dimanche 31 mai 2009
samedi 30 mai 2009
vendredi 29 mai 2009
jeudi 28 mai 2009
Inquiétude & Certitudes - jeudi 28 mai 2009
Jeudi 28 Mai 2009
…. prier [1] : garde-moi mon Dieu : J’ai fait de toi mon refuge. Ce que je ne fais pas habituellement, je viens de regarder le texte proposé comme chaque jour par l’envoi de l’Evangile au quotidien : Guigues le chartreux et l’union éternelle. Vivant encore un entretien hier après-midi, en famille, avec un moine ami, il me vient tout simplement que la vie spirituelle comme profession est évidemment une vocation particulière mais qu’autant que je le sais et qu’il m’en est témoigné, elle est de plus en plus difficile à vivre à notre époque parce que l’Eglise tend, dans ses aspects hiérarchiques, à se dessécher et à faire primer les règles sur – précisément – la vie, que les vœux d’obéissance, s’ils ont été faits, risquent souvent d’être la base habituelle d’une disposition de soi par autrui qui a autorité, selon le droit canonique ou les règles de communauté, et non pas la grâce d’un accompagnement. Je sais que le dire ainsi peut choquer ceux dont toute la vie humaine se déroule dans cet empire. Mais il y a plus, pendant deux millénaires, la vie religieuse a été la fine pointe de la chrétienté, le sacerdoce, dans mon collège d’enfance et d’adolescence, était évoqué sinon proposé comme « le plus haut service », on disait même le PHS. Soit, il serait mutilant pour quelque génération et quelque civilisation que ce soit qu’il n’y ait pas des religieux répondant à une vocation pour, par consécration, essayer de vivre uniquement et exclusivement notre commune aspiration à l’union avec Dieu, dès ici-bas (je préfère dire ainsi plutôt que de rechercher la perfection qui n’est pas forcément rechercher Dieu), et l’Eglise catholique comme l’orthodoxe ne peut vivre, nous ne pouvons vivre sans les sacrements, donc sans le prêtre et les évêques l’ordonnant, mais il est possible que les rôles dans l’émulation et l’édification mutuelles s’inversent quelque temps, que les laïcs immergés dans le précaire et l’instabilité, dans la débrouille des dificultés de discernement et d’orientation, tâtonnant pour l’amour et pour le travail soient les porteurs de la vie religieuse et sacerdotale, et témoignent de la possibilité d’aimer Dieu et de lui répondre sans les structures cléricales et religieuses, puisqu’ils n’en ont pas reçu la vocation. Le témoignage de l’amour et de la sollicitude. Sans doute, le religieux sauf à tomber dans la banalité et de minuscules compensations, a-t-il vitalement besoin du soutien de Dieu et d’une certaine expérimentation de ce soutien, mais un laïc dans la vie qui est la sienne, même s’il peut s’en dispenser comme l’immense majorité des « gens », ne vit pleinement que dans la même dialectique de recherche et de ebsoin de ce soutien. Vraie gloire – au sens évangélique du terme – du religieux, du prêtre plus encore puisqu’il est plus visible personnellement (il y a forcément du collectif chez le religieux : communauté, congrégation) : il ne peut qu’être exemplaire constamment, notamment dans la relation de personne à personne, donc être exemplaire d’intelligence et de dévotion affective et amoureuse. C’est une lourde charge, elle suppose l’aide divine et l’indulgence, le discernement des laïcs, du « monde » : pas toujours acquis mais que notre époque décape, puisque le clergé n’est plus, sauf dans sa hiérarchie, le gratin d’une société ou au moins l’un de ses pouvoirs temporels, concurrent ou allié de l’Etat.
Bref… que tous, ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croit que tu m’as envoyé. Notre unité, notre amour mutuel, possibles seulement en Dieu et ayant pour fin le témoignage pour la puissance de Dieu. Je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée. Jésus ne donne que ce qu’Il reçoit, et Il donne tout, pas seulement sa vie humaine, mais sa divinité-même en nous y associant. Le monde ne t’a pas connu, mais moi je t’ai connu, et ils ont reconnu, eux aussi, que tu m’as envoyé. La clé est donc la foi en une personne et plus encore en son identité confondue avec sa mission (en ce sens, ce qui est demandé à l’homme est analogue dans le christianisme et dans l’Islam : reconnaître l’Envoyé – un de mes travaux est certainement de reprendre cette lecture paisible et chrétienne du Coran, en y cherchant les points de convergence et, bien entendu, en y trouvant un lieu et un instrument de prière, cela je le sais déjà et l’ai éprouvé, Dieu est là, là aussi). Je leur ai fait connaître ton nom et je le ferai connaître encore. Pourtant, l’expérience spirituelle, sauf celle de nos grands devanciers, Moïse et les patriarches, n’est pas la connaissance de Dieu part son Nom, elle est d’abord l’expérience du besoin de Dieu, il est vrai précédée si l’on a eu la grâce d’une foi native dès le berceau ou la très petite enfance, de l’expérience de la présence et de la venue de Dieu, nous visitant au plus intime de nous-mêmes : action de grâces de l’enfant que je fus (et crois rester) après une messe de communion. Expérience paulinienne : courage, le témoignage que tu m’as rendu à Jérusalem, il faut que tu le rendes aussi à Rome. Les géants qui nous ont devancés et nous guident encore, étaient pas à pas menés par Dieu : Paul du chemin le menant à Damas jusqu’à la décapitation après procès à Rome. C’est à cause de notre espérance en la résurrection des morts que je passe en jugement. Astuce inspirée de Paul divisant ses détracteurs, mais réalité fondamentale et juste expression de notre aspiration à tous.
matin
Julien Coupat libéré, le personnage est énigmatique moins par ses propos genre Action directe, quoiqu’il n’ait pas quarante ans, que par l’interrogation qu’il suscite : sans doute pas coupable des sabotages, mais alors pourquoi a-t-il été arrêté ? que craint-on ? ou quel autre vrai coupable n’arrive-t-on pas à trouver ? des cheminots ? des quidam ?
L’union des femmes, extraits des discours, commentaires. La réunion publique hier à Rezé des socialistes : Ségolène Royal et Martine Aubry. Réconciliation ou rivalité sans sens : la première sera candidate avec ou sans l’investiture, la seconde cèdera devant Dominique Strauss-Kahn. Mais comment se distinguer de Nicolas Sarkozy si l’on est hostile, comme lui, à l’adhésion de la Turquie, et si l’on omet le point essentiel, pourtant relevé par 75% des Français, paraît-il, que la campagne est totalement factice puisque la vraie, celle souhaitée par les peuples européens devrait porter par referendum sur le traité de Lisbonne. Toujours pas en vigueur puisque les Irlandais ne « revotent » sur ordre qu’en Octobre. L’espoir – ou la lâcheté des gouvernants dans 26 des 27 Etats membres – réside dans la déconfiture du parti « noniste » à Dublin, Libertas, conduit par Declan Ganley, vulnérable pour son élection personnelle au prochain Parlement.
Le président de la République recentre la campagne, les problèmes de sécurité, la violence à l’école. Quelle campagne ?
