samedi 6 août 2016

Inquiétude & Certitudes - samedi 6 août 2016



 Déjeunant de bœuf bourguignon, gâteau de riz et gâteau « fait maison » par ma chère femme, je me suis plongé dans le Monde. D’évidence, le monde change, pas seulement l’époque, et pas forcément pour du nouveau. Je vois plutôt la conséquence de nos lacunes et de nos inerties depuis une grande vingtaine d’années : l’implosion soviétique, l’émergence chinoise au premier rang mondial n’ont pas été vraiment perçue, compris, analysée. Nous nous sommes focalisés, à l’initiative américaine, sur l’Islam et la dérive des « printemps », puis sur le terrorisme. L’amalgame aujourd’hui entre cette absence d’analyse de fond et de mise en perspective de grands changements,  et ce que nous subissons en quasi-récession économique, reculs sociaux et terrorisme ambitionnant le spectaculaire, la prise psychologique, la fascination des opinions, nous rend mentalement très dépendants de l’imprévu et très improductifs. Rien ne se construit depuis deux décennies, et ce qui se construisait il y a vingt ans fait fiasco. Notamment l’Union européenne, et aussi une « mondialisation » qui aurait pu être bénéfique et libertaire, et ne l’est pas, faute d’encadrement, d’ajustement et des accompagnements, thème par thème, région par région qu’il aurait fallu. – Paradoxalement, la Grande-Bretagne ces derniers temps n’avait jamais été plus européenne, et notamment en binôme avec nous. L’affaire des deux centrales EPR pour lesquelles la nouvelle Première ministre a annoncé un délai de réflexion, valant sans doute remise en cause est probablement l’événement le plus important de l’année, bien plus que le Brexit qui n’est qu’un faux départ puisque l’Union n’existe plus dans les esprits. J’apprends que le partenariat initié en Chine-même par EDF et avec Areva avait surtout pour portée, et première mise en pratique ces EPR. La Chine y a vu son entrée dans le marché international, elle qui est déjà, mais pour elle-même, le premier constructeur mondial de centrales nucléaires. Donc, une mauvaise humeur très clairement exprimée, sinon menaçante : rappel que l’établissement de la confiance mutuelle n’avait pas été facile et n’est que récent. Quel contentieux auparavant ? Hong-Kong ? Le partenariat britannique pour certaines pénétrations en Europe, mais aussi pour la mise en œuvre d’une Banque asiatique d’investissements dans les infrastructures, que les Américains considèrent comme un anti-Bretton woods. Il est évident que le concours de la City peut être décisif pour les Chinois. Le débat sino-britannique est donc porteur de beaucoup de conséquences d’envergure mondiale. Nous sommes au cœur de ce sujet, d’autant qu’assez maladroitement nous avons affiché notre envie de profiter des éventuels déserteurs, en fait nos compatriotes qui avaient émigré à Londres, pourraient faire retour et surtout nous donner des éléments pour une stature de grande place financière sur le continent. Coincidence accentuant la frustration chinoise, alors que depuis dix-quinze ans ce n’étaient que des succès dans cette avancée au premier rang, sans scrupule et avec de moins en moins de précautions d’apparence ou de langage : la mise en place, en Corée du sud, d’une défense anti-missiles américaine répondant aux essais nord-coréens, est également considérée comme une menace à Pékin, visant à neutraliser sa propre dissuasion nucléaire. Déjà POUTINE avait ressenti comme une atteinte à la Russie le bouclier anti-missiles déployé par les Etats-Unis sur le sol des anciens vassaux de l'URSS. Cela fait donc beaucoup de coincidences, et de surcroît Mrs MAY ne cache pas que les droits de l’homme ne sont pas une litote, alors que son prédécesseur n’évoquait jamais la question. Second changement considérable : le climat, cette fois ce ne sont plus des projections, des extrapolations, mais c’est le record de 2015 vraiment inquiétant. Le Brésil a d’ailleurs très bien compris l’enjeu puisque le remède, l’antidote au réchauffement, ce n’est pas principalement la diminution des pollutions, mais bien de favoriser par tous moyens les reforestations, les plantations, l’alliance prioritaire de l’homme avec le végétal. Le logo antinucléaire enrichi d’une arborescence construite sur son Y. La forêt, le végétal, c’est par excellence l’Amazonie et le Brésil. Changement enfin qui tend à devenir structurel et induit décisivement des comportements stratégiques : la baisse constante du cours du pétrole, autour de 40 dollars le baril. Les monarchies du Golfe font de l’épargne investissement en Europe principalement tandis qu’avec des effets appropriatifs et d’accaparement analogue, la Chine acquiert des propriétés de matières premières au lieu de se contenter de flux. L’Afrique et l’Europe ont en cela une solidarité de destin : marchés pillés et ressources hors souveraineté. – Qui fait la synthèse, qui présente une analyse et une prospective ? ce à quoi excellait DG. Propos de fête patronale, hier soir, que ceux de FH, bien malheureusement. Et manifestement, la campagne présidentielle américaine ne va pas structurer l’opinion mondiale. Alors que la plupart des questions sont pluridisciplinaires, que les réponses sont contagieuses, le simplisme a tout envahi

