mercredi 1 mai 2013

débat - le logiciel France est en mode échec, selon Xavier Gilhou - pas selon moi






Le logiciel France est en mode échec !

Dans un contexte global de redéfinition des leaderships à grande échelle, et aussi à très
grande vitesse, la France se singularise par une crise de régime, une crise
institutionnelle et une crise sociétale majeure sur fond de récession économique et de
montée historique du chômage. Nous avons l’impression de renouer avec les années
1935-39 où le même type de gouvernance s’est employé à ruiner la IIIème République, à
affaiblir le pays en divisant les opinions, à réduire ses capacités de défense tout en donnant
l’illusion, derrière sa ligne Maginot, d’avoir l’armée la plus redoutée d’Europe…. Nous
connaissons la suite et il règne la même impression très désagréable de fuite en avant et
d’incompétence que celles qui nous ont amenés à cette « étrange défaite » en 1940. Au-delà
ce constat et cette intuition, il règne un climat malsain et délétère de fractalisation de la
société qui devient très dangereux. Cela peut nous mener sur des cinétiques violentes sur le
plan sociétal, dont seuls les français ont le secret.
Depuis plusieurs années, et de façon plus flagrante avec le changement de majorité, pour
satisfaire une politique sans stratégie mais dominée par des réseaux, des apparatchiks, des
lobbies, similaires à ceux des « bouilleurs de crues »1, la France s’est enfoncée dans un
processus de désacralisation du pouvoir, de décribilisation de la République et de déni de

1 Voir l’excellente synthèse faite par Jean Garrigues, historien, spécialiste d’histoire politique, qui enseigne à
l’université d’Orléans, dans La France de la Ve République 1958-2008 (Armand Colin, 2008) au chapitre
« groupes de pression »
http://www.adels.org/territoires/PDFArticlesDuMois/Territoires520ArticleHorsDossier.pdf

démocratie. La « normalité » du Président de la République, le niveau de corruption, voire de
mensonge d’Etat qui règne au plus haut niveau de l’exécutif, les multiples scandales
administratifs, judiciaires et financiers, la présomption de mensonge permanent et de
manipulation des opinion, tous ces éléments à charge accumulés depuis des années,
jamais traités sur le fond, mal gérés sur la forme, contribuent à dégrader cette relation Etatnation qui est en France historiquement très fragile et toujours très sensible depuis
Richelieu.

Ce lien est en train d’éclater une fois de plus. La défiance envers les élites est désormais
considérable avec un pouvoir qui ne rassemble plus que 25% de support dans l’opinion2
62% des français consultés considèrent que le Président actuellement en place est
« incompétent »3… Avec de tels niveaux d’alertes, n’importe quel conseil d’administration
d’entreprise aurait déjà changé l’exécutif pour ne pas subir une faillite annoncée ! La perte
de confiance dans tous les niveaux de gouvernance est l’élément dimensionnant de la
crise française. Les niveaux de colère et de déception qui commencent à s’exprimer
massivement, et avec une multiplicité de modes d’action sur le terrain, révèlent un niveau
historique de rejet des dirigeants du pays, qu’ils soient politiques ou économiques, par une
très grande partie de la population.

Certes, l’encadrement supérieur des administrations et des entreprises n’est pas très
sensible à cette rupture sociétale et il n’est pas certain que ces élites comprennent ce qui se
passe réellement dans le pays. Depuis trente ans, cette couche très marginale, mais aussi
très parisienne, s’est éloignée du destin de la France qu’elle amalgame à celui de la
mondialisation. Elle est bercée par la financiarisation de l’économie et est devenue au fil du
temps autiste du fait de son niveau de confort et d’enrichissement, non pas par le travail,
mais par le fruit de multiples spéculations mobilières et immobilières. Elle a perdu
progressivement le sens des réalités et est devenue indifférente à la dégradation globale de
la situation sociale et économique. Pire, elle est soumise et résignée à un mode de
pensée qu’elle ne maîtrise pas.

