La télévision, mardi soir, la France de Mitterrand et la réunion des deux Républiques allemandes, puis des mises bout à bout d’archives et d’entretiens pour la mémoire de Lévi-Strauss et hier soir, film de reconstitution de la liaison du président Félix Faure avec les recoupements nouveaux que la publication des carnets de ce dernier produit avec l’ « affaire Dreyfus » et le « scandale de Panama ». C’est suivi d’une longue lecture illustrée d’images et de témoignages sur la relation séduction-pouvoir – documents sur une cinquantaine d’années du mariage de Rainier III au dernier en date de l’actuel président de la République française, avec des excursi vers Marilyn Monroe et Jackie Kennedy. Bien sûr, j’y vois l’ambivalence de l’outil, une fois accepté chez soi, et sans préjudice de la chronophagie : vivre ce que vivent d’autres téléspectateurs en même temps que soi en termes d’information, mais aussi, ensemble et chacun, le risque de réduction de nos champs d’observation et de réflexion. Depuis mes vingt-cinq ans, j’ai toujours regardé « l’étrange lucarne » plume en main ou écritoire ouvert, en sorte qu’à la manière dont aussi je lis (quel que soit le texte), je dialogue et pars vers une aventure, celle de l’approfondissement ou de la digression. Mais l’ensemble donne à penser au très sérieux de la vie au moment où elle est vêcue et à la superficialité de tout témoignage rétrospectif s’il n’y a plus l’enjeu de la vie, cela pour le mur de Berlin. Comment une vie intellectuelle peut trouver son fondement et son matériau à partir desquels tout sera bâti par analogie ou par instrumentation de soi selon l’inspiration produite par le matériau (Lévi-Strauss ne se savait pas d’identité, mais se ressentait comme un lieu traversé : sans doute par son travail, sa construction mentale) ? Comment dans l’étude des multiples cas de relation séduction-pouvoir, on va du particulier au système et retour, comment la dialectique produite est davantage celle du dominant et de l’emprisonné que de l’amour mutuel, contrainte égale pour le geôlier, l’amuseur public et pour le peuple ou les papillons qui distraient également le prince et le parterre ?
Je suis frappé que la parabole ne soit pas prise pour notre relation à Dieu. Pris par la politique et la politique permettant plus facilement l’amour – guillemets – et ce que nous prenons trop souvent pour sa rétribution ou son accessoire : le plaisir multi-forme, nous ne réalisons pas que la séduction divine fait-provoque une vie entière, celle des saints, mais la nôtre très probablement aussi, sans que nous sachions le déchiffrer. Nous ne réalisons pas la sympathie de Dieu pour sa créature que nous sommes et pour l’entier de sa création (ce qui justifie et fonde toute écologie et toute solidarité). Ces spectacles me disent notre responsabilité de vivre, de faire dans notre vie l’événement et la décision, et me font distinguer la relation aimante en spirituel de la relation mutuellement prédatrice et de dépendance entre l’exercice du pouvoir et ceux que ce pouvoir, plus encore que les personnes qui l’exercent, attirent. Eve encore plus qu’Adam. Et ce fut cette ligne droite que nous cherchons, agnostiques fondamentaux, en courant à l’arbre de la connaissance puis à celui de la vie, nous servir nous-mêmes, en fait accéder au pouvoir, sans même vivre ce que les paraboles de l’histoire « people » ou politique recèlent : une certaine admiration pour l’autre, qui possédant ou convoité, a quelque temps la supériorité et à un moment différent le rôle de la demande. Dieu dissout ces rapports de force et bien entendu apporte à notre mouvement puis à nos aboutissements une pérennité et une totalité dont seul l’amour conjugal donne le pressentiment. L’enfant est appelé à l’amour conjugal et, après le Christ enseignant, Paul, l’apôtre, a le génie de nous faire voir et vivre l’imbrication et le nœud ensemble de l’amour sponsal et de l’amour filial-parental. Trop aguicheuses et voyeuses, les paraboles d’hier ne pouvaient évidemment aller au plus vrai qui est le difficile. Difficile à énoncer et ne se vit qu’en le recevant.