J’apprends incidemment que l’ambassade de France au Kazakhstan (je l’avais ouverte, mais à Almaty alors la capitale, en Juin 1992 pour la diriger jusqu’à mon rappel inopiné à compter de Février 1995) on s’inquiète d’une stèle – politiquement incorrecte – que j’ai financée en compagnie de l’attaché de Défense pour honorer la mémoire des « Malgré nous », morts en camp de concentration soviétique dans les goulags au sud de Karaganda. J’avais instruction d’honorer les lieux de mémoire français et il m’a semblé que nos compatriotes, certainement de bonne foi et/ou certainement forcés avec menaces sur leurs familles, devaient être quelques instants revêtus d’un drapeau, le nôtre, qui était aussi le leur. J’avais alors dit, dans le vent de la steppe, que la France n’oublie pas ceux qui sont morts si loin d’elle, jeu de mots attristés car ces destins ont été pathétiques. Les honorer quand même gênerait donc les bureaux quinze ans après, surtout si se maintient une visite là-bas, et non loin puisqu’Astana, l’ancienne Sélinograd, capitale des « terres vierges », c’est-à-dire du goulag, est devenu la capitale. Gage donné par Nursultan Nazarbaev, au pouvoir depuis 1986, aux Russes. – Dans pas trop longtemps, je compte écrire et publier le compte-rendu de ce qu’était en 1992 Ouvrir une ambassade dans l’ex-Union soviétique, soit ma mission au Kazakhstan. Le pays n’était pas rien : Sémipalatinsk (où fut exilé et écrivit Dostoïewski) centre des essais nucléaires de l’URSS avec Sakharov, et Baïkonour, d’où furent lancés les Spoutnik, les Soyouz et Youri Gagarine. Je pensais qu’il fallait – pour la France, pour l’Union européenne – mettre le pied dans la porte : enjeu la démocratie, la non-reconsitution territoriale et stratégique de l’Union soviétique sous une autre appellation. C’était possible. Avec pusillanimité, on se cramponnait à d’autres aires géographiques et l’on manqua complètement de traiter le problème yougoslave.
après-midi
Finie « la dictature des bons sentiments », le président régnant annonce la fouille à l’école mais aussi les opérations « coup de poing », la traque dans les quartiers, les caves, les cages d’escalier. Cela rappelle – moins la couleur des uniformes, le charisme du chef qui remplissait les stades et ne s’y faisait pas siffler, l’objet de la chasse – la belle époque du IIIème Reich. Cela fait écho au dire de Poutine : les Tchétchènes, j’irai les chercher jusques dans les chiottes. – Bien évidemment, cette rodomontade casquée qui avait fait l’image du ministre-candidat, mais que Nicolas Sarkozy avait tenté d’atténuer dans son Témoignage, ce n’était – le karcher, la racaille – que des reprises d’un dialogue avec une femme à un balcon l’interpellant pendant sa prestation banlieusarde, n’aura aucun effet au contraire. Des occasions de plus de castagne, de bavures et d’émeutes jusques dans les bahuts, peut-être. Bravo !
Nortel licencie plus de cinq cent personne. Lacroix en faillite. Chanel publiait l’être il y a un mois ou deux. Une simple chronologie alimentée quotidiennement par la presse écrite ou une radio comme France Infos. aurait une dizaine de lignes chaque jour. Les sinistres qui annoncent la reprise pour l’automne la prévoient dans un cimetière ? ou seulement au bilan des banques, débarrassées de leurs produits toxiques c’est-à-dire de Nortel, de Lacroix et de Chanel par exemple ! A Delphes, la grecque au-dessus de la mer des oliviers puis de celle de Corinthe, des ruines : théâtres, temples, maisons, mais pas de ruines de banques !
Rue89 [4] sort un article sur Total et Rachida Dati, qui y a travaillé un temps, l’AFP [5]laisse pressentir que la garde des Sceaux organise déjà son « après Strasbourg » et donne son association ou son site, depuis son siège de maire du VIIème arrondissement. L’arrivisme couronné, Balzac actualisé.
[1] - Actes des Apôtres XXII 30 à XXIII 6 à 11 ; psaume XVI ; évangile selon saint Jean XVII 20 à 26
[2] - AFP 28 Mai 2009 . 15 h 49
[3] - Rue89 25 Janvier 2009 . Julien Martin
[4] - 26 Mai 2009 . rubrique « confidentiels » non signé
[5] - 27 Mai 2009 . 10 h 44
mercredi 27 mai 2009
Inquiétude & Certitudes - mercredi 27 mai 2009
Mais avant… prier [1] : garde mes disciples dans la fidélité à ton nom… quand j’étais avec eux, je les gardais dans la fidélité à ton nom que tu m’as donné. Le nom et Dieu, qu’est-ce que cette fidélité ? Jésus ne développe pas. Comme presque toujours, l’attention est portée sur la relation et non sur l’objet. L’essentiel est que nous sommes gardés dans cette fidélité, gardés par Jésus incarné et intervenant par ses sacrements, la révélation, l’enseignement que nous recevons, gardés par le Père saint lui-même. Je leur ai fait don de ta parole. … Consace-les par la vérité : ta parole est vérité. … Je me consacre moi-même,afin qu’ils soient, eux aussi, consacrés par la vérité. Consacrés ? réservés, dédiés, protégés encore ? l’essentiel est que cela se produit, se fait par l’initiative du Christ et selon lui, nous sommes entrainés dans sa destinée, pris dans sa nature, appelés à sa divinité et à ce partage, cette communion en Lui et avec le Père saint. A quoi s’ajoute comme un enveloppement, la hantise du Christ de notre unité, entre nous, pour en fait donner le témoignage de son corps mystique, du corps mystique, un pressentiment, un signe de l’aboutissement et de la vie éternelle. Paul développe : des loups féroces s’introduiront chez vous quand je ne serai plus là. … des discours mensongers pour entraîner les disciples à leur suite. Tous les ferments de division et surtout d’une dissipation de la vérité. Je reste – dans la prière dont aujourd’hui j’ai tant besoin : ma fratrie, celui que nous allons visiter cet après-midi, les vies retenues, les vies données – je reste dans la première méditation, nous sommes gardés : j’ai veillé sur eux.
1° le Parlement européen constituant
2° réformes simplissimes mais décisives. Un président élu au suffrage direct par tous les citoyens de l’Union. Prérogative de ce président d’en appeler au referendum dans les matières déléguées à l’Union par les Etats-membres selon les traités.
Mauritanie… on replanche à Dakar sous l’égide d’Abdoulaye Wade demain : plus de chandelles (le groupe de contact international, les quatre médiateurs ou facilitateurs) que de convives vrais. Papier ayant circulé il y a une dizaine de jours à Nouakchott. On reculerait de quelques semaines le scrutin présidentiel, le président élu le 25 Mars 2007 signerait le décret nommant un gouvernement d’union où il n’aurait aucune part, et démissionnerait aussitôt, tous ceux qui veulent se présenter iraient à l’élection et Abdel Aziz l’emporterait naturellement. L’ambiance chez certains de la médiation ou en dehors, à faire avaliser, sans trop de peine, pense-t-on, serait de faire porter la responsabilité de l’échec de ladite médiation aux deux partis résolument hostiles à l’élection du putschiste. L’échec consistant à n’avoir pas obtenu que ces deux partis (pourtant en désaccord sur le rôle à donner ou à refuser à l’élu de 2007) entérinent le projet plébiscitaire.
