jeudi 13 octobre 2016

que penser ? du débat donné par TF1


. Un exercice long, deux heures vingt-six minutes, et qui m’a lassé. Je suppose que je n’ai pas été le seul dans cette sensation. Une inconnue de taille : y en aura-t-il un autre ? car n’ont été évoquées sinon traitées que quelques interrogations, courantes mais à mon sens pas fondamentales. L’argent public et donc la dépense publique et donc les fonctionnaires qui sont la variable des gestions publiques apparentes : ce syllogisme est évidemment un corset et fait bon marché de toute l’économie publique, de l’attachement général au service public, et réduit singulièrement l’examen du pays. La sécurité et l’immigration, de façon peu ordonnée alors que le précédent point était au contraire trop cadré : en vrac sur l’identité nationale, les valeurs, l’Islam, le daech, la laïcité. L’ensemble, sans doute du fait de l’organisation de ce débat, donnait une impression de grande banalité et aucun saillant. Chacun étant censé avoir dix-sept minutes pour exprimer ses vues et proposotions, ne disposait en réalité de rien qu’un test de personnalité dans une situation sans doute inconnue jusques là par chacun des participants : l’égalité de statut pour des personnalités, sans doute notoires, à l’exception d’un Jean-Frédéric POISSON, que le téléspectateur a donc découvertes dans une posture insolite, sans révérence et sans qu’aucune ne dispose de l’ordre du jour. D’habitude, les entretiens sont centrés sur une seule personnalité, pour laquelle on a des égards et qui, même fouaillée, a la maîtrise du jeu.

Qu’en ressort-il ?deux « choses » à mon sens. Dans cette famille politique, à l’exception du « centriste » qui viendrait de l’école BOUTIN, l’unanimité est faite contre l’immigration, au moins quantitativement, et contre la fonction publique d’Etat ou des collectivités locales. Une analyse sommaire semble partagée par tous : on ne travaille pas assez en France, on y paye trop d’impôts et diminuer les charges libèrera l’économie, donc dégagera de la croissance. Quant à l’immigration, assimilée à la pratique de l’Islam, elle est un corps étranger à la France. Ces deux thèmes et cette analyse me semblent irréalistes. Quels que soient les textes, quelles que soient les vigilances, l’afflux du sud vers le nord est un fait massif de notre époque. Il manifeste une évidence dont nos origines communes à l’ensemble des pays européens devraient continuer de nous pénétrer : il y a un continuum humain et stratégique entre l’Afrique, l’Europe et le Proche-Orient. Il faut regarder l’ensemble, et la mise à niveau économique, social et démocratique des rives orientale et méridionale de la Méditerranée ne se fera pas en quelques années, mais elle se fera et nous ne pouvons l’éviter. Cela domine nos sociétés et nos économies. Absente du débat, pas parce que ce n’était pas un des thèmes explicites, mais parce que ce n’est le cheminement et la dialectique de pensée d’aucun des candidats d’hier soir : l’Europe, la nécessaire coopération, les nécessaires mises en commun, l’évidente solidarité humaine culturelle et stratégique, qu’on la veuille ou pas. Personne n’a montré quelque pointe que ce soit vers l’Europe, sauf des allusions à Maastricht et aux fameux critères. Sans que ce soit vraiment souligné, il est bien apparu qu’aucun des candidats n’imagine une croissance économique franche, autour de 4 ou 5%, à l’horizon du prochain mandat et même de celui qui suivra. On est donc dans le constat d’un chômage durable. Un pays stagnant, qu’on ne soignerait que dans le détail : vg. les retraites, vg. des impositions-phares comme l’ISF ou la TVA. Aucune dynamique pour soulever le pays, l’enlever, en changer l’allure, et d’ailleurs aucun candidat n’a vraiment rayonné une dynamique.

La deuxième chose que je retiens est évidemment le test de personnalités. Il se fait de deux manières. Le maintien de chacun, les idées un peu nouvelles ou un peu mieux dites. Je commence par les idées. Les retraites à point quel que soit le statut économique me paraît quelque chose à creuser : on y trouverait de la visibilité et de l’universalité. De même, une relation au travail quel que soit le genre de celui-ci qui serait juridiquement uniforme : le contrat. Plus de statut, même les obligations statutaires des régimes publics ou parapublics peuvent être contenues dans des contrats. Il faut reconnaître que ces deux propositions, évidemment à approfondir, sont le fait d’une seule personnalité, Nathalie KOSCIUSZKO-MORIZET (la seule femme aussi et la seule à porter du rouge…). Thématiquement, je n’ai rien observé d’autres, le jeu entre l’imposition directe et la TVA, que propose Jean-François COPE n’est pas « bête » mais pas original non plus.

