samedi 7 novembre 2009

Inquiétude & Certitudes - samedi 7 novembre 2009


Samedi 7 Novembre 2009


Prier… les premiers temps, des libérations politiques et temporelles, l’attente des contemporains juifs du Christ, les premiers chrétiens : la mort et le retour du Christ avant leur propre mort, le XVIème siècle et avant comme après lui : le scandale des mœurs et de la vie pratiques de l’Eglise, de ses hiérarchies, réaction et « émancipation » des fidèles, le XVIIème siècle et le jansénisme : fais-je partie du petit reste, des élus ? le XIXème et les trois quarts du XXème siècle : la bonne conscience des possédants, qui en sus se mêlent de faire la leçon de charité et de dévotion à ceux qu’ils dominent, la fin du XXème et notre époque : le dialogue entre religions avec la conscience commune que le matérialisme (et ses épigones l’économisme et les cynismes ayant investi politique et démocratie à leur ôter toute sincérité et toute prise) fait courir l’humanité à sa perte spirituelle et la met en grand danger physique… l’humanité et ses chemins, mes difficultés quotidiennes à être fécond, les structures simples d’attention à notre fille que nous cherchons et trouvons en couple, e l’histoire universelle au bonheur de vivre une existence humaine tellement finie et limitée et pourtant porte de tout, Genèse ! Nos textes, le Christ prennent résolument parti et le secret semble de d’abord rompre : Dieu connaît vos cœurs, car ce qui est prestigieux chez les hommes est une chose abominable aux yeux de Dieu. [1] Suite de l’intendant indélicat mais astucieux, choix entre les divers maîtres (de vie), raisonnements simples : si vous n’avez pas été dignes de confiance pour des biens étrangers, le vôtre, qui vous le donnera ? Observations d’actualité car les grandes œuvres caritatives fondées par des gens de foi mais habiles : l’Abbé Pierre ou Mère Teresa, les grands fondateurs d’ordre religieux naguère, ont un rapport avec l’argent et une pérennité que n’ont plus les grandes constructions financières (on ne dit plus industrielles, puisque tout dépend du financement, au lieu qu’autrefois c’était l’industrie qui générait de la finance). Les premiers, seuls fondateurs, usent de l’argent, les seconds, les maîtres de notre époque jusqu’à l’émeute généralisée et irrépressible, sont dévorés par l’argent et comme tout les véhicule en modèle de réussite, nous dévorent ou nous accablent de ce que nous croyons notre échec, puisqu’au bas de l’échelle sociale et de ses vénérations, puisqu’angoissés dès le 5 (ou le 7) du mois. Ce qui est digne de confiance dans une toute petite affaire est digne de confiance dans une grande. Jésus, d’ascendance sans doute prestigieuse, mais il n’était pas le seul à descendre de David (par un père adoptif, mais qui aurait su et pu en faire la remarque : la paternité de Joseph et la lignée de David ne sont jamais mises en doute dans les récits rapportés par les évangélistes), en revanche d’extraction sociale fort modeste et laborieuse, a une connaissance sociologique de son temps et de son pays remarquable, de même qu’il a une psychologie exceptionnelle, car il accouche de leur vérité et de leur problématique d’un regard, au plus d’une phrase, pas toujours interrogative. S’il laisse libre, il est cependant impératif. La proposition divine – si j’entre en moi-même – est toujours claire, nous l’obscurcissons parce que nous avons toujours l’écran de nos projets personnels et d’une idée de Dieu très approximative, sinon fausse. Seule connaissance que nous avons – par force – celle de la vie humaine, de la vie (pas toujours respectée) et de notre misère totale, constante, pénible. Dieu nous en tire à domicile : voilà, le mystère qui est maintenant révélé ; il était resté dans le silence depuis toujours, mais aujourd’hui il est manifesté. Paul conclut sa lettre aux Romains par un memento des vivants, ses compagnons, ses bienfaiteurs, ses sauveurs, ses correspondants. Son aisance – trait de caractère et de sa prédication – à aller du plus affectif, du plus amical et personnel, du plus situé au plus universel, cosmogonique et cosmologique autant selon des perspectives et des synthèses qui lui sont propres et nous ont fondés, que selon l’Ecriture qu’il possède par sa formation hébraïque auprès du meilleur maître de son temps. D’âge en âge, on vantera tes œuvres, on proclamera tes exploits. Je redirai le récit de tes merveilles, ton éclat, ta gloire et ta splendeur. Ces textes dont seul le psalmiste nous remet en position de prier, émancipé et nu de toutes circonstances et de nos tracas, sont difficiles mais vrais : nos amitiés, nos contraintes, l’habileté qui est notre devoir, la distance tranquille et sereine qui est notre salut mais que je ne trouve qu’en Dieu, mon sauveur.

