www.elysee.fr – 20 Août 2014
Rubrique : Europe, International,
développement et francophonie
Dans un entretien exclusif au Monde, le président de la République François
Hollande affirme que « les choix ne peuvent être rediscutés à chaque fois qu'un
indice trimestriel est connu ». Il annonce également l'organisation d'une
conférence sur la sécurité en Irak et la lutte contre l'Etat islamique.Les mauvais chiffres de la croissance, beaucoup plus faible que prévu, et du chômage, qui n'en finit pas d'augmenter, ne sont-ils pas la preuve de l'échec de votre politique économique ? Ne faut-il pas en changer ?
J'ai fixé un cap, c'est celui du pacte de responsabilité. L'objectif est clair : moderniser notre économie en améliorant la compétitivité et en soutenant l'investissement comme l'emploi. Aujourd'hui, ce n'est pas parce que la conjoncture est plus difficile en France et en Europe que nous devons y renoncer. Au contraire, nous devons aller plus vite et plus loin. A ceux qui disent qu'il faut revoir la stratégie alors même que les mesures viennent tout juste d'être votées, je réponds que toute godille ou tout zigzag rendrait incompréhensible notre politique et ne produirait pas de résultats
Quelles nouvelles mesures allez-vous prendre en cette rentrée pour doper la croissance ?
Je veux accélérer les réformes pour relever le niveau de la croissance au plus vite dans quatre domaines : d'abord sur le logement, j'ai demandé au premier ministre de présenter un plan de relance. Il touchera à la fiscalité, aux procédures et aux financements.
Ensuite sur l'investissement, des assises se tiendront en septembre avec l'ensemble des établissements financiers pour les inciter davantage à prêter aux PME, pour mieux orienter l'épargne vers l'économie productive et pour assurer le financement de grands projets collectifs, comme la transition énergétique qui est un levier de la croissance verte.
Sur les professions réglementées, Arnaud Montebourg présentera en septembre un projet de loi sur le pouvoir d'achat qui visera à accroître la concurrence dans les prestations offertes aux consommateurs, à faire baisser les tarifs et à lutter contre le maintien de certaines rentes et privilèges. Il comportera des mesures de simplification des normes d'urbanisme et adaptera la réglementation sur l'ouverture des magasins le dimanche.
Enfin, des réformes seront engagées pour développer l'apprentissage, les formations en alternances des chômeurs de longue durée et pour moderniser le dialogue social.
Comment allez-vous procéder sur les seuils sociaux ?
Ma méthode, c'est la négociation. D'un côté, le patronat doit comprendre qu'une meilleure représentation des salariés dans les PME est indispensable. De l'autre, chacun doit admettre la nécessité de lever un certain nombre de verrous et de réduire les effets de seuil. Mais laissons les partenaires sociaux avancer. S'ils aboutissent à un accord, il sera transposé dans la loi, comme nous l'avons fait pour le marché du travail et la formation professionnelle. Si ce n'est pas le cas, le gouvernement saisira le Parlement.
Le patronat joue-t-il le jeu du pacte de responsabilité ?
Le pacte, c'est un contrat dans lequel chacun doit respecter ses engagements. Le gouvernement a tenu les siens : pour améliorer la compétitivité des entreprises, il a dégagé 40 milliards d'euros sur trois ans. Les syndicats qui ont fait le choix d'adhérer au pacte ont obtenu qu'il y ait des contreparties en termes d'emplois. J'attends donc du patronat qu'il aille jusqu'au bout de la logique du pacte, qu'il utilise pleinement les moyens du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi pour investir et embaucher et non pour distribuer des dividendes ou formuler d'autres revendications.
Vous avez insisté, depuis 2012, sur la politique de l'offre. Beaucoup d'économistes s'accordent à dire que le problème, c'est aussi, voire d'abord, la demande. Comment la relancer en France ?
Le diagnostic est implacable : il y a un problème de demande dans toute l'Europe. La zone euro connait un excédent commercial, un investissement insuffisant et un taux de croissance qui ne permet pas de faire baisser le chômage. C'est essentiellement dû aux politiques d'austérité menées depuis plusieurs années. S'il doit y avoir soutien de la demande, il doit donc se faire au niveau européen, et c'est ce que la France va porter dans le débat qui s'engage avec nos partenaires. Mais je n'entends pas me défausser sur l'Europe, car notre pays connaît un problème d'offre.
