mardi 2 août 2016

le FMI dans le piège des pressions européennes sur la Grèce - A.F.P.


 



Par : AFP
2 juillet 2016, 9:43 (mis à jour: 9:46)

Le FMI sous emprise européenne : l’accusation, récurrente depuis le premier plan d’aide grec en 2010, ressurgit aujourd’hui au moment où la zone euro fait pression sur l’institution pour qu’elle se réengage financièrement auprès d’Athènes.
Ce lobbying a un but bien précis, à savoir contraindre le Fonds monétaire international (FMI), qui n’a plus prêté le moindre centime à la Grèce depuis plus de deux ans, à contribuer au vaste plan d’aide accordé par les Européens à Athènes en 2015.
Jusqu’ici, le FMI, qui a participé aux deux précédents sauvetages internationaux de la Grèce, résiste et réclame des garanties à Athènes sur les réformes et à Bruxelles sur un allègement de la dette grecque. Mais pour combien de temps encore ?
Selon un sévère audit interne publié récemment, le FMI avait fini par céder aux Européens en 2010 en renflouant massivement la Grèce, au mépris de ses règles internes et en dépit de doutes sur la viabilité de la dette du pays.
>> Lire : Une enquête dénonce la gestion de la crise grecque par le FMI
Cette décision controversée a ébréché la crédibilité du FMI et fait bondir certains pays émergents, prompts à dénoncer un traitement de faveur.
La situation est, à certains égards, différente en 2016. Les craintes suscitées par un effondrement grec ont reflué malgré une récession persistante, et la zone euro, désormais dotée de son propre fonds de secours, a moins besoin des ressources du FMI que de son expertise dans l’évaluation des réformes.
>> Lire : Quand le FMI critique le néolibéralisme…

« Énormes pressions »
Mais les pressions, elles, n’ont pas disparu. L’Allemagne a posé, noir sur blanc, la participation financière du FMI comme une condition de son propre engagement et n’y voit pas matière à discussion. « Le FMI participera avec un programme de 3 à 4 ans », avait tranché son ministre des Finances Wolfgang Schäuble en mai dernier.
Fin 2015, la France avait elle aussi dit n’avoir « aucun doute » sur la participation financière du FMI.
Sous couvert d’anonymat, un responsable du FMI l’a d’ailleurs reconnu la semaine dernière : « Tout le monde sait que nous subissions une énorme pression européenne à l’été dernier pour avoir un programme commun », a-t-il déclaré. « Tout le monde sait que nous avons subi d’importantes pressions il y a quelques mois pour la même raison ».
>> Lire : Le FMI intrigue en faveur d’un allègement de la dette grecque
La voix des Européens peut difficilement être ignorée au FMI. En tant que bloc, ils disposent des plus importants droits de vote au conseil d’administration, l’instance qui approuve les plans d’aide. Les Etats-Unis en restent toutefois le premier actionnaire individuel.
L’équation est, dès lors, compliquée pour le FMI qui doit se décider d’ici la fin de l’année: s’il accepte de renflouer de nouveau la Grèce, certains y verront immanquablement la main des Européens.
Mais s’il s’abstient faute d’avoir des certitudes économiques suffisantes, le FMI prend le risque de diffuser l’idée que le plan européen est voué à l’échec.
« C’est le casse-tête auquel ils font face », assure à l’AFP Peter Doyle, un ex-responsable du département Europe du FMI. « S’ils y vont, ils vont donner l’impression de se coucher. S’ils n’y vont pas, ils prennent le risque de faire naître de nouvelles craintes. »
Déjà fragilisée par le Brexit, l’Europe ne peut toutefois guère s’offrir le luxe d’une nouvelle crise grecque. Cette nouvelle épreuve peut toutefois servir d’exutoire pour le FMI et lui permettre d’affirmer son indépendance vis-à-vis de ses Etats membres.
« Il y a un besoin pour le FMI de reconstruire sa crédibilité. En restant financièrement en dehors de la Grèce, le Fonds dirait au reste du monde nous admettons que nous avons été politiquement utilisés et nous ne voulons plus de ça à l’avenir », indique à l’AFP Desmond Lachman, un ancien responsable du FMI.
Un FMI débarrassé de parasitages politiques ? Peter Doyle n’y croit guère et assure que les États-Unis et l’Europe continueront de dicter les règles du jeu. « Ce sont leurs voix qui comptent et cela a toujours été le cas », estime cet expert, qui a claqué la porte de l’institution en 2012.
Principale concernée, la Grèce a quant à elle profité de ces nouvelles accusations pour s’en prendre à une institution honnie à Athènes. « Le FMI n’était ni utile ni nécessaire en Europe », a assuré la porte-parole du gouvernement, Olga Gerovassili.

