jeudi 21 mai 2009

Inquiétude & Certitudes - jeudi 21 mai 2009

Jeudi de l’Ascension - 21 Mai 2009

Prier…[1] début des actes et conclusion d’un évangile. Récit de ce que l’on a appelé l’Ascension. Solution à trouver : la vie éternelle, la chair, le corps, celui de Jésus, celui de Marie. Ascension, Assomption. Du « point de vue » de l’incroyance, ce sont des trouvailles et des mythes, la résurrection « le troisième jour » ayant posé déjà une première fois le problème du corps. Problème enseveli dans le temps deux mille ans après, tombeau ou pas, vide de toute momie si c’est bien le tombeau (le Saint-Sépulcre auprès duquel se recueillir), mais problème certain pour les premiers croyants. Or, ceux-ci ne sont pas du tout dans la problématique du corps dont il faut expliquer l’absence, ou de la personnalité extraordinaire qui continue – par l’Esprit-Saint – de les inspirer jusqu’au martyre et d’ici cette terrible échéance leur donne un tel charisme. Ils enregistrent un fait, ils ont reçu un récit de ceux qui ont vêcu ce « départ » du Christ. Pour Marc, c’est l’envoi en mission assorti de pouvoirs extraordinaires. Très accessoirement : le Seigneur, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu. Elie et Enoch, selon l’Ancien Testament, ont eu ce sort avant Jésus. Ce qui distingue le Christ, c’est la permanence de sa présence et de sa puissance, après sa disparition physique : le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient. Pour Paul, présence et puissance se manifestent par excellence dans la résurrection : c’est la force même, le pouvoir, la vigueur, qu’il a mis en œuvre dans le Christ quand il l’a ressuscité d’entre les morts et qu’il l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux. Docteur dans les écritures juives, dans l’Ancien Testament, « l’Apôtre des gentils » glose sur l’ascension-même : que veut dire, ‘il est monté’ – cela veut dire qu’il était d’abord descendu. Bon sens et inspiration, lien entre l’incarnation, la résurrection, le retour aux côtés du Père. L’enjeu : nous grandirons dans le Christ pour nous élever en tout jusqu’à lui, car il est la tête… Le corps se construit dans l’amour… La tête de l’Eglise qui est son corps, et l’Eglise est l’accomplissement total du Christ, lui que Dieu comble totalement de sa plénitude. Ainsi, le mystère et le fait de l’Ascension – son récit attesté aujourd’hui – initient le mystère et la réalité du Corps mystique, autre façon de dire et pressentir notre participation à la vie divine et notre accès à la vie éternelle, c’est-à-dire encore à la plénitude de la rédemption. Ils le virent s’élever et disparaître à leurs yeux dans une nuée. Et Luc conclut appelant un autre mystère – car notre foi n’est jamais conclusive, même et surtout en termes de révélation – Jésus, qui a été enlevé du milieu de vous, reviendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel.

matin

L’engrenage par le choix d’une méthodologie. Le passant qui se fait coffrer ou amender parce qu’apercevant de la police un peu rude sur quelque patient, à Marseille ? il s’écrie : je te vois, Sarko ! Six et dix ans, soupçonnés d’un vol de bicyclette, dénoncés par les parents du jeune propriétaire, ils ont l’honneur de deux fourgons de police débarquant improviste dans leur école, les « interpellant » et ils sont garés au commissariat sinon au « bloc » pendant deux heures, le temps qu’il soit établi qu’il n’y avait pas eu vol. Cela dans la belle ambiance des quatre refus de mise en liberté de Jérôme Coupat, et après le soi-disant scandale d’Outreau, une enquête uniquement pour trouver des complices à l’auteur présumé des attentats anti-TGV et SNCF : tous les mois, on arrête pour justifier l’arrestation initiale. Et le procès Colonna, instruit à charge avec expression par le président de la République, avant l’ouverture des assises d’appel, que le berger Yvan est bien le meurtrier.

Crise et politique économique. A la réflexion, chaque jour un élément critique. La dissociation depuis combien de temps et dans quelle percée dogmatique ou idéologique, entre la production et la spéculation, et la spéculation sur les titres d’entreprises de production l’emportant – en évaluation des analystes et des « investisseurs », et en préoccupation des dirigerants eux-mêmes – sur les soucis de la production et de la commercialisation. Résultat, Airbus. Symptômes, il y a dix-douze ans, quinze ans, une réunion à laquelle Jean-Marie Messier participe pour convaincre des gérants de portefeuille et des investisseurs non institutionnels : le cours de bourse de minute en minute, sa seule obsession et celle de ses collaborateurs, venus en collège. Les repères : le cours, le titre. Signe avant-coureur, selon ma femme, dans les années 1980, le « housing » américain : les taux européens se décidaient selon la propension à construire aux Etats-Unis. La cécité de Louis-Philippe ne lisant que les journaux anglais et s’étant donné comme connaissance de l’opinion nationale, le cours de « la » rente : alors, 1848… Les époques où l’on cherchait et obtenait des crières et des mesures : l’or, les monnaies selon des références métalliques, puis les matières premières, des recherches et intuitions, dont celles de Pierre Mendès France dans les années 1970 après le décrochage du dollar et la fin du système de Bretton Woods. Dans le fatras des truismes et des prétentions à la refondation (de quoi ? sinon de l’ordre ancien de quelques mois), il y eut en Octobre-Décembre 2008 l’idée d’un nouveau Bretton Woods. Aucun des G quel que soit le numéro, n’en a traité. Complice du conservatisme revenu : DSK [2], les banques et les Etats ont fait leur travail. Un coup de roulis, et ce fut tout 2008-2009 !