Jésus est entré dans nos dialectiques et nos expériences, quand il caricature la hiérarchie de son temps, ne s’en prenant jamais à l’occupant romain, mais constamment, obsessivement à ceux qui détiennent le pouvoir du rite et la place sociale. Ils dévorent les biens des veuves et affectent de prier longuement ; ils seront d’autant plus sévèrement condamnés. Hors de ces hiérarchies, de ces modes et donc du système illustré hier soir à tant de degrés, celui de la flagornerie, Jésus – avec une tranquillité et une acuité de regard qui bouleversent – commente cet instant et son personnage, héroïque et simple. Une pauvre veuve s’avança et déposa deux piécettes… Le Christ lui a-t-il adressé la parole ou la femme avait-elle par sa vie entière résumée en ce moment et en ce geste, déjà reçu la plénitude des promesses divines ? Il la montre en exemple : cette pauvre veuve a mis dans le tronc plus que tout le monde. Car tous, ils ont pris sur leur superflu, mais elle, elle a pris sur son indigence : elle a tout donné, tout ce qu’elle avait pour vivre. Le seul témoignage juste hier soir, parce qu’il était un commentaire, fut celui de François LEOTARD, marqué par son frère Philippe, aimé et en somme envié pour sa vie intime et une échelle de valeurs que le brillant instigateur de « la bande à Léo. » et des quadras en blouson de cuir qui allèrent un temps avec, a su rejoindre de son vivant en démissionnant de toutes apparences. Seul des cmmentateurs, des témoins ou des « héros » évoqués, il était libre, surtout vis-à-vis de son passé, qui n’avait été – consciemment – qu’un passage. Comportement immédiat qui est acte de foi autant que considération du possible : la veuve de Sarepta, les dernières cartouches dirait-on, les meubles que PALISSY met au feu, mais une technique de l’émail fut découverte et jarre de farine point ne s’épuisera, vase d’huile point ne se videra, jusqu’au jour où le Seigneur donnera la pluie pour arroser la terre. Comment Dieu nous répond-il ainsi ? Le déiste, le Juif, le musulman répondent – me semble-t-il – par la gratuité, la toute-puissance et la nature-même du Très-Haut, la bonté et la miséricorde-même. Aller à Dieu ainsi est suprême, direct, fort, quoique ce soit aussi une école d’abandon d’autant plus impressionnante que c’est la foi pure, plus transperçante que l’espérance qui ne s’en mêle guère. Pour les plus faibles – je ne fais pas ici une pétition de vérité – le christianisme apporte une décisive facilité : à la création de l’homme à l’image de Dieu, répondent l’incarnation de Dieu, sa chair humaine, son enfantement, sa mort et son envelissement, les mots humains recueillis par les apôtres, les colères et les lassitudes, les dialogues, les miracles simples. En fait, la rédemption en acte : il s’est manifesté pour détruire le péché par son sacrifice. Car la dialectique de toute vie humaine ne met pas en question nos capacités natives ou personnelles, elle nous montre combien – ce qui peut s’appeler le péché, et qui est bien notre nature déchue – nous sommes limités et empêchés. Le Christ, après s’être offert une seule fois pour enlever les péchés de la multitude, apparaîtra une seconde fois, non plus à cause du péché, mais pour le salut de ceux qui l’attendent. Le mystère se rétrécit mais la gerbe est encore plus serrée, car Jésus s’évertue pendant trois ans et depuis, par les siècles de l’Eglise, et les tâtons de l’Esprit en tous, à nous enseigner une vérité et le comportement humain qui en découle : notre liberté, alors que tout dépendra de Lui, de sa mort, de sa résuurection et de sa parousie. De la distraction d’hier à l’Introit de ce petit matin. [1]
Télévision : Action directe à la suite du film-culte sur Edith PIAF…
Le « débat sur l’identité nationale »
[1] - 1er Rois XVII 10 à 16 ; psaume CXVI ; lettre aux Hébreux IX 24 à 28 ; évangile selon saint Matthier XII 38 à 44
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