jeudi 17 mars 2011

Inquiétude & Certitudes - jeudi 17 mars 2011


Jeudi 17 Mars 2011

Prier …[1] je m’aperçois lisant Esther, que je me suis trompé hier de jour, anticipant à maintenant.Revenir en arrière [2] ? ou réapprofondir ce que je lisais hier ? les deux. Evangile de la conversion selon une identité criante mais pourtant non discernée : il y a ici bien plus que Salomon… il y a ici bien plus que Jonas.Cette génération est une génération mauvaise : elle demande un signe… Evidemment applicable collectivement à nous, au moins selon ce que j’éprouve de ma génération et de mon pays, mais c’est de moi qu’il s’agit surtout, de moi sur qui j’ai prise. Si j’offre un sacrifice, tu n’en veux pas, tu n’acceptes pas d’holocauste. Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé ; tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur brisé et broyé. Masochisme, pathologie, mortification, perfection ou racahat par échangisme et dolorisme ? évidemment non, rien ne s’échange, ne peut s’échanger avec Dieu, l’Incommensurable. Les sacrifices et autres, non. Mais nous ! oui, nous tout entiers ! Jonas parcourant Ninive, une ville extraordinairement grande : il fallait trois jours pour la traverser. Jonas la parcourut une journée à peine… aussitôt, les gens de Ninive crurent en Dieu. L’adverbe aussitôt, plus encore dans les évangiles : les disciples appelés, l’aveugle que le Christ va recevoir. La foi n’est pas délibération et pesée des alternatives. Les Ninivites ne s’interrogent que sur l‘accessibilité de ce Dieu qu’ils découvrent. L’évangile d’aujourd’hui répond : lequel d’entre vous donnerait une pierre à son fils qui lui demande du pain ? ou un serpent, quand il lui demande un poisson ? Si donc, vous qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est aux cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent ! Postérité : bénédiction pour l’Ancien Testament, relations d’amour et de pratique entre les personnes, et avec Dieu. Demande confiante : les Ninivites, l’enfant, nous. Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit pour tout aujourd’hui.

matin

Japon… héroisme des ingénieurs et employés de Fukushima qui ont tenté pendant cinq jours… hélicoptères maintenant, mais il faudrait une centaine de rotations, chacune est de sept tonnes d’eau, deux appareils en service et un troisième mesurant la radio-activité. Solution probable, rétablir en partie l’alimentation électrique de la centrale pour remettre en marche les pompes de refroidissement si elles fonctionnent encore… on a donc bâti une ligne à très haute tension en quelques heures ! Aucune indication que des concours étrangers, en experts ou en main d’œuvre soient sur place. Après la grippe H1N1, c’est maintenant la ruée sur les pilules d’iode dans tous les pays dits développés.

Libye… dans l’après-midi, peut-être un vote sur une résolution au Conseil de sécurité : France et Grande-Bretagne en flèche, rejoints par les Etats-Unis et soutenus évidemment par le Liban, hésitations de l’Allemagne (son rôle dans l’empêchement franco-britannique aura été décisif, cela, autant que l’absence totale des soi-disants représentants de l’Union telles qu’établies par le traité de Lisbonne et nommées sans enthousiasme deux ans après : il faudra l’analyser. La lacune de la France est évidente, elle n’a pas su travailler en coulisse ni à Bruxelles ni à Berlin) et hostilité de la Russie et de la Chine. Résolution dont le texte n’a pas encore été finalisé et qui ne prévoirait qu’une zone d’exclusion aérienne, à la diligence de la Ligue arabe, laquelle pourrait faire appel aux « Occidentaux ». Or, Khadafi junior hier après-midi assurait que dans les quarante-huit heures, « tout » serait fini. L’horreur. Comme presque toujours, la « communauté internationale » lamentable. +