J'ai trouvé en arrivant en 2012 près de 70 milliards de déficit commercial et une industrie avec les taux de marge les plus faibles de ces trente dernières années. Toute mesure de relance de l'activité par des moyens budgétaires aurait donc eu pour conséquence d'aggraver notre dette publique et de détériorer notre commerce extérieur. J'ai donc fait le choix de donner la priorité au redressement productif. C'est une question vitale pour la France. Est-ce à dire que rien ne doit être fait pour soutenir la consommation ? Non. Parce que des efforts ont été consentis depuis deux ans, nous allons en restituer une part dès cette année, en termes de baisse d'impôt, et encore davantage en 2015.
Le 6 août, le Conseil constitutionnel a censuré la partie du pacte de responsabilité sur les allègements de cotisations salariales. Quel dispositif de remplacement trouverez-vous pour redonner du pouvoir d'achat aux salariés les plus modestes ?
J'ai pris acte de cette décision. C'est un grand principe de mon quinquennat : je ne porte jamais de jugement sur ceux qui jugent. J'ai donc demandé au gouvernement de mener deux grandes réformes : l'une visera à rendre plus juste et plus simple le barème de l'impôt sur le revenu notamment pour les premières tranches, c'est-à-dire pour les contribuables modestes et moyens. L'autre fusionnera la prime pour l'emploi et le RSA activité pour favoriser la reprise du travail et améliorer la rémunération des salariés précaires. Les deux réformes seront engagées dès la loi de finances pour une amélioration du pouvoir d'achat équivalente à ce qui avait été prévu initialement.
Vous affirmiez, en juillet 2013 : « La reprise est là. » Vous avez également dit : « Je ramènerai le déficit à 3 % en 2013. » Vous disiez enfin : « J'inverserai la courbe du chômage d'ici fin 2013. » Aucun de ces pronostics ne s'est révélé exact. La crédibilité de votre parole n'est-elle pas atteinte ?
Qui peut contester que l'environnement international et européen s'est dégradé depuis un an ? Les causes en sont connues. Elles sont liées aux incertitudes géopolitiques (Ukraine, Irak…) et à la poursuite de politiques d'austérité en Europe. Ce qui a invalidé toutes les prévisions établies en 2013 pour 2014, pas par le gouvernement français seulement mais par l'ensemble des organismes internationaux. Et dès que j'en ai eu la conviction, je n'ai pas perdu un seul instant et j'ai lancé le pacte de responsabilité en janvier 2014. La crédibilité c'est de ne pas rester immobile. C'est de s'adapter aux circonstances mais aussi de rester cohérent.
Des économistes, mais aussi votre secrétaire d'Etat Thierry Mandon, chargé de la réforme de l'Etat, proposent de rééchelonner la dette française. Qu'en pensez-vous ?
Jamais la France n'a emprunté sur les marchés financiers à des taux aussi faibles. 1,4 % : c'est historique avec un écart minimal avec l'Allemagne – trois fois moins qu'en 2012. Cela veut dire que la signature de la France est fiable et respectée et que nos entreprises peuvent aussi se financer à des taux particulièrement bas. N'en déplaise aux grincheux, c'est la preuve du sérieux de notre politique. C'est aussi ça, la crédibilité. Et nous n'avons donc pas besoin d'allonger la maturité de notre dette.
Au printemps, l'épisode des frondeurs du PS a révélé un risque de cohabitation avec une fraction de la majorité. L'état de la majorité vous inquiète-t-il pour la suite des opérations parlementaires ?
Je sais ce qu'est une cohabitation. Ca n'a rien à voir. J'ai une assez longue expérience de la vie parlementaire. J'en ai tiré trois conclusions. Premièrement, le respect entre le gouvernement et sa majorité doit être mutuelle. Deuxièmement, il n'y pas d'échappatoire. Le jugement en 2017 sera à la fois porté sur le président, le gouvernement et la majorité. C'est ensemble que nous réussirons. Enfin, le débat ne peut pas rebondir sur chaque texte. Les choix ne peuvent être rediscutés à chaque fois qu'un indice trimestriel est connu. La constance, c'est la confiance.
Cinq mois après la nomination de Manuel Valls à Matignon, quel jugement portez-vous sur son action ?
J'ai choisi Manuel Valls pour qu'il mette en oeuvre la politique que j'ai fixée pour notre pays. Il le fait avec talent et énergie, il mobilise l'ensemble du gouvernement avec un esprit d'équipe et il sait dialoguer avec le Parlement. Nous travaillons en pleine harmonie et avons comme seul objectif la réussite de la France.