Pour le reste de la population, notamment pour le milieu et le bas des classes moyennes, la
situation est inverse. Ces catégories ont cru pendant longtemps aux sirènes de l’ascenseur
social, au mythe de l’enrichissement facile grâce à l’endettement et aux stratégies d’effet de
levier portées par le monde bancaire et financier, à l’illusion d’une société de loisirs et de
consumérisme… Mais depuis quelques années, ces populations sont confrontées aux effets
pervers des délocalisations, de la désindustrialisation, du chômage de masse, de la perte de
pouvoir d’achat4, de l’endettement, des hausses d’impôt et beaucoup plus grave à l’absence
d’avenir, surtout pour leurs enfants. Ces classes moyennes commencent à comprendre
depuis quelques temps que la crise de modèle dans laquelle l’Occident est entrée depuis
2006/2008 est durable, mais particulièrement impitoyable pour les faibles, et beaucoup trop
indulgente pour les incompétents. La défiance actuelle est assise sur un sentiment
profond d’iniquité et d’injustice.

2 http://www.lemonde.fr/politique/article/2013/04/21/hollande-perd-six-points-de-popularite-record-desmecontents_
3163593_823448.html
3 http://fr.reuters.com/article/topNews/idFRPAE93A08720130411
4 http://www.lemonde.fr/politique/article/2013/03/27/une-baisse-historique-du-pouvoir-dachat_
3148535_823448.html

La situation française dans le paysage international est singulière mais surtout très
dangereuse5. Certes, le pouvoir peut faire des pirouettes de communication pour donner
l’impression qu’il maîtrise la situation avec une guerre de raid contre 300 djhadistes dans le
désert pour détourner le focus médiatique et éviter de prendre en compte la population qui
descend dans la rue par centaines de milliers… C’est un biais classique en politique, mais
qui n’a fait qu’enkyster les problèmes de fond sur le plan sociétal et ce quelles que soient la
nécessité et la légitimité de cette opération militaire sur le fond… Stigmatiser la menace
extérieure, avec une instrumentalisation très facile de la germanophobie qui monte dans tous
les pays latins, est là aussi un peu facile et léger, surtout quand on connait l’état actuel des
finances publiques, de la balance commerciale et le niveau d’endettement du pays... Ouvrir
sans discernement nos frontières à certains investisseurs chinois, indiens, qataris pour
renflouer tant bien que mal les caisses de l’Etat, ou faire reprendre des passifs pourris de
banques ou d’entreprises condamnées par trente ans de perte de compétitivité est là aussi
pour le moins suicidaire à terme pour notre souveraineté…

Actuellement, le pouvoir n’est plus respecté et respectable tant pour la population française
que pour l’extérieur. Son mépris du débat, les multiples dénis de démocratie, les trop
nombreuses affaires de corruption, l’impunité des courtisans et, surtout, la récurrence
permanente du mensonge font qu’il est devenu irrecevable à l’intérieur du pays et méprisé à
l’extérieur. Tout ceci est explosif, car les français, qui sont très schizophréniques sur le
plan électoral, sont éruptifs quand il y a désacralisation du pouvoir, trahison des
clercs, et iniquité de traitement. Les français vont aux urnes en votant la plupart du temps
« contre », car ils savent qu’il n’y a pas dans ce pays de véritable contrat social, qu’il n’y a
pas de fiabilité fiscale et qu’il n’y a pas de parole politique. Le référendum dans cette
pratique infantile de la démocratie est toujours l’occasion de dire « non » à la question
posée ! Et comme le suffrage universel est toujours biaisé, il arrive un moment où la
situation devient insupportable, surtout lorsque les lobbies gouvernent, que le gouvernement
se réunit mais ne décide plus et que le chef de l’Etat n’incarne plus une vision collective.
Dans ce cas de figure, le français redevient un « animal politique » redoutable ! Si dans
le monde entier on ne retient de l’histoire de France que ses épisodes révolutionnaires, pas
toujours très heureux, ce n’est pas fortuit. Beaucoup aujourd’hui dans le monde observent la
« cocote minute » française avec une certaine inquiétude tant cette alchimie du peuple et de
son souverain est imprévisible…pour le meilleur, mais aussi pour le pire !
Pourquoi la situation française est-elle aussi dangereuse ? A priori, pour beaucoup nous ne
représentons plus grand-chose sur le plan international. Démographiquement, nous sommes
devenus un tout petit pays. Certes, économiquement, nous demeurons la 5ème puissance
mondiale et avec l’Allemagne nous constituons un verrou incontournable, mais à la seule
condition que le mariage de raison tienne. Par ailleurs, stratégiquement nous sommes
toujours membre du conseil de sécurité de l’ONU, bien que puissance moyenne sur le plan
militaire, mais encore dotée de l’arme nucléaire et de capacités de projections aéromaritimes
non négligeables. Pour toutes ces raisons, même si nous sommes devenus marginaux en