Les personnalités. C’était en fait tout « l’intérêt » de cette mise à l’encan. Alain JUPPE, jugé favori par les sondages et plus encore par les paris, les commentateurs et tout ce qui contribue à une scène publique qui n’est pas forcément l’avenir ni l’impression générale des Français, Alain JUPPE – pour moi – a été terne, âgé, laborieux, sans éclat, rappelant souvent soit Jacques CHIRAC en élocution et pose, soit Valéry GISCARD d’ESTAING en visage. Ce qui accentue la sensation de déjà vu, et donc de périmé. Pétition : je suis prêt et déterminé. FH répétait qu’il s’était préparé.  Bruno LE MAIRE, pour lequel j’avais tendance à incliner ces semaines-ci tout en ayant été souvent sensible ces derniers mois à ses dérives vers l’extrême-droite, a confirmé ces dérives : il manque de présence, cela tient autant à un visage peu expressif, qu’à une totale absence d’autorité dans l’exposé. Tout s’est passé comme s’il acceptait un report de destin s’il en a un, et qu’il passe son tour. NKM est intéressante, originale. Ce qui ne veut pas forcément dire : attachante. Je sais d’ailleurs que l’époque, soit du pays, soit de ma propre vie, n’est plus aux relations personnelles avec la gent politique. A mes vingt-cinq-trente ans, j’ai rencontré tout le monde, anciens ministres de tous bords, directeurs de journaux, grands éditeurs. Ce me semble aujourd’hui impossible, sauf la tentative que j’appelle mon ordalie et à laquelle je vais maintenant me consacrer, sans regretter de m’y prendre apparemment très tard : au contraire, je n’en serai que plus différent pour tous ceux, dans les domaines politiques, médiatiques, éditoriaux, qui auront eu le temps de méditer et de constater le peu de relief de notre géographie humaine en 2016-2017…

Evidemment, Nicolas SARKOZY est hors de combat. Même s’il souligne n’avoir jamais été condamné en 37 ans de vie politique, il est acquis qu’on peut le suspecter de presque tout, et d’ailleurs il est mis en examen dans une dizaine d’affaires. Seul de son espèce, car, même si cela n’a pas redit, la condamnation d’Alain JUPPE est en fait celui d’un exécutant : la faute est à CHIRAC. Même s’il n’y avait pas cette situation juridique, NS n’a rien à dire et n’a rien dit, qu’invoquer comme depuis 2012 son expérience et son énergie. Cela n’en fait pas l’homme de l’avenir, au contraire. Restent les deux candidats qui m’ont plu. François FILLON s’est – pour moi et pour ma chère femme – révélé. Le plus précis, le plus sérieux, le plus complet, le plus autorisé, et de loin. Il ne « la ramène pas », ce n’est que mezzo voce qu’il a rappelé que la compétition est ouverte et non pas binaire entre AJ et NS. Sans doute, il y a cet incident (grave ?) à propos de sa démarche à l’Elysée, et accuse-t-il Jean-Pierre JOUYET de mensonge. C’est un excursus que je crois mineur.  Nous comptons, Edith et moi, participer aux deux primaires, droite et gauche pour distinguer ceux que nous voulons en joute. Les signatures au bas d’un code de valeurs ne nous embarrasserons pas, nous sommes entre Français et il est certain que ces papiers à droite comme à gauche seront honorables. Donc, FILLON pour la droite, ou… ou… la vraie révélation, c’est ce massif Jean-Frédéric POISSON, très rad.soc. quoique censément chrétien et centriste, candidat à la primaire auto-proclamé, mais seul à parler Etat et à lier l’Etat à la France, et probablement le moins éloigné d’une perspective européenne pour traiter chaque sujet. Il parle avec clarté et son physique ni particulier ni banal impose et est adéquat.

