mercredi 8 mai 2013

le débat sur l'ouverture du mariage aux personnes de même sexe

Mariage pour tous – opinion sur le débat
& convictions sur le fond


L’écriture de cette réflexion a été discontinue : elle a duré parce qu’elle était difficile, parce que j’étais peu motivé.

Il me semblait et me semble encore que si le gouvernement, à commencer par le président de la Réublique, surtout lui, car Christiane Taubira a fait vraiment au mieux…s’y sont mal pris, les opposants, à commencer par certains hiérarques de l’Eglise catholique (Islam et grand rabbin de France ont dit et fait bien mieux au point de devenir référence pour l’archevêque de Paris et le pape Benoît XVI…), se sont encore plus mal conduits. A vrai dire, le gouvernement exécutant l’engagement présidentiel ne prévoyait pas une telle opposition, faite surtout de l’engrenage des occasions données à d’autres qui cherchaient leur sujet et leurs troupes, et les trouvèrent grâce à un thème de société à fortes références philosophiques et idéales. Le sujet – l’adoption ou pas de modifications de notre Code civil – n’a été traité que par ses initiateurs, les opposants n’ont participé qu’à la diversion, pas du tout à l’amélioration d’un texte ni à la prévoyance de difficultés ou de conséquences à venir. Ma réflexion a donc été marquée par la dérive politique des manifestations de rue initialement catholiques, mais aussi – puisque j’ai cru, pour moi-même et pour d’autres, devoir garder trace de mon opinion et de mes réactions, trace dans une actualité précise, celle de 2012-2013, qui peut être sera oubliée dans les commentaires et jurisprudences à venir – par des dialogues que j’ai suscités chaque fois que j’en ai eu l’occasion avec des inconnus et par sa logique même.

Je n’ai pas varié sur mon approbation liminaire, je n’ai jamais cru à un changement de civilisation du seul fait d’un texte, mais j’en ai tiré de plus en plus de conséquences – mercredi 8 Mai 2013

Telle quelle, cette réflexion écrite gagnera certainement à la lecture, aux objections et aux apports de tous tiers de bonne volonté. J’admets surtout – puisque je me suis situé sans référence que la liberté d’agir et de penser, n’ayant de limite – selon les textes fondateurs de la société moderne, textes écrits par nos ancêtres de 1789 – que la liberté d’autrui. Le respect de celle-ci commence dans le partage ou pas de l’attrait sexuel et dans la compréhension des références et des convictions d’autrui, notamment religieuses




La question – à laquelle répondent l’engagement de campagne présidentielle pris par François Hollande et surtout le projet de loi déposé par la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, le 7 Novembre 2012 – m’était indifférente jusqu’à l’automne dernier. Je ne l’ai donc ni pendant la campagne présidentielle ni maintenant jamais considérée comme décisive ni en société ni en politique, et encore comme moins comme prioritaire pour la France d’en ce moment et pour un gouvernement censément de gauche. Je ne la crois d’ailleurs pas identitaire pour un mouvement politique.

Elle a commencé de m’intéresser quand la campagne présidentielle a mis au débat des valeurs – dites morales – et associé l’un des candidats à leur défense pour lui obtenir des militances sinon des suffrages qu’il n’avait pas selon son bilan ou selon son étiquette ; j’ai alors posé la question de savoir si l’on vote pour des valeurs ou pour des personnes et leur programme [1]. J’ai répondu par la négative, un candidat ne peut prétendre être celui de la morale par opposition aux autres et appeler implicitement au soutien de convictions religieuses, surtout quand lui-même n’en a pas manifesté particulièrement auparavant même s’il a commis un livre en collaboration avec un religieux vingt ans auparavant. La véhémence des opposants à un éventuel président de gauche au nom d’une morale et d’une bio-téhique fondées en termes religieux m’a fait donner tort à toute autorité, y compris dans l’Eglise catholique, qui confondrait ainsi les genres : les croyants embrigadés par une droite de gouvernement elle-même sensible au fond de commerce néo-païen de nos extrême-droites et se comportant vis-à-vis des gens du voyage et des Roms d’une manière rappelant celles de nos gouvernants contraints par un occupant raciste. Cette véhémence m’a fait m’interroger sur le fond.

Je redis l’ensemble de ma démarche et donc mes convictions, avant de conclure sur ce que j’aurais fait si j’avais été moi-même candidat et a fortiori élu à la présidence de la République – moi, catholique pratiquant depuis mon enfance mais ayant observé en 1984 que l’école publique ne « fabriquait » pas moins de chrétiens que l’école confessionnelle, assimilée à tort aux écoles privées et considérant, comme le général de Gaulle, seul président vraiment de foi chrétienne et la pratiquant mais en privé, et chacun de ses successeurs, que la laïcité est décisive pour nos libertés publiques et pour l’unité nationale, la paix civile.


I – Mon opinion sur le débat

A l’automne de 2011 sévit soudainement une mise en demeure du ministre de l’Education nationale – donc sous la responsabilité encore de Nicolas Sarkozy, même si son mandat est proche de s’achever – à propos d’une mise au programme des classes primaires autant que secondaires de la « question du genre ». Le ministre, Luc Chatel, refuse d’obtempérer et maintient les manuels et programmes qui en traite. Sans avoir étudié ni le débat ni son objet, j’observe qu’il s’agit d’éducation sexuelle autant que civique, de respect et de connaissance mutuelle des deux sexes dont il est effectivement adéquat de donner aux enfants les éléments correspondant à leur âge. Cet enseignement suppose naturellement délicatesse et doigté. Des « intégristes » montent en épingle des cas exceptionnels de travaux pratiques. C’est affaire de discipline interne et d’autorité de chaque chef d’établissement. Bien d’autres matières peuvent donner lieu à déviation ou à scandale : l’histoire, la géographie, l’économie, les sciences naturelles, etc… La question du genre n’a pas été posée par un gouvernement de gauche ni par des anti-Christ.

Nicolas Sarkozy inaugure sa campagne, à la chandelle, en chapelle romane, dans le Figaro-Magazine et son engagement est de ne pas permettre le mariage homosexuel. Le débat n’est plus d’éducation nationale, il est soi-disant de civilisation et il s’agit de caractériser le candidat de celle-ci contre un autre qui en promettrait et en incarnerait le bouleversement. Cela se décline à propos du mariage homosexuel, mais aussi de l’euthanasie avec rappel des textes sur l’avortement. Curieusement, les textes récemment circulés pour la gratuité des contraceptifs et la prise en charge de l’avortement pour les filles mineures n’ont pas été dénoncés par les censeurs de l’actuel gouvernement. Es débats sur la libéralisation de l’avortement, puisqu’en 1920 le législateur s’était reconnu la compétence – pour le redressement démographique, sinon la défense nationale à la suite de la Grande Guerre qui nous avait saignés – de traiter de sujets intimes. La clause de conscience avait été concédée par l’usage à la suite de manifestations très vives contre les responsables hospitaliers refusant d’appliquer la loi Veil. Le président de la République a improvisé en congrès de l’association des maires une même concession, évidemment impossible en droit, ce qui fut admis par l’Elysée le jour-même.

