dimanche 17 juillet 2016

adressé au secrétaire général de la présidence de la République - les temps ne sont plus banaux



Cher ami, Monsieur le Secrétaire général,
les temps ne sont plus banaux. Il ne s'agit pas d'événements mais bien de nos comportements.

Le danger en France est moins le terrorisme – il semble bien que le drame énorme de la Promenade des Anglais n’ait rien à voir avec Daech et que ce soit le fait d’un isolé, sinon d’un déséquilibré, mais il apparaît aussi que ce ne sont ni les textes ni les déploiements de forces sécuritaires qui éradiqueront cette forme contemporaine de la folie en société et en politique – le danger est l’abus de ces situations et ambiances par le pouvoir en place. Nous sommes déjà si peu en démocratie, et qu’il faille désormais pour la revendiquer plus sincère et précise, lui donner un qualificatif (si brocardé en même temps que le Général lui-même en 1968) : démocratie participative, c’est bien que nous en perdons la notion vivante, simple, directe. Si le Président et nos gouvernants (leurs opposants aussi) font prendre au pays « l’habitude » de n’être plus qu’en état d’exception, le lit des extrêmes est fait, l’arsenal législatif et réglementaire est déjà à leur convenance, les mœurs pourraient le devenir. Le pouvoir en France et ce que l’on attend de l’Europe ne peuvent être principalement une protection, ce doivent être une animation, une orientation une dynamique forte et optimiste qui diluera les extrêmes, les simplismes et isolera complètement les fous, ceux qui ne se voient de raison de vivre que de mourir en faisant mourir. Mais nous entrons dans tous les domaines, y compris ceux de la science, des explorations médicales ou cosmiques, dans l’inconnu et peut-être dans de redoutables engrenages.

Pour retrouver la maitrise du temps - comme la France a su le faire à des moments critiques ou forts de son Histoire - et encadrer, par notre vouloir national, les circonstances, je crois que :

1° nous ne devons plus avoir ce discours : " la France est un grand pays, la France est forte ". Non ! nous sommes relativement petits mais pouvons être vifs. Toute la dialectique du général de Gaulle était dans la conscience que nous devons avoir de ne plus être " la puissance mastodonte" que nous fîmes dans d'autres siècles et parûmes encore être à la fin de la Grande Guerre. C'est cette perception qui peut être un excellent moyen, et qui doit nous faire susciter en Europe, et sans qu'aucun de nos partenaires Etats-membres de l'Union ou pas, ou plus, puisse nous objecter un quelconque "hégémonisme"... le grand dessein d'un nouveau départ par une nouvelle organisation (la démocratie directe : élection du président de l'Union, directe par tous les citoyens européens, et referendum son l'initiative de celui-ci ou des pétitions qualifiées, et cela dans les matières du nouveau traité rédigé par un nouveau Parlement convoqué exprès par l'actuel s'auto-dissolvant pour renaître constituant : élections européennes permettant un débat et une consultation adultes et d'objet précis). Nos justes dimensions nous permettent justement l'efficacité et l'impact

2° nous ne pouvons admettre des définitions de la politique, de l'Etat, de l'Europe en termes paternalistes et de protection. D'abord parce que nous ne serons protégés que par nous-mêmes, chacun, et par notre cohésion. Que ce sont notre volonté d'exister en tant que tels : nations et Union, et notre identité, unique au monde (démocratie et diversité, plus encore que la masse que nous constituons à tous et dont le marché, l'espace, la richesse sont convoités tellement) qui peuvent changer la donne et contribuer à faire naître une opinion mondiale différente des relations de puissances militaires et financières, que celles-ci soient étatiques (Amérique, Russie, Chine) ou immatérielle et institutionnelles : les marchés, les solidarités et complicités bancaires

3° le Brexit doit être vécu comme une vérité salubre. L'Union n'est pas attrayante, l'Union ne fonctionne que pour des contraintes et pour nous projeter toujours plus dans un monde déréglé devenu une jungle (celle-ci est à défricher, cf. point précédent, le 2°). L'Angleterre est plus différente des autres Etats d'Europe - membres ou non de l'Union - que ceux-ci entre eux, nous compris. Mais c'est cependant avec elle que nous devons vivre, travailler et gagner, et elle-même ne peut le faire qu'avec nous. Ce n'est pas le Brexit qu'il faut organiser, mais la nouvelle Union et les relations nouvelles entre l'Union et ses membres, et tout autant entre l'Union et les pays d'Europe qui n'en sont pas membres. Je souhaite que cet ensemble, à réinventer, non seulement cultive ces caractéristiques décisives : démocratie, diversité, mais revienne à cette claire conscience du bien commun européen. Le terme de Communauté européenne le disait d'ailleurs bien mieux que celui d'Union. Et ce bien commun européen, je suis convaincu que c'est un élément décisif pour l'avenir du monde. Bien commun justifiant et fondant, alimentant notre solidarité entre Européens, laquelle n'est pas une solidarité défensive mais une constante proposition et imagination ensemble en réponse à tout, mais surtout en anticipation (généreuse) de tout.