L’ensemble de ces réflexions et de ce qui vient d'être vécu ce soir doit se situer dans un contexte précis, et une grave dérive également. Le contexte précis est la confrontation de nos pauvres démocraties et d’un Vieux Monde absolument pas organisé en tant qu’une union politique et économique, avec deux dictatures qui ne s’embarrassent d’aucune procédure pour la dévolution du pouvoir. POUTINE est maître de la Russie à vie, aussi indiscutable chez lui que le furent les tzars et STALINE. Il ne quittera le pouvoir que de mort naturelle ou violente : son visage sans la moindre pilosité est boursouflé, comme in dit : « il ne fait pas santé ». Quant à la Chine, l’argent et le pouvoir sont occultes, nous subissons seulement le débordement du vase. S’il y a invasion à redouter, elle n’est pas humaine et religieuse comme à tort c’est ressassé et redouté chez nous, elle est économique et financière. L’humanité aboutit toujours au partage et à un certain métissage, au moins à la mixité et à de nouvelles organisations des relations, et il peut y avoir du bonheur ensemble. Tandis que la main-mise financière sur l’Europe en vitrine et l’Afrique en matières premières, est une prise de pouvoir par un système dont nous ne savons rien et sur lequel nous n’avons aucune influence à vue humaine. La grave dérive est mentale, chez nous : ces classifications droite-gauche. Elles ne sont nullement une hérédité, une tradition française. Elles datent du départ du général de GAULLE et de l’incompréhension qui a suivi s’agissant de nos institutions. Si celles-ci organisent une bipolarité, elles n’imposent ni la permanence des agencements et même de la composition de chaque pôle, elles organisent seulement la possibilité de décider et d’exécuter. Cette grave dérive n’a pas été d’abord dangereuse, car elle a permis un renouvellement des ayant-droits en politique, et aussi elle a dégagé des alternatives de politiques économiques et sociales, pas aussi saillantes et clivées qu’on le fait croire en raisonnant droite-gauche, mais mentalement assez nettes. En fait, il manque, depuis la mort de MITTERRAND des autorités morales en politique, et un exercice plein de la fonction présidentielle : CHIRAC a été immobile puisque manipulé et peu structuré, hors sa brigue du pouvoir. Le pouvoir obtenu, il n’a plus rien dit ni fait sauf un discours presqu’ultime lors des graves échauffourées en banlieue, contrant là un SARKOZY désormais aux manettes de toute la droite. Sur NS, tout a été dit, il a été enfanté par l’absence de JC, il a donné cours aux thèmes lepénistes, il a comme son prédécesseur, un seul actif : le discours de Toulon à l’orée de la crise des subprimes et un bon réflexe, alors, d’associer les Britanniques aux tenues monétaires et bancaires de l’Europe. Alors François HOLLANDE, l’ébahissement devient maintenant total : ces tomes et ces tomes de confidences. Pas inintéressants peut-être, trop copieux pour être révélateurs de quoi que ce soit sinon d’un narcissisme stérile, l’ensemble aurait dû ne paraître que dans dix ans, loin de l’exercice du pouvoir. Ebahissement surtout d’occuper ainsi les médias, et surtout l’agenda du chef de l’Etat, ces centaines d’heures à parler de soi, au lieu de travailler personnellement, solitairement ou avec des ministres, ou même en recevant des anonymes, voire un quidam tel que moi. Est-ce un suicide comme il est dit maintenant ? je ne sais pas. Dans un tout autre genre, le referendum absolument voulu par de GAULLE et qui aurait été gagné avant Noël 1968 mais fut perdu au printemps de 1969 pour avoir trop mijoté, a été présenté ensuite comme un « suicide politique ». Je n’en suis absolument pas d’accord : c’est au contraire la légitimation des prérogatives présidentielles : le Président peut être sanctionné et donc amené à démissionner, car on ne fait rien en politique – dixit DG d’ailleurs – sans l’appui du peuple. Voilà…

Conclusion tranquille et triste, aucun changement à espérer du fait de nos politiques. Ce sera le fait des circonstances, surtout extérieures. Nous ne déclinons que parce que nous subissons que parce que nous avons cessé de faire référence et de vouloir un avenir pour nous et pour les autres. Du barbouillage, plus de chef d’œuvre.

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