La campagne du président sortant s’axa donc sur deux thèmes de peu de rapports avec l’exercice du premier mandat : guère question de bilan économique et social, ni d’audit de la France, mais l’identité nationale et la civilisation. Espérance d’un électorat « frontiste » et ralliement de Christine Boutin. La défaite acquise, le scenario de 1984 s’est réédité : la droite parlementaire en mal de thèmes et de militance tandis qu’elle se divisait pour la présidence du principal de ses partis et voyait certains de ses satellites du centre-droit s’émanciper a retrouvé un élément fédérateur la dépassant. Des mouvements et organisations se sont constitués pour démontrer dans la rue que la maajorité dégagée par les urnes était en réalité incertaine mentalement et statistiquement. Le thème des manifestations en province et à Paris a beaucoup changé, car il a été tenu compte à mesure de certaines des objections des partisans du projet de loi – rebaptisé « mariage pour tous » par le président de la République alors que son intitulé est « ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ». La manifestation du 24 Mars, dans les tracts aux présentoirs des églises catholiques ou distribués au sortir des messes dominicales, ajoute à la protestation principale contre le mariage homosexuel, non seulement la pétition initiale de protection de la famille, mais aussi la réclamation d’emplois et surtout elle prétend s’inscrire dans la lutte contre l’homophobie.

Véhémence électorale, contestation du processus législatif – alors même que le calendrier parlementaire donne une place exceptionnelle en durée et en médiatisation au débat sur le projet de loi de l’automne 2012 à probablement l’été 2013 – et mélange, plus ou moins spontané, plus ou moins volontaire à l’origine, de plus en plus systématique et insistant jusqu’aujourd’hui d’une mobilisation politique et d’un engagement militant d’une partie de la hiérarchie catholique. Circulaires, communiqués de l’épiscopat en tant que tel, lettres diocésaines, exercices et prières spécialement dédiés à la contestation du projet de loi, appels explicites de certains évêques et curés de paroisse à aller manifester. Gonflement de l’ensemble. De la thématique d’une mûe de civilisation artificiellement provoquée par une modification du Code civil, on en est venu à la dénonciation d’une persécution préméditée des chrétiens par un pouvoir à l’idéologie et aux origines douteuses, mais aux objectifs certainement diaboliques. L’intégrisme dans l’Eglise catholique, principalement en France, que Jean Paul II et plus encore Benoît XVI, éradiquaient précautionneusement par une stratégie d’accueil et de concessions purement gestuelles, renaît en une version encore plus politisée.

Deux traits antinomiques d’un type de tempérament politique français. Une sorte d’illuminisme politico-religieux qui s’exprima au cours de nos siècles d’histoire nationale – les mouvements contre-révolutionnaires, le « schisme de la petite église » et sous la Restauration, l’OAS et les martyrs de l’Algérie française avec le régicide sacralisé : le colonel Bastien-Thiry, les dires et gestes de Mgr. Ducaud-Bourget plus que ceux de Mgr. Lefebvre – renaîtrait avec la même violence mentale de haine que la critique de certains ténors U.M.P. contre le gouvernement issu du scrutin de Mai 2012 et depuis la mise en examen du vaincu d’alors contre la magistrature. En revanche, une capacité française à débattre, toutes classes, régions, mentalités réunies, d’un sujet hors les vecteurs habituels de la discussion nationale s’affirmerait. La question du « mariage pour tous » et celle de l’identité, de la nature homosexuelles sont depuis des mois sujets de conversation, sujets paisibles de conversation. Simplisme et maturité.

Autrement considéré, la France est capable de débat, elle est capable de situer dans le temps et en hiérarchie des problèmes du moment, n’importe quelle question surtout elle n’est pas du registre habituel de la politique. Il est de la compétence du politique de poser des questions de société mais il est affaire de conscience et de bon sens de faire valoir dans quel registre et de quelle manière les régler. L’expérience a montré que des sujets passionnels, et souvent à résonnance morale et religieuse, ne voient plus leur règlement contesté quand ont passé le temps et les contextes de politique intérieure qui leur avaient été contemporains : la loi Naquet sur le divorce, la loi Briand-Combes pour la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la loi Barangé sur le financement de l’école libre, la dépénalisation de l’homosexualité en 1982, l’abolition de la peine de mort selon la loi Badinter, le PACS…

Pour l’immédiat, plusieurs évidences.

Le gouvernement a sous-estimé, pas tant la résistance à son projet qui tient essentiellement à la conjonction de l’impuissance parlementaire et d’une mobilisation d’une partie de l’opinion catholique en France soutenue ou poussée par une partie de la hiérarchie ecclésiale, que la nécessité d’un exposé des motifs et d’une présentation vraiment élaborés. Les matériaux du débat ont été apportés par les opposants et non par les soutiens ou les « bénéficiaires » de la future loi Taubira. La genèse de la mise au programme de François Hollande de cette « ouverture du mariage » n’a pas été donnée : elle peut paraître une affaire sinon d’alcôve, du moins de couloirs, et d’un milieu parisien et aisé. Alors que la suite du débat, notamment dans les médias publics, a montré la nécessité de sécuriser juridiquement un nombre très appréciable d’enfants élevés par des couples homosexuels, aucune urgence incontestable n’a été démontrée à l’origine du projet gouvernemental, c’est l’Assemblée nationale qui s’est livrée à une évaluation d’impact très élaborée. Il n’y a eu aucune consultation – au moins à la connaissance du grand public – alors que les diverses associations, les confessions religieuses, la bio-éthique, la philosophie du droit et le droit comparé, les démographes, notamment, pouvaient éclairer le débat et surtout contribuer aux meilleures rédactions. Du côté de la majorité parlementaire et du gouvernement, il n’y a pas eu de mobilisation « pédagogique » si caricatural et monolithique que soit souvent, chez nous, l’exercice, alors qu’il est fréquent en matière fiscale ou… judiciaire. Du côté des opposants, au lieu de traiter la rédaction gouvernementale, on a incriminé des arrières-pensées supposées, des projets découlant de l’actuel, on a invoqué le droit naturel et prétendu à la théocratie alors qu’il s’agit de droit positif et que notre République est laïque.