Dans l'immédiat - en sus de la dialectique institutionnelle du 1° - voir ensemble et avec la Grande-Bretagne ce que nous avons de commun, quels que soient les traités et circonstances : la défense notamment en termes militaires et très probablement en termes de haute technologie. Nous devons également être grands avec les Anglais, c'est-à-dire - et absolument - contribuer au maintien de l'unité du Royaume-Uni. Nous avons contribué à la réunification allemande, nous devons contribuer au maintien de l'unité des peuples britanniques. Cette attitude d'ailleurs sera décisive pour rétablir la confiance non dans des instituions européennes qui "dysfonctionnent" mais dans l'amitié de chacun des peuples et Etats européens, les uns pour les autres, et notamment en ce moment pour la Grande-Bretagne

4° tout est politique extérieure dans l'exercice du mandat donné le 7 Mai 2012. Erreur d'avoir couru à Berlin dès le soir du 15 Mai et acquiescé au pacte budgétaire moyennant la perspective fumeuse d'un autre pacte, celui d'une croissance selon des milliards qui n'ont jamais été visiblement affectés à de grands projets européens, de quelque nature qu'ils soient, notamment en communication et en défense. Quand le Président nous mis en état d'intervenir en Syrie, et qu'il en fût empêché par les procédures parlementaires auxquels s'astreignent les Anglo-Saxons : Etats-Unis et Royaume-Uni, il est manifeste que nos ambassadeurs à Washington et à Londres nous ont desservi et que le Quai d'Orsay n'a pas joué son rôle d'expert dans la connaissance de nos partenaires et pour le partage de nos intentions. Rappel de ces ambassadeurs, affectés à du papier en centrale. Nos ministres des Affaires Etrangères depuis une quinzaine d'années ne sont pas judicieusement choisis, et sont à contre-emploi, notamment l'actuel et son prédécesseur. Le ministre de l'Agriculture, grâce à l'un de ses prédécesseurs (Hervé Gaymard) ayant obtenu un répit pour le démantèlement du Marché commun agricole originel et à tout l'effort de la diplomatie gaullienne il y a cinquante ans (Maurice Couve de Murville et Edgard Pisani) pour imposer un modèle, avait quelques années encore au début du mandat pour réfléchir, inventer, proposer. cela n'a pas été fait. C'était une tâche diplomatique aussi importante que le ralliement des Européens à nos interventions africaines et à celles qu'il faudrait au Proche-Orient. Elle n'a pas été remplie

5° la négociation sociale, "grand dessein" du Président, n'est possible qu'encadrée et dégageant des perspectives. Il faut réinventer, ré-instituer le Plan et son "ardente obligation". Les commissions du Plan, les mises en commun : grands groupes financiers et industriels, Etat et collectivités locales, établissements financiers, syndicats de salariés et de patrons, ont précisément dans le rythme constitutionnel quinquennal la périodicité voulue. reconquérir la maîtrise du temps, c'est-à-dire des évolutions et des circonstances, exigent la planification nationale et des concertations européennes, si notre exemple est apprécie puis adapté et suivi dans chacun des Etats-membres où il existe certainement des traditions en ce sens, même soviétiques. Tout le travail de Pierre Mendès France en 1943-1945 d'Alger au rond-point des Champs Elysées pour comprendre la planification soviétique, toute la jurisprudenve de Jean Monnet pour notre reconstruction, et l'ensemble débouchant tout naturellement sur la proposition Schuman de 1950. Le plan, la négociation sociale, les mises en commun des projets nationaux débouchent nécessaire sur une meilleure Europe. Cela s'est vu, cela doit se reprendre

Voilà, cher ami. Je suis à votre disposition comme à celle du Président. Celui-ci sera probablement réélu, quels que soient les sondages. L'Histoire n'est pas une probabilité, mais des faits. Malheureusement, tels que nous vivons actuellement, il ne sera réélu que par défaut et de mauvaise grâce, personne ne paraissant à gauche et la droite à vocation gouvernementale pour la distinguer du Front national est à peine moins sommaire que celui-ci. Réélu parce que de mandat en mandat, de succession en succession, le système institutionnel et mental français se recroqueville, nous recroqueville et empêche qui que ce soit - n'étant pas encore en place - d'apparaître et de se faire entendre, ne serait-ce que pour exprimer le sens commun de chacun des Français. Nous sommes capables de beaucoup, mais il ne nous est demandé que de nous taire et de nous tenir tranquilles.

En revanche, l'élection sera tout autre si elle entérine ce que je me permet ci-dessus de vous suggérer, pour le Président.

Pensées chaleureuses, et voeux.

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