Confirmation par mon cher journal de l’impression que j’avais hier soir. L’enthousiasme, la logorrhée étaient forcés, joués, pas vécus. Ces Jeux olympiques 2016 sonnent faux. Et ils vont avoir une fonction inattendue : décrire la dérive d’un peuple, d’un continent peut-être. D’ailleurs pas de foule, du moins à l’écran, et pas de dire de spectateurs brésiliens au micro. Je viens surtout de passer près de trois heures à compiler les dépêches numériques du Monde.fr, les unes appelant les autres, et formant pour moi une passionnante mise à jour, au moins selon les deux années 2015-2016. Deux excellents journalistes : une fille, GATINOIS, à Sao Paulo, et un garçon, BOURCIER, à Rio. Je comprends donc le marasme économique, relativement nouveau, mais générant la crise politique et la contestation. Car « de mon temps » la question n’était ni la dette (un pays dont l’excédent commercial est le second au monde peut emprunter), ni la croissance mais l’inflation qui avait été réduite, artificiellement sans doute, en sollicitant les statistiques et en changeant les signes monétaires : mon cher Dilson FUNARO, bien trop tôt disparu. L’ambiance était alors à la détente politique plus encore car le passage du pouvoir des militaires, après leur dictature de plus en plus théorique, pendant vingt ans, aux civils – je l’ai vécue – avait été réussi. Notamment grâce à la personnalité ambivalente de Tancredo NEVES d’autant même que le président élu en assemblée et non au suffrage universel direct, n’avait pu prendre ses fonctions pour raisons de santé, inopinément mais défihitiveent très aggravées la veille du grand jour.en scrutin. Le Brésil était même parvenu à remédier à l’un des vices de sa Constitution : l’interdiction pour le président sortant de se représenter. Œuvre de la relation la plus sûre de notre ambassade quand j’y étais : Fernando Henrique CARDOSO. A l’expérience de maintenant, fut-une bonne chose que Dlima soit rééligible, et réélue. Donc, un pays tendu, comme toute l’Amérique latine, victime de proche en proche des cours du pétrole, pas seulement la dépendance bolivienne vis-à-vis d’un Venezuela moribond. Une dialectique assez simple : Petrobras qui n’était qu’à ses débuts quand j’étais à Brasilia (1984-1986) et le pétrole qui n’était pas une ressource nationale majeure, semble à l’origine de la crise politique ayant abouti à la procédure de destitution de Dlima ROUSSEFF. Car c’’est dans une ambiance de récession accentuée par des plans d’austérité qu’a donc éclaté le scandale de corruptions immenses, affectant plus d’une centaines de parlementaires et  le parti gouvernemental. Et j’apprends le point décisif : Dlima ROUSSEFF avant de succéder à son mentor LULA dirigeait l’entreprise pétrolière. Celle-ci était considérée par le PT (Parti des travailleurs de LULA) comme sa chose. De même que Dlima revendique la tenue des JO comme l’œuvre de son patron et d’elle-même). Comment va se dénouer la crise ? puisque tout le monde est impopulaire, que le « tombeur » de Dlima, le président de l’Assemblée a lui aussi été » convaincu de corruption et a dû démissionner, et que l’intérimaire, plus qu’ambitieux, est unanimement détesté. Personne n’évoque dans nos médias, ni semble-t-il déjà dans l’opinion brésilienne, la possibilité d’un coup militaire. Mais on accuse les différents protagonistes de la destitution de Dlima, et aussi celle-ci, de se conduire en « golpistes », l’expression datant de la " révolution des oeillets " au Portugal, telle aussi que j’en ai vécu les dernières phases de 1975 à 1979.
Les JO ne passionnent donc pas grand monde. Peu de chefs d’Etat, et dans certains sports la préférence donnée par les principaux champions à d’autres formes et aires de compétition. De toutes les personnes que j’ai sondées ce matin : une dizaine dans mes lieux, personne n’avait regardé la trop tardive, pour nous en Europe, cérémonie d’ouverture. Les filles de mon pharmacien, bonnes nageuses, ne vont suivre que leur discipline.  

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