A une semaine de l'université d'été du PS à La Rochelle, avez-vous un message à adresser aux socialistes ?
Qu'ils restent unis. C'est la condition première pour convaincre. Qu'ils mesurent ce que nos victoires de 2012 nous obligent à faire pour être à la hauteur de notre tâche. Qu'ils comprennent et surmontent les défaites pour être capables de l'emporter à la fin.
Y a-t-il un problème institutionnel en France ? Qu'en est-il de vos projets concernant la proportionnelle et le mode de scrutin ?
Le rétablissement du lien entre les Français et leurs représentants est un sujet majeur. Depuis deux ans, le gouvernement y a répondu, notamment sur le non-cumul des mandats, la transparence de la vie politique, l'indépendance de la justice et la réforme territoriale. Faut-il aller plus loin ? J'avais indiqué pendant la campagne que j'étais favorable à l'introduction d'une part de proportionnelle. J'y suis prêt si une majorité peut s'accorder sur cette orientation, avec une réduction du nombre de parlementaires. Mais je veux relever une singularité française qui est devenue un véritable handicap : c'est la difficulté de faire émerger un consensus sur l'évolution de nos institutions, sur la laïcité, comme sur l'immigration, la sécurité, et même les grandes questions industrielles.
Voilà pourtant des enjeux sur lesquels les forces républicaines pourraient se retrouver. Certains pays y réussissent, par le biais de coalitions. Ce n'est pas notre tradition. Ce qui ne doit pas nous empêcher de dépasser les oppositions et les clivages quand l'intérêt général est en jeu. C'est pourquoi l'ensemble des forces républicaines, comme les grands acteurs sociaux, doivent être capables de tracer ensemble le long terme sans rien abandonner de leur identité philosophique et politique.
Les radicaux de gauche menacent de quitter le gouvernement si les conseils généraux ne sont pas maintenus dans les départements ruraux : que leur répondez-vous ?
La réforme territoriale est attendue depuis trop longtemps pour une fois encore y renoncer. Le texte a été voté à une large majorité en première lecture. Il crée de grandes régions, il clarifie les compétences, il simplifie notre organisation territoriale, il dégagera des économies. Sur les conseils généraux, un délai de cinq ans a été laissé pour imaginer des solutions adaptées aux départements ruraux.
Pendant la guerre de Gaza, des manifestations ont été interdites. Pensez-vous un jour payer cette décision dans l'électorat musulman français ?
Les manifestations ont été interdites quand des éléments probants laissaient penser que des violences étaient à craindre et que des groupes étaient déterminés à provoquer des incidents. Mais je rappelle que la quasi-totalité des manifestations ont été autorisées. Leur cause était compréhensible et l'émotion était réelle, pas seulement chez les musulmans. Le conflit israélo-palestinien n'est pas une question religieuse mais politique.
Pensez-vous qu'il y a un regain de l'antisémitisme en France ?
Oui et pas depuis quelques semaines. Il y a des groupes très organisés et actifs notamment sur les réseaux sociaux. Rappelez-vous les slogans prononcés pendant la manifestation « Jour de colère », qui n'avait rien à voir avec Gaza ! Il convient de faire de la pédagogie, notamment à l'école mais aussi de faire preuve de fermeté face au racisme et à l'antisémitisme. On peut exprimer des vues sur le conflit israélo-palestinien sans que les juifs de France ou les musulmans de France en soient les victimes. Il est important que nous montrions une très grande intolérance à l'égard de l'intolérance.
Un président ou un ancien président doivent-ils nécessairement passer par la case « primaires » pour se représenter ?
Pour les anciens, je ne sais pas. Ce n'est pas à moi de le dire. En ce qui me concerne, cette question m'est totalement indifférente. Ma préoccupation n'est pas de savoir comment je vais arriver en 2017 à présenter une éventuelle candidature, mais comment redresser le pays d'ici là.
La question se posera en 2015 ? En 2016 ?
C'est au Parti socialiste d'y répondre.
La presse people vous montre ces jours-ci en maillot de bain. Comment réagissez-vous ?
Je ne vous dirai pas ce que j'éprouve. Vous pouvez l'imaginer. Au-delà de ma personne, c'est la fonction présidentielle qui doit être respectée. Chacun devrait le comprendre, quels que soient les arguments commerciaux.