Jacques Chirac, acclamé à Brive-la-Gaillarde, ville de Jean Charbonnel, et entouré de François Hollande, dont Bernadette fait l’éloge et donne même quelques pronostics d’avenir. Quarante ans de mensonge sont ainsi couronnés. Un livre avec un « nègre » pas même remercié en sous-titre ou en exergue. Le quinquennat, le refus de démissionner après une dissolution manquée, un referendum perdu, une succession si peu maîtrisée qu’elle engendre Clearstream.

La secrétaire d’Etat à l’Outre-mer s’extasie : aucun Président de la République, hormis le régnant, n’a ainsi donné la parole à l’Outre-mer. Ainsi le referendum de 1958, les referendums aux Comores et à Djibouti ensuite, de Gaulle n’ont jamais existé. – Systématiquement la communication gouvernementale, c’est-à-dire présidentielle avec le relais rétrospectif d’un ministre ou d’un sous-ministre, met davantage davantage en valeur le communicant que le sujet censément traité. Bien entendu tout est promis pour la fin de 2011 afin que 2012 soit une simple logique de reconduction de ce que nous avons toléré depuis 2007.

Une publicité rédactionnelle pour une agence de voyages ou quelque organisateur de la chose – France Infos… « envie de voir d’autres horizons… un esprit haut de gamme, mais avec de l’authenticité par derrière ». Plus nous nous enfonçons vers un approfondissement et une perpétuation de la crise, de la paupérisation, plus le luxe de très peu de gens est affirmé. Il est devenu crâne d’être riche et d’en jouir en termes de volupté et de pouvoir sur les autres. L’histoire ne parle plus à personne, l’image de la danse sur le volcan n’est évoquée par personne.

Le Brésil, Lévi-Strauss y passe à peine trois ans, enseignant à Sao Paulo : il y a trouvé la base et les matériaux de tous ses travaux et en fait de toute sa carrière, transposer le particulier pour comprendre le tout. Un ancien journaliste explique que le pays lui donne le matériau de ses romans : Jean-Christophe Granger. Un pays qui sert…

Un film, fondé sur les carnets de Félix Faure dont je n’avais pas vu la publication. La maîtresse mariée du Président de la République, les papiers de ce dernier donnant les clés du scandale de Panama (genre « journal du septennat » de Vincent Auriol ?) et surtout l’enjeu de l’affaire Dreyfus. Les assises pour deux meurtres et l’acquittement peut-être pour avoir rendu, par sa fille, les carnets présidentiels au successeur ? On brode, avec fierté…, sur les amours de chefs d’Etat. La séduction « concrétisée par la sexualité » domine la politique, tout dans l’affichage. Ainsi se creuse de plus en plus la distance entre quelques possédants : « un jeu qui à la différence de l’amour est une valeur », dit une commentante. Le charme du pouvoir et le pouvoir du charme. Quand les dirigeants sont de plus en plus à côté du sujet ou de leur mission. – Témoignages de Roland Dumas sur la séduction, de Kiejman sur le phallus social, mais vérité de François Léotard : être aimé de qui, et la leçon de son frère Philippe.

La France, que je crois soumise à une entreprise de destruction pièce à pièce – pas du tout dans les termes chers aux souverainistes, mais en patrimoine et en originalité – est donc contrainte à la futilité alors qu’elle court à la misère. Mentale et matérielle. Tout le système – économie, politique, argent mélangés – travaille à l’atomisation, à l’individualisation, donc à l’organisation d’un vivier où les individus s’entre-dévorent, pas de solidarité, plus de syndicalisme, pas de collectif, et ainsi pas de mouvement social et à terme l’autocratie politique. Etat actuel ? mais vérité de l’avenir ? je ne le crois. Explosion ou pression grandissante, séquestration de dirigeants, déferlement dans la rue, selon des grèves ? je ne le sais pas, mais certainement tout le contraire du « people » ou d’une histoire de la France selon les séductions exercés sur l’autre sexe ou sur les électeurs…

Je dirai plus tard ou plus loin deux choses auxquelles je tiens. La première – d’expérience personnelle – sur ce qu’est à mon sens la séduction. La seconde est ce que doit nous inspirer l’autocratie actuelle dans notre pays : pourquoi ? la tolérance à l’évidence de tous, la fascination morbide sinon sexuée devant la destruction des tabous, des acquis, des structures, le culot. Mais une tolérance qui vient de ce qu’une éventuelle contestation ou résistance n’ont pas d’appui, d’adossement. Les Etats-Unis, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, maintenant l’Italie – avec la levée de toute immunité pour Berlusconi – ont des contre-pouvoirs, des corps intermédiaires. Il faut négocier entre égaux et sans révérence. Dans cette dialectique, dans cet espace-temps, la citoyenneté trouve l’efficacité de son expression.

