaires : enfin, la mise en œuvre de la révision constitutionnelle de Juillet dernier.
Je courielle à Ségolène Royal, François Hollande et François Bayrou – m’adressant à eux ensemble – comme suit :
Pardonnez la liberté que je prends de vous écrire ensemble et à découvert, mais il me semble que votre alliance de marche en ce moment ne va pas être de trop.
La "crise" ces jours derniers nous fait changer d'époque comme en 1914, en 1929, en 1939 (et peut-être en 1989), elle donne une rente de situation imprévisible à ce point et inespérée à Nicolas Sarkozy. Stature internationale, sauveur des petits chez nous, réorganisateur et moralisateur de toute la construction européenne...
Il serait - au moins immoral - que la turpitude et la politique menée depuis dix-huit mois, en sus d'un comportement qui dans les petitres choses personnelles comme dans les grandes regardant tous les Français, est continûment le fait du prince, soient - pour un temps - plébiscitées par la nécessité d'avoir quelqu'un comme chef.
Il serait paradoxal et surtout très dangereux d'entrer dans un système économique et politique dans lequel ce serait la droite qui gèrerait une économie socialisée et étatisée de fait - par le renflouement qui ne fait que commencer de tout le système financier. Droite qui a fait ce système, mais malheureusement gauche qui y a consenti partiellement pour ne pas paraître ringarde et irréaliste. Un tel système serait proche des totalitarismes itralien et allemand de l'entre-deux-guerres. La République et la France ne doivent pas le laisser se mettre en place. Or, cela commence... avec les effets de panache et les démagogies.
Parades :
1° aller à la pétition de masse et donc à la mise en demeure de référender contre la privatisation de La Poste
2° pousser le bouchon, au moins dialectiquement, en préconisant la nationalisation de l'ensemble du système bancaire, cf. le Japon dans les années 1990, car il serait injuste et dangereux de distinguer entre les établissements, chacun se disant très bon jusqu'à l'instant de tendre la sébille, comme déjà l'Europe a le front de le dire aux Etats-Unis, nous nous sommes bons, sécures et moraux, et vous, vous ne l'êtes pas...
Analyser aussi que
1° nous allons vers un désaccord de fond et de méthode avec l'Allemagne, ce qui nous prive de toute efficacité et crédibilité
2° Jean-Pierre Jouyet qui ne vient pas de l'équipe Sarkozy ni du RPR-UMP est le seul bon et efficace à Bruxelles et dans ses propos (gendarme eropéen des bourses, garantie des dépôts au niveau de l'Union, entrée dans une nouvelle ère, fin des dogmes d'il y a huit jours). Débauché en 2007, vos louanges seront de beaux appels de sirène, certainement gênants à la table du Conseil face aux piètres Lagarde et Kouchner.
On ne peut évidemment attendre 2012 et gratter paisiblement des propositions "crédibles" de programme d'ici là.
En confiance et en espérance, civiquement et passionnément.
Changement d’époque donc. Après la faillite morale et concrète du communisme, version soviétique, c’est la faillite du libéralisme économique, version capitaliste déréglementée. Donc du cachot pour l’un et l’autre. Mais l’ancienne métropole a repris prersque tous ses atouts moyennant un peu de déguisement (et la réhabilitation cynique du tzar Nicolas II, genre repentir de l’Eglise pour l’inquisition ou culpabilité mondiale pour la Shoah mais pas pour l’actualité palestinienne – sauf les dires du Premier ministre israëlien démissionnaire), Wladimir Poutine, modestement Premier ministre à l’instar du maréchal Staline, modestement secrétaire général sans titres d’Etat, le nationalisme russe, les théâtres de la mer Noire et du Caucase, l’expansion en Arctique. Et les mœurs de la banque et de la finance ne tarderont à reprendre leurs pétitions quand les Etats et les contribuables seront exsangues, que les systèmes politiques nationaux auront évolué vers des parodies impérieuses de régime qu’on croyait révolus. Nous avons déjà laissé passer le moment d’une entente et d’une construction avec la Russie (la « maison commune » proposée par Mikhaïl Gorbatchev). Laisserons-nous passer la circonstance – si heureuse – d’une invention d’un libéralisme à fin humaine ? C’est probable, mais il y aura quand même des « petites choses ».