Il n’y a donc pas eu débat puisque chacun traite son sujet sans rencontrer l’autre. L’occasion a été perdue, jusqu’à présent, pour évaluer la démographie française, les lacunes de la législation et des aides ou interdits à l’adoption et en quoi la stabilité du couple et de la famille est – depuis plusieurs décennies maintenant – menacées bien davantage par l’environneme,t économique, social et matériel que par l’orientation sexuelle des époux.

En revanche, des mobilisations populaires ont été affectées à des sujets résultant de la société plutôt que les déterminants et les problèmes actuels que sont un choix de stratégie économique et les modalités de participation civique aux orientations du pays restent à la discrétion du gouvernement, que ce soit le précédent ou que ce soit l’actuel, sans débat. Tanis que s’affaissent les luttes d’initiative ou d’encadrement syndicaux, s’aiguise une contestation durable dans laquelle une autorité morale – l’Eglise selon une partie de la hiérarchie épiscopale et du clergé – prend ouvertement partie et véhicule des a priori tant à propos de l’homosexualité que de la psychologie de l’enfant, tout en caricaturant le projet gouvernemental. Le pouvoir en place, ni moins ni plus que le précédent, n’a pour lui ni la légitimité que produit dans les esprits l’évidence que sa conduite du pays est éclairée et efficace, ni dans ses personnalités déterminantes une vie privée faisant référence. L’exemple d’instabilité du couple et de recompositions familiales tend à caractériser le personnel politique, de la même façon qu’est depuis toujours acquis dans les milieux du spectacle ou des médias le libre-échange amoureux.

 Politique et société se délabrant mutuellement ont donc leur reflet dans les formes actuelles du débat. Les protagonistes : gouvernement et manifestants se conduisent chacun mal. Le gouvernement, en la personne du président de la République et non de la garde des Sceaux, précise et stable, a varié pour le calendrier, pour les amendements admissibles, pour l’éventualité ou pas d’une loi autre ne traitant que de la filiation après la présente consacrée au seul mariage et a laissé produire des arguments sans les reconnaître siens : François Hollande a même modifié pour l’opinon l’intitulé du projet de loi pour en donner une apparence uniquement libertaire. Les manifestants sont menés dans des combats successifs fort différents dont la seule continuité est la péjoration maximum du gouvernement : défense de la société, défense de la famille, intérêt de l’enfant, homophobie. Les deux camps ont montré de la méconnaissance du sujet et élargi le débat au lieu de le circonscrire.   23 Mars 2013

Le dernier mois qu’ait dominé la question du « mariage pour tous », de la manifestation du 24 Mars au vote définitif de la loi en seconde lecture, le 23 Avril, a apporté une novation en politique française. Son avenir, sa portée ne sont pas encore discernables [2]. Ce n’est pas la modification du droit civil et familial qui va faire date, mais peut-être l’apparition d’un produit nouveau, qui était pourtant latent car les ingrédients ne datent pas de ce « printemps français ». Il y avait une extrême-gauche anarchiste qui s’est sans doute éteinte avec la maturité d’âge sinon d’intellect de ses tenants, avec les confusiuons aussi sur l’héritage trotskyste dont témoignent les analyses sur le parcours de Lionel Jospin. Il y a eu Action directe, éteinte aussi avec les libérations des assassins de Besse et la non-extradition, finalement, de Marina Petrella, son émule italienne. Il y avait certes le Front national, mais celui-ci en 1998 aux régionales et ces années-ci, pour peu qu’une « dose » de proportionnelle soit « instillée », est devenu un parti de gouvernement, sans doute plus au centre du paysage que l’U.M.P. radicalisée à sa droite. Et il y avait la mouvance aussi bien des catholiques traditionnalistes que des divers renouveaux charismatiques, qui ont en commun le goût d’autres époques théocratiques. Mouvance rejointe par les islamophobes et par les sinistrophobes, criant chacun à un retour aux persécutions, aux invasions, aux catacombes. Peu à voir avec un débat de philsophie juridique, une définition complexe à actualiser du droit naturel, que pourtant reconnaît en France la jurisprudenc et le balisage des perspectives bio-éthiques.

La rencontre s’est faite le 24 Mars, le maintien de l’ordre y a été pour beaucoup, une solidarité physique a facilité l’amalgame idéologique. L’esprit de croisade, d’une contre-révolution a soudain cristallisé. Le vote au Sénat, le 12 Avril, enlevé avec plus d’aisance et de netteé que prévu, à mains levées, et donc le retour à l’Assemblée Nationale, sans laisser les six semaines sur lesquelles comptaient les opposants pour continuer des manifestations de rue justifiées par la poursuite du débat en procédure parlementaire, a fait naître l’expression encore impensable il y a un mois : la naissance d’un mouvement politique présentant des candidats aux prochaines élections municipales, et pourquoi pas aux européennes, la pérennisation des manifestations d’hostilité : « on ne lâche rien, jamais ! ». C’est évidemment le défi à la légalité républicaine, à l’ordre constitutionnel, une fois que le texte aura été promulgué. La droite parlementaire avait cru à une réédition de la séquence de 1984 (à ceci près que ce fut le R.P.R. qui refusa à la gauche la consultation référendaire sur l’école, alors que la pétition de l’U.M.P. était de soumettre le projet Taubira directement au peuple) et donc à une victoire tactique sur la gauche de gouvernement. La voici thématiquement doublée par Civitas, Frigide Barjot et Béatrice Bourges. L’U.M.P. n’est d’ailleurs pas plus gênée que le Front national et exactement comme à propos du traitement infligé en 2010 aux gens du voyage, elle est visée pour ce qu’elle concède et soutient, plus que pour des programmes qui lui soient propres. La succession opérée à la présidence de l’épiscopat français – l’archevêque de Marseille réputé bien plus « à gauche » que l’archevêque de Paris – laisse enfin prévoir que l’Eglise, qui n’était pas monolithique dans le débat bio-éthique et ontologique sur le mariage, va sans doute ne pas cautionner un mouvement qui ne tiendrait plus compte du fait acquis de la loi promulguée. 23 Avril 2013

J’ai moi-même débattu par échange de courriels mais sans partticiper à quelque réunion ou manifestation que ce soit. Je n’ai pas appris sur le fond sinon qu’il semble que les psychologues et psychiâtres sont partagés quant au bien des enfants et surtout qu’il n’esuste pas encore d’études statistiques sur la parentalité homosexuelle. J’au provoqué systématiquement l’énoncé d’une position sur le projet de loi ou sur « le mariage pour tous », soit en questionnant tout autre rencontré par hasard, soit en diffusant des éléments de ma propre réflexion. Je crois avoir compris ce qui a fait les clivages et, ultimement, ce qui fait se confondre une opposition politique au pouvoir élu il y a juste un an et une posture catholique fédérant pour la première fois depuis le concile Vatican II une jeunesse certaine, un esprit de corps ecclésial, un conservatisme pour le dogme et pour la liturgie.