5 Cf. Le livre que j’ai écrit juste avant la crise en février 2007, Quand la France réagira…, Chez Eyrolles. Tous les
symptômes que j’ai évoqués dans l’ouvrage apparaissent désormais au grand jour et ne font que s’amplifier: Cf.
Le symptôme « argentin » avec la dette du pays qui sera de 100% du PIB fin 2013, le symptôme « yougoslave »
avec la fractalisation de la relation Etat-nation, et le symptôme « libanais » avec la multiplication des zones de
non droit ainsi que la radicalisation des questions communautaires et identitaires (cf. la situation à Marseille ou
dans nos banlieues parisiennes). La conjugaison des trois est très dangereuse, surtout dans un contexte
d’implosion politique et sociétale.

termes de taille, nous constituons en revanche un risque systémique majeur en cas de
défaillance de notre gouvernance.
Le premier risque est celui du krach interne avec une instabilité politique issue d’une
multiplicité de pics de colère ingérables et insoutenables. Les évènements en cours
depuis plusieurs mois, avec des millions de français dans la rue sur des questions majeures
de sociétés, ne peuvent plus être considérés comme nuls et non advenus comme le font
certains chroniqueurs ou politiciens. Le déni et le mépris qui sont pratiqués par le pouvoir
actuellement ne constituent pas une bonne stratégie. La spirale actuelle peut nous emmener
très rapidement, si elle n’est pas contenue et pilotée, dans un chaos politique durable, brutal
et ingérable avec des scénarios que même les italiens ne connaissent pas ... Le deuxième
risque est celui d’un divorce avec l’Allemagne, d’un éclatement brutal de l’Euro et de
la fin de l’Union européenne. Personne n’y croit alors que ce scénario n’a jamais été aussi
flagrant et imminent. Les conséquences en termes d’ondes de choc et d’impacts
stratégiques au niveau mondial sont pour le moment inimaginables. Elles seront supérieures
à une crise au Proche-Orient car elles remettront en cause le peu qui reste des architectures
de sécurité internationale issue de Yalta et révèleront surtout les fragilités monétaires et
financières du traitement de la crise au niveau international depuis 2008. Dans les faits,
personne n’a intérêt à un tel krach, mais l’inconcevable n’est pas impensable… Le troisième
risque est collatéral au sein du monde latin et, du fait de toutes nos relations
politiques, démographiques et économiques, avec le monde arabo-africain. Là aussi,
nous ne pouvons pas imaginer ce que pourraient être les conséquences d’une implosion de
notre gouvernance interne et conjointe à celle du système européen dans cette relation nordsud qui est actuellement très instable notamment sur le plan identitaire et sécuritaire.