après-midi
Tout à la fois… crise de l’industrie automobile. Les quelques 9.000 emplois chez Renault sur la charrette, que Ghorsn fait aujourd’hui passer pour un fait de crise alors qu’il est avéré que trop a été mis sur la Laguna : son commentaire à l’instant, anticiper en réduisant la voilure, mais alors pourquoi pas le chômage technique à la Peyugeot, il est vrai que Sandouville y est aussi. L’argument d’être dans la situation de la profession entière n’est pas meilleur. Renault pendant un siècle était à la pointe quel que soit son statut, l’ambition n’est pas d’être dans la moyenne et de suivre dans le troupeau… crise de l’industrie pharmaceutique, les 900 visiteurs médicaux « lourdés » - ce qui est le contraire du miracle – par Sanofi-ventis, qui se dévbarrase donc de sa force de prospection : bravo, soius prétexte que les génériques et la pression sur les prix (déficit de la Sécurité sociale) diminuent la rentabilité. Délocalisation spectaculaire d’Airbus en Chine qui représente 15% de son marché et l’on se fait gloire d’y implanter la technologie au même niveau qu’à Hambourg, Munich et Toulouse : le bon Dr. Guillotin, lui aussi, fut guillotiné…
Crise persistante et rebondissante de l’emploi, les images nationals changent soudainement. L’Espagne de l’expansion enregistre 100.000 demandeurs d’emploi de plus au mois dernier, un taux de chômage à 11,5%. Interdiction de comparer avec la France car la probabilité que les statistiques madrilènes sont sincères, tandis que les nôtres ne le sont pas.
Crise du logement et en même temps crise de l’immobilier : on ne peut plus se loger alors même que les prix baissent et que la propension à construire s’effondre.
Crise probable de la relation des grandes monnaies entre elles. Y a-t-il concertation entre la Federal Reserve, la Banque d’Angleterre et la Banque centrale européenne, la Banque du Japon, celle de la Chine ? Evaluation ensemble de l’absorption des bons du Trésor américain, regard sur les endettements et leurs remboursements autre que ceux des Etats-Unis. Quelle est la relation entre les prix du pétrole, la parité euro-dollar, les faillites bancaires, les réponses boursières et les sauvetages en cours ? L’anticipation ? la prudence ? impose-t-elle suivant les matières des comportements différents, antagonistes ou concourant à la même contraction des échanges, de la production, des consommations ? Pas encore de production théorique là-dessus, les prix Nobel de l’économie – de plus en plus récompensés pour un tout petit segment de leur discipline – se taisent. On attend la synthèse : synthèse des diagnostics, des alternatives de proposition du politique, de l’économique et du social. Un Marx au XIXème siècle, un Keynes au XXème. Et notre génération ? Fondamentalement, une crise du crédit – à tous les sens du terme – donc une crise de confiance entre tous les acteurs, y compris entre particuliers. Mon expérience des ambiances post-soviétiques m’a vite convaincu que le système s’était effondré par disparition de la confiance non des gouvernés envers les gouvernants, mais de l’ensemble des gouvernants dans la qualité du système. La parabole est claire pour ce qui fut dogme – et qu’on a imposé avec une impudence (qui me révoltait dans tous les colloques auxquels je participais par mes affectations dans nos ambassades d’Europe centrale de l’Est) aux ex-communistes comme aux pays en voie de développement, nos chers satellites A.C.P. et méditerranéens.
Nos commentateurs aiment la cacophonie. Cacophonie gouvernementale chronique des remboursements dentaires au fichier EDVIGE. Et maintenant entre partenaires européens. Impossible de savoir qui a lancé – Pays-Bas ? Irlande ? – le chiffre de 300 milliuards d’euros. pour un plan européen à l’américaine, de sauvetage, mais de quoi ? puisque les gouverneurs de banques centrales nationales dans la zone euro. disent tous que le système est solide. Solide parce qu’il est défférent de l’américain. Donc pas de plan européen, disent Jean-Claude Trichet et la chancelière allemande. Mais la principale banque outre-Rhin est au contraire à fond pour, dixit Ackermann. Dès Juin 2007, la Deutsche Bank avait d’ailleurs annoncé que 29 milliards d’euros de ses placements avaient perdu toute liquidité. Mais qui écoutait et évaluait ? Chacun pour soi alors ? coup par coup, selon Berlin. L’Irlande garantit les dépôts de six de ses banques, la Grande-Bretagne crie à l concurrence déloyale. Il y a d’ailleurs quelque vérité – celle qui rend si difficile l’adoption du plan Paulson-Bush par le congrès américain – à observer (Angela Merkel) que ces sauvetages et renflouements épongent peut-être le passé pour le bien commun, mais donnent une singulière assurance aux aventuriers grands ou petits pour l’avenir : désormais, les risques sont d’avance garantis par l’Etat. Je pense donc que la Chancelière et notre secrétaire d’Etat aux Affaires européennes sont – ensemble ? – sur la bonne voie, des procédures et mécanismes nouveaux ou revus, plutôt que des caisses ouvertes. Le crédit est pour l’investissement et du neuf, pas pour payer des pots cassés et désormais démodés. Un exercice commencé il y a dix jours à Berlin et formalisé avec Christine Lagarde jeudi dernier : la mise au ban des procédures d’achat à terme, l’examen des produits de pure spéculation, les tendances des banques à jouer leurs fonds propres, gagnera à être continué.