• Europe : « Je ne me place pas dans un face-à-face avec l'Allemagne »
Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a affirmé qu'il jugeait « inévitable » l'abandon de l'objectif de réduction du déficit à 3 %. Maintenez-vous cet objectif ?
L'objectif, c'est de continuer à réduire les déficits. Je rappelle que la dette publique est passée de 60 % du PIB en 2007 à 90 % en 2012. Si j'arrivais en 2017 avec un ratio de 120 % du PIB, que dirait-on de moi ? Peut-être ce qu'on aurait dû dire de mon prédécesseur… Mais aujourd'hui je considère que le rythme de la consolidation budgétaire en Europe doit être adapté à la situation exceptionnelle que nous traversons, qui est caractérisée par une faible croissance et surtout par une très basse inflation.
Mais l'Allemagne, par la voix de la Bundesbank et de la chancellerie, a laissé entendre qu'il n'y avait rien à reconsidérer…
Je ne me place pas dans un face-à-face avec l'Allemagne. Il s'agit d'un débat européen. Je ne demande pas à ce que l'on change les règles, mais qu'on les applique avec toutes les flexibilités prévues par les traités en cas de circonstances exceptionnelles. Nous y sommes.
L'euro est-il surévalué ?
Oui. Il s'était exagérément apprécié au regard de la situation économique de l'Europe. La BCE en est consciente, un rééquilibrage par rapport au dollar est en train de s'opérer. Il n'est pas achevé.
Jamais la France n'a été aussi affaiblie au Parlement européen et dans les institutions de Bruxelles…
Quand on vote à 25 % pour le Front national, un parti qui n'arrive pas à constituer un groupe avec d'autres, on est plus faible au Parlement européen. En revanche, au niveau de la Commission, la France a demandé un poste important, elle sera entendue. Ce qui nous intéresse, c'est que notre commissaire exerce des responsabilités dans le domaine économique.
Berlin ne semble pas vouloir accorder à Pierre Moscovici le poste de supercommissaire économique que vous demandez…
Ce ne sont ni Berlin ni Paris qui décident, c'est le président de la Commission. J'ai choisi Pierre Moscovici. Ce sera ensuite à Jean-Claude Juncker de constituer sa Commission et de répartir les responsabilités. Il connaît la place de la France dans l'Union européenne et ce qu'elle peut apporter.
L'UE est dominée par les conservateurs et l'Allemagne. Etes-vous en train de bâtir un axe social-démocrate avec Matteo Renzi ?
J'ai avec Matteo Renzi des rapports politiques et personnels qui permettent d'agir, pas seulement en duo, mais avec d'autres. Je tiendrai la semaine prochaine à Paris une réunion des sociaux-démocrates pour faire converger nos positions. Mais ce serait une erreur de constituer une coalition contre une autre au sein du Conseil européen. Les problèmes ne sont pas géographiques – le Sud contre le Nord – ni politiques – les sociaux-démocrates contre les conservateurs. Le problème est de savoir ce que nous voulons faire ensemble.
Pour la France, l'Europe doit être une protection : une protection de nos intérêts, de nos droits, de nos valeurs dans le monde, une protection pour nous défendre face aux menaces, mais aussi une protection par rapport aux excès de la mondialisation. Je soutiens Jean-Claude Juncker et ses projets : le plan d'investissement de 300 milliards d'euros, la politique énergétique commune, la maîtrise de l'immigration au niveau européen et enfin une politique étrangère commune.
• Diplomatie : « Les rebelles syriens méritent tout notre soutien »
A propos de l'Ukraine, il y a eu trois vagues de sanctions contre la Russie. Pourtant, Vladimir Poutine n'a pas changé d'attitude. Que faut-il faire ?
Il faut de la fermeté et du dialogue. Fermeté, parce que l'Europe ne peut pas accepter la remise en cause de l'intégrité territoriale d'un pays, parce qu'elle ne peut tolérer des fournitures d'armes et le blocage des postes-frontières. Les sanctions étaient nécessaires et d'autres le seront s'il n'y a pas d'évolution.
Mais en même temps, il faut dialoguer. Je l'ai montré en organisant la première rencontre entre Vladimir Poutine et Petro Porochenko le 6 juin en Normandie. Et nous sommes à un point où il est de nouveau possible d'envisager une rencontre au niveau des chefs de gouvernements ukrainien, russe, français et allemand, pour trouver une issue à la crise. Cela suppose l'arrêt des livraisons d'armes, le cessez-le-feu, le contrôle de la frontière et le dialogue politique. Angela Merkel ira en Ukraine samedi. Je suis moi-même en contact avec le président russe. Nous nous sommes parlé le 12 août. Et je lui ai dit que s'il n'y avait pas de sortie rapide de crise, ce serait très coûteux pour les Russes, sur le plan économique comme politique.