Fondamentalement, le clivage se fait sur une interprétation de l’inconnu ou d’un autre mode de vie et d’existence pour ce qui est à la fois le plus voyant et le plus intime : l’identité et la pratique sexuelles. Les opposants au « mariage pour tous » sont des hétérosexuels. Leur posture leur interdit de faire état d’éventuelles expériences homosexuelles. L’homosexualité est donc considérée du dehors, comme une altérité radicale vis-à-vis moins du couple hétérosexuel que de chacun des deux sexes ne s’affirmant, quant à lui, qu’en différence et complémentarité psychologique, physiologique, anatomique de sexe à sexe. L’homosexualité étant alors vue comme le refus de la différence et de la spécificité. Ce qui aurait pu faire consensus et donner une base commune à l’ensemble des débattants n’a pas même été aperçu : une ignorance par les hétérosexuels de ce qu’est l’homosexualité, ce qui d’ailleurs montre combien l’uniformité et l’habitude nous régimentent, et non par la curiosité pour le monde et pour les autres. Deux affirmations ont été dites qui ne se sont jamais confrontées et n’ont même jamais été discutées : qu’est-ce que l’égalité quand on est différent (ce qui pose toute la question et de la parité, devenue règle d’or dans la vie publique, et de la discrimination positive, alors même qu’autre règle d’or, tout communautarisme est à répudier) ? la loi naturelle est-elle de commandement divin ?  

Suivant que l’on juge l’homosexualité comme un acquis, en grande partie culturel, ou qu’au contraire on la sache de naissance chez l’autre, même si celui-ci n’en a pas aussitôt conscience ni encore moins pratique, l’homosexualité apparaît comme une déviance, un péché contre la nature et contre l’Ecriture ayant fondé le judéo-christianisme, donc une tendance de la personne et maintenant de la société qu’il faut combattre à tout prix, ou au contraire une spécificité comme il en existe beaucoup dans l’espèce humaine, et il serait – respect de l’autre, respect des droits de l’homme, égalité des droits quels que soient le sexe et le penchant – monstrueux de pénaliser celles et ceux qui n’ont aucune responsabilité personnelle dans leur état de vie, leurs goûts et pratiques, leur identité. Et en ces termes, il y a des infinités de nuances sur le ressenti du masculin, le ressenti féminin et les conséquences de ces ressentis sur le désir d’union : union physique dans l’instant, union de vie par affinités profondes. D’un côté, le péché, la déviance et de l’autre la justice, l’égalité, la compassion pour ceux qui n’en bénéficiaient pas jusqu’à présent. D’un côté, déni du relatif, absolu d’une conception et d’un regard sur l’autre, de l’autre la liberté individuelle. Le social, dans ce débat, est à droite et le personnel à gauche, ce qui est rarissime dans le débat politique français. Pour les uns, le refus de l’institution du mariage est une punition logique, pour une faute estimée comme telle, non par le commettant mais un tiers qui fait foule. Pour les autres, c’est justice égalitaire et c’est lucidité. 2 Mai 2013

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II – Mon opinion sur le fond

Mon expérience personnelle est celle de ma vie de soixante dix ans bientôt, puis accomplis, celle aussi de quelques dialogues d’actualité.

Le creuset ou le nid ou l’environnement dans lequel commence un parcours existentiel me paraît donné : l’enfant reçoit le couple ou celui de ses parents présent dans sa toute petite enfance, autant qu’un couple ou une mère célibataire reçoit son enfant. L’accueil ou pas en fratrie, l’attente d’une fratrie ont également du poids dans la pratique quotidienne, dans les fantasmes, dans la défense du moi et dans la construction sociale. Sans doute, y a-t-il des cas et des civilisations où l’enfant doit se trouver lui-même son cadre, y compris affectif. Ce n’est pas ce que j’ai vécu, ce que semble avoir vécu ma femme et ce que nous croyons que vit notre fille, âgée de huit ans et quatre mois. Le couple parental n’est pas a priori considéré comme une origine biologique, génétique ou généalogique. Le nom propre, les accidents de santé, l’hérédité ne sont pas des perecptions premières.  23 Mars 2013

Contrairement à ce que j’entends comme une généralité des psychologues et des analystes, assurés que la maturation de l’enfant et du jeune adulte tient à leur relation avec leur passé le plus précoce et donc le plus reçu, le moins personnel et personnalisable… je pense/crois que l’enfant est attiré par l’avenir. L’avenir, le sien, qu’il pressent comme sa construction propre, comme son mariage avec le monde, comme son apport à la collectivité. Il n’est ni grégaire ni héritier, il est exceptionnel. Il est donc propre à l’alliance. Fascination et attirance autant par lui-même que par l’autre mais de façon intime, peu communicable. L’expérience de la possibilité et des limites de la communication est la plus décisive de l’existence humaine. Toutes les relations sociales en découlent. 2 Mai 2013

Je ne crois pas que le penchant sexuel, ou l’habitude sexuelle soient un facteur d’identité personnelle. Il est certain que chaque individu a en lui une part de féminité et une part de masculinité, en proportion variable et selon les domaines de la vie. C’est en revanche un déterminant social et familial, ce l’est aussi pour la conduite de la vie, et principalement parce que la société – au moins en France et en Europe – est organisée et vécue selon la norme hétérosexuelle, comme l’ergonomie dominante est celle des droitiers. L’homosexualité, hors certains milieux et hors les grandes villes, restent un facteur d’exclusion.