Je me « bats » comme je peux – pour le moment, par courriel – pour éviter ce désastre. Perte de toute crédibilité des procédures euro-africaines de Cotonou. Inefficacité du couplage Union africaine-Union europé enne. Aval du fait accompli en tant que tel. Entrée d’un pays névralgique, le Sahara occidental, dans l’imprévisibilité : quand le coup militaire renversant le putschiste ? quelles modalités ensuite pour revenir à un ordre constitutionnel avec trois présidents mandatés par le suffrage universel, dont le caractère factice sera ainsi consacré ! celui élu en 2003, celui élu en 2007, celui qui va être élu en 2009, chacun des mandats restant à courir ou commençant de courir au lendemain du plébiscite.
mardi 26 mai 2009
Michel Jobert + 26 Mai 2002 - un "septennat" après
Un « septennat » après…
Michel Jobert m’est apparu comme aux Français, une première fois, au balcon de l’Elysée, le 8 Août 1969. Lire la liste des membres du gouvernement revient au secrétaire général de la présidence de la République : j’avais, à la télévision, regardé la sobre cérémonie d’investiture de Georges Pompidou, mais sans doute pas la suite, dont je ne me souviens pas. Ce qui me marque à l’époque c’est le premier fait, incontestable, éloignant les successeurs du général de Gaulle, à commencer par le premier et le plus important d’entre eux, Georges Pompidou, du legs gaullien : la dévaluation donc. Il se trouve que le communiqué est donné par Michel Jobert, avec solennité, sur le perron du palais. Georges Pompidou n’est pas à Paris, vacances à Brégançon, je crois, les premières puisque le fort venait d’être rapproprié. Pour moi, c’est une trahison et le ecrétaire général un sbire sans intérêt. Les « journaux » diront ensuite son rôle dans la négociation franco-britannique ouvrant les portes de la Communauté européenne à l’Angleterre ; seconde trahison ; je fais campagne pour le non au referendum de la saint-Georges. Donc, le peu qui soit public – ou simplement notoire – des positions de Michel Jobert le place vraiment loin des convictions que le départ du général de Gaulle a ancré en moi.
Paradoxe, sa nomination comme ministre des Affaires étrangères me donne aussitôt la certitude qu’il ne sera pas « la voix de son maître ». Je le lui écris et il me répond par retour. Mon raisonnement, c’est un homme, il ne sera pas le décalque et s’il ne l’est pas, que peut-il être ? sinon celui qui nous fait revenir à la politique étrangère du général de Gaulle (et de mon cher Maurice Couve de Murville, lui et celui-ci ne s’aimeront pas et n’avaient pas dû s’aimer avant, en tout cas certainement pas dans la dernière année du Général). Je n’avais aucun raison de faire ce syllogisme, je l’ai fait aussitôt. C’était donc en Mars 1973. Trente six ans après, je comprends que je fus prophète, au moins in petto et pour celui à qui je l’écrivis, et qui dût – donc – s’y reconnaître. Voire y trouver son chemin ?
Second paradoxe, Michel Jobert n’opéra ce retour aux postures sinon aux résultats de la diplomatie gaullienne, que sur ordre exprès de Georges Pompidou. Ce ne fut pas dit du vivant du successeur de de Gaulle, que je considérais comme un usurpateur et un infidèle, jusqu’à ce que Michel Jobert rendit, pour quelque temps, à la France une voix, un ton, et une liberté d’analyse rappelant quelque chose ou quelqu’un, ce fut précisément le ministre qui me l’affirma, fortement. Le véritable orgueil peut être de servir. C’était le cas, il est vrai que le talent de Michel Jobert – talent d’analyse et d’exposé extraordinairement simple et bref – plus qu’il ne sortait de l’ordinaire, avait été imprévisible dans l’ambiance louis-philipparde qui avait caractérisé jusqu’à lui les propos présidentiels et gouvernementaux.
à continuer d'ici peu - merci de votre patience et de votre lecture
écrit il y a sept ans
12 Avril 1924 + 25 Mai 2002
Une énergie française
. . . et la lassitude, vous savez ce que c’est ?
L’énergie-même, Henry Kissinger avait en ouverture de ses mémoires rapporté le mot du Général de Gaulle à Richard Nixon venu à Paris en Février 1969 : que d’énergie dans ce petit corps. Proche d’être défait de la confiance des Français au referendum d’Avril, de Gaulle sut-il que Michel Jobert serait, quelques mois durant, le seul politique, après lui, à renouer avec ce culot, qui est français au possible ? En quoi, l’enfant de Meknès et de Volubilis incarnait d’intelligence et de propos incompris par l’ « occidental » moyen, tout ce que la nation arabe cherche à faire ressentir aux Européens. Il avait eu – ce qui sauva tout et remit la France dans la ligne gaullienne de 1967, et même plus chaleureusement encore – le mot indiscutable : est-ce commettre une agression que de vouloir rentrer chez soi. Ce que dit en Octobre 1973 le ministre français des Affaires Etrangères, refusant ensuite que les Européens, et à leur défaut, nous seuls, avalisent la stratégie américaine dans la nouvelle donne pétrolière, vaut plus encore aujourd’hui.
Une fois mort, tout le monde en est d’accord chez les « spécialistes », mais surtout chez les gens… et il y a tous nos compatriotes ou cohabitants d’outre-Méditerranée ; la France perd un de ses géants. Mais en quoi Michel Jobert était-il remarquable ? Pas vraiment diplomate au sens reçu du terme, quoiqu’il ait marqué notoirement la considération qu’il avait pour nos Ambassadeurs en en recevant, tête-à-tête, le plus grand nombre pendant les treize mois de sa « gouvernance » au Quai d’Orsay. Ce qui ne se fait évidemment plus, puisque les carrières ne se font qu’aux ordres et que la précarité règne. Justement, Michel Jobert professait que l’Etat n’a pas de solidité par lui-même mais selon le comportement de ceux qui l’animent, l’incarnent. Si, en Mai 1968, Matignon et partant l’Etat, furent maintenus, alors que le Général était débordé, que Georges Pompidou, à la merci d’une censure sans Président de la République pour dissoudre, s’organisait pour la succession, ce fut grâce au directeur du cabinet du Premier Ministre. Comme à Fort-Alamo, il resta, de sang-froid, capable de maintenir l’illusion que tous les créneaux étaient garnis. Ce fut une grandeur dont il avait déjà fait la démonstration à Dakar quand disparaissaient tous les repères de la colonisation et que n’apparaissait pas encore l’auto-détermination de 1958-1962.