Plus de « leadership » nulle part. Aux Etats-Unis, les deux candidats à la succession de Bush junior dominent la scène et la manière dont ils s’y comportent déjà en possession d’état leur fait gagner ou perdre l’élection : il y a encore un mois à courir. L’Amérique évidemment ne s’impose plus à ses partenaires. Il y avait longtemps que l’Europe n’avait pas donné d’instructions aux Etats-Unis ni affirmé sa différence de constitution et de nature, ses propres manières. Ce qui est peu habile d’une part et paradoxal d’autre part, car les bourses européennes, et toutes les appréciations, toutes les manières de faire de l’entreprise ou de la carrière, se faisaient jusqu’à la semaine dernière selon les références et les canons de l’Amérique. La moindre statistique du Michigan sur une quelconque propension à acheter ou à épargner était attendue dans toute l’Europe de l’Ouest et devenait aussitôt la bible. La réunion provoquée ou convoquée ? par Nicolas Sarkozy présente l’avantage de faire se publier les désaccords entre les principales économies de l’Union européenne, telles que les conçoivent leurs dirigeants politiques. Le débat Brown-Cameron – puéril – entre l’expérience que revendique l’un et le discernement que s’attribue l’autre montre que les personnalités politiques européennes regardent la crise comme un test de leur autorité chez eux plutôt que comme l’occasion de trouver – dans l’urgence – enfin la gouvernance commune que depuis Maastricht on n’est manifestement pas arrivé à écrire en forme d’un traité consensuel, compréhensible pour les opinions publiques et créant vraiment notre compétitivité mondiale et la solidarité entre nous.
Dans cette ambiance, des questions plutôt polémiques – en France – se règlent silencieusement ou presque. On ne parle plus de l’U.I.M.M. et de Denis Gautier-Savagnac, et Luc Guyau, ancien président de la F D S E A comparaît pour quelque chose qui y ressemble. L’affaire des écoûtes de l’Elysée (la protection de Mazarine Pingeot) se clôt en cassation, celle des frégates de Taïwan se termine par un non-lieu, le secret-défense s’étant révélé infranchissable (obstacle du même genre pour l’affaire du scooter de Jean Sarkozy). Et la relation entre les élus et le pouvoir s’affine. Dominique de Villepin, chargé du désastre électoral que provoqua la dissolution de 1997, a inauguré la répulsion qu’éprouve la majorité parlementaire vis-à-vis du secrétaire général de l’Elysée : Claude Guéant encore plus visible, encore plus polyvalent, encore plus indispensable fait aujourd’hui un tabac aux journées de l’U.M.P. à Antibes. Henri Guaino réapparaît, les amnésiques le disent gaullien. Jusqu'à l'an dernier, les conseillers à l'Elysée n'avaient pas d'existence pour le dehors.
Seul François Fillon – parce qu’il est discret, par tempérament ? ou par contrainte de l’organigramme actuel – fait un vrai travail : la relation avec les élus et surtout avec l’opposition. Il peut y avoir pour lui un parcours à la Pompidou, à la différence près que le Général n’a jamais humilié un de ses Premiers ministres et qu’il arbitrait, vérifiait, orientait mais ne gouvernait pas à la place de son gouvernement. A la Pompidou, en ce sens qu’il est un recours – pas dans l’opinion publique – mais pour la classe politique, pour les élus. Il arbitrera certainement la question de l’échelon départemental.