Je n’ai fait qu’une expérience homosexuelle complète au sens d’une étreinte amoureuse, physique et très amicale, gratifiante et agréable. Age égal, je crois, à peine la trentaine. Cadre exotique mais entre Français, pas de préméditation ni de drague, mais compagnie de plage entre deux moments de société. C’est moi qui ait fait l’avance sans précaution de lieu où nous pouvions être surpris, rendez-vous a été pris. Deux constatations : j’ai été confirmé dans ma masculinité, j’ai eu envie de recommencer dès le lendemain mais mon partenaire était entretemps tombé malade, et j’ai surtout réalisé que j’allais vers des difficultés sociales. J’ai même refusé ensuite la correspondance. Des nouvelles près de trente ans plus : de coiffeur professionnel, il était venu en tant que tel à l’occasion où j’étais moi-même invité mais pour d’autres raisons, il a fait une carrière appréciable d’artiste-peintre coté, puis est mort du sida. Curiosité ? penchant ? certainement pas de nature, mais penchant dans une ambiance et fonction d’une personne. Plusieurs années auparavant, je l’avais ressenti avec un ancien camarade d’adolescence, devenu ami très proche et correspondant constant : entré dans la Compagnie de Jésus, dont il est sorti après des drames pour se marier, avoir deux enfants, forcer son épouse à l’échangisme, s’obséder de sexe, se remarier après avoir été quitté et se suicider quelques semaines ensuite. Vie tragique, responsabilité de l’ordre religieux qui ne sut pas dériver sexualité, énergie, passion physique vers la mystique pour laquelle il était, à mon sens, manifestement fait. Analyse graphologique de Thérèse d’Avila : une fille publique… Nous avions déjà passé deux jours sur la côte normande à faire le point chacun de nos vies, lui en religion, moi dans une liaison qui ne me plaisait pas et me donnait aussi un statut dans lequel, puisque je n’avais pas l’intention de me marier, je me sentais mal à l’aise. La nuit venue, chambre à deux lits, j’ai eu une impulsion, communier davantage. Je la lui ai dit, avec sagesse, il est descendu lire son bréviaire sur la place encore éclairée mais déserte pour ne remonter que m’ayant jugé endormi. Plusieurs années ensuite, autant après ce moment qui aurait pu avoir des conséquences dans nos esprits et dans nos cœurs, tant nous étions fraternels depuis des années, conséquences mais lesquelles ? qu’après l’expérience que j’ai dite de la la caresse et de l’étreinte homosexuelles, mon ami, ayant quitté la Compagnie et s’étant mariée, vient passer quelques jours chez moi, affectation diplomatique à l’étranger, et je vis une nouvelle liaison, parallèle à la première mais très amoureuse et sensuellement pasionnée, heureuse, et même esthétique (photographies de nu jusqu’à l’obsession – ce qui me dura une grande quinzaine d’années de ma vie aventureuse, selon différentes rencontres ensuite ou parallèles encore). L’échangisme ou l’amour à quatre fut implicitement proposé. Malgré ma curiosité, je la refusais surtout pour protéger ma compagne qu’à vrai dire je n’ai pas interrogée. Quelques autres moments, plus fugitifs : une attirance dans un train, je m’y suis pris comme pour séduire une jeune fille, et j’échouai. Dragué par des hommes mûrs et de grande position, organisant même les circonstances de leur assouvissement par moi, j’ai refusé. Drague que je fis d’un très adolescent, ce fut sa joie de me faire jouir qui m’illuminan non ce qu’il m’administrait. J’essayais de lui rendre service ensuite car il cherchait un peit emploi, mais je ne le pus. Je le revis en compagnie de quelqu’un de beaucoup son aîné. Il s’appelait inoubliablement Jules César. Rencontre aussi tendre que celle, en compagnie de ma mère, presqu’octogénaire, dans le nord-est du Brésil, d’un garçonnet de dix-onze ans, manifestement enfant des rues qui nous suivit toute une journée. Ma mère aurait voulu que je l’adoptasse. Père célibataire ! et pas même biologique…

Je dis tout cela, car dans la réflexion sur le mariage homosexuel et dans le débat sur le sexe, la vie et le parcours vécu de chacun – thème fort qui passionna aussi au printemps de 2010 : la pédophilie en Eglise catholique – il y a en fait la plus grande intimité et la plus forte mise en cause qui soit. La question du mariage apaise la question du genre et la peur du sexe – qu’on le commette ou qu’on ait crainte de s’y adonner ou qu’on ait vocation de s’en passer. Elle est en fait superficielle. La vraie problématique est celle du couple. Qu’il soit hétérosexuel ou homosexuel, il n’est pas initialement un désir d’enfant, il est rencontre de l’autre, choix ou attirance d’un autre, il est acquiescement à un état de vie partagé. Surtout aujourd’hui où le souci de transmission ou de perpétuation n’affecte plus que certains dictateurs ou de grosses fortunes. Dans la dynamique de couple, le sexe n’est qu’expression de l’attirance, de la tendresse : il est langage, dialoque, guérison, il est la manière la plus évocatrice du compagnonnage, il est le chemin de la découverte de l’autre et plus encore de soi, parce qu’on ne se découvre que dans l’autre et par lui. Il est instrument d’alliance. Le genre importe, c’est second. Ce qui est premier est le désir de couple. L’altérité est bien en-deçà du sexe, il est le fait de l’autre, le fait qu’autre que soi existe, compte, soit intéressant, respectable, valable. La dimension sexuelle est celle alors de l’expression, elle n’est pas fondatrice de l’identité.

L’est-elle du couple au point que doive être interdit le couple homosexuel. Je crois qu’il vaut mieux réfléchir sur le couple en tant que tel plutôt que sur la complémentarité physiologique et anatomique. Cette réflexion peut être commune à tous, hétérosexuels autant qu’homosexuels. Les premiers forment-ils une cellule si impeccable et de pur assemblage qu’il faille déclarer impossible ou contre nature les seconds ? Cellule sexelle, affective, sociale ?

Je ne raisonne pas, j’observe. Les soutiens du projet n’ont pas su assez dire qu’ils observaient et voulaient aider autrui, alors que les opposants donnaient la plus vilaine image d’un asbolu à imposer à tout autre par la force de l’interdit, par l’anathème religieux.

Donc, la permission du couple homosexuel et pour la sécurité de ceux qui le forment : la légalité, les droits. Le régime serait imparfait, y compris au plan de la sécurisation si un autre nom était donné. Curieusement, il a été fait du mot : mariage, le sommet de la qualification du couple. Or, précisément, la Bible en ses deux Testaments, emploient de préférence le mot : union. Et la recommandation du Christ pour l’indissolubilité du mariage porte sur l’union. Et le plus beau de l’union, parce qu’ainsi la différence radicale entre les partenaires qui n’est pas tant le fait de la nature, que du fait pluriel, d’être deux, est reconnue en même temps qu’est manifestée leur volonté de s’unir, c’est l’alliance. Le PACS est ouvert à tous et statistiquement il est davantage pratiqué par les hétérosexuels que par les homosexuels. Il en sera de même du mariage.

Le couple marié, facteur de stabilisation de la société, son premier élément – en tout cas le premier élément qu’il devrait être car de plus en plus entre l’Etat, les entreprises, les groupements et les associations, la personne morale si souvent d’essence et plus encore de comportement critiquables tend à l’emporter sur la personne physique – le couple marié qu’il sit hétérosexuel ou homosexuel est à honorer : il défend la société, il montre que la société est voulue, qu’elle est organisable.