Les politiques économiques, aujourd’hui, plus complexes qu’antan ? Hubert Védrine me recevant pour mon enquête sur Couve de Murville en 1999 : aucune commune mesure, tout était simple dans les années 1960, tandis que maintenant, X visites par semaine, chacune d’importance extrême, flux des correspondances électroniques avec mes services. Gamelin à Vincennes en 1940, comme dans un laboratoire, supérieur à Foch et Pétain, pas loin du feu en 1918. Je tiens que la connaissance des données et la palette des mécanismes de correction et de direction étant bien moins affinées dans les années 1900 ou 1930, c’était aussi difficile sinon plus qu’aujourd’hui. Mais il y avait une culture et une réflexion que nous n’avons pas, que nous n’avons plus, sauf exception : Alan Greenspan en fait montre dans ses mémoires [3](avec la charité qu’il fait à son lecteur de donner en notes de bas de page chaque fois les définitions et acceptions de ce dont il traite – à mettre en bibliothèque et en questions de cours à côté de Barre et de Jeanneney). Résultat, après Lehman Brothers, Stiglitz assure que la bourrasque sera de courte durée ! Stiglitz l’encensé et l’un des conseillers des autorités françaises, diplomatiques et économiques depuis son prix Nobel (comme Woody Allen plus de popularité hors des Etats-Unis que chez lui)… tandis que Greenspan diagnostique que nous en avons pour des années et que nous dégusterons davantage qu’en 1929. Nicolas Sarkozy rêve de « travailler avec » Claude Allègre mais il ne proposera pas Bercy à Michel Sapin – ce qui serait constituer un gouvernement d’union nationale, au motif de la crise économique et sociale bien plus nationale encore que mondiale.

Aujourd’hui, la difficulté d’une politique économique n’est qu’apparemment le manque d’outillage des Etats dérégulés et dépouillés. En quelques jours de nationalisations – à titre temporaire – et de législations consensuelles et ad hoc, l’Etat retrouve tous ses moyens, et avec en plus le discernement ce qu’il n’est pas nécessaire qu’il retrouve mais évident qu’il doit inventer. La difficulté est que la collecte de données sûres, dans les foisonnements actuels, les changements d’indices et tant de manipulations du thermomètre, est très aléatoire. La difficulté, déjà pratique, est surtout mentale : depuis vingt ans, l’économie des entreprises et la politique des Etats épousent des comportements d’investisseurs, de consommateurs, de détenteurs de matières premières. Elles sont suivistes. Alors que le salut passe par des outils et des attitudes politiques aptes à déterminer des comportements. La France est typique, les législations-bidons sur les avantages financiers des dirigeants ne changent en rien les usages et comportements du « happy few », elles ne restaurent pas la confiance des salariés dans le dévouement des gouvernants d’entreprises pour la chose commune. Les garanties et crédits accordés aux banques n’ont en rien changé l’attitude celles-ci vis-à-vis des entreprises et des particuliers demandeurs de crédit.

[1] - début des Actes des Apôtres I 1 à 11 ; psaume XLVII ; Paul aux Ephésiens IV 1 à 13 ou I 17 à 23 ; fin de l’évangile selon saint Marc XVI 15 à 20


(2) Pour le Fonds monétaire international, la reprise de la conjoncture mondiale est possible au premier semestre 2010. "Nous voyons toujours une reprise de la conjoncture mondiale lors du premier semestre 2010, et le retournement de situation devrait être amorcé en octobre, novembre ou décembre 2009", a affirmé son directeur général, le Français Dominique Strauss-Kahn.
Ce dernier a par ailleurs appelé à la poursuite de politiques coordonnées face à la crise économique. "Le degré de coopération pour les politiques macro-économiques pendant cette crise est impressionnant. Dans l'ensemble, les pays ont fait ce qu'il fallait et l'ont fait ensemble", a-t-il déclaré - AFP 15 Mai 2009


[3] - Le temps des turbulences (édition « actualisée » de The Age of Turbulence : Aventures in a New World paru en 2007 The penguin Press à New York . Hachette Pluriel . Septembre 2008 . 686 pages)


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