Par ailleurs, sur le plan géopolitique, nous entrons dans un calendrier très tendu avec les
élections iraniennes en juin et allemandes en septembre. Ces deux rendez-vous vont
conditionner la stabilité des plaques régionales moyen-orientales et européennes. Pour leur
part, les rivages de la Méditerranée sont actuellement au coeur des crises les plus
délicates que nous ayons à gérer au niveau mondial. Au nord, les logiques fratricides
entre peuples latins et peuples du Saint-empire romain germanique reprennent toute leur
place. Cela se traduit par un exil fiscal pour ceux qui veulent se protéger des implosions de
système mais aussi par la fuite des cerveaux et des jeunes qui veulent trouver un avenir. A
court terme, c’est aussi le signal de la déliquescence du rêve européen et le compte à
rebours de l’éclatement de la zone euro. Au sud, derrière les printemps arabes, les logiques
frontales entre les différentes voies de l’Islam s’affirment désormais de façon explicite,
reléguant les constructions Etat-nation ou les épisodes nationalistes aux rebus de l’histoire.
Cela se traduit par un exil politique pour des millions de personnes qui fuient la montée d’un
islamisme qui ne masque plus sa radicalisation. A l’est, la zone du Proche et Moyen-Orient
s’enfonce dans de multiples guerres civiles qui consacrent définitivement la déconstruction
du tracé des frontières issues des accords Sykes-Picot, ainsi que l’échec des gesticulations
occidentales. La fragmentation en cours des souverainetés syriennes et irakiennes,
l’instrumentalisation et les menaces qui pèsent sur les minorités chrétiennes d’Orient comme
sur les kurdes, les risques d’instabilité du royaume de Jordanie et les surenchères des
monarchies de la péninsule arabique face aux pressions chiites, avec en toile de fond un
désengagement discret mais de plus en pesant des américains au profit du Pacifique, sont
des signaux annonciateurs de profonds changements de paradigmes dans les équilibres
mondiaux. Au milieu de tout ce maelstrom de crises très hétérogènes, nous avons avec
Chypre, le Liban et Israël de véritables laboratoires des nouveaux rapports de force qui
s’installent durablement entre les uns et les autres sur ces rivages turbulents.
Les implosions de société qui sont en cours vont dominer durablement cet espace régional
avec des risques financiers, sociaux et identitaires qui ne pourront pas être résolus par de
simples opérations de communication politique ou par des bricolages populistes. Tout ceci
pose la question fondamentale de l’avenir de la démocratie pour nos vieux pays européens,
de la robustesse de notre Vème république, surtout quand les institutions sont dénaturées par
une forme de despotisme technocratique et quand le politique au sens noble du terme s’est
dissout dans le cirque médiatique. Cela pose aussi la question de notre place à terme dans
le concert des nations lorsque sur le Pacifique nord, loin de nos rivages méditerranéens,
s’expriment d’autres grands jeux qui structurent ce XXIème siècle avec des acteurs qui se
moquent de nos tribulations excentriques d’enfants gâtés du bout du monde… Il suffit
d’observer ce qui se passe en mer de Chine, au Japon avec l’arrivée de Shinzo Abe qui
rallume les tensions nationalistes, entre les deux Corées, dans les pays de l’ASEAN qui sont
devenus la première zone de libre échange au monde pour comprendre que notre sort ne
dépend plus que de nous-mêmes. Nous ne bénéficions plus de parapluies stratégiques pour
nous protéger et nous accompagner et nous ne pouvons plus cacher nos défaillances de
gouvernance avec Internet qui charrie instantanément sur tous les écrans du monde la
moindre faute, le moindre mensonge.

La crise que nous devons affronter n’est pas uniquement technique avec la question de la
transition énergétique et l’émergence d’une nouvelle révolution industrielle, elle n’est pas
seulement financière et économique avec la question du règlement des dettes et de la
relation de la croissance. Pour la France, elle est devenue civilisationnelle ! Elle nous
interpelle sur nos valeurs, nos croyances, nos principes de vie, sur ce que nous voulons ou
ne voulons pas devenir. Tout ceci suppose d’avoir quelque part une volonté ! Certes, là où il
y a une volonté il y a un chemin ! Mais c’est bien parce qu’il n’y a plus de volonté mais
un abandon de pouvoir et une cruelle absence de vision que nous avons l’impression
aujourd’hui d’être englués dans une sorte d’impasse historique. Camus écrivait à ce
propos « la société politique contemporaine est une machine à désespérer les hommes ». Et
Julien Green dans son journal d’affirmer « Il faut sauver l'espérance. C'est le grand problème
de ce siècle ! ». Là est la question majeure de la crise française et c’est là que se trouve la
racine de cette « erreur 404 »6 qui est signifiée par cette photo emblématique de ce jeune
français avec son masque larmoyant des « anonymous ». C’est cette erreur de protocole qui
met aujourd’hui notre logiciel Etat-nation en mode échec ! Il n’y a plus de véritables
responsables à l’adresse requise …

Nous croyons qu’il suffit de jouer avec la boîte à outils bureaucratique pour avoir un peu
d’espoir de croissance… Nous croyons qu’avec un peu d’inflation ou d’austérité nous allons
remédier aux auto- blocages actuels… Mais cette boîte à outils des techniciens ou experts,
voire imposteurs, de la macro ou de la micro économie, qui alimentent nos modes de
représentations du réel, n’est plus en mesure de répondre à la crise de modèle et de sens
que nous traversons! C’est sur le champ beaucoup plus profond et exigeant de l’espérance
que nous retrouverons la foi dans l’avenir, mais aussi dans l’homme et dans un nouveau
projet de société et de gouvernance plus équitable et juste. Face à la montée des tensions

6 http://fr.wikipedia.org/wiki/Erreur_HTTP_404

sociétales et à la mise en faillite de notre modèle de société il n’est pas interdit de méditer
cette phrase d’Euripide : « L'homme de coeur est celui qui se fie jusqu'au bout à
l'espérance. Désespérer, c'est lâcheté !» Cette citation est particulièrement d’actualité, elle
nous interpelle sur notre courage et sur notre sens réel de la liberté et de la démocratie.