Mariage civil, alors mariage religieux ? s’il est aujourd’hui de bonne théologie de reconnaître que les ministres du mariage chrétien – je ne suis pas au fait du mariage en islam ou en judaïsme – sont les mariés et non le prêtre qui est seulement l’Eglise appelée en témoignage et pour sa bénédiction, son aide, son accueil en sa communauté, il est difficile de refuser aux homosexuelss de se donner le sacrement l’un à l’autre du mariage. La fidélité qui va avec. Mon expérience personnelle du mariage civil est encourageante, la société, l’Etat sont alors tout de bienveillance. Il se crée alors une personne morale qu’on n’a pas encore qualifiée et qui serait – avec force et pour combler une lacune de l’organisation sociale humaine – d’un genre intermédiaire entre les personnes physiques et les personnes morales, jusqu’à présent définies selon leur objet. Celle-là le serait par ses sujets et selon ce qu’elle est par elle-même : une union. 2 Mai 2013

Discuter finalement sur le nom de ce qui lie les partenaires, concéder leur union qu’ils soient ou non de sexes différents, mais objecter que le même mot ne doit pas être d’application pour tout couple, la différence de sexe justiciable du mariage, et l’identité de sexe appelant un autre nom ou tout simplement un calque du mariage pour rédiger à nouveau le PACS à sa totale ressemblance. La pétition, ayant fondé l’engagement présidentiel, a été l’égalité entre tous. La différence de mots pour décrire l’union des mariés serait une inégalité. Soutenir aujourd’hui que cette concession – le jeu de mots – eût suffi à contenter les opposants et à apaiser tout trouble des consciences, est malhonnête. La question de fond n’aurait pas changé : union ou pas, au moins selon la loi nationale, de partenaires de même sexe.

Deux objections m’ont semblé réduites par des dialogues que j’ai eus ces jours-ci. Des amis homosexuels, en couple – des hommes, l’un quinquagénaire, l’autre plus jeune – pas du tout désireux ni de se marier ni d’avoir des enfants. L’un d’eux m’ayant dit, il y a plus longtemps, avoir vécu quelques années avec une femme mais sans pouvoir continuer. Une jeune fille, la vingtaine d’années, évoque une amie lesbienne – elle-même ne l’étant pas – qui lui a affirmé que si elle avait eu le choix, elle n’aurait pas été homosexuelle. Dans les deux cas de vie, il y a prise de conscience, il n’y a ni choix, ni acquis culturel ou « sociétal ».

Les enfants ? Leur faculté d’adaptation me paraît la généralité, un réalisme apaisant, alors que l’adulte s’angoisse des adaptations, des pertes qu’un changement de circonstances ou de statut, en propre ou pour son entourage, va lui imposer. L’enfant traite le présent, l’adulte sinquiète de l’avenir et de multiples chaînes causales. Je l’écris ainsi parce que je le constate chez notre fille et chez ses amis de classe. Constatation aussi que si l’homosexualité était un fait d’ambiance culturelle et sociale, et non un fait de nature, nos enfants – même et surtout dans la mixité qui est la généralité dès les classes maternelles et l’école primaire – seraient tous homosexuels. Les cours de récréation, les amitiés amoureuses montrent que tout se passe dans la petite enfance entre enfants de même sexe et s’il y a curiosité de l’autre, c’est par rapport aux amis de même sexe : ma fille et ses amies cherchent à savoir quel garçon est amoureux de telle d’entre elles, ou si telle autre est amoureuse d’untel. En revanche, le divorce, la séparation des parents – expliquéee et comprise parce que ceux-ci ne s’aiment plus – ne semblent pas vécues comme des drames. Les générations précédentes, celles de mes ascendants et même la mienne, ne divorçaient pas, on ne s’y séparait pas. Les drames étaient réels parce qu’il y avait découverte du mensonge et des faits, des vies doubles. L’actuelle est franche, elle a une pratique de l’amour précaire, donc non contractuel. L’enfant n’est ni roi ni objet de partage, la loi lui donne dès sept ans le droit à être interrogé au cas du divorce de ses parents et les mœurs lui confèrent une responsabilité précoce de lui-même.

Je conclus donc sur le fond. C’est-à-dire sur la légitimité d’un mariage entre personnes de même sexe, et sur la contribution que le législateur doit apporter à leur fondation d’une famille si elles veulent cette fondation en fruit, suite ou conséquence de leur mariage.

La racine du mariage est l’amour mutuel, le choix libre l’un de l’autre : le Code civil, version napoléonienne, et le dialogue entre les futurs mariés et le célébrant d’une liturgie chrétienne, le font très bien dire. Peu importe l’inclination sexuelle de chacune des personnes.

L’intérêt de l’enfant, s’il est laissé pour compte par ses parents biologiques, est d’être adopté. L’adoption, donc, doit être permise aux couples homosexuels, et les textes préexistants à la réforme Taubira, n’interdisaient d’ailleurs pas l’adoption par une ou un célibataire. La qustion est celle du nom patronymique et de l’exercice des droits parentaux. L’évidence est que l’enfant est mieux protégé par un couple que par une ou un célibataire, seulement. Les traumatismes du divorce d’un couple me paraissent aussi importants que le remariage d’une ou d’un célibataire, pour le jeune enfant. Seule objection – celle d’un ami, médecin et déjà eux fois adoptant, en couple hétérosexuel – mais que résoudra la généralisation du mariage homosexuel, dans le monde entier (quoiqu’il n’y ait pour l’heure avec nous que quatorze Etats qui l’admettent), celle de la répugnance de certains pays, proposant des enfants à l’adoption, qui les refuseraient aux ressortissants d’un autre pays parce qu’ils sont susceptibles d’être homosexuels. Tarissement à la source des possibilités d’adoption, ce qui est préjudiciable autant pour les couples en recherche d’enfants que pour les pays ne pouvant se suffire à la garde de leurs propres enfants.  

Adoption, oui, sans difficulté, et cela se pratique déjà. Procréation médicale assistée ? C’est praticable évidemment par toute femme, lesbienne ou hétérosexuelle, mais la loi actuelle en France ne la permet pas. Le gynécologue de ma femme – d’origine libanaise, chrétien je crois – n’est pas favorable, mais pour aider une amie, couple de lesbienne, elle fort jolie… assure toutes les préparations requises avant que l’acte-même d’insémination soit pratiqué en Belgique. Nous avons vécu, quant à nous, ma femme et moi, la fécondation in vitro puisque j’avais subi l’ablation de la prostate. Le catéchisme de l’Eglise catholique, en trois articles, l’interdit en principe. Mais en pastorale ? Pour un couple au masculin ? L’un des partenaires peut fort bien féconder une femme de son choix : la loi ne l’interdit pas, bien évidemment. Mettre de l’artifice parce qu’aucun des deux ne veut ou n’est capable de ce rapport ? L’objection est le risque de marchandisation. On y est pourtant dès les honoraires du médecin, dont on pourrait supposer qu’il doit soigner gratuitement tout patient qui vient à lui. On y est aussi, malgré l’interdiction de la simonie avec les honoraires du clergé, dans l’Eglise catholique, célébrant des messes pour les âmes du purgatoire et autres fidèles défunts ou administrant des sacrements. Paul de Tarse tranche la question, quoique prêtre-ouvrier avant la lettre (il tissait des toiles de tente) : tout ouvrier a droit à son salaire, ce qu’avait d’ailleurs reconnu son Maître. Les frais d’une adoption sont plus considérables que ceux d’une procréation médicale assistée, et ne sont pas susceptibles de remboursement par la Sécurité sociale.