début d’après-midi

----- Original Message -----
From:
Bertrand Fessard de Foucault
To:
Christian Frémont, directeur du cabinet du président de la République
Cc:
Jean-David Lévitte
Sent: Thursday, March 17, 2011 2:16 PM
Subject:
la réticence allemande à l'intervention en Libye
Je me souviens qu'étant en poste au Portugal - 1975-1979 - où nous nous sommes rencontrés pour la première fois, les Portugais avaient été alertés par la coincidence entre des propositions de la République fédérale d'acheter leurs terrains urianfères, et la rumeur à laquelle le chancelier Schmidt n'avait opposé qu'un démenti faible, selon laquelle les Allemands négociaient avec Khadafi la possibilité d'essais de fusées balistiques dans les déserts libyens.
Raymond Barre, alors ministre du Commerce extérieur, à qui j'en avais fait part, avait pris la chose au sérieux. Et je crois même qu'il en fut parlé avec les Allemands.
Quoi qu'il en soit, cette réticence allemande ces jours-ci a bloqué l'initiative franco-britannique, quand les circonstances s'y prêtaient le moins mal. En tirer les raisons au clair est urgent, pour toute suite.
Bien chaleureusement.


fin d’après-midi

Je ferai le point ce soir en regardant, ou demain matin, les dépêches de l’A.F.P. La lecture du Canard me fait comprendre notre fiasco en Libye : l’intervention si voyante de Bernard-Henri Lévy court-circuitant et contredisant Alain Juppé, le ministre en titre, fraîchement nommé et présenté aussitôt comme sauveur de notre reste d’influence, sinon de prestige. Introduire les opposants n’est pas une mauvaise idée, mais dans la discrétion totale et pour bénéficier d’une avance dans l’information vis-à-vis de nos partenaires et donc disposer d’une carte forte pour les convaincre de la qualité de ces opposants. Mais le clamer et en forme de reconnaissance gouvernementale est d’une maladresse, valant un sabotage. Alain Juppé, très certainement, ne restera pas au Quai d’Orsay ni au gouvernement : s’il se veut « présidentiable » en rechange de Sarkozy, c’est certainement ce qu’il a de mieux à faire, au lieu de se faire satelliser. Selon Le Canard, une vive scène à Sarkozy au téléphone.

Philippe Faure, que je crois connaître – était-il secrétaire général en 2007 ? – est interrogé : notre ambassadeur au Japon, une banalité d’organisateur de voyages, et surtout, alors que « de mon temps » il y avait une sorte de stage de préparation professionnelle des chefs de mission, il ne sait pas parler, sans doute ne bafouille-t-il pas à l’instar de Valero, mais la voix n’est pas belle, l’accent plutôt médiocre socialement, n’est pas maîtrisé.

Héroisme des trois cent travailleurs ou ingénieurs continuant de lutter à Fukushima, les radiations de 10.000 fois supérieures à la normale, tandis que chez nous une dame de je ne sais quelle agence de sûreté ou d’évaluation nucléaire, critique les paramètres et refait les calculs, à distance très respectueuse.

Bernadette Chirac touche 60.000 euros par an pour sa participation au conseil d’administration de LVMH : ce qu’elle a souhaité en acceptant cette figuration, c’est l’occasion de rencontrer des gens de premier plan et de parler économie…

soir

Il est maintenant acquis que le vendredi 11 Mars 2011 sera une des grandes dates de ce début de siècle, à l’égal d’un autre 11 : le 11 Septembre 2001, et du 9 Novembre 1989. Mais l’événement de Fukushima est redondant – parce qu’à l’instar du 6 Août 1945, premier bombardement nucléaire de l’histoire humaine : Hiroshima, il frappe un pays déjà marqué par cette technologie guerrière ou pacifique – et surtout n’est pas isolé d’un autre, d’une nature toute différente, ce que l’on n’ose toujours pas appelé la révolution arabe, et qui est seulement baptisé a minima : « révoltes arabes », celles-ci se datant du 15 Janvier 2011, première chute de dictature et devant se clore ces jours-ci par la chute de Benghazi. Les deux événements ayant en commun une extraordinaire valeur d’exemple, ce que n’eurent ni « la chute du mur », ni le « 11-Septembre ». Exemple de la manière dont un peuple peut renverser une dictature, mais aussi exemple (encors en Libye et au Bharein) dont une dictature peut se reprendre d’elle-même ou avec des concours extérieurs : force et faiblesse d’un courant populaire. Exemple (le Japon) de la manière dont on peut ou dont on ne peut pas, venir à bout d’un accident nucléaire défiant les sûretés techniques et toutes prévisions : cumul d’un tremblement de terre et d’un raz-de-marée (mot qui va tomber en désuétude).