J’écris ces lignes – comme à mes trente ans, je rédigeais mes articles pour Le Monde – en ayant la télévision dans mon dos, des voix et parfois l’image que je prends en me levant. Frappé de la cécité autant des commentateurs que des acteurs : les spectateurs, nous, sommes lucides mais l’on confond dans le commentaire et sur la scène, le refus de nous entendre avec du mutisme. – Un entretien, de 1990, avec Sarkozy (Nicolas), une ressemblance hallucinante avec son fils (Jean) aujourd’hui. Il répète alors que son métier est la politique… autrement dit, si le succès et le présent sont regardés de loin comme ils le seront plus tard et rétrospectivement, c’est de l’autisme.

« Ce soir, c’est la victoire de la France, il n’y a qu’une seule France. » Ainsi est niée la possibilité-même d’une opposition. La faiblesse du commentaire politique en France, ces années-ci, me semble tenir au manque total de mémoire et des journalistes et des acteurs. Le présent règne… cécité pour l’avenir, amnésie pour le passé. Dogmatique de la fin des idéologies, paternalisme des pédagogies du commentateur autant que du dirigeant. Affirmation ressassée qu’aucune alternative n’est ni imaginable ni possible : le mental comme le physique consacreraient pour l’éternité l’existant. Nous avons tellement rétréci que Prométhée qui, dans les anciennes versions, allait au ciel et introduisait la technique sur la terre, n’est plus aujourd’hui que le bateleur de petits tréteaux jouant sous tente.


Chambre d’échos : l’exercice du pouvoir par Sarkozy, sans considération ni des thèmes et choix, ni de l’impopularité de la personne et de la censure sur ce pouvoir. Lévi-Strauss sur-cité et sur-commenté… avec le mur de Berlin, ce qui éclipse totalement Obama. Celui-ci au Congrès pour sa politique hospitalière et sociale, très innovante parce qu’allant vers les manières de l’Europe. Et apparition d’une parentèle nombreuse puisque son père s’est marié plusieurs fois.


Mais aujourd’hui, l’accessoire et l’essentiel.

L’accessoire, à Angers, François Fillon inaugurant un si-ège du Crédit agricole croit avoir la compétence et les moyens pour prier les banques de se doter de fonds propres de manière à s’assurer elles-mêmes, en cas de crise. Or, d’une part, nous sommes dans ce cas depuis au moins un an et très officiellement, secundo, les banques accumulent – en sus des aides de l’Etat, pas encore remboursées – des bénéfices comme si de rien n’était, tertio, elles empirent leurs comportement vis-à-vis des entreprises et des ménages, le tout impunément : alors qu’est-ce que ce discours ? sinon le système adopté par Nicolas Sarkozy depuis un an, donner la sensation d’être du côté du public, sinon du peuple sans cependant rien changer pratiquement à la totale liberté de mouvements des fautifs, pourtant les plus voyants, de la « crise ». En face, une vingtaine de policiers ne comprenant pas qu’on ne tienne pas la promesse réitérée depuis plusieurs années du renforcement d’un commissariat, et qu’au contraire on le transfère au Mans. Des moyens aux banques, privées, pas de moyens au service public, même sécuritaire.

L’essentiel. Une papeterie-librairie-fournitures en tous genres pour le scolaire. J’y passe, comme assez souvent et remarque une employée, jeune femme souriante mais esseulée, à colorier, dessiner, démontrer ? à une table, produits pour le dessin et autres étalés. Karine dit l’étiquette à son chemisier. Je lui souhaite donc sa fête, j’entends son accent, place ma familiarité de la région comprise entre Castelnaudary et le Minervois, elle est plus à l’ouest et fait remarquer que les accents et langues en pays d’oc se maintiennent dans les villages ruraux subsistants, que les particularismes se constatent d’un village à l’autre. Nous disons ensemble que c’est un trésor. Les beurs apportent, en accent et en vocabulaire, une richesse inattendue, mais n’oublions-nous pas notre fonds originel ? nous n’évoquons pas le « grand débat sur l’identité nationale ». Elle me dit sa reconnaissance pour la conversation, les vœux et d’avoir ainsi rompu sa solitude. Au travail et puis une Landaise ou une Gersoise ? en Bretagne.


[1] - Paul aux Romains XVI 3 à 22 passim ; psaume CXLV ; évangile selon saint Luc XVI 9 à 15

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