Michel Jobert avait la pudeur des solitaires, la puissance des lucides et exigeant intensément de lui-même, il fascinait parce qu’il mettait son visiteur, son interlocuteur, le journaliste, l’ami, tout le monde d’un instant à l’autre ou à longueur de vie et d’attente, de plain-pied. Il faisait entrer son vis-à-vis dans la vérité de l’existence humaine : n’être ni pusillanime, ni racorni, ni naïf ni cynique. Il imposait d’être cohérent et efficace, il exigeait qu’on soit responsable de ce qu’on était censé être, de ce que l’on avait promis, de ce que l’on ambitionnait. En tête-à-tête, il sut le faire comprendre à Georges Pompidou, notamment dans la courte traversée du désert que dut vivre, sans certitude alors, l’ancien Premier Ministre, attaqué sous prétexte de l’assassinat de Markovitch.
Le Mouvement des Démocrates ne cherchait pas le succès électoral en soi. Pas davantage intéressée ni personnelle, la candidature présidentielle que le ministre des Affaires Etrangères au faîte des sondages au printemps de 1974 médita dès lors, quitte à refuser – précisément pour l’intégrité du parcours à venir – la présidence du « parti gaulliste », moribond puisque le pouvoir lui avait échappé, d’ici à ce que Jacques Chirac lui promette de le récupérer. Mouvement et candidature putative prétendaient seulement que les Français, en eux-mêmes et d’eux-mêmes, se réapprennent.
Qu’est-ce qui faisait à Michel Jobert parcourir la France et dédicacer les Mémoires d’avenir ? puis L’autre regard, sinon, très précisément, une exigence intime, acharnée, pleine d’humour car l’être humain est toujours loin de ce qu’il devrait être, et cette exigence était qu’on soit grand – tous grands – par soi-même, par hauteur morale, par indépendance d’esprit, par vivacité de comportement.
Quoique sans illusion, le plus structuré des hommes, le plus convaincu, même si apparemment la foi ne lui était pas religieuse, peut-être parce que les clergés l’agaçaient, le plus averti des lenteurs du temps et des méfiances françaises gouvernant toutes nos politiques, Michel Jobert s’étonnait pourtant que ce soit, continûment, la médiocrité qui gagne. Alors, parfois, alors ces semaines-ci, oui… la lassitude.
In mémoriam +
Bertrand Fessard de Foucault – mardi 28 Mai 2002
Une énergie française
Paris, mercredi 29 Mai 2002 – extrait de journal intime
. . . hôpital européen Georges Pompidou, chambre mortuaire, midi presque. + J’écris paisisblement en présence de celui qui m’a honoré pendant vingt-neuf ans de sa confiance, de son amitié et de son estime. Mon ami est là, lui et moi nous sommes en présence de Dieu et en attente de la réunion et de l’union de tous, qui est déjà effective, assurée mais que nous ne savons pas encore vivre ni ressentir, ni même pressentir. Joie et tristesse de notre finitude, communion de tous dans la finitude humaine, contagion possible de l’espérance.- Lundi matin, le drap ras de cou, l’œil, l’arcade sourcillère tuméfiée, écarlate ; je l’ai photographié de portrait seulement du profil droit. Aujourd’hui, le buste est dégagé, sa petite veste noire sans doute de laine, sa cravate épaisse de tricot noir. Il est malheureusement mal peigné, ce qui n’était pas son habitude. Je suis tranquille avec lui, seul ; il m’aurait certainement laissé, lui dans ses instances, à cet écritoire pour que j’expédie quelque chose dont nous aurions convenu. Il sut et accepta chacune de mes attitudes ou chacun de mes conseils. C’était un des hommes – rarissimes – avec lesquels le silence ne pesait car il continuait et chargeait le dialogue. Seule exception, notre dernière fois, en Décembre où près d’une heure je fis les questions et les réponses jusqu’à ce qu’à l’évocation de Georges BORIS, il s’anima et s’engagea. Il n’interrompait pas, il écoûtait, il avait une voix chaude, ne montant presque jamais à l’aigu même quand il y avait réponse à l’emporte-pièce, observation acérée, morigénation d’un vis-à-vis, d’une collaboratrice. Chacun – autour de lui - était bénévole, déférent, plus que respectueux et admiratif, qu’il soit au pouvoir – ce fut toujours bref, précaire, attristé mais ingénieux et en pleine conscience d’une responsabilité à exercer vraiment – ou qu’il n’y soit plus, ce qui dura longtemps, très longtemps sans que sa curiosité pour les hommes, et les femmes, pour les anecdotes ou propos qui les peignent, diminue jamais. Il était vif et sec avec la plupart sinon tous, mais jamais avec mépris, commisération ; d’une certaine manière, il jugeait à quel point l’on pouvait s’être laissé aller aux mauvaises ou paresseuses pentes de la nature humaine, ou au contraire comment avec ténacité, intelligence, lucidité sur soi et le monde, on y avait résisté. Je ne pourrais dire qu’il ait eu un thème ou un mot à la bouche, ressassé et pouvant servir d’épitaphe. S’il doit y en avoir une, et ce sera le titre du livre que j’ai envie et amour d’écrire en sa compagnie mentale, et sous son inspiration spirituelle – en tenant également compte de ses conseils répétés, permanents d’avoir à écrire simple, à corriger, raturer, sujet-verbe-complément – je dirai : l’énergie. C’est pourquoi la mort lui va si mal, et en même temps est tellement acceptable à son propos et pour lui. Il dépassait la nature humaine, la vainquait sans être dupe de sa force et de sa résistance en nous, il la vainquait pas du tout par une volonté de vivre, de se surpasser, de dominer qui ou quoi que ce soit, mais par devoir d’homme. Il n’avait pas la foi habituelle à ceux qui pratiquent une religion, il n’était pas non plus inquiet des fins dernières ou d’un sens que seuls une pratique religieuse, une relation à Dieu, un principe métaphysique apporteraient ; il prenait beaucoup, sinon tout, comme la réalité avec laquelle il faut faire, sans rien abdiquer, mais le premier pas dans le mérite que nous devons acquérir à nos propres yeux plus encore qu’aux yeux d’autrui, et a fortiori de la renommée, était sans doute d’être digne, droit, pas dupe, pas cynqiue, jamais blasé mais toujours averti. L’expérience le confirmait mais ne l’attristait pas. L’humour habillait son visage à partir des lèvres et du menton, la lumière entourait la bouche, arrondissait des commissaires faisant cercles concentriques comme sur un miroir d’eau. Il avait aimé les Eaux et Forêts, dont l’Office est généralement le complément d’émoluments pour le secrétaire général de l’Elysée. Il avait parfois une silhouette française, sans âge, marquée d’aucune génération, quand il se trouvait debout à converser avec beaucoup, une silhouette d’homme de sympathie et d’attention. Dans le tête-à-tête auquel il se prêtait, il avait la phrase parfois acérée. Il me vient de rapporter son mode de jugement sur les gens, et surtout les personnalités, à ce mot caractéristique de saint Benoît et d’une vie en société : hoc sit quod dicitur ! qu’il soit qui il dit être, ce qu’il dit être. Je l’ai souvent dit et écrit, il renvoyait à nous-smêms, il nous adjurait d’être digne de nous et d’être homme, femme, debout, vivant.