On phosphore sur la presse écrite à l’initiative du président de la République et selon ses décrets (pas de presse gratuite, le journal est un objet à part), mais Bolloré, ami personnel de Nicolas Sarkozy, possède déjà deux quotidiens gratuits et a réuni les moyens d’un quotidien payant pour paraître en Mars 2009. Alors ? « La civilisation de l’écran : une mutation culturelle majeure » [3]… je vois l’appel publicitaire de ce livre dans le numéro d’Esprit que je reprends, celui de Novembre 2007 sur le « sarkozysme ». Et l’A.F.P. rend compte de ce que 60% des Français sont connectés chez eux à internet. Toute la question est de savoir si l’écran rend créatif celui qui est devant, ou au moins critique en lui donnant des outils plus aisés à acquérir et à archiver que des bibliothèques, ou le met passif devant les « jeux » de l’enfance à la vieillesse, de l’interactivité aux photos. roses ou bleues.
nuit
L’objectivité fait voir – justement aujourd’hui – ce qui fait presque constammant l’hégémonie des Etats-Unis : c’est tout bonnement qualitatif. Je n’évoque pas ici la force militaire, la fascination exercée par des modèles depuis le milieu du XIXème siècle (aujourd’hui – ou jusqu’à la semaine dernière – les modèles de carrière et d’enrichissement), la puissance économique fondée sur des matières premières autant que sur du savoir-faire ; je ne pense pas non plus aux facteurs circonstanciels et aux avantages d’une situation pratiquement insulaire. Non, je regarde ce qu’il se passe outre-Atlantique et ce qu’il se passe en Europe quand apparaît une crise dont la gravité ne fait aucun doute ni pour les Américains ni pour les Européens, citoyens et dirigeants confondus. Tous dirigeants confondus – des Etats, des banques, des institutions diverses – assurent que tout va bien, que le système est solide, parce qu’il est différent, et parce que… sauf la Deutsche Bank qui appelle au secours, ou pas loin la première banque suisse qui supprime deux mille emplois. Tandis qu’aux Etats-Unis, on avoue : pas seulement le président en place, mais les candidats, et surtout les banques et institutions qui tendent la sébille, et les boursicoteurs et autres agences de notation qui – contrairement aux nôtres parmi lesquelles toutes les pionnières qui étaient indépendantes, ont été absorbées ou ont disparu – disent et se disent la vérité. Du coup, les grands moyens sont mis, et finalement consentis. Dussent les « grands principes », le libéralisme, en prendre un coup, peut-être décisif. Le Japon n’y ait été pas allé autrement il y a dix ans. Pour la reconstruction européenne – jugée stratégique par les Etats-Unis après la Seconde guerre mondiale – il y a eu les propositions Marshall et l’Alliance atlantique, moyennant des batailles au Congrès, gagnées par un marchand de chemise, Harry Truman, presque par hasard « suppléant » de Roosevelt, batailles et suppléant complètement oubliés aujourd’hui. L’hégémonie et la fascination sont sans doute question de poids et de propagande, mais la raison est plus profonde : que ce soit à tort ou à raison (l’Irak…), on sait décider aux Etats-Unis. En Europe, toujours pas … quant à la France, après l’hyperprésidence, nous allons expérimenter un dysfonctionnement plus subtil mais peut-être bien plus dangereux. Claude Guéant et Henri Guaino font les frais de la frustration des parlementaires : les eng… du patron, sers privautés et ses foucades, la soumission qu’il exige et à laquelle consentent les élus votant contre leur conscience, soit ! mais les domestiques à leur tour impératifs et prétendant donner la leçon, non ! et ce sont les ministres, ou plutôt les sous-ministres qui se mettent, à peu de frais, les députés de leur côté : Eric Worth « tacle » Henri Guaino. C’est à Bercy le seul personnage sérieux, travaillant et informé, parfois même le vrai négociateur avec la Fonction publique. Aux Affaires étrangères, pour ce qui compte, c’est-à-dire les tours de table à Bruxelles, il y a Jean-Pierre Jouyet. Cela fait deux et – enfin – il y a le Premier ministre, humilié et desservi par le président de la République, mais qui tient la majorité et peut parler, quand c’est discret, avec l’opposition. La France est actuellement gouvernée – au vrai – par ces trois hommes. Critère, de leurs cabinets respectifs, et notamment de Matignon, aucune fuite… sauf les fumées sulfurées, ayant fait évacuer le bel hôtel qui naguère était l’ambassade de François Joseph et de Metternich.
Et donc … l’euro. en forte baisse… la perspective même d’une baisse des taux ne renforce pas la crédibilité d’une reprise économique, tout simplement parce que la conviction se fait que l’Union ne se gouvernera jamais. Et – en sus, ou en moins – elle n’est pas démocratique.
[1] - Exode XXIII 20 à 23 ; psaume XCI ; évangile selon saint Matthieu XVIII 1 à 10 passim
[2] - Nicolas Perruchot, membre de la Commission des Finances de l'Assemblée nationale, député et sans doute maire de Beaune
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