Par : AFP

Une enquête dénonce la gestion de la crise grecque par le FMI


29 juil. 2016 (mis à jour: 29 juil. 2016)

Une enquête indépendante dans la gestion des fonds européens de sauvetage de la Grèce par le FMI en 2012 conclut que l’institution a violé ses propres règles et pourrait s’être laissé influencer par des pressions politiques.
Le bureau indépendant d’évaluation (BIE) du Fonds monétaire international (FMI) a publié un rapport le 28 juillet. Conclusion : lors de la crise de la zone euro, le comité exécutif de l’institution était mal informé et ne s’est pas suffisamment penché sur les décisions concernant ses propres ressources.
Les auteurs du rapport estiment également que le FMI était mené et coopérait trop étroitement avec les Européens, et a donc sous-estimé les risques de l’économie européenne et surestimé la capacité de la région de gérer ses problèmes.
Une indépendance compromise ?
Le rapport du BIE critique sans ambages la précipitation de la direction du FMI, alors menée par Dominique Strauss-Kahn, ancien ministre français des Finances, de rejoindre la Banque centrale européenne et la Commission européenne dans le sauvetage urgent de la Grèce, de l’Irlande et du Portugal.
Il pose également la question de l’indépendance du Fonds, qui pourrait avoir perdu sa capacité d’évaluer clairement la situation après avoir intégré la « Troïka », avec la Banque centrale européenne et la Commission européenne.
Selon le rapport, le FMI a accepté trop facilement la décision de la Commission de ne pas restructurer la dette colossale de la Grèce, ce qui aurait allégé le fardeau financier d’Athènes, avant de lancer le premier renflouement de 110 milliards d’euros.
>> Lire : Le FMI reconnait des « échecs flagrants » dans la gestion de la crise grecque
« Le FMI est resté dans l’ombre en fin 2009-début 2010, quand l’Europe débattait de l’attitude à adopter face à la crise grecque », soulignent les auteurs de l’évaluation. « Quand l’IMF a enfin été invité à mettre en avant son expertise et ses financements, fin mars 2010, l’option de la restructuration n’était plus proposée. »
Une restructuration de la dette a cependant été demandée après l’échec du premier programme de sauvetage, et le FMI exige à présent que ses partenaires européens réduisent la dette grecque s’ils comptent bénéficier de ses financements.
L’Europe « traitée différemment »
Le rapport estime que la décision du FMI de prêter un montant plus élevé que le plafond normal à la Grèce a été poussée par le comité exécutif, qui représente les membres du FMI, sans qu’il y ait de réelle discussion ou compréhension. Une procédure expéditive qui n’a pas manqué d’être remarquée dans les pays où les prêts de l’institution ont été bien moins flexibles.
« Des faiblesses dans le processus de prise de décision ont créé l’impression que le FMI traitait l’Europe différemment, parce que la procédure utilisée pour la Grèce a ensuite été fondamentalement répétée pour l’Irlande et le Portugal », souligne le rapport.
Le BIE a reconnu que la crise européenne était une circonstance extraordinaire et particulièrement complexe, la première fois que le FMI devait gérer des économies avancées faisant partie d’une union monétaire.
Cependant, en rejoignant la Troïka, « le FMI a perdu son agilité caractéristique de gestionnaire de crise ». « Les programmes soutenus par le FMI en Grèce et au Portugal ont intégré des prévisions de croissances trop optimistes et les leçons tirées des crises précédentes n’ont pas toujours été utilisées. »
Le rapport suggère que le Fonds, toujours dirigé par des Européens, était trop habitué aux sensibilités européennes et n’a donc pas fait d’évaluation objective des risques économiques. Au niveau de la zone euro, la position des représentants du FMI était souvent trop proche de la ligne officielle de l’UE. Le FMI a donc perdu son efficacité en tant qu’assesseur indépendant », jugent les auteurs du rapport.
Le BIE ajoute que la dépendance du FMI vis-à-vis de ses partenaires de la Troïka lui a ôté sa flexibilité et l’a empêché de changer les cours de son action quand le programme grec s’est révélé un échec, ce qui est arrivé assez tôt. « La direction et le personnel du FMI avaient déjà décidé de ne pas insister sur une restructuration de la dette, et ils ne l’ont toujours pas fait quand la probabilité de succès du programme s’est effondrée, à partir de l’automne 2010 », estime le rapport.
>> Lire : Le FMI intrigue en faveur d’un allègement de la dette grecque
Vulnérable face au monde politique
Les auteurs du rapport ne vont pas jusqu’à dire que le FMI s’est plié à la pression politique de ses partenaires européens, mais suggère qu’il y a eu une pression, surtout en ce qui concerne la collaboration « inhabituelle » du personnel de l’institution avec le personnel de la BCE et de la Commission.
« La crédibilité du FMI vient de ses compétences techniques et de l’indépendance de son personnel, et le directeur général doit s’assurer que le travail technique est protégé des influences politiques », poursuivent-ils.
Dans une communication publiée au moment que le rapport, la successeure de Dominique Strauss-Kahn, Christine Lagarde, a rejeté toute possibilité d’influence politique de l’UE sur les décisions du FMI. À part ce point particulier, elle a souligné que la crise de la zone euro était « inédite » et « extraordinaire ».
« Le rapport du BIE fait écho à de nombreuses leçons que nous avons nous-mêmes tirées de nos évaluations internes… Nous devons toujours aspirer à mieux faire pour prévenir et gérer les crises, et bien sûr apprendre de notre passé », a-t-elle déclaré.


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