En somme, c’était une personne bien avant d’être un personnage quoique physiquement, intellectuellement, moralement, politiquement il prêta tout à un portrait et à des récits hors normes. Un homme d’esprit, un homme d’humanité, un homme par lui-même imposant le respect comme base de la relation mutuelle, mettant les choses à leur place vraie, le raapport de soi avec soi et le rapport de soi avec la réalité, tout le reste devait s’en déduire. Il n’était donc étonné de rien, ni des événements, ni des trahisons, ni des dévouements, il n’en oubliat cependant aucun, manifestait très peu ou pas du tout, faisait tout ressentir, parlait et s’exprimait autant par son silence que par son dire. On parlait – je parlais avec lui, sans introduction ni conclusion, le matériel, la finance étaient de l’ordre du pratique qu’il fallait assurer avec soin, toute délégation imposait suivi, contrôle, une responsabiloté donné ou acceptée devait être assumée, et surtout devait donner lieu à des soins et à un comportement dans tout le champ, dans l’exhaustivité du champ qu’elle embrassait, et même dans ce qui en dérivait ou la caractérisait.
Il est – gisant ici – peu ressemblant. D’abord parce que jamais je ne l’ai vu paupières fermées, parce que toujours il y avait son regard. Il était regard bien plus que dire. C’était un regard chaleureux, velouté, attentif, apte à se poser sans peser ; un regard qui ne gênait pas, qui ne fixait pas, qui ne fuyait pas, qui n’allait pas au-delà du moment ou de l’interlocuteur, pas non plus à s’arrêter à d’autres objets que celui du moment. Ce regard était brun exactement du ton de ses cheveux, mais bienplus doux. Dans la vie, il avait une chevelure sobre, peignée en sorte de couvrir le dénuement du front et du haut du crâne, mais ce n’était pas camouflage. Tel qu’il était, il était bien ; il avait un physique qui lui allait bien et qui signifiait, fortement et évidemment, on existe, on vit, on avance avec ce que l’on est, tel que l’on est, voilà, me voici, vous voilà. Venez disait-il pendant le temps – presque jusqu’à ces années-ci – où il avait la disposition entière de ses bureaux. On arrivait aussitôt de plain pied dans la salle ouvrant entière sur la Seine et son « front », trois tables étaient parallèles aux baies et au balcon, il était généralement à l’une d’elles, à considérer le courrier plus qu’à l’étudier, les livres et dossiers faisaient parfois piles nombreuses, sinon désordre. Il était assis comme ceux de l’équipe qui étaient là, Denise le plus souvent et en quasi-permanence, Marthe M. aux débuts et parfois ensuite que j’ai vue blanchir de chevelure totalement, bonne et au regard amusé et tendre. Denise était et était voulue très professionnelle, dans ce rôle qui l’encastrait, l’épuisait, elle ne perdait jamais une patience que son bénévolat, à sa retraite et que l’alacrité du ministre, puis de l’ancien ministre ont rendu de tous temps très méritoire. J’aimais ces deux présences, mais ne pouvais ni vraiment les saluer ni m’attarder auprès d’elles, d’un bref et calme : venez ! il nous entrainait dans sa petite pièce qu’un couloir arrivait en parallèle au mouvement de la salle à l’entrée, desservait depuis le dos de Denise, on passait cependant directement aussi, on s’asseyait vis-à-vis, on racontait soi pour commencer et le vif du sujet était le présent, sans projets et avec peu de mémoire. Mais le moment présent appelait tout et était riche davantage d’évocation ou de convocation de personnes vivantes ou mortes, que d’anecdote ou de considérations. Il était le contraire d’un abstrait, mais ce n’était pas non plus un entomologue, ni un dessinateur ; il disait ce dont il était sûr, même quand cela pouvait paraître à qui l’écoûtait ou lui parlait, injuste ou peu fondée.
Ce qui fut toujours juste chez lui en paroles autant qu’en actes, c’était la réaction. Pour spontanée qu’elle fut, sa réaction venait des entrailles et du cœur et cela formait une immédiate réponse, une totale réponse à une situation, à un fait. Cette réaction était donné d’un geste, d’une phrase, avec – donc – une complète parcimonie de moyens. Sans du tout cultiver l’attitude, le théâtre ou la manie des œuvres complètes ou du mot qui sera retenu par quelque grand nombre, il était alors d’une telle cohérence, d’un tel bon sens, d’une telle simplicité, que cette authenticité-là gravait tout. Elle fit merveille quand il eût la charge des Affaires Etrangères, du moins cela se voyait-il, et curieusement cela s’était pressenti. Je ne fus sans doute ni le tout premier ni le seul à comprendre qu’en quelques jours une personnalité décisive émergeait, était portée par une nomination importante mais pas exceptionnelle en politique, et allait illustrer d’une manière aussi surprenante qu’exacte et adéquate tout ce qu’il fallait que nous fussions à l’époque et dans les circonstances qui apparemment nous dominaient. J’écris : nous, parce que comme nous, il considérait la France comme un bien propre et proche, ne valant que par ce que nous vaudrions, saurions valoir et lui apporterions. Nous, les Français, ses contemporains, nous, ceux qui l’admirions et le suivions, le soutenions sous des formes et selon des rôles et des étiquettes divers, mais avions en commun la France et lui, et c’était fort libre d’adhésion, de convictions plus analogues que communes. Il commença de nous plaire parce qu’imprévisiblement c’était lui, ce fut lui qui réincarna la France et une grande politique, donc une politique étrangère, à un moment où déjà – seulement quatre ans après le départ du Général – on pouvait désespérer, nous désespérions qu’il se trouva plus jamais quelqu’un qui assuma, comprit ce rôle et le redonne, le fasse vivre sans annoncer que ce serait ceci ou cela, pour qu’on le sut à l’avance. Il ne se para d’aucun habit, ne donna aucune référence et fut d’un coup manifeste ; on reconnut ce qu’il faisait et il en devint en quelques semaines grand, décisif, et d’une certaine manière définitif. Encore aujourd’hui sur son lit d’emprunt, plus un brancart qu’autre chose. Pourquoi ? parce qu’il démontra qu’exister n’est pas affaire de moyen, pas non plus d’affichage d’une prétention ou d’une volonté, mais consiste entièrement à ne se laisser ni dédaigner, ni contourner, ni exclure, ni manœuvrer, quitte à être un temps isolé. Parce qu’il disait ainsi que n’importe qui d’un peu conséquent et réfléchi ferait aussi bien sinon mieux que le Général en son temps, pourvu que ce fut sans aucune arrière-pensée et uniquement en proférant des vérités, la vérité. Cela suppose du coup d’œil et de la patte, mais la portance autant du peuple, puis des peuples que des événements presque toujours vite dociles à l’appel de qui a su les analyser et les enfourcher, au lieu de s’en laisser abandonner, est telle qu’énergie, imagination arrivent vite, et submergent ce qui au début était encore un peu flou, imparfait et méritait quelques redites ou retouches. La leçon qui fut historique, il continua ensuite de la donner en particulier à ceux qui lui demandaient un conseil qu’il refusait, pour en retour leur administrer que tout est possible pourvu qu’on y fasse attention, vraiment, sincèrement, pratiquement.