Xavier Guilhou

Mai 2013


----- Original Message -----
To:
Sent: Wednesday, May 01, 2013 9:11 PM
Subject: Re: re:  "Le logiciel France est en mode échec!"  A lire dernier édito de Xavier Guilhou

Cher …, merci du "faire suivre".

Je n'ai pas une sensation de spectateur jugeant l'actualité et concluant à l'incompétence des acyeurs sur scène. je vis en situationd 'acteur de ma génération responsable de ce qu'il se passe et des genèses multiples de ce que nous vivons. C'est dire que je cherche les moyens d'intervenir et de contribuer au redressement. Il y a des apparences avec les situations des années 30 pour la stricte politique intérieure et pour la stricte qualification des opposants au gouvernement du moment - je dis gouvernement pour aujourd'hui, c'est-à-dire le déni de légitimité de la gauche par la droite, alors que la réciproque n'a jamais été vraie et que la gauche a toujours eu, malgré elle, le réflexe du hcapeau baissé quand passe le carosse - et pas du tout le régime, qui était visé par les gens du 6 février 1934. Aujourd'hui, le régime est la Cinquième République, sans doute affaibli par ses acteurs et par ce qu'ils font des institutions et de l'esprit fondé par de Gaulle : le quinquennat, Chirac se maintenant après la dissolution manquée, après le referendum perd, tout cela est de la responsabilité de la "droite", pas de la gauche.

D'autre part, les problèmes ne sont pas ceux du réarmement allemand et de la montée des régimes totalitaires. La question est tout entière du fiasco des dogmes du libéralisme économique et elle fait le bilan de ce qu'apporte non seulement au peuple mais à l'entreprise elle-même la destruction systématique de l'Etat, du service public, d'une vraie régulation et donc de la solvabilité d'une population. La faillite d'un libéralisme qui coupe la branche sur laquelle il erst "assis", si je peux risquer cette image n'est toujours pas dite, encore moins théorisée. Tout au plus, y compris des prix Nobel d'économie, se risque-t-on à dénoncer la "cupicité des dirigeants", mais la mise en évidente d'une supériorité de la pensée collective en comité d'entreprise sur la décision monolithique et à courte vue de dirigeants sur-payés et n'ayant de souci que l'actionnariat, n'est pas encore faite. Le gouvernement actuel en a cependant la prescience puisqu'il cherche un nouveau mode d'intervention des comités d'entreprise dans la direction de celles-ci.

La faillite du commuisme version soviétique s'est faite sans vrai conteste, sans véritable analyse non plus des raisons de l'effondrement alors que Marx dirait très bien que ces raisons ne périment pas ses thèses, bien au contraire. De même, ce que nous vivons - reconnu par tous depuis 2008 mais en germe depuis bien avant - serait tout à fait justiciable d'une analyse marxiste : le triomphe du libéralisme (triomphe mortifère) est triple, il a apparemmet eu raison de ses trois ennemis, 1° les Etats qui ne sont plus qu'apparence face aux "marchés" (en réalité des personnes physiques, telles que pour la France AXA, Bébar et Castries qui n'ont qu'une idée, une stratégie se substituer à l'Etat pour percevoir le prélèvement obligatoire le plus juteux, les cotisations sociales par la maîtrise des régimes sociaux), 2° la péremption de la lutte des classes instillée dans les cervelles de prétendus cadres, c'est-à-dire des diplômés qui se croient à la tête des supranationales en Europe, alors qu'ils ne sont que commerciaux ou comptables d'entreprises n'ayant pas leur tête chez nous, l'indivualisme de la société de consommation quand elle marchait a préparé de chacun pour soi désarmant le salarita face au patronat, 3° l'Eglise catholique dont le magistère social avec Jean Paul II issu de la société communiste et donc plein d'indulgence pour son libérateur américain et libéral, est émollient. La conditionnalité chrétienne du capitalisme : dignité du salariat, égalité du facteur travail avec le facteur capital a été oubliée, en tout cas par tous les prédicateurs chrétiens de l'économie. Les médias accueillant Xavier Guillou confirment mon assertion, et les manifestations contre "le mariage pour tous" sont une escroquerie car sous couvert d'un thème, présenté dogmatiquement comme indiscutable, on rassemble contre une gauche abhorrée. Que celle-ci ait actuellement une présence et une gestion distcutable, je veux bien, mais la droite et les manifestants rassemblés apparemment sous un tout autre prétexte mais ayant bien cette haine de la gauche, sont malhonnêtes car précisément cette gauche de 2012-2013 continue strictement la politique économique et sociale du quinquennat précédent.