Il y a enfin une troisième dimension à ce que nous vivons depuis le début de cette année : les événements de 1989 et de 2001 ont développé une grande charge émotionnelle et donc participative dans le monde entier, joie et enthousiasme que les pays sous dictature communiste se libèrent ainsi, à peu de frais humains à première vue, compassion très orchestrée et obligée envers les Etats-Unis, mais compassion tout de même. Changements stratégiques considérables à la clé : fin de l’empire soviétique, fin de l’alternative communiste pas forcément totalitaire mais couramment présentée comme telle au dehors, donc la fin d‘une époque, sans doute initiée en 1917 avec une seconde vague à partir de 1944-1945 – puis début d’une autre avec les deux initiatives de guerre locale américaine au Moyen-Orient et en Asie centrale. Au contraire, les événements de ce premier trimestre de 2011 : monde arabe et catastrophe nipponne entrainent ailleurs uniquement de la peur, peur de l’intégrisme et de l’immigration envahissant le Vieux Monde, peur de la pollution radioactive.

L’histoire hésite cette fin de semaine : la centrale de Fukushima revenant sous contrôle de ses concepteurs ? ou pas ! l’opposition libyenne, arc-boutée, ravitaillée (enfin) en sous-main, résiste à la reprise de Khadafi, qui avait paru mourant à tous égards, une huitaine de jours auparavant… ou est totalement réduite par massacre. Compassion ? admiration ? solidarité ? à commencer par les écologistes et les Verts : conscience planétaire peut-être ou sans doute, mais coup de main concret entre tous de la race humaine ?

nuit

Rebond ? une fierté d’être Français ? la résolution est votée en Conseil de sécurité, juste avant minuit de Paris. Alain Juppé pense faire la pige à Dominique de Villepin, mais il n’est pas affecté, et pour une fois je lui donne raison sur toute la ligne, pas de disocurs semble-t-il, nous sommes parvenus à éviter des vetos chinois et russe (j’allais écrire : soviétique) et les réticences (abstentions aussi) de l’Inde comme de l’Allemagne devront être élucidées et comprises, retravaillées en bilatéral discret, si nous voulons avoir créé une jurisprudence. Avec la couverture technique des Nations Unies et politique de la Ligue arabe, il semble que nous pouvons attaquer – en guerre de l’air – les forces de Khadafi. Celui-ci menace de s’en prendre au trafic maritime en Méditerranée. L’évidence est que s’il le fait, il y aura droit de suite. Sarkozy – inspiré avec justesse et dont la face positive du culot, du cynisme et de l’autisme est quand même le courage physique – a le projet (velléité ?) d’aller porter un certain salut au Japon en tant que France G 8 et G 20…

Mais Claude Guéant chante, comme jamais un ministre ou un député non FN ne l’a entonné : l’immigration non contrôlée fait que les Français ne se sentent plus chez eux. Marine Le Pen s’esclaffe et donne au ministre de l’Intérieur la qualité d’adhérent d’honneur. Sarkozy aurait déclaré que les Français ne voteront jamais pour quelqu’un d’aussi vulgaire…

[1] - Esther XIV 1 à 14 passim ; psaume CXXXVIII ; évangile selon saint Matthieu VII 7 à 12

[2] - Jonas III 1 à 10 ; psaume LI ; évangile selon saint Luc XI 29 à 32

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