Je ne vois donc pas au total une objection d’ordre moral, a fortiori religieux, au mariage homosexuel et encore moins à la famille qui en résulte. J’y vois au contraire un élément – parmi d’autres existants ou à trouver – pour stabiliser nos sociétés. Je ne comprends pas les opposants qui, selon moi, se mêlent de ce qui ne les regardent pas : le mariage d’autrui, la famille d’autrui, les enfants d’autrui, et encore moins ceux qui – généralement « islamophobes » et voyant dans « l’intégrisme » des « printemps arabes » le danger le plus pressant pour un Occident renouvelé des manichéismes des années 1950 – prétendent imposer, plus seulement à autrui, mais à la société et à l’Etat en France, leurs convictions, leurs vues, et leur lecture, contestable, des écrits religieux qui les animent. La théocratie n’est pas un régime politique désirable. Le croyant n’est tel que s’il est libre de croire.

Souhait, désir, enjeux pour les amants voulant pérenniser leur couple : leur mariage, sans ergoter sur des noms en majoration ou en diminution. La Bible, Ancien et Nouveau Testament, n’évoque pas ou guère le mariage, elle insiste au contraire sur l’union.

Intérêt des enfants : qu’il y ait couple, et que le couple soit stable. Il n’est pas démontré que l’homosexualité des parents, l’identité de sexe de ceux-ci soit un empêchement à la construction psychologique de l’enfant. En revanche, si le couple de ses parents et ceux-ci eux-mêmes devaient rester des « parias » ou être traités en exception, alors l’enfant souffre ou se heurte à des interrogations qui peuvent s’adresser autant à ses parents qu’à la société. La recherche de paternité ou de maternité biologiques : elle n’est pas générale, elle peut également surgir dans toute vie et quoique la naissance ait été le fruit de parents hétérosexuels et véritablement géniteurs de leurs enfants. Nous cherchons nos ascendants, nous nous interrogeons sur nos héritages génétiques, nous souhaitons ou redoutons des origines nous expliquant à nous-mêmes, le passé peut être dangereux quel que soit le mariage qui a été la matrice de notre éducation et de nos enfances.

Intérêt de la société : sa stabilité par des couples reconnus et protégés. Intérêt de notre pays : la natalité, au point que je ne vois qu’avantage à ce que soient pris en charge les procréations médicales assistées. 8 Mai 2013


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III – Ce que j’aurais fait, si j’avais été le président de la République

Ce qui a été fait me paraît n’avoir été convenable qu’au plan parlementaire, c’est-à-dire pour ce qui était la responsabilité de la garde des Sceaux. La communication gouvernementale – collégiale, pas cellede la ministre – et urtout présidentielle a été paradoxale. Le sujet qui s’est avéré le plus mobilisateur d’oppositions n’a pas été traité par le président de la République comme une grande question, grande parce qu’elle a appelé, bien malgré le gouvernement, de nouveaux participants à la manifestation politique, grande parce qu’elle se réfère pour les opposants comme pour les soutiens du projet de loi, à des convictions fortes, grande parce que l’initiative du projet a bien appartenu à l’élu du 6 Mai 2012. François Hollande était impliqué, il n’a cherché ni à s’expliquer – en détail et exprès – ni à mobiliser les soutiens à son engagement. Il a laissé le débat se faire à l’initiative de la rue, répondant à la sienne propre. En cela, il porte la responsabilité d’une dégénérescence de notre vie politique. Il aurait dû ramener à lui le débat, mais ne l’ayant pas fait, n’ayant pas consacré une intervention spéciale au sujet mobilisant tant de monde et prenant tant de temps aux assemblées, il n’a cependant pas évité d’être mis en cause personnellement par les opposants. A la passivité de sa majorité – hors le débat parlementaire – il a ajouté la sienne, ce qui a accru l’impression de domination de l’actualité par l’opposition, alors que la première annonce de texte était de sang-froid. 2 Mai 2013

Extrait du compte rendu du Conseil des ministres du 07/11/12

La garde des sceaux, ministre de la justice, a présenté un projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

Ce texte, fondé sur une recherche de l'effectivité du principe d'égalité, permet aux couples de même sexe de se marier. Par conséquent, il ouvre également aux personnes de même sexe mariées la voie de l'adoption, que ce soit l'adoption conjointe d'un enfant par les deux époux ou l'adoption de l'enfant du conjoint.

Il permet la célébration d'un mariage entre deux personnes de même sexe résidant en France et la reconnaissance en France des mariages entre deux personnes du même sexe célébrés à l'étranger avant l'entrée en vigueur de la loi.

Le projet de loi ne modifie pas le régime juridique actuel du mariage ou de la filiation adoptive : il ouvre l'institution du mariage avec ses droits et devoirs aux personnes de même sexe. Il comprend néanmoins des dispositions d'adaptation, notamment pour la détermination du nom de l'enfant adopté, la règle actuelle, prévoyant l'attribution du nom du père à défaut de choix fait par les parents, n'étant plus adaptée dans le cas d'un couple de même sexe.

Le texte prévoit également de nombreuses dispositions de coordination dans les différents codes. Lorsque cela est strictement nécessaire, les mots « père et mère » sont remplacés par le mot « parent » et les mots « mari et femme » par le mot « époux ». Ces modifications ne sont pas systématiques. En outre, elles ne concernent pas les actes d'état civil et le livret de famille, dont la forme n'est pas régie par la loi. Ces actes, ainsi que le livret de famille continueront à utiliser les termes de « père et mère » dès lors qu'il s'agira de couples de personnes de sexe différent.

Ce n’est qu’en cours du débat parlementaire que le président de la République a schématisé le projet : « le mariage pour tous ». Son 21ème engagement était lapidaire : « J’ouvrirai le droit au mariage et à l’adoption aux couples homosexuels ».  23 Avril 2013

Or, la cause est grande et belle, elle n’aurait pas dû être politique et en la défendant le président de la République ne se serait pas posé en cible de l’opposition trouvant des renforts en troupes et de nouvelles résonnances en philosophie, il aurait restauré – ce qui a été tant mis à mal oar son prédécesseur, qu’il imite bien trop en cela – la hauteur et le sacré de la fonction présidentielle, selon une aspiration non dite des Français toujours monarchisants pour l’arbitrage et la justice, le recours ultime mais pour la décision en tout et surtout, pas pour la présence à tout propos et quotidienne. L’occasion était double, restituer à la fonction présidentielle ce qu’elle a perdu depuis 2007, argumenter en termes propres le cheminement personnel ayant conduit à un engagement de candidat. François Mitterrand était familier des aveux personnels qui augmentaient encore sa majesté des dernières années et un certain impérium sur la vie publique et sur nos esprits. Le thème s’y prêtait qui est celui de l’intimité par rapport à la société, et de la société aidant ou empêchant le bonheur. D’autres, mais moins audibles, ont su le dire, notamment au Sénat [3].