Ecrivant ainsi, je n’écris pas ici, je vis nos dialogues qui se répétèrent d’Avril 1974 à Décembre 2001.Mais nous sommes – maintenant – ici. J’ai souvent pensé qu’une biographie de lui serait impossible à rédiger, en tout cas qu’elle serait superfétatoire, tant il a lui-même écrit son interprétation des événements parmi lesquels il vécut ou qu’il avait marqués. Il ne disait jamais ni son rôle ni ce qu’il avait voulu que fût ce rôle ni, non plus ce qu’il s’était passé. Il ne faisait pas preuve ni d’auto-biographe ni d’historien, il ne prétendait pas non plus écrire une œuvrer. Fut-il le premier surpris ? du succès considérable de son premier livre ? Mémoires d’avenir, surpris de savoir aussi bien composer et écrire, et que ce fût si immédiatement salué par les lecteurs, par l’opinion, par la critique. Cela surprit qu’il sût… aussi écrire et publier. Je m’en réjouis aussitôt et dès le second ouvrage, je sus que j’allais avoir une forme de compagnonnage de plus avec cet homme que je considérai désormais comme une vraie chance pour mon pays et dans ma vie. Qu’il entendît s’engager en politique, y faire recette, tout l’y avait poussé dès que les premières semaines au Quai le montrèrent hors du commun, passionnant et pas seulement insolite, prévisible pour l’extraordinaire qu’était ce retour à des sources et à une pratique abandonnées depuis un temps qui alors paraissait très long. Surtout qu’il le faisait tellement à sa manière et qu’il était donc inimitable.Donc, il ferait de la politique, ou pluôt il existerait politiquement et dans un but précis, maintenir, continuer, entreprendre, durer, être contagieux. Par quels moyens ? Je lui proposais et délibérai avec lui plus des thèmes qu’une tactique, une stratégie, des alliances ; je pensais et, maintenant que je suis peu éloigné des années où un homme peut se souvenir mais plus tellement se remuer et remuer, je continue de openser que les thèmes apportent les opportunités et appellent les moyens, et bien plus : les concours. Se tromper sur les moyens et les voies, personne et pas l’Histoire n’en tiennent rigueur – d’ailleurs, là-dessus aussi, il se trompa peu – mais c’est sur les thèmes, c’est-à-dire sur le fond, qu’il ne faut pas broncher ni se montrer défaillant. Sa cause était bonne, excellente, urgente et manquait de champion, tant les politiques de l’époque étaient précautionneux et les clivages droite-gauche revenus défendaient d’imaginer. Il y a deux formes de routine, celle par facilité, celle par volonté. Aucune des deux n’est féconde, elles animent la vie d’un peuple par distraction et laissent toute la suite aux surprises, ainsi celle du 21 Avril dernier, quand la vérité, sortant soudain toute nue du puits où on l’avait jetée depuis si longtemps et sur laquelle on rajoutait encore tous les déblais du rappel assidu et net des circonstances recommandant, précisément, la vérité. Très différemment du Général et de son grand ministre, et d’abord parce qu’il était seul et que son chef était mourant et que ce chef, d’ailleurs, il en connaissait autant les petitesses que des grandeurs alors censément vertus de courage et de prudence, Michel JOBERT sut tout dire et tout être, de la cause de notre indépendance à celle de l’Europe pour faire retour chez nous et en nous, et appeler, donc, à la démocratie, celle du ras des paquerettes, bien avant presque tous.
De quoi mourait-il ces derniers temps ? de lassitude, a-t-il répondu à Pierre PLANCHER. La lassitude, vous savez ce que c’est ? Elle est, je crois, un mélange de satisfaction de la tâche accomplie, de conscience de ne pouvoir faire ni être davantage, et d’une intense fatigue de rencontrer alors le vide. Je ne crois pas du tout qu’il mourait de frustration, de déception et d’une carrière qui n’avait été que fugitive, s’était éloignée de lui ; il n’eût pas voulu la refaire, encore moins autrement, pour un empire. Si je me suis reconnu en lui, c’est bien parce qu’il ne réfléchissait et ne se comportait jamais en homme qui veut obtenir quelque chose, mais toujours en homme qui voudrait que ce soit beau, grand, digne, pas imbécile, pas insuffisant. Qu’était ce « ce » sinon tout : les relations humaines, la vie de notre pays, l’organisation du monde, la littérature, autrui, les autres, soi. Sa lassitude était en fait une forme de bonheur d’avoir à rendre les armes, à accrocher les gants au vestiaire, sa lasssitude d’avoir avec une telle continuité, une telle cohérence, une telle persévérance vécu constamment la même chose, sous le même drapeau, dans un même univers, celui de la France et du monde contemporains, celui de Paris dont l’Afrique et le Maghreb jamais n’étaient loin. Lassitude de ne pouvoir tout dire et d’avoir tout dit, tout dit et écrit de ce qui peut s’écrire dans l’impossibilité et l’indignité de se plaindre, de se dire soi-même. Farouchement indépendant, conscient de soi au-delà de tout orgueil, de toute vanité, très au-dessus de tout sentiment d’estime ou de mésestime de soi, naturel et simple, se proclamant simple, non complexe, pas du tout tortueux et étant en effet l’accessibilité-même à qui s’en donnait un tant soit peu la peine, Michel JOBERT n’avait ni référence, ni modèle. Il avait des amis, il n’imitait personne, il ne faisait pas de disciple, il exigeait qu’on soit limpide, précis, net, pas pesant, pas dépendant, pas triste pour ce qui ne vaut ni larme ni réflexion. Il ne se plaignait pas, sinon de n’être obéi, servi dans les choses minuscules de la bureautique, aussitôt qu’il en avait la nécessité ; il souhaitait qu’en retour on ne se plaignît pas non plus. L’exaltation était son contraire, sa joie, ses joies, la venue du succès, je n’en fus pas le témoin. Je suppose qu’il restait d’apparence sceptique et amère, parce qu’il savait, vivait et enseignait la précarité de presque tout, sauf de la valeur d’un acte humain. 13 heures 40 +
Inquiétude & Certitudes - mardi 26 mai 2009
Mardi 26 Mai 2009