Il manque donc une analyse psychologique - qui reviendrait pour l'auteur à s'auto-analyser dans ses préjugés vis-à-vis d'une bonne part de notre histoire nationale et de bien de ses personnages - de la relation droite/gauche en France, qui sauf avec de Gaulle, a toujours été crispée et réductrice de chacun des deux bords par l'autre, et il manque une analyse, qui demandera du travail, de l'échec du communisme (façon soviétique) et de l'échec du capitalisme (version dérégulée, dite libérale), les deux systèmes périssant, y compris pour la performance économique, faute de considération pour l'homme, faute en fait de démocratie. Que l'échec soit dû dans les deux parcours à ce manque d'humain est au fond très encourageant pour la suite, car la participation humaine, la restauration du facteur travail, une analyse plus fine du facteur capital et de tous les circuits de l'investissement et de la propension à entreprendre en individuel, en groupe, en collectif sont à notre portée. En France, en Europe. Bien des sujets sont d'ailleurs libres de tout clivage droite-gauche et antérieurs à toute dogmatique. Il y a des espace pour la novation et la liberté mentale. Ce n'est pas encore vrai en termes politiques mais il y a des chemlins : mode de scrutin, fonctionnement des partis, éducation civique, réinvention d'un service national. La crispation du débat sur le mariage a été désastreuse pour le réapprentissage en France de l'art convivial de débattre. En privé, ou au comptoir, il y a eu débat comme jamais chez nous depuis l'Algérie, mais pas dans l'espace public. Les langues étaient différentes, et il n'y a pas eu la recherche a priori de bases communes même si les conséquences et solutions devaient diverger. De même, dans la crise conceptuelle de l'économie, il n'y a pas encore l'équivalent des Adam Smith et J.M. Keynes.

J'ai sous les yeux la première édition française (chez Payot, en 1942, donc sous l'occupation allemande à Paris) de Keynes. Le livre a été traduit par Jean de Largentaye, attaché commercial à Madrid, camarade de promotion de Maurice Couve de Murville, le négociateur français en commission allemande d'armistice, dont il fut le bras droit quand celui-ci devint le commissaire aux Finances du C.F.L.N. à Alger à la suite du "coup de foudre" réciproque entre l'inspecteur des Finances et le chef de la France libre. Keynes écrit pour cette édition française : " en écrivant ce livre et un autre ouvrage qui l'a préparé, nous avons senti que nous abadonniosn cette orthodoxie, que nous réagissions  fortement contre elle, que nous brisions des chaînes et conquerrions une liberté... la composition de cet ouvrage a été pour l'auteur un long effort d'évasion, un lutte pour échapper aux forms habituelles de pensée et d'expression ; et la plupart des lectuers devrint s'imposer un effrt analogue pour que l'auteur parvienne à les convaincre ". Jean de Largentaye, aidé de Gabriel Ardant, pour faire "passer" sa publication... évoque à l'appui de Keynes, Schacht : " comment en particulier une forte augmentation de la quantité de monnaie a-t-elle pu se traduire beaucoup plus par la réduction du chômage que par la hausse des prix ? ". Toute la nouvelle école française que signifie l'Observatoire français des conjonctures économiques (l'OFCE), à la suite de Jean-Marcel Jeanneney son fondateur, voulu par Raymond Barre et maintenu par François Mitterrand personnellement, est d'abord une analyse précise et statistique des politiques conçues et de leur résultat. La lacune française depuis une trentaine d'années et particulièrement depuis 2003 quand les critères de Maastricht furent enfreints aussi bien par l'Allemagne que par la France, est de ne pas étudier - hors toute polémique partisane ou électorale - ce qui vient de se faire et ce qui en est résulté. Aussi peu de débat, aussi peu de réflexion, c'est cela qui angoisse. Rien d'autre. Il a été dit pendant la campagne de 2012 que Keynes était un livre de chevet du futur élu, ainsi que des études sur Roosevelt et le New Deal.