C'est coûteux pour les Européens aussi ?
Oui. Une sanction a un prix pour celui qui la prononce comme pour celui qui la subit. Pour l'Europe, c'est un choix qu'elle assume même si cette situation a des conséquences économiques fâcheuses. Raison de plus pour trouver des solutions fondées sur le respect de la souveraineté de l'Ukraine.
Vous vous attendiez aux sanctions russes sur les produits agricoles ?
Il y avait déjà un embargo sur le porc et un certain nombre de produits, au prétexte d'arguments sanitaires très discutables. Il faut des compensations pour les agriculteurs qui en subissent les effets.
La France va livrer un navire de guerre de type Mistral cet automne. Qu'en sera-t-il du deuxième navire prévu pour 2015 ?
Aujourd'hui, le niveau des sanctions n'empêche pas la livraison. Ce sont les Européens qui en ont décidé ainsi, pas la France. S'il advenait une tension supplémentaire et une impossibilité de trouver une issue, nous aurions à délibérer. Mais pour l'instant, tel n'est pas le cas. Je rappelle que ce contrat a été signé en 2011 et avait fait l'objet d'une controverse à l'époque.
Et les deux navires en option ?
Sur les deux autres Mistral, il n'y a pas de discussion avec les Russes.
Dans l'est de l'Europe et au Proche-Orient, le leadership américain est bousculé. Certains affirment que Barack Obama ne fait pas preuve d'assez d'autorité.
Longtemps on s'est plaint de l'hyperpuissance américaine et de son interventionnisme multiple. Nous serions mal placés pour reprocher à Barack Obama une trop grande timidité. Mais je considère que la situation internationale est la plus grave que nous ayons connue depuis 2001. Le monde doit en prendre toute la mesure. Nous devons faire face, non pas à un mouvement terroriste comme Al-Qaida, mais à un quasi-Etat terroriste, l'Etat islamique. Nous ne pouvons plus nous en tenir au traditionnel débat, intervention ou non-intervention. Nous devons envisager une stratégie globale contre ce groupe qui s'est structuré, qui dispose de financements importants et d'armes très sophistiquées, et qui menace des pays comme l'Irak, la Syrie ou le Liban. Je proposerai donc prochainement à nos partenaires une conférence sur la sécurité en Irak et la lutte contre l'Etat islamique.
La France a décidé de livrer des armes sophistiquées aux Kurdes d'Irak. Pourquoi donner aux Kurdes ce que l'on a refusé aux rebelles syriens ?Qui vous dit qu'on n'a pas donné d'armes aux rebelles, c'est-à-dire à l'opposition démocratique ? La communauté internationale porte une responsabilité très grave dans ce qui se passe en Syrie. Si, il y a deux ans, il y avait eu une action pour installer une transition, nous n'aurions pas eu l'Etat islamique. Si, il y a un an, il y avait eu une réaction des grandes puissances à la hauteur de l'utilisation (par Bachar Al-Assad) des armes chimiques, nous n'aurions pas été face à ce choix terrible entre un dictateur et un groupe terroriste, alors que les rebelles méritent tout notre soutien.
Quelles armes la France a livrées aux rebelles syriens ?
Du matériel conforme aux engagements européens. Nous ne le faisons pas cela pour soutenir simplement les Kurdes ou Irakiens, nous agissons pour notre sécurité. Nous faisons face à une vraie menace avec des djihadistes qui sont embrigadés dans des opérations d'une barbarie épouvantable et qui peuvent à un moment revenir frapper. Parmi eux, il y a des Français.
En armant les Kurdes, ne risque-t-on pas d'accélérer leur marche vers l'indépendance ?
J'ai veillé à ce que ces livraisons se fassent en plein accord avec les autorités de Bagdad pour qu'il n'y ait aucun doute sur l'utilisation de ces moyens et que le cadre demeure celui de l'unité de l'Irak. La France a été pionnière, elle a convaincu l'Europe de ses choix même si nous sommes les seuls, avec les Etats-Unis, à l'avoir fait pour l'instant.