Prier… la vie éternelle, c’est de te connaître, toi, le seul Dieu, le vrai Dieu. Et Jean ajoute : et de connaître celui que tu as envoyé. Echo de la Genèse et définition rétrospective, tardive mais conclusive de l’erreur, dramatique, au sens qu’elle engendra tout, et combien nous la répétons nous-mêmes dans nos vies, l’erreur de vouloir la connaissance, mais une connaissance autre que celle de Dieu, une connaissance de la vie pour elle-même et sans référence, un discernement du bien et du mal (on dirait aujourd’hui des valeurs dont le ressassement – commencé sous JOSPIN en 1997 de part et d’autre de la frontière droite/gauche –coincide avec une absence totale de définitions, de contenus et de chemins pour aller à quelque chose, à quelque état, à quelque perfectionnement par ces définitions et ces contenus…). De connaissance que Dieu et qu’en Lui, ce qui n’est nullement du fixisme, mais au contraire la totalité de nos capacités lancée à la conquête de l’univers, suivant le commandement de la Genèse. Commandement qui avait précédé l’initiative du péché. La vie éternelle, pas de question à se poser sur ce qu’elle est et sur notre accès personnelle et avec toute la création : elle est connaissance. L’éternité de Dieu, parce qu’Il se connaît fondamentalement, sans doute (questionnement théologique) parce qu’il est Trinité. Donne-moi la gloire que j’avais auprès de toi avant le commencement du monde. La gloire, état et identité, conséquence de la vie éternelle. En vie éternelle, nous sommes en gloire. Cf. la Transfiguration au Mont Thabor. Début de notre participation à la vie divine, à l’éternité : j’ai fait connaître ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. La création, don mutuel, et la connaissance du simple nom de Dieu (le buisson ardent où Dieu donne son nom…) est déjà une introduction à la connaissance et donc à la vie éternelle. Ils sont à toi… je viens vers toi… Langage à deux degrés, le Verbe incarné par qui tout a été fait, mais aussi le crucifié du lendemain de ces paroles. Début des Apôtres sur le chemin de cette connaissance : ils ont vraiment reconnu que je suis venu d’auprès de toi, et ils ont cru que c’est toi qui m’as envoyé. Jean expose la totalité – en termes humains – du mystère, mais il s’y prend d’une manière qu’il faut qualifier de divine avec guillemets : non, pas un exposé de son propre fonds, une synthèse de sa compréhension, non pas un discours comme ceux rapportés par saint Matthieu ou mis dans la bouche du maître. C’est une prière. Jésus récapitule et répète le lien à son Père. La référence est le Père et non lui-même, mais c’est par lui que nous passons à sa suite vers la vie éternelle. Paul, à sa mesure, c’est-à-dire à la nôtre, fait les mêmes adieux et le même bilan : vous ne reverrez plus mon visage…on ne peut pas me reprocher de vous avoir menés à votre perte. Une vie chrétienne, au moment de sa fin, qu’avons-nous fait de nous-mêmes, nous sommes-nous laissés aller à notre perte ? qui le sait, qui peut le dire ? [1]
[1] - Actes des Apôtres XX 17 à 27 ; psaume XLVIII ; évangile selon saint Jean XVII 1 à 11
lundi 25 mai 2009
Inquiétude & Certitudes - lundi 25 mai 2009
dimanche 24 mai 2009
samedi 23 mai 2009
journal d'il y a vingt-huit ans - samedi 23 mai 1981
Après une nuit sans conseil, ni rêve, je me lève : de la cendre dans la bouche. L’affaire de Pontarlier où j’ai perdu tant d’espoir, de temps et d’argent, trahi semble-t-il de bout en bout par Chevènement. La médiocrité de ces premiers actes du septennat. La convergence des deux évolutions : la République continue, la pire, celle des partis. Quant au métier de directeur de cabinet, il est celui d’un larbin qui « garde » la maison en l’absence du patron et qu’on court-circuite. Quant à une candidature ailleurs, le ton rue de Solférino est celui pour recevoir ou éconduire les mendiants. Je ne suis ni un larbin ni un mendiant, et le gâteau sent déjà le rance.
vendredi 22 mai 2009
jeudi 21 mai 2009
Inquiétude & Certitudes - jeudi 21 mai 2009
[1] - début des Actes des Apôtres I 1 à 11 ; psaume XLVII ; Paul aux Ephésiens IV 1 à 13 ou I 17 à 23 ; fin de l’évangile selon saint Marc XVI 15 à 20
Ce dernier a par ailleurs appelé à la poursuite de politiques coordonnées face à la crise économique. "Le degré de coopération pour les politiques macro-économiques pendant cette crise est impressionnant. Dans l'ensemble, les pays ont fait ce qu'il fallait et l'ont fait ensemble", a-t-il déclaré - AFP 15 Mai 2009
mercredi 20 mai 2009
journal d'il y a vingt-huit ans - mercredi 20 mai 1981
Je pensais pouvoir jeter quelques poignées de terre compatissantes à l’homme tombé, abandonné de ses flatteurs et n’ayant plus qu’une longue retraite à occuper. Le discours radiotélévisé de Giscard d’hier soir ne peut malheureusement encore inspirer ces sentiments. Les pré-commentaires de 19 heures donnaient le souvenir encore si dominant il y a quinze jours de la manipulation audiovisuelle de l’opinion : on fit d’abord accroire que c’était la première fois que le Chef de l’Etat prenait la parole depuis le 10 Mai, façon donc d’effacer le communiqué rageur du lundi 11, rageur et incompréhensible. A 20 heures – il est vrai que je n’ai que la radio que le beau temps brouille – la voix est crachotante et vieille. L’homme du passé, qui est-ce donc ? Mitterrand, de dix ans l’aîné de Giscard, semble plus jeune. Les thèmes de sept ans sont toujours là : le pouvoir restitué intact, une nation forte et paisible, toutes les élections ont eu lieu à la date normale, la prospérité que je voulais lui donner. Nous restons dans la démocratie octroyée et formelle. Vient alors la peinture qui a été faite par d’autres, car c’est d’image non de vérité qu’il s’agit maintenant : le terme de grandes espérances, oublier les blessures du combat politisque, les grands idéaux, les principes et les idées qui ont guidé ma vie. Et celui qui invoquait Notre-Dame la France, conclut par un manichéisme de patronage : la Providence et le mal qui rode et frappe. L’avenir est flou : pas d’éventualité précise. Un au-revoir, à la disposition, pour moi, je resterai attentif à ce qui concerne l’intérêt de la France. Je pense à Pétain et à de Gaulle, à l’atavisme et à l’obsession, à l’impossibilité d’être grand quand les temps sont banaux, à moins de l’être par soi-même. Transgressant la discipline que j’ai décidée de ne rien adresser au Monde sauf réponse positive à mes conditions – parution toutes les trois semaines, lettre d’explication en cas de refus – j’ai dicté un commentaire au Monde, mais davantage pour fermer un cycle, au moins vis-à-vis de moi-même et de Giscard, que pour en ouvrir un autre. Ayant l’un de mes frères au téléphone quelques instants plus tard, j’apprends le détail télévisuel : le drapeau aux armes, la chaise vide longuement filmée sur chant de la Marseillaise. Incorrigible carton-pâte.