J’aurais aussi posé une question très générale, celle de la compétence du législateur. Plusieurs lois, centenaires ou bicentenaires ont fondé notre régime social bien davantage que nos Constitutions : la loi Le Chapelier, dont l’application abolie par la loi de Napoléon III sur la liberté d’association des travailleurs, revient en esoorit d’application constante ces années-ci par le chantage à la fermeture d’établissements industriels si le salariat n’accepte pas sa diminution tant en émoluments qu’en dignité, la loi Naquet sur le divorce, la loi Waldeck-Rousseau sur les associations. Mais la loi de 1920 incriminant l’avortement, pénalisant la propagande contraceptionnelle, au motif, louable mais politique, d’avoir à repeupler la France à l’issue de la Grande Guerre, n’a-t-elle pas introduit l’Etat, le législateur et même la polémique dans un domaine d’intimité conjugale ou de détresse d’un partenaire abandonné de l’autre ou d’un couple totalement démuni en finances ou en psychologie. J’ai moi aussi vécu ces détresses et peurs absolues, alors que j’étais aimé, aimant, jeune et à l’aise. L’Eglise donne l’absolution, elle n’ôte ni le souvenir, ni le remords d’abord, puis finalement à longueur de la vie qui a suivi, le regret du fils assassiné dès ses débuts. Là encore l’expérience vécue, bien plus que les raisonnements, peut avoir le dernier mot pour un texte. Ce fut le génie de Robert Badinter d’en convaincre le candidat pour 1981 et d’enlever le Parlement, à défait d’une opinion générale très rétive : l’abolition de la peine de mort, à subir laquelle il avait accompagné tant de personnes de bien plus grande qualité que celle de client. 2 Mai 2013

Enfin, dans les débats où se mêlent la vie et le principe, il faut que le gouvernement reste la référence, au lieu de céder ce rôle aux opposants, lesquels ont alors tout le jeu pour déplacer le sujet. Un « livre blanc » eût été éclairant, d’autant que ces dix-huit mois de discussions, d’anathèmes ont montré que les scientifiques – en médecine, en psychologie des personnes et de la famille – ne s’accordent ni sur l’origine ou la cause de l’homosexualité, ce qui fait observer soit qu’elle est de nature, soit qu’elle est acquise, ni sur les conséquences pour les enfants d’avoir des parents de même sexe et de n’être pas nés d’eux, ce qui peut faire décider ou pas de la faculté d’adoption pour de tels couples. Les avis scientifiques n’auraient été qu’un des éléments de la publication gouvernementale. La genèse même de l’engagement de celui qui est devenu le président de la République aurait été exposée. Il s’est trouvé qu’une documentation télévisuelle a donné : Les invisibles, une grande force à des témoignages sur l’exclusion sociale dans laquelle ont été tenus longtemps, ou se sont crus tenus, des homosexuels, femmes ou hommes. Pour eux tous, une femme y fait remarquer : « l’interdit nous a libérés ». Cela se passait dans les années 1930, avant qu’ils entrent dans les catégories menant aux chambres à gaz mais déjà dans un contexte pénal répressif. Bien entendu, pas de referendum, la Constitution dans son écriture originelle comme dans l’actuelle, ne le permet pas en la matière ; il a été piquant que le parti politique d’opposition qui bloqua au Sénat en Septembre 1984 la proposition de François Mitterrand et de Robert Badinter d’élargir la compétence référendaire, ait réclamé près de trente ans après cette même extension.

En revanche, je n’aurais pas varié – jusqu’à céder à une sggestion de séance en congrès de l’Association des maires de France : l’objection de conscience opposable par un maire requis de célébrer un mariage qui lui déplaît à raison de convictions personnelles, et à avoir évidemment à se reprendre – et j’aurais, afin que ne se pérennise ni le débat ni le prétexte aux manifestations, inscrit dans le même projet de loi toutes dispositions sur l’adoption et la procréation médicale assistée.

L’important à mes yeux aurait été – est vraiment – la stabilité du couple, quel qu’il soit, et la natalité française. Le mariage homosexuel peut contribuer à ces nécessités pour notre société./.  8 Mai 2013






Bertrand Fessard de Foucault
à la veille d’une nouvelle manifestation contre le projet de loi Taubira
soir du samedi 23 mars 2013

 au soir du vote définitif acquis à l’Assemblée Nationale, le mardi 23 avril 2013

au calme des mercredi 1er , jeudi 2 et mercredi 8 mai 2013


[1] - Elire selon des valeurs ? mardi 14.jeudi 16 Février 2012
[2] - dernier à s’exprimer en seconde lecture à l’Assemblée nationale, le 18 Avril, le député-maire de Neuilly, tombeur dissident du porte-parole de Nicolas Sarkozy en début du quinquennat précédent, assure : Nous avons l’impression aujourd’hui de franchir un pas important. C’est la raison pour laquelle, à l’instar de beaucoup de mes collègues, je pense que le combat démarre, que vous avez déclenché une mobilisation. M. Nicolas Dhuicq. C’est l’étincelle ! M. Jean-Christophe Fromantin. Et si aujourd’hui le Président de la République est au plus bas dans les sondages, je ne pense pas que ce soit avant tout pour des raisons économiques et techniques, même si, bien entendu, ces difficultés expliquent en partie une telle impopularité. C’est parce qu’il a profondément ébranlé des valeurs qui fondent notre société, parce qu’il a touché à des questions extrêmement graves que la mobilisation est grandissante dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

[3] - en conclusion du débat au Sénat, le 12 Avril … M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je voulais à mon tour dire la grande émotion qui est la nôtre et me tourner vers l’avenir, maintenant que ce texte est adopté au Sénat et qu’il le sera bientôt à l’Assemblée nationale, pour beaucoup d’hommes et de femmes homosexuels. Ces hommes et ces femmes ont traversé des situations dans lesquelles ils étaient constamment vilipendés, critiqués ; ils ont vécu tellement longtemps dans la honte qu’ils ont demandé la reconnaissance. Ce projet de loi est donc d’abord un texte de reconnaissance pour celles et ceux qui ont demandé, depuis bien des années, de pouvoir passer de la honte à la fierté, afin que chacune et chacun, dans ce pays, puisse être fier d’être qui il est et respecté dans son être propre. Tel est le premier avenir de ce texte.

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