La guerre de Gaza a fait 2000 morts, dont quelque 1900 Palestiniens. Au tout début de la guerre, votre déclaration du 7 juillet semblait donnait à Israël un blanc-seing. Feriez-vous la même aujourd'hui ?
Je me suis exprimé tout au long de ce conflit et j'ai rappelé nos principes, ils sont constants : la sécurité d'Israël, la protection des civils et la nécessité de trouver une solution pour Gaza. Nous sommes à un moment clé. La France soutient la médiation égyptienne. La trêve est d'une extrême fragilité comme on le voit hélas ces dernières heures. En tout état de cause, Mahmoud Abbas et l'Autorité palestinienne doivent être considérés comme l'interlocuteur principal. Gaza ne peut plus rester dans la situation qu'on a connue. L'objectif doit être une démilitarisation et en même temps une levée du blocus.
Vous voulez dire un désarmement du Hamas ?
La démilitarisation ne peut se faire que sous l'égide de l'Autorité palestinienne. La France peut être utile avec l'Europe sur la levée du blocus, au point de passage de Rafah. De même, la France participera à la conférence pour la reconstruction de Gaza, elle fera valoir cette évidence : Gaza ne doit être ni une prison à ciel ouvert ni une base armée. Sinon, les mêmes causes produiront les mêmes effets.
Laurent Fabius a parlé d'« imposer » une solution. Faut-il exercer des pressions sur Israël ?
Nous devons tout faire pour que les négociations reprennent entre l'Autorité palestinienne et Israël pour trouver une issue au conflit. Nous en connaissons les paramètres, c'est la solution des deux Etats vivant en sécurité côte à côte, c'est la seule qui a un avenir. En cas d'échec, la Communauté internationale aura à prendre ses responsabilités.
Sur l'Afrique, vous avez lancé deux guerres annoncées comme « courtes » en 2013 au Mali et en Centrafrique. Elles se prolongent. Y a-t-il eu mauvaise évaluation ?
Au Mali, un Etat terroriste voulait se constituer, comme en Irak et en Syrie aujourd'hui. Notre intervention a permis d'éradiquer la plus grande partie de cette menace sans la faire totalement disparaitre. Aujourd'hui, il ne s'agit plus d'intervenir directement mais de contrôler des trafics, de sécuriser des zones du territoire et de permettre le dialogue politique avec les Touaregs. Mais aujourd'hui, ma plus grande préoccupation est la Libye. Les chefs d'Etat africains invités aux cérémonies de commémoration de la Libération, le 15 août, me l'ont répété : attention à ce qui se passe en Libye. L'intervention de 2011 n'a pas suffi car elle n'a pas été prolongée. J'ai fait au Mali ce qui n'a pas été réussie en Libye.
En République centrafricaine, nous sommes intervenus pour prévenir un génocide et empêcher un affrontement religieux qui aurait offert une perspective à des mouvements terroristes. Là aussi, c'est plus long que prévu, mais nous en avons terminé avec les plus grosses opérations et nous avons préparé une transition.
La France se retrouve en position de « gendarme de l'Afrique ». C'est ironique pour un président socialiste !
Quand le gendarme sert à maintenir un dictateur ou à défendre des intérêts mercantiles, voire personnels c'est la Françafrique. Telle n'est pas notre démarche. Elle vise à lutter contre le terrorisme dans le respect du droit international, nous n'intervenons que lorsque nous sommes appelés. Nous ne concevons pas notre action sans perspective de démocratie et de développement. Enfin, nous n'agissons pas seuls : au Mali comme en Centrafrique, les Africains nous ont accompagnés et nous avons réussi à faire venir les Européens.
Vous êtes le président qui a eu le plus recours à l'outil militaire. C'est inattendu.
Le président est le chef des armées. Chaque fois que j'ai décidé de recourir à la force c'est parce que l'essentiel était en jeu ; chaque fois nos armées ont parfaitement répondu. C'et pourquoi j'ai maintenu les crédits de la loi de programmation militaire. Parce que l'outil militaire français est un élément très important pour notre sécurité et pour la paix. Nous sommes le seul pays d'Europe à le faire à ce niveau. Mais pour conserver notre influence et assurer notre rayonnement international nous devons avoir une économie forte. Et c'est le sens de la politique que je conduis pour l'emploi pour la croissance mais aussi, pour notre place en Europe et notre rang dans le monde.
Par Christophe Ayad, David Revault d'Allonnes et Thomas Wieder
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