Blondeau que j’ai enfin au téléphone pense que le siège est plus à prendre que ne le croit la section PS qu’il continue d’exécrer, autant qu’elle l’exècre. Vuillaume serait en baisse, Pochard [1] de nouveau en piste, un aide-de-camp d’Edgar aurait approché mon maire de Po,ntarlier en laissant entende que des primaires étaient envisageables, et que, lui, Blondeau, y aurait sa place. Lui, cependant, n’accepterait guère que ma candidature avec investiture socialiste comm seul cas de figure où il ne se présenterait pas. En tout cas pour lui, le poste de député ne le tente toujours pas, en tout cas pour le moment. Il me confirme l’analyse qu’a répandue Chevènement que mon score de novembre n’était pas une base de départ. Il a reçu la visite de Michel Rey, qui serait l’arbitre au sein du PS des situations telles que la sienne, et ne me souffle mot du jugement de Février, tout en continuant de dauber la section PS qui n’a pas même pris contact avec le PC, ce qui est élémentaire. Je retéléphone au PS où je n’ai qu’un Michel Bordeloue, adjoint de Charzat, 25 ans et content où il est, qui prend note de mon refus d’Angers et de ma demande de ré-examen de Pontarlier.
C’est dans ce contexte si précis et éloquent que je lis les communiqués sur les pourparlers des « gaullistes de gauche » avec le PS, et sur la constitution d’une énième composante à gauche… Dans Le Monde que je reçois aujourd’hui, paru le 18, quelques noms de ministres probables : Mauroy comme Premier Ministre, Defferre à l’Intérieur, Delors à l’Economie et Cheysson aux Affaires étrangères. Comme je l’ai toujours conjecturé, rien pour Jobert qui n’aura été reçu que comme le sage de la République qu’il est devenu. Tout cela est une indication : Mitterrand forme lui-même le gouvernement et s’entoure, au moins dans une première étape, de sa stricte famille de combat et d’esprit. On verra sans doute pour les communistes après les législatives, qu’il s’agit de gagner sans eux ou même contre eux, pour mordre le plus possible à droite, quitte ensuite en position de force à les admettre au gouvernement. Quant aux gaullistes de gauche et autres « démocrates », il est clair que jamais leur poids ne se pèsera dans les urnes : ou Mitterrand a sur eux un regard qu’avait le général de Gaulle, c’est-à-dire une utilité comme témoignage, comme force spirituelle au regard de l’Histoire et alors les places sont importantes mais, politiquement et électoralement, gratuites, ou bien le regard est instantané et calculateur, et rien pour eux que des paroles aimables dans des discours et des strapontins de figurants d’avance battus dans les joutes électorales. De poids dans les conseils ou au Parlement, rien. Je penche pour cette seconde analyse, car l’idée d’un moyen terme où cette fraction, dont je suis d’une certaine manière – fraction innommée et imbaptisable – serait prise dans un train voulant changer d’allure et d’attelage, me paraît assez irréaliste. Qui ne participe pas à l’entreprise en vient vite à la juger, et qui juge en toute indépendance ne sera pas forcément inconditionnellement flatteur, donc déplaira, donc… Mitterrand, transition vers la résurrection de l’élan coupé en 1969, mais qui dépendait plus d’un homme que d’une ardeur répandue ?ou Mitterrand, récupération habile par la gauche d’une Histoire qui se faisait sans elle à la suite de 1936, une gauche qui n’a de chances durables en France que par des moyens qui ne sont pas les siens propres : un homme venu du centre patriote et des institutions presque monarchiques. Déception par rapport aux mois derniers ? Non, car d’une part je ne croyais pas à la victoire de FM, et que d’autre part je pensais les choses autrement et en termes de naissance d’un certain rassemblement, non des notables mais du tout-venant qui est l’âme de tout renouveau. Mais déception par rapport aux derniers jours – au déjeuner de Jobert et à cette impression d’avoir à quelques-uns changé la majorité, sinon le cours de l’Histoire. Le Point donne ce début de semaine, 36% au PS, 20,5% à l’UDF, 18,5% au RPR et 13 % au PC pour les prochaines législatives. La dynamique du parti du Président ne m’étonne pas, le maintien de l’UDF : oui. Mon adjoint qui devient mon porteur d’eau comme celui de Thiers aux présidentielles de 1848 a ces commentaires : on a voté pour Mitterrand bien qu’on prévoit une mauvaise gestion, mais pour changer ! par contre, VGE garde sa position de recours… contre Chirac ! qui fait peur.
En Allemagne, la crise s’accélère – tout y est, le conflit sur le stationnement des fusées Pershing et la question de confiance posée par Schmidt, dimanche.
Pierre Mauroy, le favori ces temps-ci pour Matignon, et l’homme du présent comme de l’avenir – l’autre jour, mon dernier soir à Paris, seul dans un manteau bleu, marchant du boulevard Saint-Germain vers l’esplanade des invalides que je croise en voiture place du Palais-Bourbon. Un instant, l’idée de l’accoster. Frappé par la simplicité du pouvoir chez nous quand il n’est encore que potentiel… La République n’accorde encens et chauffeurs que le décret de nomination publié.
[1] - Marcel Pochard, au cabinet de Jacques Barrot, secrétaire d’Etat au Logement, a souhaité candidater à l’automne de 1980 , déjà. Casé directeur des services de la région Franche-Comté, que préside Edgar Faure, je l’ai retrouvé directeur général de la Fonction publique à mon retour du Kazakhstan en 1995. Nommé au Conseil d’Etat ensuite, il est l’auteur maintenant de rapports officiels
mardi 19 mai 2009
Inquiétude & Certitudes - mardi 19 mai 2009
Prier… c’est votre intérêt que je m’en aille, car, si je ne m’en vais pas, le Défenseur ne viendra pas à vous., mais si je pars, je vous l’enverrai. Je ne sais si ce texte – exposant comme jamais, me semble-t-il – la relation entre l’Incarnation du Fils et la présence active du Saint-Esprit, a été très commenté. Il est mystérieux, une présence conditionnée par un départ, comme si l’un remplace l’autre ? La révélation que retient l’évangéliste a aussi un aspect procédural. Le péché-responsabilité, concept qui nous est familier, si je puis écrire, le cède là à un péché en tant qu’état du monde. Le Défernseur, notre avocat, l’Esprit-Saint, intervient pour le dénoncer. Il y a aussi la mise en scène du prince de ce monde. Textes difficiles, l’érudition les éclaircit-elle ? la prière, sûrement. Apparemment plus aisé, ce que les textes nous donnent des réactions des disciples, des premiers chrétiens : parce que je vous ai parlé ainsi, votre cœur est plein de tristesse… il laissa déborder sa joie de croire en Dieu. La plus lente des conversions est bien celle des disciples, des Douze… il leur faut les trois ans de ministère public et tout le drame de la Passion et de la Résurrection, tandis que le gardien de prison, à la libération miraculeuse de Paul et Silas, demande aussitôt le baptême. Libération d’ailleurs de tous les détenus, baptême du gardien avec tous les siens. Complexité apparente du dogme, des textes, combien y en a-t-il pour les contemporains, le discours sur le pain de vie, la chair en nourriture, le scandale de la croix ! alors nos pauvres impuissances d’intelligence… début de réponse, c’est l’Esprit Saint qui précisément nous donnera ces lumières. Il montrera où est le bon droit… il montrera où est la condamnation… [1] Comprendre, vivre.
[1] - Actes des Apôtres XVI 22 à 34 ; psaume CXXXVIII ; évangile selon saint Jean XVI 5 à 11