Xavier Guilhou est abondant sur le constat, peu fondé sur les analogies, inexistant jusqu'au prochain numéro pour les remèdes. C'est être passif. La désacralisation est une observation juste. Elle est une dérive de l'exercice des fonctions présidentielles dont François Hollande a hérité : il n'en est ni l'auteur ni le bénéficaire. Elle date un peu de la passivité de Jacques Chirac, lequel est en revanche l'initiateur de ce retour de la haine en politique : haine pour Chaban, haine pour Giscard d'Estaing, haine pour Mitterrand. fde Gaulle était haï, précisément par la droite lui reprochant Pétain qu'il connaissait et avait pratiqué pourtant bien mieux qu'elle et qu'il a révéré bien plus que toute droite, y compris surtout Maurras, et lui reprochant l'Algérie.

Avec un vocabulaire d'ingénieur - aussi abscond et supérieur que celui reproché à l'inspection des finances... fractalisation, cinétique... - Xavier Guillou ne remarque pas que le communautarisme si dangereux pour notre pays, n'est pas de gauche, il a commencé - encouragé par Chrirac et par Sarkozy, par la course aux dîners du CRIF, par la dogmatique d'une soi-disant sécurité israëlienne mettant tout le Proche et le Moyen-Orient dans des déséquilivres stratégiques grandissants et maintenant dans le malheur des millions de pauvres gens - avec un communautarisme de certains Juifs, que ni nos compatriotes musulmans, ni ceux d'origine subsaharienne n'ont imité, et qui maintenant atteindrait l'Eglise catholique. Les intégristes façon Fraternité Saint Pie X n'auraient jamais espéré avoir tant de troupes. Tissier de Mallerais était dans mon rallye cours de danse Paris XVIème arrondissement à nos 17 ans... j'ai connu Ducaud-Bourget, j'étais a priori "sensibilisable" étant hostile à la "réforme" du scoutisme, mais son leit-motiv : couper, couper (avec le cours post-conciliaire) me heurta d'instinct.

Le modialisme et l'accueil des produits chinois, ce n'est pas la gauche, mais Chirac - "le mondialisme est un atout pour la France" - et Sarkozy allant au JO de Pékin.

Les remèdes ne sont pour moi nullement idéologiques, ils n'invoquent aucune infaillibilité ni religieuse ni scientifique. Ils viennent de notre histoire. Planification à la française, retour aux origines de l'entreprise européenne : un marché commun aux Européens, pas au monde entier, une reprise démocratque chez nous (responsabilité référendaire du président de la République, vote de conscience et quorum de participation, retour d'un ministre démis devant les électeurs s'il veuty de nouveau siéger aux assemblées) et à inventer pour l'Europe (élection au suffrage direct de tous les citoyens européens pour le président de l'Union, rédaction d'un nouveau traité par le Parlement à élire en 2014).

Ils sont un retour au civisme et une invention de l'opposition constructive par l'UMP actuellement comme par le PS s'il venait à perdre en 2017, c'est-à-dire une alternative de politique au lieu d'une simple alternance des personnes. Et si les politiques doivent être identiques (les moeurs malheureusement aussi), alors gouvernement d'union nationale.

