Mardi 8 Mars 2011
Prier…[1] le signe de la croix avant de lire. Un jour, Tobie, fatigué après avoir enterré les morts, rentra chez lui, s’étendit contre le mur et s’endormit. Pendant son sommeil, des hirondelles firent tomber de leur nid de la fiente chaude sur ses yeux, et il devint aveugle. Talent du conteur, les situations, l’époque, les dialogues et l’on comprend la maison, à claire-voie et que Tobie est un homme d’accueil. Il respire une humanité accomplie. C’est également le type de juste qu’affectionne la Bible, dans le paroxysme que donne le livre de Job. Dieu permit cette épreuve pour que Tobie donne à la postérité un exemple de patience, comme le saint homme Job. Comme Tobie, depuis son enfance, avait toujours eu la crainte, et observé ses commandements, il n’en voulut pas à Dieu pour le malheur qui le frappait, mais il resta inébranlable dans la crainte de Dieu, lui rendant grâce tous les jours de sa vie. Il n’y a pas de problème du mal, il y a l’accueil du mal qui donne à celui qui le reçoit la grâce en même temps de tout mettre en perspective. Le malheur fait attendre, produit l’attente, il procure même le redoublement de la relation intime avec Dieu, désormais jusqu’à l’âme, aux fibres du corps distendu et écartelé (le Christ en croix). Profession de foi de Tobie (comme dans Job, il y a ce verset, chronologiquement le premier dans l’histoire spirituelle de l’humanité, du monothéisme, attestant la foi dans la résurrection – verset il est vrai de traduction multiple, car – hasard ? – il est en partie corrompu et l’exégèse a varié [2]) : nous attendons cette vie que Dieu donnera à ceux qui ne perdent jamais leur confiance en lui. Dieu fait homme (autre façon dans l’Ecriture de révéler et dire la résurrection de la chair) a la même indépendance de jugement que Tobie, raillé par sa femme : tu es toujours vrai, tu ne te laisses pas influencer par personne, car tu ne fais pas de différence entre les gens, mais tu enseignes le vrai chemin de Dieu. Dans les évangiles, comme dans l‘expérience humaine, le démon est le premier à reconnaître Dieu. Mais lui sachant leur hypocrisie, leur dit : ‘Pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ?’ . Scenario des trois tentations au désert. Réplique dialectique du Seigneur. Imparable. Mettre Dieu à l’épreuve, c’est simplement manquer de foi en Lui. Mais Lui sait nous en rendre un peu par des manières tout humaines.
soir
C’est hallucinant. La cécité du pouvoir en place et de ses soutiens, le seul lucide, à le voir en photo., l’œil poché, est François Fillon. L’acharnement à faire de la France la propriété des simplismes du Front national : l’UMP a été totalement transfusé idéologiquement, on ne sait plus qui en rajoute sur l’autre, c’est atroce de bêtise des acteurs et de défiguration du pays. Challenge en préface hebdomadaire constate que Sarkozy n’arrive pas à s’entourer pour la conduite de l’Etat à l’Elysée et par conséquent s’organise déjà en campagne dont les « cerbères » (sic) serait Guaino et Hortefeux : accentuation par conséquent du côté FN. Guéant, après son premier coup, empiétant sur les compétences de Juppé au Quai quand il demande aux Italiens de « retenir les Tunisiens », est maintenant à chiffrer les cameras de surveillance à installer, malgré les restrictions budgétaires. Je me souviens de Prague au début de 1989, sinistre avec un couvre-feu de fait et des caméras partout dans les rues principales. La surveillance, la répression n’ont pas empêché ces régimes de tomber, décomposés. Mon correspondant fréquent, le député-maire de Maisons-Laffite, polémique avec des associations sur le traitement des Roms qu’il justifie tandis qu’une députée UMP quelconque recommande qu’on remette les immigrants dans leur bateau.
Naturellement, le fond qui n’a pas cessé depuis 2007, est à la haine du PS. Aubry ne parvient pas à s’imposer dans l’opinion même si en général elle est plutôt devant Sarkozy pour 2012. Les délais pour l’investiture du candidat socialiste, tenant selon les apparences sans doute fausses, mais qui dominent, à Strauss-Kahn, n’avantagent pas la candidature finale qui risque de n’être que par défaut. Le plus grave est qu’aucun thème clair et fort ne semble résonner et se propager depuis la gauche en mouvement d’opinion faisant résolument opposition au cours actuel : rétablissement de la démocratie, exercice collégial du povuoir, réinvention du service public, remise à plat de la réforme des retraites, de celles des organisation et élections dites « territoriales », etc… retrait de nos troupes d’Afghanistan. Rien de cela n’est dit, au mieux on entend du médiocre journalisme.
Dans ces conditions, non seulement Sarzkoy, selon les sondages, est impopulaire comme aucun président ni chef de gouveernement ne l’a été depuis peut-être Laval, mais c’étaient la guerre et l’occupation allemande, mais il est dans la perspective de devoir céder la place à un autre candidat pour la droite. Marine le devance au 1er tour – ce que j’avais souhaité et prévu au moins depuis l’été – et il est devenu probable qu’il ne sera que troisième, donc éliminé du 2ème tour. Bien entendu, comme en 2002, les Français ne veulent pas du Front national à l’Elysée.