Les observations sur les calendriers iranien et allemand sont pour la montre. L'Iran a toujours voulu - shah ou aytaollah - être une puissance de premier plan. Avec la Chine, c'est actuellement le pays le plus ancien du monde dans ses frontières et dans sa population. Sa diplomatie telle que je l'ai expérimentée pendant ma carrière diplomatique est l'une des plus fines et avisée qui soit. Nous avons eu le tort - avec VGE - d'accueillir Khominy et de cautionner la chute du shah : l'ancien président reconnaît aujourd'hui que ce fut la principale erreur de son règne. Nous avons le tort de sanctuariser Téhéran au prétexte nucléaire et d'une transgression des traités pertinents, mais c'est Israël qui est le danger nucléaire en Orient et qui refuse chacune des résolutions des Nations Unies depuis 1967, à terme pour son détriment (nous avons fait l'expérience des Croisades et avons duré là-bas deux siècles, mais pas plus...). De quel droit, les pays ayant un vanatage chronologique pour le nucélaire fermeraient la liste après eux. On peut parler avec les Iraniens mais d'abord en se mettant à leur place. Quant à l'Allemagne, si elle est seule, elle perd, elle a le vertige, il n'y a plus d'Europe, il y a la coalition, et elle n'a plus de marché. Aucun risque qu'elle lâche. La politique est affaire de psychologie, d'âme et de mental, elle n'est pas mathématique même s'il n'est pas interdit d'être intelligent et fde considérer ses propres cartes et celles de l'autre. Une certaine intimité - que nous n'avons plus eue avec l'Allemagne après Mitterrand/Kohl et Dumas/Genscher - permet de jouer cartes sur tables. Cela ne se fait pas en conférence de presse commune plus longue que les conversations elles-mêmes... et d'un de ces ridicules pupitres à l'autre façon américaine avec prompteur pour mémoires défaillantes ou gens publics sans égard pour le public. Cela se fait en prenant du temps tête-à-tête : de Gaulle accueillant et hébergeant Adenauer à Colombey, chacun des deux préparés l'un à l'autre par l'unique Couve de Murville (lui encore...). Là c'est du travail, là c'est du résultat.

La Méditerranée. Le processus de Barcelone n'est pas un échec. L'Union pour la Méditerranée est unproduit de l'ignorance de sarjozy, heureusement pallié par un bon travail en commission des Affaires étrangères à l'Assemblée nationale dès l'automne de 2007. Il n'y a jamais eu autant d'affinités entre Européens et Arabes, entre chrétiens et musulmans que ces temps-ci, nonobstant les désordres d'enfance en Egypte et en Tunisie, les jeux contradictoires, peureux et peu informés des "services" à propos de la Syrie.

Je suis donc optimiste. La politique, c'est d'abord le sursaut politique. Ce sont les Français qui appellent leurs dirigeants, et les "pédagogisent". Nous ne sommes pas en bonne posture , mais à voir clair en termes d'Etat, de démocratie, de France et d'Europe, nous pouvons nous en tirer et je crois même que nous pouvons attirer à notre exemple la plupart de nos partenaires européens. Vieux peuples qui ont de la cervelle mais qui se sont fait exploiter depuis une vingtaine d'années par le contre-coup de l'implosion soviétique, qu'a été le triomphalisme libéral. La volonté, Chirac, Villepin, sarkozy... la politique est une réponse, la personnalité politique vraiment adéquate n'est pas la plus compétente, ni la plus tenace ou volontaire, la plus autiste donc... c'est elle qui ressent profondément l'appel des autres et qui a assez de discernement pour, dans des circonstances très astreignantes, répondre en donnant raison à ceux qui espèrent. cas d'école juin 1940. S'il n'y avait eu des Français anonymes, lambda voulant passionnément qu'il y ait encore des chances, de Gaulle n'aurait pas existé politiquement, il aurait été un mercenaire. Il a été la France et la victoire parce que des Français le voulaient, voulaient non lui a priori : il était inconnu du grand nombre (mais pas de l'élite ni des Allemands, le "livre blanc de la défense et de la sécurité nationale" ce n'est pas Debré en 1972 ou les "pékins" d'avant-hier, c'est la France et son armée, et Vers l'armée de métier), mais la France et la victoire. 

Guilhou cite Green. Eh bien ! moi j'ai l'espérance. Elle n'est pas à sauver, je l'ai toujours eu, et je n'ai été inquiet que quand je sentais des unanimités faciles, notamment pendant les "trente glorieuses", du moins la dernière décade où j'ai eu l'honneur d'être régulièrement publié par Le Monde.

Le cours de gauche, si tant est que dans cette étape-ci (qui, je crois, se termine) nous soyons dans un cours de gauche, même si le président a été élu à gauche, n'a qu'un an. La droite tient la corde depuis 1993 car Lionel Jospin, à part les 35 heures qui ne sont pas de son crû a tout réservé de son quinquennat législatif pour l'après-présidentielle qu'il était assuré sur le papier de gagner. Vingt ans de droite, et un an de gauche.

Et puis, au contraire de ton auteur, j'écris les Français avec une majuscule.

Voilà, mon cher …, mon annotation... que je me permets de diffuser autant que le factum de ton correspondant.

Fraternellement.

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