Pour ajouter le comble des fautes et du discrédit de la politique, sans fausse honte, Chirac et son équipe multiplient les manœuvres depuis dix-huit mois pour que le procès des emplois fictifs, au contenu diminuant d’ailleurs à vue d’œil, n’ait pas lieu. Une toute puissance des chefs, une immunité à vie quand on a accédé à la fonction.
Comme chaque Français, comme chaque tributaire d’un Etat dont personne ne s’occupe sauf en comptabilité pour diminuer les concours publics à l’économie, à la société et à l’éducation tout en augmentant l’imposition de la classe moyenne, je subis cette sorte de démontage, de détricotage de ce qui marchait auparavant. J’égare un numéro de téléphone, plus aucun bottin n’indique un numéro auquel appeler a fin de se renseigner. Comme je n’ai qu’un débit internet inférieur à 36 k/bits, je n’arrive plus à avoir les annuaires en page orange des dépêches AFP. J’ai dû passer par Google et tâtonner entre des dossiers pouvant me donner des coordonnées. Près de treize cent euros d’amende pour des excès de vitesse que je conteste quand j’en reçois l’avis – auparavant ou naguère on recevait la photo. prise au radar, plus maintenant et la contestation dont rien ne dit qu’elle aboutira doit s’assortir d’un paiement conservatoire correspond aux majorations de retard. Et c’est un huissier, avec mandat de saisie, qui vient articuler la somme. Le chômage, les placardisations, les impôts face aux affichages de profits des banques et des pétroliers, ou aux émoluments de quelques dirigeants, la France de 2011 ressemble aux caricatures de la France de 1787 : les riches sont riches parce qu’ils ne payent pas. Encore n’ai-je pas vécu l’expérience que je crois la plus douloureuse : ces ambiances d’entreprise, avec ces objectifs quantitatifs qui ont inspiré aussi des manières depuis 2007 de regarder le fonctionnement de l’Etat et surtout de ses appareils répressifs.
Reste du monde, silence chinois, silence américain, accalmies locales à Bahrein, au Yémen, couloirs sans doute en Tunisie et en Egypte. Ces révoltes ne sont pas nationalistes ni pan-arabes, elles sont une revendications sociale et un dégoût pour les gens en place. Exactement la situation française, mais avec du nerf.
[2] - Job XIX 25.26.27 – anciennement traduit selon la Vulgate : Car je sais que mon Rédempteur est vivant, qu’au dernier jour je me lèverai de terre, que de nouveau je serai entouré de ma peau et que, dans ma chair, je verrai mon Dieu. – La Bible dite de Jérusalem traduit maintenant (1998) : Je sais, moi, que mon Défenseur est vivant, que lui, le dernier, se lèvera sur la poussière. Une fois qu’ils m’auront arraché cette peau qui est mienne, hors de ma chair, je verrai Dieu. Celui que je verrai sera pour moi, celui que mes yeux regarderont ne sera pas un étranger. Elle traduisait autrefois (1956) : Je sais, moi, que mon Défenseur est vivant, que Lui, le dernier, se lèvera sur la terre. Après mon éveil, il me dressera près de lui et, de ma chair, je verrai Dieu. – CHOURAQUI donne : Et moi, je le sais, mon racheteur est vivant. En dernier, il se lèvera sur la poussière. Derrière ma peau, ils ont buriné cela ; dans ma chair, je contemple Eloha. Ce que, moi, je contemple en moi, mes yeux le voient, pas un étranger. – Enfin, les littéraires d’aujourd’hui (Pierre ALFERI et Jean-Pierre PREVOST, « nouvelle traduction » Bayard.Mediaspaul . 2001) écrivent : Je le sais : mon racheteur vit. Tout au bout il va se dresser sur la poussière – de ma peau rongée jusqu’au bout de ma chair, je contemplerai Eloah. Je le contemplerai pour moi, de mes yeux : nul autre que lui.
Je peux lire Job – depuis que j’ai traversé ce qui s’appelle cliniquement une « dépression » et que j’ai expérimenté, selon l’école lacanienne et son reçu par le service de santé des Armées (Val-de-Grâce), l’entretien psychothérapeutique (non pas l’analyse) avec une/un psychologue – comme un entretien de ce genre : il est décisif que ce ne soit pas un monologue et qu’il y ait échange et validation, il l’est tout autant que le patient n’éprouve et ne reconnaisse aucune culpabilité. A ces conditions, les repères se retrouvent. Dans le cas de Job, Dieu se donne et la restauration-guérison est complète. De l’épreuve, sort l’homme accompli qui, auparavant, n’était qu’en fragile gestation. – Il me faut travailler ce livre tant en poésie, qu’en perception-analyse humaine de la mort (la dépression est la tentation de préférer la mort, son attrait), qu’en enseignement, donc, sur la vie, c’est-à-dire la résurrection de la chair et la vie éternelle, en communion avec toute la création, tout le vivant. Mais par construction toute la création, même ce que nous disons : matériel, est vivante.
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